Numéro 3 - Mars 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2023

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS

1re Civ., 22 mars 2023, n° 21-25.336, (B), FRH

Rejet

Huissier de justice – Responsabilité – Faute – Mainlevée d'une saisie conservatoire – Dénonciation de l'assignation – Tardiveté – Préjudice actuel et certain – Décision étrangère – Exequatur – Perte de fondement juridique

Il résulte de l'article 38 du règlement Bruxelles I, tel qu'interprété par la CJCE, d'une part, que les décisions rendues dans un Etat membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre Etat membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée, d'autre part, que le caractère exécutoire de la décision dans l'État d'origine constitue une condition de l'exécution de cette décision dans l'État requis (CJCE, arrêt du 29 avril 1999, Coursier, C-267/97, point 23) et que, si la reconnaissance doit avoir pour effet, en principe, d'attribuer aux décisions l'autorité et l'efficacité dont elles jouissent dans l'État membre où elles ont été rendues, il ne peut être accordé à un jugement, lors de son exécution, des droits qui ne lui appartiennent pas dans l'État membre d'origine ou des effets qu'un jugement du même type rendu directement dans l'État membre requis ne produirait pas (CJCE, arrêt du 28 avril 2009, Apostolides, C-420/07, point 66).

Ayant exactement retenu que la suspension de l'exécution provisoire d'une décision italienne avait eu pour effet de priver, de plein droit, de fondement juridique la reconnaissance en France du caractère exécutoire de cette décision, une cour d'appel a pu en déduire qu'une banque avait perdu une chance réelle et sérieuse de voir accueillie sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire en raison de la tardiveté de la dénonciation de l'assignation par un huissier de justice et qu'il en résultait pour la banque un préjudice actuel et certain.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 octobre 2021), par décision du 2 mars 2010, assortie de l'exécution provisoire, le tribunal de Bologne a condamné la société Bank Tejarat Iran (BankTejarat) à payer à la faillite de la société Italricambi, prise en la personne de son syndic, M. [W], la somme de 1 885 816,34 euros.

2. Le 18 mars 2010, le greffier en chef du tribunal de grande instance de Paris a délivré une déclaration constatant la force exécutoire de cette décision sur le fondement des articles 38 et suivants du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (règlement Bruxelles I).

3. Le 3 mars 2011, le recours contre cette déclaration a été rejeté par un arrêt de la cour d'appel de Paris.

4. Le 25 mars 2010, la société Italricambi a fait procéder à des saisies conservatoires à l'encontre de la succursale parisienne de la Bank Tejarat, dont, le 30 mars 2011, elle a sollicité la conversion en saisie-attribution.

5. Le 14 avril 2011, la Bank Tejarat a fait délivrer par la société d'huissiers de justice Eric Miellet-Anne Kermagoret une assignation afin de contester la conversion en saisie-attribution.

6. Par jugement du 15 avril 2011, le tribunal de Bologne a ordonné la suspension de l'exécution provisoire assortissant la décision de la juridiction italienne du 2 mars 2010.

7. Par jugement du 19 juillet 2011, le juge de l'exécution a déclaré irrecevable l'action en contestation de la conversion en raison de la tardiveté de la dénonciation de l'assignation à l'huissier de justice ayant opéré la mesure d'exécution.

8. Le 28 septembre 2011, le premier président de la cour d'appel a rejeté la demande de sursis à exécution du jugement et, le 7 octobre suivant, les fonds saisis ont été libérés.

9. Par arrêt du 30 janvier 2013, la Cour de cassation a annulé l'arrêt de la cour d'appel du 3 mars 2011 et, par arrêt du 18 novembre 2014, la cour d'appel de renvoi a révoqué la déclaration du greffier en chef du 18 mars 2010.

