Numéro 3 - Mars 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2023

CHOSE JUGEE

2e Civ., 23 mars 2023, n° 21-13.281, (B), FRH

Cassation partielle

Autorité de la chose jugée – Décision revêtue de l'autorité de la chose jugée – Jugement d'orientation – Effets

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 janvier 2021) et les productions, sur des poursuites de saisie immobilière engagées par le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 11] (le syndicat des copropriétaires), à l'encontre de M. [X] et de Mme [H], les biens saisis ont été adjugés à Mme [G] [L], M. [C] [O], Mme [F] [A], épouse [O], Mme [D] [O], veuve [Z], Mme [P] [O], M. [N] [O], M. [J] [O] et Mme [U] [R], épouse [O] (les consorts [O]).

2. M. [X] et Mme [H] ont saisi un tribunal de grande instance aux fins de nullité du jugement d'adjudication et de condamnation du syndicat des copropriétaires, de son syndic, la société Citya Urbania [Localité 6], désormais dénommée Citya [Localité 9], et des consorts [O] au paiement de dommages-intérêts, appelant à la cause les créanciers inscrits, la société GE Money Bank, désormais dénommée My money bank, et le Trésor public (SIP [Localité 8]).

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

4. M. [X] et Mme [H] font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables en leur action en nullité du jugement d'adjudication du 27 septembre 2012, alors :

1°/ que le jugement d'adjudication, dès lors qu'il ne statue pas sur un incident, n'est susceptible d'aucun recours mais peut faire l'objet d'une action en nullité à titre principal, notamment en raison de la fraude commise par le créancier saisissant ; qu'en retenant néanmoins que les époux [X], débiteurs saisis, étaient irrecevables en leur demande tendant au prononcé de la nullité du jugement d'adjudication dès lors que le jugement d'orientation avait autorité de chose jugée et s'opposait à l'invocation de l'existence d'une fraude pour remettre en cause la procédure de saisie, la cour d'appel a violé l'article R. 322-60 du code des procédures civiles d'exécution ;

3°/ que les juges ne doivent pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'à l'appui de leur demande d'annulation du jugement d'adjudication, les époux [X] invoquaient « l'annulation des actes antérieurs au jugement d'adjudication rendu le 27 septembre 2012 dès lors que la procédure a été conduite en fraude à leurs droits » (conclusions des époux [X] du 30 janvier 2020, p. 9,3e §) et soutenaient qu'ils n'avaient « jamais été valablement informés aux différentes étapes de la procédure de saisie-vente » (conclusions p. 12, § 4), ce dont il résultait qu'ils se prévalaient de la nullité des actes antérieurs à l'audience d'orientation comme de ceux postérieures à ladite audience ; qu'en retenant néanmoins, pour les déclarer irrecevables, que les contestations des époux [X] ne portaient pas sur des actes de procédure postérieurs à l'audience d'orientation du 15 mars 2012, la cour d'appel qui a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions des époux [X], a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de qui a fait l'objet d'un jugement ; que l'autorité de chose jugée attachée au jugement d'orientation s'oppose seulement à ce que des vices de procédure antérieurs audit jugement puissent être invoquées à l'appui d'une action en nullité du jugement d'adjudication ; que les époux [X] faisaient valoir que tous les actes antérieurs au jugement d'adjudication, en ce nécessairement compris les actes postérieurs au à l'audience d'orientation, dont les significations du jugement d'orientation, avaient été délivrés en fraude à leurs droits ; qu'en retenant néanmoins que les époux [X] étaient irrecevables à soutenir que la procédure de saisie immobilière avait été conduite en fraude à leurs droits au regard de l'autorité de chose jugée attachée au jugement d'orientation, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;

