Numéro 3 - Mars 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2023

CONFLIT DE JURIDICTIONS

1re Civ., 22 mars 2023, n° 21-25.336, (B), FRH

Rejet

Effets internationaux des jugements – Exequatur – Effets – Etendue – Limites – Cas – Suspension de l'exécution provisoire de la décision étrangère

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 octobre 2021), par décision du 2 mars 2010, assortie de l'exécution provisoire, le tribunal de Bologne a condamné la société Bank Tejarat Iran (BankTejarat) à payer à la faillite de la société Italricambi, prise en la personne de son syndic, M. [W], la somme de 1 885 816,34 euros.

2. Le 18 mars 2010, le greffier en chef du tribunal de grande instance de Paris a délivré une déclaration constatant la force exécutoire de cette décision sur le fondement des articles 38 et suivants du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (règlement Bruxelles I).

3. Le 3 mars 2011, le recours contre cette déclaration a été rejeté par un arrêt de la cour d'appel de Paris.

4. Le 25 mars 2010, la société Italricambi a fait procéder à des saisies conservatoires à l'encontre de la succursale parisienne de la Bank Tejarat, dont, le 30 mars 2011, elle a sollicité la conversion en saisie-attribution.

5. Le 14 avril 2011, la Bank Tejarat a fait délivrer par la société d'huissiers de justice Eric Miellet-Anne Kermagoret une assignation afin de contester la conversion en saisie-attribution.

6. Par jugement du 15 avril 2011, le tribunal de Bologne a ordonné la suspension de l'exécution provisoire assortissant la décision de la juridiction italienne du 2 mars 2010.

7. Par jugement du 19 juillet 2011, le juge de l'exécution a déclaré irrecevable l'action en contestation de la conversion en raison de la tardiveté de la dénonciation de l'assignation à l'huissier de justice ayant opéré la mesure d'exécution.

8. Le 28 septembre 2011, le premier président de la cour d'appel a rejeté la demande de sursis à exécution du jugement et, le 7 octobre suivant, les fonds saisis ont été libérés.

9. Par arrêt du 30 janvier 2013, la Cour de cassation a annulé l'arrêt de la cour d'appel du 3 mars 2011 et, par arrêt du 18 novembre 2014, la cour d'appel de renvoi a révoqué la déclaration du greffier en chef du 18 mars 2010.

10. Par acte du 16 juin 2016, la Bank Tejarat a assigné la SELAS Eric Miellet-Anne Kermagoret, aux droits de laquelle vient la société Ajilex, en responsabilité et indemnisation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

11. La société Ajilex fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la Bank Tejarat la somme de 1 508 635 euros en réparation de son préjudice, alors :

« 1°/ que les décisions rendues dans un État membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre État membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée ; que la décision de reconnaissance en France d'un jugement étranger a force exécutoire dans l'ordre juridique interne, sans que cela ne puisse être remis en cause par une décision étrangère ultérieure contraire à la décision étrangère initiale, non revêtue de la force exécutoire ; qu'en l'espèce, la société Bank Tejarat prétendait avoir subi un préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir une décision favorable du juge de l'exécution, saisi d'une contestation de la conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution, en raison de la tardiveté de la dénonciation, le 15 avril 2011, par la société d'huissiers Ajilex, de l'assignation du 14 avril 2011 en contestation à l'huissier saisissant, rendant ainsi la contestation irrecevable ; qu'en jugeant qu'il existait un lien de causalité entre la faute imputée à la société Ajilex et le préjudice allégué par la société Bank Tejarat, aux motifs que, d'une part, la Cour de cassation avait, par arrêt du 30 janvier 2013, cassé et annulé l'arrêt du 3 mars 2011 confirmant la décision du greffier du 18 mars 2010 de reconnaissance d'un jugement italien du 2 mars 2010, pour perte de fondement juridique, d'autre part, ce moyen fondait les demandes de la société Bank Tejarat devant le juge de l'exécution, ce dont il résultait qu'elles présentait des chances de succès, sans rechercher si le juge de l'exécution, à la date de sa décision du 19 juillet 2011 statuant sur la contestation de la conversion, était tenu de constater qu'il existait, en France, une décision de reconnaissance et un arrêt confirmatif du 3 mars 2011 revêtus de la force exécutoire condamnant la société Bank Tejarat à payer au mandataire judiciaire de la société Italricambi la somme de 1 885 816,34 €, et ne pouvait dès lors que statuer en ce sens, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 34 et 38 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 ;