10. Par acte du 16 juin 2016, la Bank Tejarat a assigné la SELAS Eric Miellet-Anne Kermagoret, aux droits de laquelle vient la société Ajilex, en responsabilité et indemnisation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

11. La société Ajilex fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la Bank Tejarat la somme de 1 508 635 euros en réparation de son préjudice, alors :

« 1°/ que les décisions rendues dans un État membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre État membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée ; que la décision de reconnaissance en France d'un jugement étranger a force exécutoire dans l'ordre juridique interne, sans que cela ne puisse être remis en cause par une décision étrangère ultérieure contraire à la décision étrangère initiale, non revêtue de la force exécutoire ; qu'en l'espèce, la société Bank Tejarat prétendait avoir subi un préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir une décision favorable du juge de l'exécution, saisi d'une contestation de la conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution, en raison de la tardiveté de la dénonciation, le 15 avril 2011, par la société d'huissiers Ajilex, de l'assignation du 14 avril 2011 en contestation à l'huissier saisissant, rendant ainsi la contestation irrecevable ; qu'en jugeant qu'il existait un lien de causalité entre la faute imputée à la société Ajilex et le préjudice allégué par la société Bank Tejarat, aux motifs que, d'une part, la Cour de cassation avait, par arrêt du 30 janvier 2013, cassé et annulé l'arrêt du 3 mars 2011 confirmant la décision du greffier du 18 mars 2010 de reconnaissance d'un jugement italien du 2 mars 2010, pour perte de fondement juridique, d'autre part, ce moyen fondait les demandes de la société Bank Tejarat devant le juge de l'exécution, ce dont il résultait qu'elles présentait des chances de succès, sans rechercher si le juge de l'exécution, à la date de sa décision du 19 juillet 2011 statuant sur la contestation de la conversion, était tenu de constater qu'il existait, en France, une décision de reconnaissance et un arrêt confirmatif du 3 mars 2011 revêtus de la force exécutoire condamnant la société Bank Tejarat à payer au mandataire judiciaire de la société Italricambi la somme de 1 885 816,34 €, et ne pouvait dès lors que statuer en ce sens, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 34 et 38 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 ;

2°/ que la responsabilité d'un huissier de justice suppose un lien de causalité entre la faute qui lui est imputée et le préjudice allégué par son client ; qu'en l'espèce, il résulte tant de l'assignation devant le juge de l'exécution par la société Bank Tejarat du 14 avril 2011 que de l'exposé des prétentions des parties figurant dans le jugement du juge de l'exécution 19 juillet 2011 que cette société avait sollicité que ce juge sursoie à statuer dans l'attente de la décision à rendre sur le recours en révision qu'elle avait formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 mars 2011 confirmant la décision de reconnaissance du 18 mars 2010, dans le cadre duquel elle avait fait valoir que cet arrêt était fondé sur une compréhension erronée de la décision italienne du 26 janvier 2011, qui n'avait pas rejeté la demande d'annulation de l'exécution provisoire mais seulement sursis à statuer dans l'attente de la traduction de documents en langue italienne ; qu'en jugeant néanmoins qu'il existait un lien de causalité entre la faute imputée à la société Ajilex et la perte de chance alléguée par la société Bank Tejarat d'obtenir gain de cause devant le juge de l'exécution, au motif que la Cour de cassation avait cassé et annulé l'arrêt du 3 mars 2011 pour perte de fondement juridique, tandis que ce pourvoi n'avait pas été invoqué par la société Bank Tejarat au soutien de sa demande de sursis à statuer, mais seulement de son recours en révision qui n'a pas abouti et dans le cadre duquel elle n'a pas présenté ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

3°/ que le préjudice doit, pour être indemnisable, être direct, actuel et certain ; qu'en l'espèce il ressort de l'assignation par la société Bank Tejarat du 14 avril 2011 devant le juge de l'exécution et du jugement du tribunal de Bologne du 21 mai 2013 qu'un accord est intervenu le 6 septembre 1995 entre cette société et la société Italricambi au terme duquel la première s'est reconnue débitrice de certaines sommes envers la seconde ; que, par ailleurs, la décision du tribunal de Bologne du 15 avril 2011 n'a pas annulé, sur le fond, le jugement initial du 2 mars 2010 en ses dispositions condamnant la société Bank Tejarat à payer la somme de 1 885 816,34 € à M. [W], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Italricambi, mais en a seulement suspendu l'exécution provisoire, au motif d'une incompétence des juridictions italiennes ; qu'en condamnant la société d'huissiers Ajilex à payer à la société Bank Tejarat la somme de 1 508 635 € en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de conserver les fonds saisis le 7 octobre 2011, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si la banque restait débitrice de la somme de 1 885 816,34 €, quand bien même l'exécution du jugement italien eût été suspendue en France, ce dont il résulte que le préjudice dont la réparation était demandée à l'huissier ne revêtait pas un caractère certain, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil et L. 511-6 du code de commerce ;

