Numéro 3 - Mars 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2023

SEPARATION DES POUVOIRS

Com., 22 mars 2023, n° 21-16.868, (B), FS

Cassation

Compétence – Domaine d'application – Pratiques anticoncurrentielles – Décision prise par l'Autorité de la concurrence – Cas – Demande tendant à interdire la publication d'une décision de sanction

Saisi en application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 (Com., 5 janvier 2022, pourvoi n° 21-16.868), le Tribunal des conflits a, par décision du 11 avril 2022 (Tribunal des conflits, 11 avril 2022, n° 04242, publié au Recueil Lebon), énoncé que « si les actions de communication de l'Autorité de la concurrence, autorité administrative indépendante, relèvent en principe de la compétence de la juridiction administrative, la diffusion par l'Autorité de la concurrence, concomitamment à la mise en ligne d'une décision de sanction sur son site internet, d'une vidéo et de commentaires se rapportant uniquement à cette sanction particulière n'est pas dissociable de la décision de sanction elle-même. Dès lors, le présent litige relève de la cour d'appel de Paris. » (§§ 6 et 7).

Dès lors, viole la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, le premier président, qui saisi de demandes relatives à une telle diffusion, se déclare incompétent pour statuer sur la demande formée par l'entreprise ayant fait l'objet de la sanction en question, sur le fondement de l'article L. 464-8 du code de commerce et tendant à faire cesser cette mise en ligne.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le délégué du premier président d'une cour d'appel (Paris, 12 mai 2021), par une décision n° 20-D-11 du 9 septembre 2020, l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) a sanctionné plusieurs sociétés du groupe Novartis et du groupe Roche (le groupe Roche), dont la société Roche, pour avoir abusé de leur position dominante collective sur le marché du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge exsudative, en mettant en oeuvre plusieurs pratiques contraires aux articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (le TFUE).

2.Les sociétés du groupe Roche ont formé un recours contre cette décision devant la cour d'appel de Paris. Puis, la société Roche a assigné en référé l'Autorité devant le délégué du premier président de cette juridiction en demandant, sur le fondement, notamment, de l'article L. 464-8 du code de commerce, qu'il soit enjoint à cette autorité de cesser toute publication relative à sa décision n° 20-D-11 et, à titre subsidiaire, qu'il lui soit enjoint, d'une part, de mentionner, dans toute déclaration relative à cette décision, l'existence d'un recours pendant devant la cour d'appel de Paris, d'autre part, de s'abstenir d'initier toute démarche, courrier ou autre forme de communication adressée à des tiers spécifiquement ciblés.

3. Par un arrêt du 5 janvier 2022, la Cour de cassation a renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de la compétence, en application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. La société Roche fait grief à l'ordonnance de déclarer le premier président de la cour d'appel de Paris incompétent pour statuer sur les demandes présentées à l'encontre de la communication de l'Autorité relative à la décision n° 20-D-11 et de la renvoyer à mieux se pourvoir, alors « qu'en considérant que la communication organisée par l'Autorité, sur une décision qu'elle avait rendue, ne pouvait être assimilée à une décision prononçant une injonction de publication, quand cette communication de l'Autorité poursuivait la même finalité que les injonctions de publication, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et l'article 11 de la loi du 24 mai 1872 relative au tribunal des conflits. »

Réponse de la Cour

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :

5. Répondant à la question précitée, le Tribunal des conflits a, par décision du 11 avril 2022 (n° 4242), énoncé que « si les actions de communication de l'Autorité de la concurrence, autorité administrative indépendante, relèvent en principe de la compétence de la juridiction administrative, la diffusion par l'Autorité de la concurrence, concomitamment à la mise en ligne d'une décision de sanction sur son site internet, d'une vidéo et de commentaires se rapportant uniquement à cette sanction particulière n'est pas dissociable de la décision de sanction elle-même. Dès lors, le présent litige relève de la cour d'appel de Paris. »

6. Conformément à l'article 11 de la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits, cette décision s'impose à toutes les juridictions judiciaires et administratives.

7. Il s'ensuit qu'en se déclarant incompétent pour statuer sur les demandes présentées par la société Roche contre la communication de l'Autorité relative à la décision n° 20-D-11 du 9 septembre 2020 et en renvoyant la requérante à mieux se pourvoir, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déclarant le premier président de la cour d'appel de Paris incompétent pour statuer sur les demandes présentées contre la communication de l'Autorité relative à la décision n° 20-D-11 et renvoyant les parties à mieux se pourvoir entraîne la cassation du chef de dispositif disant que la demande présentée par la société Roche ne constitue pas une demande de sursis à exécution et en conséquence la déclare irrecevable sur le fondement des articles L. 464-8 et R. 464-22 du code de commerce, lequel s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire dès lors qu'il résulte de la décision du Tribunal des conflits précitée qu'une demande tendant à faire cesser la diffusion par l'Autorité, concomitamment à la mise en ligne d'une décision de sanction sur son site internet, d'une vidéo et de commentaires se rapportant uniquement à une sanction particulière infligée au requérant, qui n'est pas dissociable de la décision elle-même, s'analyse en une demande de sursis à exécution au sens de l'article L. 464-8, alinéa 2, précité.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 12 mai 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président, autrement composée, de la cour d'appel de Paris.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Michel-Amsellem - Avocat général : M. Douvreleur - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre -

Textes visés :

Article L. 464-8 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur le caractère indissociable d'une décision de sanction et d'une vidéo et de commentaires se rapportant uniquement à cette sanction particulière, cf : Tribunal des conflits, 11 avril 2022, n° 04242, publié au Recueil Lebon.

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