5°/ que toute personne a droit au respect de ses biens et doit disposer d'un recours effectif afin de discuter d'un transfert de propriété opéré à son insu ; qu'en déclarant irrecevable l'action en nullité des débiteurs saisis à l'encontre du jugement d'adjudication au regard de l'autorité de chose jugée attachée au jugement d'orientation, refusant ainsi de rechercher si les actes de la procédure immobilière n'avaient pas été volontairement délivrés à une adresse que le créancier saisissant savaient ne pas être celle des débiteurs saisis et si la créance d'un montant de 3 361,63 euros n'avait pas fait l'objet d'un règlement reçu par le créancier saisissant dès le 1er décembre 2011, avant l'audience d'orientation du 15 mars 2012, la cour d'appel, qui a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens et au droit d'accès à un tribunal des époux [X], a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite Convention. »

Réponse de la Cour

5. D'une part, ayant exactement retenu que l'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement d'orientation rend irrecevable les contestations autres que celles se rapportant à des actes postérieurs à l'audience d'orientation, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que le jugement d'adjudication ne pouvait être annulé à la demande de l'une des parties pour des motifs tirés des vices dont elle aurait été affectée et qu'il appartenait à M. et Mme [X] d'interjeter appel du jugement d'orientation pour voir trancher les contestations qu'ils formulaient contre la procédure de saisie immobilière.

6. D'autre part, le délai d'appel ne courant pas en cas de nullité de l'acte de signification du jugement d'orientation et la cour d'appel saisie de l'appel de ce jugement étant tenue d'examiner le moyen présenté par le débiteur saisi qui n'avait pas comparu à l'audience d'orientation, tendant à la nullité de l'assignation qui lui avait été délivrée pour cette audience, le débiteur qui allègue que les actes de la procédure ne lui ont pas été régulièrement signifiés dispose, à cet égard, d'une voie de recours effective.

7. Dès lors, le moyen, inopérant en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen, réunis

Enoncé des moyens

8. M. [X] et Mme [H] font grief à l'arrêt de les débouter de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre du syndicat des copropriétaires et du syndic, alors « que le syndic qui poursuit de manière abusive une saisie immobilière d'un lot de copropriété engage sa responsabilité délictuelle à l'égard du copropriétaire débiteur saisi ; qu'en se bornant à affirmer que l'existence d'une faute du syndic n'était pas démontrée dès lors que la procédure de saisie immobilière n'était affectée d'aucune irrégularité en raison de l'autorité de chose jugée attachée au jugement d'orientation, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions des époux [X] p. 16 et 17), si le syndic, la société Citya, n'avait pas poursuivi de manière abusive la saisie immobilière du lot des époux [X], débiteurs saisis, pour obtenir le paiement d'une créance d'un montant de 3 361,63 euros, en faisant délivrer les actes à une adresse qui n'était ni leur résidence personnelle, ni leur domicile élu, en ne les alertant pas de la mise en oeuvre de la procédure alors même qu'il était en contact avec leur conseil, en comptabilisant avec retard le règlement effectué par les époux [X] le 28 novembre 2011 des charges frais servant de fondement aux poursuites et en poursuivant, malgré ce règlement, la procédure à l'audience d'orientation du 15 mars 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

9. M. [X] et Mme [H] font grief à l'arrêt de les débouter de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre des consorts [O], alors « que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter toute faute des consorts [O], adjudicataires du lot de copropriété saisi, à l'égard des débiteurs saisis, les époux [X], que la procédure de saisie immobilière ne serait affectée d'aucune irrégularité, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à exclure l'existence d'une faute des consorts [O], a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1240 du code civil :

10. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

11. Pour confirmer le jugement déboutant M. [X] et Mme [H] de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre le syndicat des copropriétaires, le syndic et les consorts [O], l'arrêt retient qu'en l'absence de démonstration d'une quelconque faute des intimés, la procédure de saisie immobilière n'étant affectée d'aucune irrégularité, les appelants ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts présentées tant à l'encontre du syndicat des copropriétaires et de son syndic, d'une part, que des consorts [O], d'autre part.

