Numéro 3 - Mars 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2023

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 16 mars 2023, n° 21-11.470, (B), FS

Cassation partielle

Caisse – Agents de contrôle – Obligation d'agrément et d'assermentation – Domaine – Exercice des prérogatives de puissance publique – Cas – Vérification des règles de tarification et de facturation des professionnels de santé

L'obligation d'agrément et d'assermentation prescrite par l'article L. 114-10, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale ne s'applique aux agents qui procèdent, sur le fondement de l'article L. 133-4 du même code, au contrôle de l'application des règles de tarification ou de facturation par un professionnel de santé que lorsqu'ils mettent en oeuvre des prérogatives de puissance publique. Tel est le cas notamment lorsqu'ils procèdent à une audition. L'absence de publication de l'agrément n'affectant pas son existence, elle est sans incidence sur la régularité des vérifications et enquêtes administratives auxquelles procède l'agent d'un organisme de sécurité sociale agréé et assermenté.

Caisse – Agents de contrôle – Obligation d'agrément et d'assermentation – Publication de l'agrément – Défaut – Effets – Validité des enquêtes administratives et vérifications

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 décembre 2020), à la suite d'un contrôle de l'application des règles de tarification et de facturation des actes professionnels, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes (la caisse) a notifié, le 25 juin 2013, à M. [R], infirmier libéral (le professionnel de santé), un indu d'un certain montant.

2. Le professionnel de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer recevable ce recours et d'annuler la notification d'indu et l'indu correspondant, alors « qu'une partie n'est pas recevable à former devant la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale une réclamation à l'encontre de la caisse qui n'a pas été soumise préalablement à la commission de recours amiable de cet organisme ; qu'en l'espèce, après avoir reçu une notification d'indu relative à un montant de 17 927,82 euros, le professionnel de santé avait demandé à la commission de recours amiable de la caisse « de mettre à néant les indus pour 13 343,68 euros et lui permettre de se libérer de la somme de 4 584,14 euros par mensualités de 700 euros » ; qu'aussi, le professionnel de santé était irrecevable à demander, devant les juges du fond, l'annulation de l'intégralité de la somme réclamée au titre de l'indu ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé ensemble les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

4. Il résulte du premier de ces textes que l'étendue de la saisine de la commission de recours amiable d'un organisme de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés et de non-salariés se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation et non en considération de la décision ultérieure de cette commission.

5. Il résulte de la combinaison du premier avec le second que le professionnel de santé qui conteste une notification d'indu peut, à l'occasion de son recours juridictionnel, invoquer d'autres moyens que ceux soulevés devant la commission de recours amiable, dès lors qu'ils concernent les anomalies de facturation et de tarification préalablement contestées.

6. Pour annuler en totalité l'indu, l'arrêt énonce que le professionnel de santé a présenté à la commission de recours amiable une demande tendant à l'annulation partielle de l'indu. Il retient qu'il est recevable à développer devant la juridiction de sécurité sociale tous les arguments venant au soutien de sa demande initiale, la commission de recours amiable ayant précisé que le recours dont elle était saisie, qui visait le bien-fondé de la créance, tendait à une révision de la décision de la caisse.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le professionnel de santé ne contestait qu'une partie de l'indu, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches

Enoncé du moyen

8. La caisse fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit applicables en la matière ; qu'en l'espèce, en se fondant, pour décider d'annuler la notification d'indu en date du 25 juin 2013 et l'intégralité de l'indu litigieux puis débouter la caisse de sa demande en paiement du solde de sa créance, sur les dispositions des articles 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 qui ne concernent pas les relations entre les professionnels de santé et les organismes sociaux, la cour d'appel a violé les articles 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

4°/ que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit applicables en la matière ; qu'en l'espèce, en se fondant, pour décider d'annuler la notification d'indu en date du 25 juin 2013 et l'intégralité de l'indu litigieux puis débouter la caisse de sa demande en paiement du solde de sa créance, sur les articles 4.1 et 6.1.1 de la Charte du contrôle de l'activité des professionnels de santé par l'assurance maladie dépourvue de valeur normative la cour d'appel a violé l'article R. 3315-1-2 [lire R. 315-1-2] du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 6 et 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée, 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, dans leur rédaction applicable à la date du contrôle, et 12 du code de procédure civile :

9. Le deuxième de ces textes, selon lequel les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales, n'est pas applicable aux décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, lesquelles doivent être motivées en application de l'article 6 de la loi du 12 avril 2000.