4°/ qu'en toute hypothèse, aucune décision citée par l'arrêt attaqué n'a mis à néant l'obligation cambiaire de la société Bank Tejarat résultant des vingt- quatre billets à ordre émis le 10 janvier 1996 ; qu'en condamnant néanmoins la société Ajilex à lui payer la somme de 1 508 653 €, sans rechercher si la banque restait obligée cambiairement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil et L. 511-6 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

12. Il résulte de l'article 38 du règlement Bruxelles I, tel qu'interprété par la CJCE, d'une part, que les décisions rendues dans un Etat membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre Etat membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée, d'autre part, que le caractère exécutoire de la décision dans l'État d'origine constitue une condition de l'exécution de cette décision dans l'État requis (CJCE, arrêt du 29 avril 1999, Coursier, C-267/97, point 23) et que, si la reconnaissance doit avoir pour effet, en principe, d'attribuer aux décisions l'autorité et l'efficacité dont elles jouissent dans l'État membre où elles ont été rendues, il ne peut être accordé à un jugement, lors de son exécution, des droits qui ne lui appartiennent pas dans l'État membre d'origine ou des effets qu'un jugement du même type rendu directement dans l'État membre requis ne produirait pas (CJCE, arrêt du 28 avril 2009, Apostolides, C-420/07, point 66).

13. Il résulte de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que seule constitue une perte de chance la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable et que le préjudice né de la perte d'une chance d'avoir pu soumettre son litige à une juridiction ne peut être constitué que s'il est démontré que l'action qui n'a pu être engagée présentait une chance sérieuse de succès.

14. La cour d'appel a constaté, en premier lieu, que la Bank Tejarat avait saisi le juge de l'exécution aux fins de sursis à statuer sur la conversion des saisies conservatoires jusqu'à ce que la cour d'appel de Paris se soit prononcé sur son recours en révision de l'arrêt du 3 mars 2011, reconnaissant le caractère exécutoire en France de la décision italienne, et qu'elle avait fait valoir devant ce juge que l'exécution provisoire de cette décision avait été suspendue par un jugement rendu en Italie le 15 avril 2011, en deuxième lieu, que le juge de l'exécution avait déclaré cette action irrecevable par un jugement du 19 juillet 2011 au motif que l'assignation avait été dénoncée tardivement par la société d'huissiers de justice Eric Miellet-Anne Kermagoret, en troisième lieu, que la décision du juge de l'exécution avait emporté conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution et versement des fonds par les tiers saisis.

15. Elle a relevé, d'une part, qu'il n'était pas nécessaire que le jugement suspendant l'exécution provisoire de la décision italienne fût déclaré exécutoire en France pour produire ses effets, de sorte qu'il existait une chance réelle et sérieuse que le juge de l'exécution, s'il s'était prononcé au fond sur la pertinence de ce moyen, dont il était saisi, aurait accueilli la demande de la banque, d'autre part, que le titre exécutoire de la société italienne qui fondait la saisie attribution ayant été annulé, la libération des fonds en exécution de cette saisie constituait un paiement devenu indu, peu important l'issue des procédures diligentées en Italie, en Grande-Bretagne ou en Iran, et sans que la certitude du préjudice résultant de la perte de chance de conserver les fonds soit subordonnée à l'épuisement des recours contre les organes de la procédure collective ou contre le repreneur de la société italienne.

16. Ayant ainsi exactement retenu que la suspension de l'exécution provisoire de la décision italienne avait eu pour effet de priver de plein droit de fondement juridique la reconnaissance en France du caractère exécutoire de cette décision, la cour d'appel, qui a, implicitement mais nécessairement, répondu en les écartant aux conclusions prétendument délaissées et procédé à la recherche invoquée par la troisième branche, a pu déduire de ses constatations, indépendamment du motif surabondant critiqué par la deuxième branche, que la Bank Tejarat avait perdu une chance réelle et sérieuse de voir sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire accueillie et qu'il en résultait pour elle un préjudice actuel et certain.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Guihal (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Ancel - Avocat(s) : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 38 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, dit Bruxelles I.