12. En se déterminant ainsi, alors que l'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement d'orientation, qui fait obstacle à l'annulation du jugement d'adjudication pour des motifs tirés des irrégularités de la procédure de saisie immobilière, n'interdit pas au débiteur saisi de former une demande de dommages-intérêts à raison de ces irrégularités, la cour d'appel, qui devait examiner si les conditions de la responsabilité étaient réunies, sans se borner à relever que les moyens invoqués au soutien de la demande de nullité étaient irrecevables, n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant débouté M. [X] et Mme [H] de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 11], de la société Citya Urbania [Localité 6], de Mme [G] [L], de M. [C] [O], de Mme [F] [A], épouse [O], de Mme [D] [O], veuve [Z], de Mme [P] [O], de M. [N] [O], de M. [J] [O] et de Mme [U] [R], épouse [O], l'arrêt rendu le 14 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Com., 1 mars 2023, n° 21-14.787, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Force de chose jugée – Applications diverses – Codébiteur solidaire n'ayant pas fait appel du jugement l'ayant condamné

Il résulte de l'article 1355 du code civil et des articles 480, alinéa 1, et 562 du code de procédure civile que si un codébiteur solidaire néglige de former appel du jugement l'ayant condamné en première instance ou de se joindre au recours recevable formé par l'autre codébiteur, ce jugement a force de chose jugée à son égard s'il est réformé sur l'appel du second.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 février 2021), la société Rioglass France, devenue la société Prevent Glass, était détenue par la société de droit allemand Prevent Dev GmbH (la société Prevent Dev). Elle avait une activité de production de verre automobile et avait notamment comme client la société Volkswagen Aktiengesellschaft (la société Volkswagen).

2. Le 18 octobre 2011, la société Prevent Dev a cédé la totalité des actions qu'elle détenait dans le capital social de la société Prevent Glass à la société de droit allemand Erlensee 2 VV GmbH (la société Erlensee), devenue la société International Corporate Investitors GmbH.

La société Prevent TWB GmbH & Co. KG (la société Prevent TWB), filiale de la société Prevent Dev, était partie à l'acte de cession.

3. La société Prevent Glass a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 21 novembre 2011 et 9 mai 2012, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 31 juillet 2011.

4. Le 30 mai 2012, le mandataire liquidateur a licencié l'ensemble des salariés de la société Prevent Glass.

5. M. [V] et vingt-neuf autres salariés de la société Prevent Glass (les salariés) ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir dire leur licenciement sans cause réelle et sérieuse.

6. Ces mêmes salariés ont assigné les sociétés Prevent Dev, Prevent TWB, Volkswagen et Erlensee en paiement, in solidum, de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de leur emploi.

7. La société Volkswagen a interjeté appel du jugement ayant accueilli ces demandes et les sociétés Prevent Dev et Prevent TWB ont formé appel incident.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande des salariés de condamnation in solidum des sociétés Prevent Dev, Prevent TWB et Volkswagen à leur payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts, et sur le deuxième moyen, ci-après annexés

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande des salariés de condamnation in solidum des sociétés Prevent Dev, Prevent TWB et Volkswagen à leur payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts

Enoncé du moyen

9. Les salariés font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de condamnation in solidum des sociétés Prevent Dev, Prevent TWB et Volkswagen à leur payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts, alors :

