Numéro 3 - Mars 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2023

PROCEDURE CIVILE

1re Civ., 8 mars 2023, n° 21-19.620, (B), FS

Cassation

Fin de non-recevoir – Action en justice – Irrecevabilité – Saisine – Tentative préalable de conciliation obligatoire – Etendue – Différend entre avocats – Applicabilité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 2 juin 2021), le 30 décembre 2019, à l'issue de la dissolution de la SCP d'avocats [E]-[D]-Xuereb (la SCP), au sein de laquelle elle était associée, Mme [D] a saisi le bâtonnier du barreau de Toulouse d'un litige l'opposant à une autre associée, Mme [E], et relatif à la régularisation des comptes et la prise en charge de certains frais de la SCP.

2. Le 23 juillet 2020, en l'absence de décision rendue par le bâtonnier dans le délai de quatre mois, Mme [D] a saisi la cour d'appel sur le fondement des articles 179-5 et 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

3. Par décision du 4 octobre 2020, le bâtonnier, ayant poursuivi parallèlement la procédure d'arbitrage, a écarté la fin de non-recevoir invoquée et tirée de l'absence de tentative de conciliation préalable soulevée par Mme [E], rejeté les demandes formées par Mme [D] et condamné celle-ci à payer à Mme [E] une certaine somme au titre d'un compte-courant créditeur. Mme [D] a interjeté appel de cette décision.

4. La cour d'appel a ordonné la jonction des deux instances.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme [D] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa requête aux fins d'arbitrage du 30 décembre 2019, d'annuler, en conséquence, la décision du bâtonnier du 14 octobre 2020, de dire qu'il n'y a pas lieu de statuer au fond et de rejeter sa demande de dommages et intérêts, alors « que les articles 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 179-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui prévoient l'arbitrage du bâtonnier pour les différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel en l'absence de conciliation, n'instaurent pas, à défaut de conditions particulières de mise en oeuvre, une procédure de conciliation obligatoire devant le bâtonnier préalablement à sa saisine aux fins d'arbitrage dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci ; qu'en déclarant irrecevable la requête aux fins d'arbitrage adressé au bâtonnier par Mme [D] le 30 décembre 2019 à défaut d'une tentative de conciliation contradictoire devant le bâtonnier, la cour d'appel a violé les dispositions précitées. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée et les articles 142, 179-1 et 179-4 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié :

6. Selon le premier de ces textes, le bâtonnier prévient ou concilie les différends d'ordre professionnel entre les membres du barreau ; tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits.

7. Selon le troisième, en cas de différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel et à défaut de conciliation, le bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits est saisi par l'une ou l'autre des parties.

8. Selon le deuxième, rendu applicable par le quatrième, l'acte de saisine précise, à peine d'irrecevabilité, l'objet du litige, l'identité des parties et les prétentions du saisissant.

9. Si ces dispositions prévoient une conciliation préalable à l'arbitrage du bâtonnier, elles n'instaurent toutefois pas une procédure de conciliation obligatoire dont le non-respect serait sanctionné par une fin de non-recevoir.

10. Pour déclarer irrecevable la requête aux fins d'arbitrage formée le 30 décembre 2019 par Mme [D] et annuler la décision du bâtonnier, l'arrêt retient que la conciliation s'est inscrite dans le cours de la procédure d'arbitrage, que la procédure de conciliation est un nécessaire préalable à l'engagement de l'action aux fins d'arbitrage auprès du bâtonnier et que la tentative de conciliation, mise en place par le bâtonnier postérieurement à sa saisine, ne saurait ni constituer la tentative de conciliation préalable exigée par les textes, ni pallier l'irrégularité qu'elle engendre, de sorte qu'est fondée la fin de non-recevoir soulevée par Mme [E].

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Kerner-Menay - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ; articles 142, 179-1 et 179-4 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 8 mars 2023, pourvoi n° 22-10.679, Bull., (cassation).