10. Pour décider que le caractère contradictoire de l'enquête n'avait pas été respecté et annuler le contrôle, l'arrêt relève que la caisse n'a pas transmis au professionnel de santé l'intégralité des pièces du rapport administratif de contrôle préalablement à l'entretien au cours duquel celui-ci a exposé ses observations orales, en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, et des articles 4.1 et 6.1.1 de la Charte du contrôle de l'activité des professionnels de santé par l'assurance maladie, diffusée par la circulaire n° 10/2012 du directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie du 10 avril 2012.

11. En statuant ainsi, en se fondant sur des dispositions législatives qui n'étaient pas applicables et sur une circulaire dépourvue de toute portée normative, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

12. La caisse fait le même grief à l'arrêt, alors « que la validité des constatations effectuées par les agents chargés des contrôles par les caisses est subordonnée à deux conditions, à savoir qu'ils soient assermentés et agréés ; que si l'absence de publication de l'agrément au Bulletin officiel du ministère chargé de la sécurité sociale a pour effet de rendre ladite décision d'agrément inopposable aux tiers, cette absence de publication ne rend pas pour autant nul le contrôle ; qu'en effet, les décisions d'agrément entrent en vigueur au jour de leur signature de sorte que l'absence de publication de ces décisions n'affecte pas la régularité du contrôle effectué par l'agent enquêteur et n'a pour effet que de le priver de la valeur probante visée à l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'arrêté du 30 juillet 2004 dont les termes ont été repris par l'article 4 de l'arrêté du 5 mai 2014 et par l'article 4 de l'arrêté du 23 avril 2017. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 114-10, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011, applicable au litige, et l'arrêté du 30 juillet 2004 modifié fixant les conditions d'agrément des agents des organismes de sécurité sociale chargés du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, visés aux articles L. 216-6 et L. 243-9 du code de la sécurité sociale :

13. Selon le premier de ces textes, les directeurs des organismes de sécurité sociale confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire.

14. L'obligation d'agrément et d'assermentation prescrite par ce texte ne s'applique aux agents qui procèdent, sur le fondement de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, au contrôle de l'application des règles de tarification ou de facturation par un professionnel de santé que lorsqu'ils mettent en oeuvre des prérogatives de puissance publique. Tel est le cas notamment lorsqu'ils procèdent à une audition.

15. En outre, l'absence de publication de l'agrément n'affectant pas son existence, elle est sans incidence sur la régularité des vérifications et enquêtes administratives auxquelles procède l'agent d'un organisme de sécurité sociale agréé et assermenté.

16. Pour annuler les actes d'enquête diligentés par l'agent de contrôle, ainsi que l'indu notifié au professionnel de santé, l'arrêt relève que si la caisse a communiqué la décision d'agrément concernant cet agent, elle n'a toutefois pas justifié de la publication au Bulletin officiel de cette décision. Il retient que l'agent de contrôle a pratiqué des actes d'enquête, dont l'audition de la personne contrôlée, alors que la décision d'agrément de celui-ci est inopposable aux tiers, de sorte que ces derniers peuvent se prévaloir de l'absence d'habilitation de cet agent.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription, l'arrêt rendu le 4 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Articles R.142-1 et R.142-18 du code de la sécurité sociale ; articles 6 et 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; article 12 du code de procédure civile ; articles L. 114-10 et L. 133-4 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 12 mai 2022, pourvoi n° 20-18.077, Bull. (cassation partielle).

2e Civ., 16 mars 2023, n° 21-14.971, (B), FS

Cassation partielle

Caisse – Agents de contrôle – Vérifications et enquêtes administratives – Conditions d'exercice – Validité de l'agrément – Effets – Absence de publication de l'agrément

L'obligation d'agrément et d'assermentation prescrite par l'article L. 114-10, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale ne s'applique aux agents qui procèdent, sur le fondement de l'article L. 133-4 du même code, au contrôle de l'application des règles de tarification ou de facturation par un professionnel de santé que lorsqu'ils mettent en oeuvre des prérogatives de puissance publique. Tel est le cas notamment lorsqu'ils procèdent à une audition.

L'absence de publication de l'agrément n'affectant pas son existence, elle est sans incidence sur la régularité des vérifications et enquêtes administratives auxquelles procède l'agent d'un organisme de sécurité sociale agréé et assermenté.

La preuve de l'agrément peut être rapportée par tous moyens.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 février 2021), à la suite d'un contrôle d'activité opéré à compter du 27 mars 2015, la caisse primaire d'assurance maladie du Var (la caisse) a notifié, le 8 avril 2016, à Mme [U], infirmière libérale (la professionnelle de santé), un indu correspondant à des anomalies dans la tarification et la facturation de certains actes réalisés du 1er mars 2013 au 1er avril 2015. Elle lui a ensuite notifié le 17 mars 2017 une pénalité financière.

