Numéro 3 - Mars 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2023

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES

1re Civ., 8 mars 2023, n° 21-24.783, (B), FS

Cassation

Résolution – Résolution judiciaire – Clause résolutoire – Mise en oeuvre par le créancier – Cas – Force majeure – Inexécution par le débiteur de son obligation contractuelle

Il se déduit des articles 1103 et 1218 du code civil que, si le créancier ne peut obtenir la résolution du contrat en soutenant que la force majeure l'a empêché de profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit, il peut se prévaloir de l'inexécution par le débiteur de son obligation contractuelle en raison de la force majeure.

Résolution – Résolution judiciaire – Clause résolutoire – Mise en oeuvre par le créancier – Cas – Force majeure – Créancier empêché de profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit (non)

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Tours, 29 septembre 2021), rendu en dernier ressort, le 11 décembre 2019, M. [P] a, en vue du mariage de son fils prévu le 3 octobre 2020, conclu un contrat de réservation d'une salle de réception auprès de la société A&P réceptions (la société) et a payé un acompte de 2 375 euros.

Le contrat stipulait qu'en cas d'annulation de la manifestation par le client, le montant de la location resterait intégralement dû à la société, sauf cas de force majeure.

2. A la suite de la publication, en raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19, d'un arrêté préfectoral du 27 septembre 2020 fixant, pour les événements familiaux se déroulant à compter du 28 septembre et jusqu'au 12 octobre 2020, une jauge maximale de trente personnes, M. [P] a sollicité la résolution du contrat et la restitution de son acompte en invoquant l'existence d'une force majeure.

3. A titre reconventionnel, la société a sollicité le paiement d'une somme de 2 375 euros, correspondant au solde de la location.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. M. [P] fait grief au jugement de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors « que M. [P] soutenait qu'en raison de l'arrêté du 27 septembre 2020 instaurant une jauge de trente personnes, la société n'était pas en mesure de fournir la prestation convenue, qui consistait en une mise à disposition d'un espace destiné à accueillir plus de six cent personnes, élément essentiel sans lequel il n'aurait jamais contracté ; qu'en retenant que si cet arrêté faisait peser sur la société des contraintes, celles-ci ne rendaient pas impossible l'exécution du contrat dès lors qu'une réception demeurait possible dans la limite de trente personnes, sans rechercher si l'obligation de la société, au-delà de la seule mise à disposition d'un espace, ne consistait pas essentiellement à fournir cet espace avec une telle capacité d'accueil, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard des articles 1103, 1188 et 1218 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1103 et 1218 du code civil :

6. Aux termes du premier de ces textes, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

7. Aux termes du second, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.

8. Il s'en déduit que, si le créancier ne peut obtenir la résolution du contrat en soutenant que la force majeure l'a empêché de profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit, il peut se prévaloir de l'inexécution par le débiteur de son obligation contractuelle en raison de la force majeure.

9. Pour rejeter les demandes de M. [P], le jugement retient que les contraintes liées à la crise sanitaire ne constituaient pas un élément irrésistible dès lors que la société était en mesure de fournir la prestation, M. [P] pouvant organiser une réception dans la salle louée dans la limite de trente convives.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'obligation de la société ne consistait pas à mettre à la disposition de M. [P] un espace dans lequel il pourrait accueillir effectivement plusieurs centaines de personnes qu'elle s'était trouvée elle-même dans l'impossibilité d'exécuter, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. M. [P] fait grief au jugement de le condamner à verser à la société la somme de 2 375 euros correspondant au solde dû en application du contrat, alors « que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen de cassation entraînera nécessairement, par voie de conséquence, la cassation de ce chef de dispositif par application de l'article 624 du code de procédure civile, le chef de dispositif faisant droit à une demande reconventionnelle d'application du contrat présentant un lien d'indivisibilité et de dépendance nécessaire avec celui rejetant la demande de résolution de ce même contrat. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

12. En application de ce texte, la cassation des dispositions du jugement rejetant les demandes formées par M. [P] entraîne la cassation du chef de dispositif qui le condamne à payer à la société une somme correspondant au solde restant dû, lequel s'y attache par un lien d'indivisibilité et de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 29 septembre 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Tours ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Blois.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Kerner-Menay - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Guérin-Gougeon ; SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier -

Textes visés :

Articles 1103 et 1218 du code civil.

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