Numéro 3 - Mars 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2023

SUBROGATION

2e Civ., 30 mars 2023, n° 21-17.466, (B), FS

Cassation partielle

Subrogation légale – Cas – Accident de la circulation – Recours subrogatoire de l'assureur – Exclusion – Cas

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er avril 2021), le 28 avril 2016, alors qu'il pilotait sa motocyclette, [M] [F] a heurté un feu tricolore après avoir entrepris une manœuvre de dépassement, par la droite, du véhicule conduit par Mme [G], à l'intérieur duquel M. [X] occupait la place de passager arrière droit.

3. [M] [F] est décédé des suites de ses blessures.

4. M. [A] [F], Mme [U], Mme [P], tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de l'enfant mineur [S] [F] et Mme [F], respectivement père, mère, épouse et soeur de la victime, ont assigné Mme [G], en qualité de conductrice du véhicule impliqué, et la société Pacifica, son assureur (l'assureur), devant un tribunal de grande instance, en indemnisation des préjudices subis, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, de la commune d'[Localité 9] et de la Caisse nationale des agents des collectivités locales.

5. L'assureur a assigné en intervention forcée M. [X], afin que ce dernier le garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre, en raison de sa faute ayant consisté, alors qu'il était passager, à tendre le bras droit par la fenêtre du véhicule pour jeter la cendre de sa cigarette sur la chaussée, au moment où le conducteur de la motocyclette entreprenait sa manœuvre de dépassement.

6. La MAIF, assureur de responsabilité civile de M. [X], est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal de M. [X] et de la MAIF, pris en ses troisième à septième branches, et sur le moyen du pourvoi provoqué éventuel de Mme [G] et de la société Pacifica

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi principal de M. [X] et de la MAIF, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. M. [X] et la MAIF font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à relever et garantir intégralement Mme [G] et l'assureur de la condamnation prononcée à leur encontre alors « que lorsqu'il a été condamné à indemniser la victime, l'assureur du véhicule impliqué dans l'accident, qui est tenu de couvrir la responsabilité de ses passagers, ne peut exercer de recours subrogatoire à leur encontre ; que, dans leurs conclusions, ils faisaient valoir que, sauf à dénaturer le principe-même de sa garantie contractuelle, l'assureur, auprès duquel la conductrice avait souscrit un contrat d'assurance obligatoire de son véhicule, ne pouvait exercer d'action récursoire contre M. [X], passager dudit véhicule impliqué dans l'accident ; qu'en condamnant M. [X] à relever et garantir intégralement l'assureur de la condamnation prononcée à son encontre et tendant à l'indemnisation des ayants droit de la victime décédée, la cour d'appel a violé l'article L. 211-1, alinéa 2, du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 211-1 du code des assurances :

9. Selon le premier alinéa de ce texte, toute personne dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité.

10. Selon le deuxième alinéa, les contrats d'assurance couvrant cette responsabilité doivent également couvrir la responsabilité civile des passagers du véhicule objet de l'assurance.

11. Aux termes du troisième alinéa, l'assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire.

12. Il résulte de ces dispositions qu'après avoir indemnisé la victime d'un accident de la circulation sur le fondement de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, en raison de l'implication du véhicule objet de l'assurance, l'assureur, tenu de garantir également la responsabilité civile des passagers de ce véhicule, ne peut exercer de recours subrogatoire contre ces derniers.

13. Pour condamner in solidum M. [X] et la MAIF à relever et garantir intégralement le conducteur du véhicule impliqué et l'assureur, l'arrêt énonce qu'il est constant que ce dernier, qui a réglé la totalité des sommes allouées à la victime, dispose d'un recours subrogatoire à l'encontre du tiers à raison de sa faute personnelle, fondé sur le droit commun de la responsabilité civile.

14. L'arrêt ajoute que c'est vainement que M. [X] et la MAIF soutiennent que l'article L. 211-1 du code des assurances, parce qu'il fait bénéficier le passager de l'assurance couvrant la responsabilité civile du conducteur, ne pourrait l'exposer à un recours de ce dernier, dès lors que cette règle ne reçoit application que pour la détermination du droit à indemnisation de la victime et non lors de l'exercice ultérieur des recours entre coobligés.

15. En statuant ainsi, alors que M. [X], dont la responsabilité civile était garantie en sa qualité de passager, par l'assureur qui avait indemnisé les ayants droit de la victime, ne pouvait pas faire l'objet d'un recours subrogatoire, de la part de cet assureur, à raison de la faute qu'il avait commise, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour :

REJETTE le pourvoi provoqué éventuel de Mme [G] et la société Pacifica ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum M. [X] et la société Mutuelle assurance des instituteurs de France à relever et garantir intégralement Mme [G] et la société Pacifica de la condamnation prononcée à leur encontre, l'arrêt rendu le 1er avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Ittah - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Cabinet Rousseau et Tapie ; SARL Le Prado - Gilbert ; SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Article L. 211-1 du code des assurances ; Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 3 février 2005, pourvoi n° 04-10.342, Bull. 2005, II, n° 22 (cassation partielle).

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