1re Civ., 8 mars 2023, n° 22-10.679, (B), FS

Cassation

Fin de non-recevoir – Action en justice – Irrecevabilité – Saisine – Tentative préalable de conciliation obligatoire – Etendue – Différend entre avocats – Applicabilité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 24 novembre 2021), le 29 octobre 2020, à la suite de la rupture de son contrat de collaboration libérale, Mme [Y], avocate, a conclu une transaction avec la société PVB avocats.

2. Le 1er décembre 2020, Mme [Y] a, sur le fondement de l'article 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Montpellier en nullité de la transaction et en paiement d'une indemnité de préavis et d'une indemnité au titre d'un préjudice moral.

3. Par décision du 30 décembre 2020, le bâtonnier a rejeté la fin de non-recevoir invoquée et tirée de l'absence de conciliation préalable, prononcé la nullité de la transaction, condamné la société PVB avocats à payer à Mme [Y] une indemnité de préavis et Mme [Y] à lui restituer l'indemnité transactionnelle, ordonné la compensation de ces sommes et alloué à Mme [Y] des dommages-intérêts.

La société PVB avocats a formé appel de la décision.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée et 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié :

6. Selon le premier de ces textes, les litiges nés d'un contrat de travail ou d'un contrat de collaboration libérale sont, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier.

7. Selon le second, à défaut de conciliation, le bâtonnier du barreau auprès duquel l'avocat collaborateur ou salarié est inscrit est saisi par l'une ou l'autre des parties et l'acte de saisine précise, à peine d'irrecevabilité, l'objet du litige, l'identité des parties et les prétentions du saisissant.

8. Si ces dispositions prévoient une conciliation préalable à l'arbitrage du bâtonnier, elles n'instaurent toutefois pas une procédure de conciliation obligatoire dont le non-respect serait sanctionné par une fin de non-recevoir.

9. Pour déclarer irrecevable la requête aux fins d'arbitrage formée le 1er décembre 2020 par Mme [Y], l'arrêt retient que la procédure de conciliation pour les litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration entre avocats est un préalable obligatoire à l'engagement de toute action contentieuse auprès du bâtonnier et relève que Mme [Y], s'étant bornée à adresser, le 6 novembre 2020, à la société PVB avocats une mise en demeure d'avoir à lui régler les sommes dues au titre de son préavis, n'a présenté aucune demande de conciliation.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ; Article 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié.

2e Civ., 16 mars 2023, n° 21-14.341, (B), FS

Cassation

Instance – Péremption – Délai – Point de départ – Détermination – Contentieux général – Sécurité sociale

Instance – Péremption – Sécurité sociale

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 25 janvier 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2008 à 2010, l'URSSAF de la Moselle, aux droits de laquelle vient l'URSSAF Lorraine (l'URSSAF), a notifié à la société [3] (la société) une lettre d'observations, suivie d'une mise en demeure.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que selon l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale applicable jusqu'au 31 décembre 2018, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que ce délai court à compter de la date impartie pour la réalisation des diligences ou, à défaut de délai imparti pour les accomplir, de la notification de la décision qui les ordonne ; que la date de la notification par voie postale est à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre ; que par ordonnance de radiation du 6 novembre 2017, la cour d'appel a dit que « l'affaire ne sera réinscrite que sur justification des conclusions en réplique de l'appelant au greffe de la chambre sociale et justification de la communication de ses conclusions et pièces aux parties adverses » ; qu'en jugeant, pour faire courir le délai de péremption à compter du 6 novembre 2017, que c'était vainement que l'URSSAF invoquait le fait qu'elle n'avait reçu l'ordonnance de radiation, qui lui avait été notifiée par lettre simple, que le 13 novembre 2017, aux motifs inopérants que son conseil étant présent lors de l'audience du 6 novembre 2017 au cours de laquelle la radiation avait été prononcée, l'URSSAF savait qu'elle devait reprendre l'instance au plus tard le 6 novembre 2019 et que l'ordonnance avait été notifiée à son adversaire, la société, le 6 novembre 2017, la cour d'appel a violé l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 381, 386 et 668 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 2 du code civil, 386 du code de procédure civile, R. 142-22, dernier alinéa, et R. 142-30, du code de la sécurité sociale, ces deux derniers abrogés à compter du 1er janvier 2019 par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 :

4. Il résulte du deuxième de ces textes que la loi nouvelle ne peut remettre en cause une situation juridique régulièrement constituée à la date de son entrée en vigueur.