2. La professionnelle de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler la procédure de recouvrement et la notification de l'indu, et de rejeter ses demandes en remboursement de l'indu et en paiement de la pénalité financière, alors :

« 1°/ qu'en matière de droit de la sécurité sociale, la preuve est libre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le magistrat qui avait recueilli le serment des deux agents de la caisse avait indiqué, sur les deux procès-verbaux établis à cette occasion et régulièrement produits aux débats, qu'une ampliation en bonne et due forme de l'agrément des intéressés lui avait été présentée ; qu'aussi en déduisant l'irrégularité du contrôle et l'annulation de l'indu de l'absence de production par l'organisme social de la décision d'agrément, la cour d'appel a violé l'article L.114-10 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu'en l'absence de toute disposition subordonnant la régularité des actes accomplis par les enquêteurs de la caisse à la preuve d'une publicité de leur agrément, les caisses n'ont l'obligation que de justifier de l'existence de l'agrément et de l'assermentation ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé ensemble les articles L.114-10 et L.243-9 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 114-10, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011, applicable au litige, et l'arrêté du 5 mai 2014 fixant les conditions d'agrément des agents chargés du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale et de certaines dispositions du code du travail :

4. Selon le premier de ces textes, les directeurs des organismes de sécurité sociale confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire.

5. L'obligation d'agrément et d'assermentation prescrite par ce texte ne s'applique aux agents qui procèdent, sur le fondement de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, au contrôle de l'application des règles de tarification ou de facturation par un professionnel de santé que lorsqu'ils mettent en oeuvre des prérogatives de puissance publique. Tel est le cas notamment lorsqu'ils procèdent à une audition.

6. En outre, l'absence de publication de l'agrément n'affectant pas son existence, elle est sans incidence sur la régularité des vérifications et enquêtes administratives auxquelles procède l'agent d'un organisme de sécurité sociale agréé et assermenté.

7. Enfin, la preuve de l'agrément peut être rapportée par tous moyens.

8. Pour annuler les actes d'enquête diligentés par les agents de contrôle, ainsi que l'indu notifié à la professionnelle de santé, l'arrêt retient que la caisse n'a pas communiqué les décisions d'agrément de ces agents et que, si celles-ci sont mentionnées dans les procès-verbaux de prestation de serment des intéressés, elles doivent être produites pour justifier de l'habilitation qui leur est conférée. Il ajoute que la caisse n'a pas justifié de la publication au Bulletin officiel de ces décisions d'agrément. Il en déduit que les actes d'enquête consistant en des procès-verbaux d'audition des patients ont été pratiqués par des agents dont la décision d'agrément est inopposable aux tiers, de sorte que ces derniers peuvent se prévaloir de leur absence d'habilitation.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu les règles de preuve applicables au litige, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

11. La cassation des chefs du dispositif attaqués par les deux premières branches du moyen relatifs à la régularité des opérations de contrôle entraîne la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif attaqué par la troisième, relatif au rejet de la demande en paiement de la pénalité financière, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en remboursement, l'arrêt rendu le 12 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Articles L. 114-10, alinéa 1er, et L. 133-4 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 16 mars 2023, n° 21-13.947, (B), FRH

Rejet

Financement – Contribution sociale de solidarité – Assujettis – Personnes morales de droit public – Conditions – Activité concurrentielle – Cas – Etablissement public de traitement et de distribution d'eau

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 février 2021), la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), a notifié le 1er juin 2018 à l'établissement public Régie eau d'Azur (l'établissement public) une mise en demeure pour le paiement de la contribution sociale de solidarité des sociétés au titre de l'année 2017.

