Numéro 3 - Mars 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2024

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION

1re Civ., 13 mars 2024, n° 21-17.599, (B), FRH

Rejet

Domaine d'application – Etat étranger – Immunité d'exécution – Exclusion – Cas

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 2021), en juin 2020, la société Commissions import export (Commisimpex) a, en exécution de deux sentences arbitrales condamnant la République du Congo à lui payer diverses sommes, pratiqué une saisie d'un aéronef lui appartenant.

2. La République du Congo a saisi un juge de l'exécution en nullité et mainlevée de la saisie.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et le troisième moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui s'agissant de la troisième branche du deuxième moyen est irrecevable, et qui, pour le surplus, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche et le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé des moyens

4. Par son premier moyen, la République du Congo fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de mainlevée de la saisie du 8 juin 2020 et de dommages et intérêts, alors « que l'immunité d'exécution diplomatique s'applique à l'ensemble des biens affectés par un Etat étranger à l'exercice de ses activités diplomatiques, y compris par son chef d'Etat ou les membres du pouvoir exécutif ; que l'exigence d'une renonciation expresse et spéciale de l'Etat concerné à cette immunité s'applique indistinctement aux biens relevant de la mission diplomatique de l'Etat en France, ainsi qu'à l'ensemble des biens affectés à son activité diplomatique, y compris à l'étranger ; qu'en retenant que l'arrêt du 27 février 2020, ayant autorisé la société Commisimpex à pratiquer des mesures d'exécution forcé sur tous les biens appartenant à la République du Congo, « à l'exception de biens, dont les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique de cet État », devait être interprété comme excluant uniquement du champ de l'autorisation les biens de l'ambassade de la République du Congo, quand l'ensemble des biens appartenant à la République du Congo et affecté à l'exercice de son activité diplomatique, jouissait de la même immunité d'exécution, la cour d'appel a encore violé les articles L. 111-1, L. 111-1-1, L. 111-1-2, 1° et 3°, et L. 111-1-3 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 4 du code de procédure civile. »

5. Par son deuxième moyen, la République du Congo fait le même grief à l'arrêt, alors « qu' une mesure d'exécution forcée visant un bien appartenant à un Etat étranger ne peut être autorisée par le juge que lorsque l'Etat concerné a expressément consenti à l'application d'une telle mesure ; que la renonciation de l'Etat concerné à l'immunité dont il dispose au titre des biens utilisés ou destinés à être utilisés pour l'exercice de ses relations diplomatiques doit être expresse et spéciale ; qu'en jugeant, pour valider la saisie-vente litigieuse, que la République du Congo avait « renoncé à son immunité d'exécution et que le Falcon est saisissable par seule application de l'article L. 111-1-2 1° du code des procédures civiles d'exécution », sans rechercher si l'aéronef objet de la saisie n'était pas utilisé pour l'exercice de l'activité diplomatique de la République du Congo, ce dont il résultait comme le faisait valoir la République du Congo, qu'une mesure d'exécution forcée sur ce bien n'était valable qu'à la condition que cet Etat ait expressément et spécialement renoncé à son immunité d'exécution sur ce bien, la cour d'appel a méconnu les articles L. 111-1-2, 1° et L. 111-1-3 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

6. Selon les principes du droit international coutumier reflétés par la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur les immunités des Etats et de leurs biens, la renonciation expresse à l'immunité d'exécution suffit pour que les biens d'un Etat, quels qu'ils soient, puissent faire l'objet d'une mesure d'exécution, sans que soit en outre requise une renonciation spéciale.

7. Toutefois, selon l'article 22, § 3 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, les locaux de la mission, leur ameublement et les autres objets qui s'y trouvent, ainsi que les moyens de transport de la mission, ne peuvent faire l'objet d'aucune saisie ou mesure d'exécution.

8. Il en résulte que doivent être interprétées strictement les dispositions de l'article L. 111-1-3 du code des procédures civiles d'exécution, selon lesquelles les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique des Etats étrangers ou de leurs postes consulaires, de leurs missions spéciales ou de leurs missions auprès des organisations internationales ne peuvent faire l'objet de mesures conservatoires ou de mesures d'exécution forcée qu'en cas de renonciation expresse et spéciale des Etats concernés.

9. Ayant relevé qu'il n'était ni soutenu ni démontré que l'aéronef saisi faisait partie des moyens mis à la disposition de la mission diplomatique en France de la République du Congo, la cour d'appel, qui a, à bon droit, retenu que les fonctions d'une mission diplomatique se distinguaient de l'activité diplomatique exercée par un chef d'Etat, en a exactement déduit que la renonciation expresse à l'immunité d'exécution, consentie par cet Etat dans le litige l'opposant à la société Commisimpex, suffisait pour que l'actif en cause affecté à la présidence de la République puisse faire l'objet d'une mesure d'exécution, sans que soit, en outre, requise une renonciation spéciale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Champalaune - Rapporteur : M. Ancel - Avocat(s) : SCP Gouz-Fitoussi ; SARL Ortscheidt -

Textes visés :

Principes du droit international coutumier reflétés par la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur les immunités des Etats et de leurs biens ; article 22, § 3, de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques ; article L. 111-1-3 du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 13 avril 2023, pourvoi n° 18-20.915, Bull., (rejet).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.