Numéro 3 - Mars 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2023

FONDS DE GARANTIE

2e Civ., 30 mars 2023, n° 21-22.288, (B), FRH

Cassation partielle

Actes de terrorisme et autres infractions – Indemnisation – Offre – Montant – Fixation – Droit de préférence de la victime subrogeante indemnisée partiellement – Exclusion – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 novembre 2020), M. [C], victime d'une agression par arme à feu, a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) d'une demande d'indemnisation de son préjudice.

2. La CIVI a réduit le droit à indemnisation de M. [C] de 50 %, au regard de son comportement fautif.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions fait grief à l'arrêt d'allouer à M. [C] la somme de 233 554,22 euros après déduction des provisions versées à hauteur de 215 000 euros en réparation de son préjudice, alors « que la commission tient compte, dans le montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de son préjudice des prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale qui s'imputent, en totalité, sur la somme à allouer à la victime calculée en tenant compte de la réduction de son droit à indemnisation décidée en raison de sa faute ; qu'en imputant seulement, pour la liquidation des postes de perte de revenus actuels et de perte de revenus futurs, 50 % des sommes versées par la caisse primaire d'assurance maladie en indemnisation de ces postes de préjudice sur l'indemnité à allouer à la victime, la cour d'appel a violé l'article 706-9 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 706-9 du code de procédure pénale :

4. Selon ce texte, la commission tient compte, dans le montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de son préjudice, des prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale.

5. Pour fixer le montant de l'indemnisation du préjudice corporel de M. [C], la cour d'appel, après avoir statué sur chaque poste de celui-ci et appliqué le coefficient de réduction de 50 % retenu par elle au titre de sa faute, a imputé sur cette somme la moitié des débours de la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

6. En statuant ainsi, alors que les tiers payeurs ne disposent d'aucun recours subrogatoire à l'égard du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, de sorte qu'il y a lieu de déduire leurs débours, poste par poste, sans leur appliquer de coefficient de réduction, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il alloue à M. [C] la somme de 233 554,22 euros après déduction des provisions versées à hauteur de 215 000 euros en réparation de son préjudice corporel, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Chauve - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SARL Delvolvé et Trichet ; SCP Ghestin -

Textes visés :

Article 31, alinéa 2, de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 10 décembre 2015, pourvoi n° 14-25.757, Bull. 2015, II, n° 276 (rejet).

2e Civ., 9 mars 2023, n° 21-20.565, (B), FS

Cassation partielle

Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) – Victime de l'amiante – Action en justice contre le Fonds – Conditions – Demande préalable de versement d'une pension de réversion (non)

Viole l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, la cour d'appel qui, pour débouter le conjoint survivant d'une victime d'une contamination par l'amiante de sa demande d'indemnisation en réparation de son préjudice économique, formée contre le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), retient qu'elle ne fournit pas d'indication sur une pension de réversion susceptible de lui être servie, alors que, l'indemnisation par ce fonds ne présentant pas un caractère subsidiaire, cette victime n'était pas tenue de présenter, préalablement, une demande de versement de la pension de réversion à laquelle elle pouvait, le cas échéant, prétendre.

Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) – Victime de l'amiante – Demande d'indemnisation – Intervention du fonds – Caractère subsidiaire (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 1er juin 2021), et les productions, un cancer broncho-pulmonaire a été diagnostiqué le 21 juin 2018 chez [L] [N], qui avait exercé son activité professionnelle au sein de centrales thermiques et nucléaires d'EDF.

2. La caisse primaire d'assurance maladie de Saône-et-Loire a reconnu le caractère professionnel de cette pathologie après son décès.

3. Mme [S] [N], sa veuve, Mme [C] [N], sa mère, MM. [F] et [O] [N], ses fils, ce dernier agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs [I] et [K], M. [J] [N] et Mme [B] [N], ses petits-enfants (les consorts [N]) ont saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) d'une demande d'indemnisation.