5. Selon le quatrième, applicable au litige, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné au troisième les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

6. Il résulte de la combinaison de ces textes que le délai de péremption ne court qu'à compter de la date à laquelle les parties ont eu une connaissance effective des diligences mises à leur charge. Dans le cas où un délai leur est fixé pour la réalisation de ces diligences, ce délai de péremption court à compter de l'expiration du délai imparti, à la condition que les parties aient eu une connaissance effective tant de ces diligences que du délai imparti.

7. Pour dire la péremption acquise, l'arrêt relève qu'à l'audience du 6 novembre 2017, a comparu le conseil de l'URSSAF, partie appelante, et que sa demande de renvoi a été refusée par le magistrat qui a prononcé la radiation de l'affaire. Il retient que du fait de cette radiation et des diligences mises à sa charge par l'ordonnance de radiation, l'URSSAF savait qu'elle devait reprendre l'instance au plus tard le 6 novembre 2019. Il ajoute que c'est vainement qu'elle invoque le fait qu'elle n'a reçu l'ordonnance de radiation qui lui a été notifiée par lettre simple que le 13 novembre 2017 et que cette ordonnance ayant été notifiée le 6 novembre 2017 par lettre simple à la société conformément aux dispositions de l'article 381 du code de procédure civile, cette date constitue le point de départ du délai de péremption, lequel avait expiré lorsque l'URSSAF a repris l'instance par lettre recommandée expédiée le 7 novembre 2019.

8. En se déterminant ainsi, sans constater que l'URSSAF avait eu une connaissance effective des diligences mises à sa charge avant le 13 novembre 2017, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mmes Bohnert et Cassignard - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 2 du code civil ; article 386 du code de procédure civile ; articles R. 142-22, dernier alinéa, et R. 142-30, du code de la sécurité sociale, abrogés à compter du 1er janvier 2019 par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018.

2e Civ., 23 mars 2023, n° 21-13.093, (B), FS

Irrecevabilité

Mesure d'administration judiciaire – Voies de recours – Défaut – Portée – Exclusions

Il résulte de l'article 537 du code de procédure civile que les mesures d'administration judiciaire ne sont sujettes à aucun recours, fût-ce pour excès de pouvoir.

Toutefois, constituent des mesures d'administration judiciaire susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir la décision de radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel, en ce qu'elle affecte l'exercice du droit d'appel (2e Civ., 9 janvier 2020, pourvoi n° 18-19.301, publié au Bulletin) et la décision d'injonction de produire des pièces pénales en ce qu'elle met en cause le secret de l'instruction (2e Civ., 16 décembre 2021, pourvoi n° 19-26.243, publié au Bulletin).

Il en résulte que la décision par laquelle le premier président d'une cour d'appel, saisi d'une demande de renvoi d'une affaire devant un autre tribunal de commerce du ressort sur le fondement de l'article R. 662-7 du code de commerce, désigne une juridiction pour connaître de l'affaire, n'est pas susceptible de recours, fût-ce pour excès de pouvoir.

Rôle – Radiation – Ordonnance prise sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile – Voies de recours – Déféré – Cas – Excès de pouvoir

Pièces – Versement aux débats – Documents d'une procédure pénale – Pièces d'une information – Communication par la partie civile – Injonction du juge et renvoi à l'audience ultérieure – Mesure d'administration judiciaire – Voies de recours

Recevabilité du pourvoi examinée d'office

Vu l'article 537 du code de procédure civile :

1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application du texte susvisé.

2. Il résulte de l'article 537 du code de procédure civile que les mesures d'administration judiciaire ne sont sujettes à aucun recours, fût-ce pour excès de pouvoir.