2. L'établissement public a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'établissement public fait grief à l'arrêt de rejeter sa contestation, alors « que les personnes morales de droit public sont assujetties à la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés dans la limite de leur activité concurrentielle ; que cette contribution est assise sur le chiffre d'affaires global déclaré à l'administration fiscale calculé hors taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées ; que ne relève pas de l'activité concurrentielle de la personne morale, une activité de collecte de redevance réalisée à la demande et pour le compte d'un tiers, dès lors que cette mission ne donne lieu à aucune contrepartie autre que la rémunération du service rendu, lequel doit seul être pris en compte dans l'assiette de la contribution ; qu'il était constant que la collecte de la redevance d'assainissement avait été confiée à l'établissement public par la Métropole [Localité 2] Côte d'Azur, et qu'il s'agissait d'une mission sans lien avec son activité concurrentielle principale relative à l'exploitation du service public d'eau potable et que la redevance collectée était en totalité reversée à la Métropole ; qu'en disant que la collecte des redevances entrait dans la sphère concurrentielle pour l'intégrer dans l'assiette de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, quand il ne résultait pas de ses constatations que la mission de collecte de la redevance d'assainissement, qui n'était pas en lien direct avec l'activité concurrentielle de gestion et de distribution d'eau potable, aurait pu être effectuée par une autre personne de droit public ou privé dans les conditions identiques à celles dans lesquelles elle était accomplie par l'établissement public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 651-1, L. 651-3 et L. 651-5 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable à la date du litige (devenus les articles L. 137-30 et suivants du même code), ensemble les articles L. 2224-10 et suivants et R. 2224-19 et suivants du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction applicable à la date du litige. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, applicable à la date d'exigibilité de la contribution litigieuse, la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge, notamment, des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle.

6. Constitue une activité concurrentielle exercée par une personne morale de droit public, au sens de ce texte, à l'exclusion de l'activité se rattachant par sa nature, son objet et les règles auxquelles elle est soumise, à l'exercice de prérogatives de puissance publique ou répondant à des fonctions de caractère exclusivement social et à des exigences de solidarité nationale, toute activité économique consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné, sur lequel d'autres opérateurs interviennent ou, au regard des conditions concrètes de l'exploitation de cette activité, ont la possibilité réelle et non purement hypothétique d'entrer.

7. L'arrêt énonce que l'activité de traitement et de distribution d'eau, en ce qu'elle est susceptible d'être confiée à des opérateurs publics ou privés à la suite d'un appel à candidature en vertu de l'article L. 2221-1 du code général des collectivités territoriales, revêt un caractère concurrentiel, qu'elle procure ou non à l'établissement des profits et qu'elle soit soumise ou non à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Il ajoute que si la création d'une imposition correspond à une prérogative de puissance publique, la collecte de la redevance d'assainissement, qui peut être exercée par une personne morale de droit public ou privé dans le cadre d'un service plus vaste, entre dans la sphère concurrentielle. Il précise qu'il n'y a pas lieu d'isoler cette activité du reste des activités de l'établissement concourant à la production de son chiffre d'affaires.

8. De ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a pu déduire que l'établissement public intervenait sur un marché dans des conditions économiques impliquant la concurrence actuelle ou potentielle d'autres opérateurs.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

10. L'établissement public fait le même grief à l'arrêt, alors « que la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés est assise sur le chiffre d'affaires global déclaré à l'administration fiscale, calculé hors taxes sur le chiffre d'affaires et les taxes assimilées ; que seuls les prix se rattachant à la contrepartie d'une prestation sont compris dans le chiffre d'affaires des personnes assujetties ; que l'opération de collecte d'une redevance dont le montant est reversé au tiers bénéficiaire de la prestation, et qui donne lieu au versement d'une contrepartie au titre de la rémunération de la prestation accomplie, ne peut être incluse dans le chiffre d'affaires global ; que seule la contrepartie de la prestation peut être intégrée dans le chiffre d'affaires du prestataire ; qu'en décidant le contraire et en refusant d'exclure de l'assiette de la contribution le montant des redevances collectées au nom et pour le compte de la Métropole au titre du service public de l'assainissement, la cour d'appel a violé les articles L. 651-1, L. 651-3 et L. 651-5 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable à la date du litige (devenus les articles L. 137-30 et suivants du même code), ensemble l'article 267 du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

11. Il résulte de l'article L. 651-5, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité de la contribution litigieuse, que les entreprises, sociétés et groupements qu'il mentionne sont tenus de déclarer à l'organisme chargé du recouvrement de la contribution sociale de solidarité des sociétés, le montant de leur chiffre d'affaires global déclaré à l'administration fiscale, calculé hors taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées.

12. L'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la contribution litigieuse a été calculée à partir des données communiquées par l'administration fiscale, que la redevance d'assainissement ne constitue pas une taxe sur le chiffre d'affaires ou assimilée et qu'aucune disposition dérogatoire n'exclut la prise en compte des redevances perçues de l'assiette de calcul de la contribution litigieuse.

13. De ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a exactement déduit que la société ne pouvait prétendre à l'exclusion du montant de la redevance d'assainissement qu'elle perçoit pour le compte de la collectivité territoriale de l'assiette de la contribution litigieuse.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007.

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