4. Contestant les offres du FIVA, les consorts [N] ont saisi une cour d'appel à fins d'indemnisation du préjudice personnel de [L] [N] ainsi que de leur préjudice propre.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. Mme [S] [N] et MM. [F] et [O] [N] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'indemnisation formée en qualité d'ayants droit de [L] [N] en réparation du préjudice subi par celui-ci au titre de l'assistance par une tierce personne alors « que pour les débouter de leur demande d'indemnisation formée à titre successoral, la cour d'appel s'est bornée à relever que les éléments médicaux consacrant expressément la nécessité de l'assistance d'une tierce personne ou permettant, le cas échéant, d'en déterminer le volume étaient indispensables à l'appréciation de ce poste de préjudice et ne pouvaient être palliés par les documents médicaux produits, la seule constatation d'une incapacité fonctionnelle, fût-elle totale, n'impliquant pas de manière nécessaire l'exigence d'une assistance par un tiers 24 heures sur 24 ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer, ainsi qu'elle y était cependant invitée, sur les besoins d'assistance de la victime directe et, en particulier, sans rechercher si cette dernière ne devait pas être aidée pour accomplir les actes essentiels de la vie quotidienne tels que se laver, s'habiller, aller aux toilettes ou se nourrir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 53, I, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

6. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par les consorts [N] au titre du besoin d'assistance de [L] [N] par une tierce personne, 24 heures par jour, sur la période du 21 juin 2018, date du diagnostic de sa maladie, jusqu'au 2 octobre 2018, date de son décès, l'arrêt relève que les consorts [N] ne produisent aux débats aucun élément médical consacrant expressément la nécessité de l'assistance d'une tierce personne, ou permettant, le cas échéant, d'en déterminer l'étendue.

7. L'arrêt ajoute que les documents médicaux produits, qui constatent seulement une incapacité fonctionnelle totale, n'impliquent pas, de manière nécessaire, l'exigence d'une assistance par un tiers 24 heures sur 24.

8. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l'absence de besoin d'assistance par une tierce personne, en l'état de l'incapacité fonctionnelle totale qu'elle constatait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. Mme [N] fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'indemnisation qu'elle forme à titre personnel en réparation de son préjudice économique alors « que les indemnités allouées par le FIVA ne sont pas subsidiaires à la pension de réversion à laquelle peut prétendre une victime sans qu'elle soit obligée de la demander et qui n'est pas versée par un organisme gérant un régime obligatoire de sécurité sociale ; qu'ainsi, si elle n'a pas été sollicitée, cette pension ne saurait être prise en compte dans le calcul du revenu de référence indispensable à la détermination du préjudice économique de la victime ; qu'il en résulte que l'indemnité due à cette dernière par le FIVA à ce titre doit être liquidée sans tenir compte de la pension litigieuse ; qu'en exigeant cependant de Mme [N] qu'elle se justifie sur la perception de cette pension pour liquider son préjudice économique, la cour d'appel a violé l'article 53, IV, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, et le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

10. Selon ce texte, le FIVA, qui a pour mission de réparer intégralement les préjudices des personnes qui ont été victimes de l'amiante, indique l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime compte tenu des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs au titre du même préjudice.

Le fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre, notamment, les organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge de ces personnes.

11. Il résulte de ces dispositions que l'indemnisation par le FIVA ne présente pas un caractère subsidiaire.

12. Pour rejeter la demande formée par Mme [N] au titre du préjudice économique, l'arrêt relève que cette dernière l'évalue à une certaine somme en déduisant du revenu annuel de référence du foyer antérieurement au décès de [L] [N], d'une part, la part d'auto-consommation de ce dernier, d'autre part, les revenus personnels qu'elle a conservés, postérieurement au décès, tels qu'elle les a déclarés à l'administration fiscale.

13. L'arrêt constate que Mme [N] verse les justificatifs de ses revenus déclarés à l'administration fiscale mais ne fournit pas d'indication sur la pension de réversion que l'organisme de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (l'IRCANTEC) pourrait lui servir au titre des fonctions d'élu qu'avait exercées son époux.

14. Il énonce qu'il appartient à Mme [N] d'indiquer si elle a ou non sollicité le bénéfice de cette pension et, le cas échéant, si elle perçoit une somme à ce titre.

15. En statuant ainsi, alors que Mme [N] n'était pas tenue de présenter préalablement, auprès de l'IRCANTEC, une demande de versement de la pension de réversion à laquelle elle pouvait, le cas échéant, prétendre, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation formée par Mme [S] [N], Mme [C] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], ce dernier agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs [I] et [K], M. [J] [N] et Mme [B] [N], en leur qualité d'héritiers de [L] [N], au titre de l'assistance par une tierce personne, et la demande formée par Mme [S] [N] au titre de son préjudice économique, l'arrêt rendu le 1er juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Ittah - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 24 mai 2006, pourvoi n° 05-18.049, Bull. 2006, II, n° 132 (cassation partielle).

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