1re Civ., 1 mars 2023, n° 21-18.271, (B), FRH

Rejet

Notaire – Discipline – Procédure – Suspension provisoire – Nature – Portée

Il ressort de l'article 32 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels que la suspension provisoire n'est pas une sanction, mais une mesure de sûreté conservatoire.

Il s'en déduit que les articles 4, 10 et 13 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif au statut des officiers publics ou ministériels, dont il résulte que la juridiction disciplinaire, qui n'est saisie que des faits relevés dans l'assignation, ne peut fonder sa sanction sur un fait non visé par celle-ci, ne sont pas applicables à la suspension provisoire.

Notaire – Discipline – Suspension provisoire – Durée – Limite – Durée des actions pénales ou disciplinaires engagées – Moment – Applications diverses

Il ressort de l'article 35 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels que la suspension provisoire est d'une durée limitée à celle des actions pénale ou disciplinaire engagées. Une cour d'appel retient par conséquent à bon droit qu'une suspension provisoire ne doit pas être limitée à une durée d'un mois dès lors que des poursuites pénales ont été engagées, peu important que celles-ci l'aient été avant la délivrance de l'assignation.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 20 avril 2021), le 8 octobre 2020, M. [F], notaire associé de la société Office notarial du Goëlo et du Penthièvre (le notaire), a été mis en examen des chefs de faux en écritures publiques par personne chargée d'une mission de service public dans l'exercice de ses fonctions, abus de faiblesse, falsification de chèques et usage de chèques falsifiés, et placé sous contrôle judiciaire avec notamment l'interdiction de se livrer aux activités professionnelles de notaire, clerc de notaire et aux activités de transactions immobilières, conseils financiers et gestion patrimoniale. Cette interdiction a été levée par un arrêt du 27 novembre 2020 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes.

2. Le 12 décembre 2020, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a assigné en référé le notaire aux fins de suspension provisoire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Le notaire fait grief à l'arrêt de prononcer sa suspension provisoire, et de dire qu'il n'y a pas lieu de désigner un suppléant et que les effets de cette suspension ne seront pas limités à un mois, alors « que la juridiction disciplinaire, qui n'est saisie que des faits relevés dans l'assignation, ne peut fonder sa décision de condamnation sur des faits postérieurs à sa saisine ; qu'en se fondant exclusivement, pour prononcer la suspension provisoire du notaire, sur des faits qu'il aurait commis après la saisine du juge des référés pour dissimuler des détournements de fonds client, la cour d'appel a violé les articles 4, 10 et 13 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 et 12 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945. »

Réponse de la Cour

5. Il ressort de l'article 32 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels que la suspension provisoire n'est pas une sanction mais une mesure de sûreté conservatoire.

6. Il s'en déduit que les articles 4, 10 et 13 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif au statut des officiers publics ou ministériels, dont il résulte que la juridiction disciplinaire, qui n'est saisie que des faits relevés dans l'assignation, ne peut fonder sa sanction sur un fait non visé par celle-ci, ne sont pas applicables à la suspension provisoire.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

Le notaire fait grief à l'arrêt de dire que les effets de la suspension provisoire ne seraient pas limités à un mois, alors :

« 1°/ que les juges du fond ne peuvent aggraver le sort de l'appelant sur son appel d'une décision disciplinaire, en l'absence d'appel incident de l'autorité de poursuite ; que saisie du seul appel du notaire contre l'ordonnance ayant ordonné la suspension provisoire de ses fonctions de notaire pour une durée d'un mois devant cesser de plein droit à défaut d'aggravation de son contrôle judiciaire ou de l'engagement d'une procédure disciplinaire dans ce délai, la cour d'appel ne pouvait, faute d'appel incident de l'autorité de poursuite, infirmer cette ordonnance en ce qu'elle avait ainsi limité la durée de la suspension ; qu'en infirmant néanmoins ce chef de dispositif, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile ;

2°/ que l'autorité de poursuite peut interjeter appel incident dans un délai de huit jours à compter de l'appel principal du notaire contre une ordonnance de référé prononçant sa suspension provisoire ; qu'en l'espèce, à défaut d'appel incident, les réquisitions du parquet général tendant à l'infirmation de l'ordonnance de référé ayant limité à un mois la suspension du notaire étaient irrecevables ; qu'en faisant cependant droit à ces réquisitions, la cour d'appel a violé l'article 36 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels. »

Réponse de la Cour

8. Selon l'article 35 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels, le tribunal judiciaire peut, à tout moment, à la requête soit du procureur de la République, soit de l'officier public ou ministériel, mettre fin à la suspension provisoire. Celle-ci cesse de plein droit dès que les actions pénale et disciplinaire sont éteintes et, dans le cas prévu au dernier alinéa de l'article 32 précité, si, à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de son prononcé, aucune poursuite pénale ou disciplinaire n'a été engagée.