2°/ que la responsabilité d'un huissier de justice suppose un lien de causalité entre la faute qui lui est imputée et le préjudice allégué par son client ; qu'en l'espèce, il résulte tant de l'assignation devant le juge de l'exécution par la société Bank Tejarat du 14 avril 2011 que de l'exposé des prétentions des parties figurant dans le jugement du juge de l'exécution 19 juillet 2011 que cette société avait sollicité que ce juge sursoie à statuer dans l'attente de la décision à rendre sur le recours en révision qu'elle avait formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 mars 2011 confirmant la décision de reconnaissance du 18 mars 2010, dans le cadre duquel elle avait fait valoir que cet arrêt était fondé sur une compréhension erronée de la décision italienne du 26 janvier 2011, qui n'avait pas rejeté la demande d'annulation de l'exécution provisoire mais seulement sursis à statuer dans l'attente de la traduction de documents en langue italienne ; qu'en jugeant néanmoins qu'il existait un lien de causalité entre la faute imputée à la société Ajilex et la perte de chance alléguée par la société Bank Tejarat d'obtenir gain de cause devant le juge de l'exécution, au motif que la Cour de cassation avait cassé et annulé l'arrêt du 3 mars 2011 pour perte de fondement juridique, tandis que ce pourvoi n'avait pas été invoqué par la société Bank Tejarat au soutien de sa demande de sursis à statuer, mais seulement de son recours en révision qui n'a pas abouti et dans le cadre duquel elle n'a pas présenté ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

3°/ que le préjudice doit, pour être indemnisable, être direct, actuel et certain ; qu'en l'espèce il ressort de l'assignation par la société Bank Tejarat du 14 avril 2011 devant le juge de l'exécution et du jugement du tribunal de Bologne du 21 mai 2013 qu'un accord est intervenu le 6 septembre 1995 entre cette société et la société Italricambi au terme duquel la première s'est reconnue débitrice de certaines sommes envers la seconde ; que, par ailleurs, la décision du tribunal de Bologne du 15 avril 2011 n'a pas annulé, sur le fond, le jugement initial du 2 mars 2010 en ses dispositions condamnant la société Bank Tejarat à payer la somme de 1 885 816,34 € à M. [W], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Italricambi, mais en a seulement suspendu l'exécution provisoire, au motif d'une incompétence des juridictions italiennes ; qu'en condamnant la société d'huissiers Ajilex à payer à la société Bank Tejarat la somme de 1 508 635 € en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de conserver les fonds saisis le 7 octobre 2011, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si la banque restait débitrice de la somme de 1 885 816,34 €, quand bien même l'exécution du jugement italien eût été suspendue en France, ce dont il résulte que le préjudice dont la réparation était demandée à l'huissier ne revêtait pas un caractère certain, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil et L. 511-6 du code de commerce ;

4°/ qu'en toute hypothèse, aucune décision citée par l'arrêt attaqué n'a mis à néant l'obligation cambiaire de la société Bank Tejarat résultant des vingt- quatre billets à ordre émis le 10 janvier 1996 ; qu'en condamnant néanmoins la société Ajilex à lui payer la somme de 1 508 653 €, sans rechercher si la banque restait obligée cambiairement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil et L. 511-6 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

12. Il résulte de l'article 38 du règlement Bruxelles I, tel qu'interprété par la CJCE, d'une part, que les décisions rendues dans un Etat membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre Etat membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée, d'autre part, que le caractère exécutoire de la décision dans l'État d'origine constitue une condition de l'exécution de cette décision dans l'État requis (CJCE, arrêt du 29 avril 1999, Coursier, C-267/97, point 23) et que, si la reconnaissance doit avoir pour effet, en principe, d'attribuer aux décisions l'autorité et l'efficacité dont elles jouissent dans l'État membre où elles ont été rendues, il ne peut être accordé à un jugement, lors de son exécution, des droits qui ne lui appartiennent pas dans l'État membre d'origine ou des effets qu'un jugement du même type rendu directement dans l'État membre requis ne produirait pas (CJCE, arrêt du 28 avril 2009, Apostolides, C-420/07, point 66).

13. Il résulte de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que seule constitue une perte de chance la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable et que le préjudice né de la perte d'une chance d'avoir pu soumettre son litige à une juridiction ne peut être constitué que s'il est démontré que l'action qui n'a pu être engagée présentait une chance sérieuse de succès.