3. Toutefois, constituent des mesures d'administration judiciaire susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir la décision de radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel, en ce qu'elle affecte l'exercice du droit d'appel (2e Civ., 9 janvier 2020, pourvoi n° 18-19.301, publié au Bulletin) et la décision d'injonction de produire des pièces pénales en ce qu'elle met en cause le secret de l'instruction (2e Civ., 16 décembre 2021, pourvoi n° 19-26.243, publié au Bulletin).

4. Dès lors, la décision par laquelle le premier président d'une cour d'appel, saisi d'une demande de renvoi d'une affaire devant un autre tribunal de commerce du ressort sur le fondement de l'article R. 662-7 du code de commerce, qui, après avoir estimé cette demande fondée, désigne une juridiction pour connaître de l'affaire, n'est pas susceptible de recours, fût-ce pour excès de pouvoir.

5. M. [I] s'est pourvu en cassation contre une ordonnance d'un premier président d'une cour d'appel ayant désigné le tribunal de commerce de Beauvais pour connaître de la procédure de sanction de faillite personnelle le concernant.

6. Le pourvoi n'est, dès lors, pas recevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 537 du code de procédure civile ; article R. 662-7 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 9 janvier 2020, pourvoi n° 18-19.301, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 16 décembre 2021, pourvoi n° 19-26.243, Bull. (irrecevabilité).

2e Civ., 2 mars 2023, n° 21-19.904, (B), FRH

Cassation partielle

Notification – Signification – Personne – Personne morale – Signification au siège social – Diligences de l'huissier – Copie remise à personne habilitée – Exclusion – Existence d'un établissement

Il résulte de l'article 690 du code de procédure civile que la signification d'un acte destiné à une personne morale dont le siège social est connu est faite au lieu de ce siège et, à défaut, en tout autre lieu de son établissement. Ce n'est qu'en l'absence d'établissement de la personne morale destinataire de l'acte, que la signification est valablement faite à l'un de ses membres habilité à la recevoir.

Notification – Signification – Personne – Personne morale – Modalités de la signification – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 5 mai 2021), la société Trottel distribution a été condamnée sous astreinte à faire cesser des nuisances sonores par deux jugements du 9 avril 2018, respectivement au profit de M. [U] et au profit de [K] [L], depuis décédée.

2. Par acte d'huissier de justice du 10 avril 2019, M. [U] a assigné la société Trottel distribution devant le juge de l'exécution à fin de liquidation de l'astreinte.

Par jugement du 1er juillet 2020, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Ajaccio a accueilli l'exception de litispendance soulevée par la société Trottel distribution au profit de la cour d'appel de Bastia en raison de l'appel interjeté par elle dans le litige l'opposant à [K] [L].

3. Par acte d'huissier de justice du 2 juillet 2019, [K] [L] a en effet assigné la société Trottel distribution devant le juge de l'exécution en liquidation d'astreinte.

Par jugement réputé contradictoire du 18 juillet 2019, la société Trottel distribution a été condamnée à lui payer une somme de 15 000 euros au titre de l'astreinte liquidée provisoirement et une nouvelle astreinte provisoire a été fixée.

4. Devant la cour d'appel, les deux instances ont été jointes, Mme [J] et Mme [V] intervenant volontairement en qualité d'ayants droit de [K] [L].

Examen du moyen

Sur le moyen

Enoncé du moyen

5. La société Trottel distribution fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité de l'acte introductif d'instance délivré par [K] [L], d'annuler le jugement du 18 juillet 2019, et, saisie de l'effet dévolutif de l'appel et compte tenu du jugement du 1er juillet 2020, de fixer à 120 euros par jour le montant de l'astreinte due par elle à M. [U], d'une part, et à Mmes [J] et [V], d'autre part, de la condamner à payer à M. [U], d'une part, et à Mmes [J] et [V], d'autre part, les sommes de 113 400 euros au titre de l'astreinte due pour 945 jours, et la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de fixer au profit de M. [U] une astreinte définitive due par elle à 250 euros par jour de retard à compter du troisième mois suivant sa signification et pendant une période de six mois en cas de nouvelle inexécution des condamnations prononcées par le jugement du 148 juillet 2018 [lire 9 avril 2018], alors :