9. Il ressort de ce texte que la suspension provisoire est d'une durée limitée à celle des actions pénale ou disciplinaire engagées.

10. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que la suspension provisoire ne devait pas être limitée à une durée d'un mois dès lors que des poursuites pénales avaient été engagées, peu important que celles-ci l'aient été avant la délivrance de l'assignation.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Kloda - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 32 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 ; articles 4, 10 et 13 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 ; article 35 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945.

1re Civ., 1 mars 2023, n° 21-24.166, (B), FRH

Rejet

Notaire – Responsabilité – Dommage – Réparation – Préjudice certain – Exclusion – Cas – Défaut d'exercice par le créancier de recours contre le coemprunteur ou contre les cautions personnelles

Ayant retenu qu'un établissement prêteur disposait, pour le recouvrement de sa créance, contre la co-empruntrice et contre les cautions personnelles, de recours qu'elle n'avait pas mis en oeuvre et qui n'étaient pas la conséquence de la situation dommageable imputée à la faute du notaire instrumentaire, la cour d'appel en déduit exactement que le préjudice allégué n'est pas actuel et certain.

Notaire – Responsabilité – Dommage – Réparation – Préjudice certain – Existence d'une action de la victime contre un tiers – Voie de droit découlant de la situation dommageable créée par le notaire – Exclusion – Cas – Exercice par le créancier du recours contre le coemprunteur ou les cautions personnelles

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 14 septembre 2021), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 4 juillet 2019, pourvoi n° 18-16.138), par acte reçu le 24 avril 1992 par M. [D] (le notaire), la société BNP Paribas (la banque) a consenti à M. et Mme [E] une ouverture de crédit, avec le cautionnement hypothécaire de la société Dabiflor et des groupements fonciers agricoles (GFA) de Sapincourt et de l'Île [Localité 4], le cautionnement de plusieurs personnes physiques et le nantissement des parts détenues par ces dernières ainsi que par M. et Mme [E] dans la société Dabiflor et des GFA.

2. Un arrêt irrévocable du 8 novembre 2010 a annulé le cautionnement hypothécaire du GFA de Sapincourt.

3. La banque a assigné le notaire en responsabilité et indemnisation du préjudice subi du fait de la perte de cette garantie.

4. Les dispositions irrévocables d'un arrêt du 27 février 2018 ont déclaré le notaire responsable de l'annulation de ce cautionnement hypothécaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

6. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires à l'encontre du notaire, alors « que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était point produit ; que le notaire qui a mis par sa faute un créancier dans une situation désavantageuse en lui faisant perdre le bénéfice d'une sûreté doit en supporter les conséquences préjudiciables, même si la victime, en sa qualité de créancier, dispose en théorie d'actions contre d'autres personnes pour compenser la perte de cette sûreté ; qu'en déboutant néanmoins la banque de ses prétentions indemnitaires au motif qu'elle n'avait pas suffisamment justifié de l'impossibilité irrémédiablement compromise d'obtenir, dans le cadre de la liquidation judiciaire de chacun des autres garants et cautions, le paiement de tout ou partie de sa créance, dans la limite des plafonds garantis par chacun, après avoir pourtant retenu que le notaire était responsable de l'annulation du cautionnement hypothécaire dont elle bénéficiait en garantie de sa créance, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Ayant retenu que la banque disposait, pour le recouvrement de sa créance, contre la co-empruntrice et contre les cautions personnelles, de recours qu'elle n'avait pas mis en oeuvre et qui n'étaient pas la conséquence de la situation dommageable imputée à la faute du notaire, la cour d'appel en a exactement déduit que le préjudice allégué n'était pas actuel et certain.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Kloda - Avocat(s) : SCP Lévis ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 1382, devenu 1240, du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 27 février 2013, pourvoi n° 12-16.891, Bull. 2013, I, n° 27 (cassation partielle).

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