14. La cour d'appel a constaté, en premier lieu, que la Bank Tejarat avait saisi le juge de l'exécution aux fins de sursis à statuer sur la conversion des saisies conservatoires jusqu'à ce que la cour d'appel de Paris se soit prononcé sur son recours en révision de l'arrêt du 3 mars 2011, reconnaissant le caractère exécutoire en France de la décision italienne, et qu'elle avait fait valoir devant ce juge que l'exécution provisoire de cette décision avait été suspendue par un jugement rendu en Italie le 15 avril 2011, en deuxième lieu, que le juge de l'exécution avait déclaré cette action irrecevable par un jugement du 19 juillet 2011 au motif que l'assignation avait été dénoncée tardivement par la société d'huissiers de justice Eric Miellet-Anne Kermagoret, en troisième lieu, que la décision du juge de l'exécution avait emporté conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution et versement des fonds par les tiers saisis.

15. Elle a relevé, d'une part, qu'il n'était pas nécessaire que le jugement suspendant l'exécution provisoire de la décision italienne fût déclaré exécutoire en France pour produire ses effets, de sorte qu'il existait une chance réelle et sérieuse que le juge de l'exécution, s'il s'était prononcé au fond sur la pertinence de ce moyen, dont il était saisi, aurait accueilli la demande de la banque, d'autre part, que le titre exécutoire de la société italienne qui fondait la saisie attribution ayant été annulé, la libération des fonds en exécution de cette saisie constituait un paiement devenu indu, peu important l'issue des procédures diligentées en Italie, en Grande-Bretagne ou en Iran, et sans que la certitude du préjudice résultant de la perte de chance de conserver les fonds soit subordonnée à l'épuisement des recours contre les organes de la procédure collective ou contre le repreneur de la société italienne.

16. Ayant ainsi exactement retenu que la suspension de l'exécution provisoire de la décision italienne avait eu pour effet de priver de plein droit de fondement juridique la reconnaissance en France du caractère exécutoire de cette décision, la cour d'appel, qui a, implicitement mais nécessairement, répondu en les écartant aux conclusions prétendument délaissées et procédé à la recherche invoquée par la troisième branche, a pu déduire de ses constatations, indépendamment du motif surabondant critiqué par la deuxième branche, que la Bank Tejarat avait perdu une chance réelle et sérieuse de voir sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire accueillie et qu'il en résultait pour elle un préjudice actuel et certain.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Guihal (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Ancel - Avocat(s) : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 38 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, dit Bruxelles I.

1re Civ., 1 mars 2023, n° 21-23.510, (B), FRH

Rejet

Effets internationaux des jugements – Reconnaissance ou exequatur – Procédure de reconnaissance ou d'exequatur – Qualité à agir – Partie intéressée à l'exequatur – Applications diverses

Aux termes de l'article 38 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit « Bruxelles I », les décisions rendues dans un Etat membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre Etat membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée.

L'exequatur d'un jugement étranger n'est pas, en lui-même, un acte d'exécution.

Dès lors, une cour d'appel, qui retient, à bon droit, que le créancier admis à la procédure collective d'une société, ouverte en Roumanie, est une partie intéressée à l'exequatur des jugements lui conférant cette qualité et condamnant l'ancienne administratrice de la société liquidée à en supporter le passif, en déduit exactement que doit être rejeté le recours formé par celle-ci, contre le certificat délivré par le greffier en chef d'un tribunal de grande instance constatant le caractère exécutoire des décisions du tribunal commercial roumain.

Effets internationaux des jugements – Reconnaissance ou exequatur – Procédure de reconnaissance ou d'exequatur – Effets – Portée – Recours contre le certificat constatant le caractère exécutoire de la décision étrangère – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 mars 2021), le 9 novembre 2018, la société Bogdalex Import Export (la société Bogdalex) a signifié à Mme [M], prise en sa qualité d'administratrice de la société SC Biamos com, trois décisions rendues par le tribunal commercial de Cluj (Roumanie) les 22 janvier 2008, 11 février 2010 et 15 avril 2010 et le certificat (sic), délivré le 20 décembre 2016 par le greffier en chef d'un tribunal de grande instance, constatant le caractère exécutoire de ces décisions.