« 1° / qu'il résulte des articles 654 et 690 du code de procédure civile que la signification d'un acte introductif d'instance à une personne morale n'est valable qu'au lieu de son siège social ou de l'un de ses établissements ; qu'en déclarant valable une telle signification, au motif inopérant qu'elle avait été délivrée à une personne se déclarant habilitée à la recevoir, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la personne morale défenderesse disposait de son siège social ou d'un établissement à l'adresse à laquelle l'huissier avait procédé à la signification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 654 et 690 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en toute hypothèse, l'habilitation de la personne à laquelle est délivrée la signification d'un acte introductif d'instance destiné à une personne morale ne saurait résulter de ses seules déclarations lorsqu'elle intervient en un lieu autre que celui où ladite personne morale dispose de son siège social ou d'un établissement ; qu'en déclarant valable une telle signification en ce qu'elle avait été délivrée à une personne se déclarant habilitée à la recevoir, sans avoir constaté que cette signification était intervenue en un lieu où la personne morale disposait de son siège social ou d'un établissement, la cour d'appel a violé les articles 654 et 690 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 690 du code de procédure civile :

6. Il résulte de ce texte que la signification d'un acte destiné à une personne morale dont le siège social est connu est faite au lieu de ce siège et, à défaut, en tout autre lieu de son établissement. Ce n'est qu'en l'absence d'établissement de la personne morale destinataire de l'acte, que la signification est valablement faite à l'un de ses membres habilité à la recevoir.

7. Pour rejeter la demande de la société Trottel distribution en nullité de l'assignation du 2 juillet 2019, annuler le jugement du 18 juillet 2019, fixer le montant de l'astreinte provisoire due à M. [U] et à Mmes [J] et [V], condamner la société Trottel distribution à payer une certaine somme à M. [U], d'une part, et à Mmes [J] et [V], au titre de l'astreinte provisoire, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et fixer au profit de M. [U] une astreinte définitive, l'arrêt retient que la signification d'un acte introductif d'instance destiné à une personne morale, délivré à une personne se déclarant habilitée à le recevoir, est valable et ce, quand bien même, comme en l'espèce, l'huissier de justice a fait preuve d'une particulière légèreté en délivrant un acte pour une société exerçant sous l'enseigne Carrefour market à une autre société exploitant sous l'enseigne Carrefour et en indiquant dans son procès-verbal que le nom du destinataire « figure sur l'enseigne commerciale », confondant ainsi deux entités juridiquement différentes, Carrefour market et Carrefour, mais que cet élément ne permet pas de soutenir la nullité de l'acte introductif d'instance.

8. En statuant ainsi, tout en constatant que la signification de l'assignation n'avait pas été effectuée au lieu du siège social ou de l'établissement de la société Trottel distribution et que la copie de l'acte avait été remise à une personne représentant une entité juridique distincte de la société destinataire de l'acte, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation prononcée du chef de dispositif de l'arrêt rejetant la demande de nullité de l'assignation du 2 juillet 2019 n'implique pas l'annulation par voie de conséquence des chefs de dispositif prononçant l'annulation du jugement du 18 juillet 2019 et ceux statuant au profit de M. [U], qui ne sont pas dans sa dépendance.

Demande de mise hors de cause

10. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause M. [U] devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. [U].

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de nullité de l'assignation du 2 juillet 2019 formée par la société Trottel distribution, en ce qu'il fixe à 120 euros par jour le montant de l'astreinte due par la société Trottel distribution à Mme [J] et à Mme [V], en leur qualité d'ayants droit de [K] [L], et en ce qu'il la condamne à leur payer la somme de 113 400 euros au titre de l'astreinte due pour 145 jours et la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 5 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Lesourd ; SCP Foussard et Froger ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Article 690 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 15 avril 2021, pourvoi n° 20-10.844, Bull. (cassation).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.