2. Mme [M] a formé un recours contre de ce certificat.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [M] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité de l'acte de signification du certificat délivré par le greffier en chef du tribunal de grande instance et des décisions juridictionnelles roumaines qui y étaient annexées, alors :

« 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que cette détermination porte, premièrement, sur l'ordre même des demandes présentées par les parties, en sorte que la cour d'appel, tenue d'examiner ces demandes dans l'ordre fixé par les parties, ne peut pas examiner une demande subsidiaire avant la demande principale ; qu'en l'espèce, Mme [M] avait clairement ordonné sa demande, dans le dispositif de ses conclusions, pour faire juger, « à titre principal », que l'action en recouvrement forcé dirigée contre elle par la société Bogdalex Import Export était prescrite et, « à titre subsidiaire », que l'acte de signification du 9 novembre 2018 était entaché de nullité ; qu'en inversant de son propre chef l'ordre ainsi fixé, pour examiner et juger en premier lieu la demande subsidiaire, la cour a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le juge ne peut dès lors attribuer à une partie une demande qu'elle ne lui a présentée, ni la débouter sur le fondement du rejet d'un moyen qu'elle n'a pas soutenu ; qu'en l'espèce, si, dans le dispositif de ses écritures, Mme [M] a bien visé « les dispositions du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale » et demandé l'annulation de l'acte de signification du 9 novembre 2018, ce n'est nullement en raison de l'application erronée des dispositions du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 aux lieu et place du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, puisqu'elle a fait application du premier de ces deux règlements pour saisir la cour d'appel de sa contestation du certificat du 20 décembre 2016 ; qu'en attribuant dès lors à Mme [M], pour justifier le débouté de sa demande de nullité de l'acte de signification, d'avoir soutenu, à l'appui de cette demande, l'inapplicabilité du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, la cour a derechef violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. C'est sans modifier l'objet du litige que la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche du moyen, a examiné successivement la demande subsidiaire d'annulation de l'acte de signification puis la demande principale tirée de la prescription de l'action en recouvrement, dès lors que ces demandes, indépendantes l'une de l'autre, ont été rejetées.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. Mme [M] fait grief à l'arrêt de rejeter son recours à l'encontre du certificat délivré le 20 décembre 2016 par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Versailles, alors « que les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers sont exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la loi ; que l'accueil d'un jugement étranger dans l'ordre juridique français est soumis à trois conditions essentielles, hors le cas d'une convention internationale particulière : le contrôle de la compétence internationale indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité de ce jugement à l'ordre public international de fond et de procédure et l'absence de fraude à la loi ; qu'ainsi, seule une partie « intéressée » peut faire constater que la décision doit être reconnue, dans des conditions qui ne soient pas contraires à l'ordre public français ; qu'en l'espèce, Mme [M] avait notamment contesté tout droit de la société Bogdalex Import Export à agir pour demander et obtenir l'exequatur des trois jugements roumains litigieux, dès lors que si une qualité de créancier inscrit avait pu lui être reconnue à l'occasion de la procédure collective roumaine, les jugements en question avaient été rendus en faveur du mandataire liquidateur de la société SC Biamos Com SRL, seul ou avec le représentant des créanciers, dans les droits desquels elle ne pouvait nullement prétendre se substituer ; qu'en se bornant dès lors, pour rejeter le recours de Mme [M] à l'encontre du certificat d'exequatur délivré le 20 décembre 2016, à retenir que l'intérêt de la société Bogdalex Import-Export résultait de sa seule admission à la procédure collective de la société SC Biamos Com SRL, quand cette circonstance ne lui conférait aucun droit de faire exécuter les jugements litigieux, la cour a violé l'article 509 du code de procédure civile, ensemble les articles 33.2 et 34.1 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 38 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit « Bruxelles I », les décisions rendues dans un Etat membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre Etat membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée.

8. L'exequatur d'un jugement étranger n'étant pas, en lui-même, un acte d'exécution, c'est à bon droit que la cour d'appel a jugé que la société Bogdalex, qui avait été admise en qualité de créancière à la procédure collective de la société SC Biamos com ouverte en Roumanie, était une partie intéressée à l'exequatur des jugements lui conférant cette qualité et condamnant Mme [M], ancienne administratrice de la société liquidée, à en supporter le passif.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Ancel - Avocat(s) : SCP Le Griel ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés -

Textes visés :

Article 38 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000.

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