« 2°/ que constitue une faute le fait, pour une société mère, de céder à un repreneur une filiale en état de cessation des paiements sans s'assurer préalablement que le plan de reprise présenté par ce repreneur comprend des mesures appropriées au regard de la situation économique et financière de cette filiale et de nature à soustraire la filiale à cet état de cessation des paiements pour éviter, au moins à court terme, l'ouverture d'une procédure collective ; qu'en se bornant à constater que le repreneur était en mesure de financer les investissements nécessaires au développement de nouveaux outils industriels grâce à des ressources qu'il avait présentées comme provenant de fonds de petites et moyennes entreprises industrielles allemandes et que la stratégie de ce repreneur consistait à obtenir de la société Volkswagen une augmentation des prix de l'ordre de 30 % et un complément de financement immédiat sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si la faute de la société Prevent Dev ne résultait pas de ce que cette dernière ne s'était pas assurée de l'existence d'un plan de redressement comprenant des mesures adaptées à l'état de cessation des paiements permettant d'éviter l'ouverture de la procédure collective qui s'est finalement réalisée à peine un mois et trois jours après la cession, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ que constitue une faute le fait, pour une société mère, de céder une filiale en état de cessation des paiements sans procéder à une vérification de la viabilité du projet présenté par le repreneur ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la stratégie du repreneur reposait sur l'obtention d'un accord avec la société Volkswagen sur une augmentation des prix de l'ordre de 30 % et qu'un mois et trois jours après la cession, une procédure collective était ouverte à l'encontre de la société Prevent Glass car le repreneur n'était pas parvenu à obtenir cet accord ; qu'en l'état de ces constatations, et alors que les salariés rappelaient qu'une telle augmentation des prix, qui n'avait jamais pu être obtenue dans le passé, était proprement irréaliste, en écartant tout manquement des sociétés cédantes à leur obligation de vérifier la viabilité du plan sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces sociétés avaient pu obtenir des garanties ou s'étaient à tout le moins assurées des moyens dont disposait le repreneur pour parvenir à un tel accord, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

10. Il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe qu'une société mère a, lorsqu'elle cède les parts qu'elle détient dans le capital social d'une filiale en état de cessation des paiements, l'obligation de s'assurer, avant la cession, que le cessionnaire dispose d'un projet de reprise garantissant la viabilité économique et financière de cette filiale.

11. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile

Enoncé du moyen

12. Les salariés font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il condamnait la société Erlensee à leur payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts, alors « que si un codébiteur in solidum néglige de relever appel du jugement l'ayant condamné en première instance ou de se joindre au recours recevable formé par son consort, ce jugement a force de chose jugée contre lui, même s'il est réformé sur l'appel du codébiteur ; qu'après avoir constaté que la société Erlensee n'avait pas interjeté appel du jugement et ne s'était pas jointe au recours formé par la société Volkswagen, la cour d'appel infirme le jugement et rejette, sans distinction, l'ensemble des demandes présentées par les salariés ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que le jugement du tribunal de grande instance de Fontainebleau avait acquis autorité de chose jugée à l'égard de la société Erlensee, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil, 480 et 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1355 du code civil et les articles 480, alinéa 1, et 562 du code de procédure civile :

13. Selon le premier de ces textes, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement.

Aux termes du deuxième, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

Selon le troisième, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent.

14. Il en résulte que si un codébiteur solidaire néglige de former appel du jugement l'ayant condamné en première instance ou de se joindre au recours recevable formé par l'autre codébiteur, ce jugement a force de chose jugée à son égard s'il est réformé sur l'appel du second.

15. L'arrêt, infirmant le jugement ayant condamné in solidum les sociétés Erlensee, Prevent Dev, Prevent TWB et Volkswagen à payer certaines sommes à titre de dommages-intérêts aux salariés, rejette l'ensemble des demandes formées par ceux-ci.

16. En statuant ainsi, alors que seules les sociétés Volkswagen, Prevent Dev et Prevent TWB avaient formé appel et que la société Erlensee ne s'était pas jointe à l'instance, ce dont il résulte que le jugement était devenu irrévocable dans les rapports entre celle-ci et les salariés, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

18. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond concernant la responsabilité de la société Erlensee des préjudices causés aux anciens salariés de la société Prevent Glass, du fait de la cession d'actions intervenue le 18 octobre 2011, et sa condamnation à les indemniser.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande de mise hors de cause de la société Volkswagen AG sur le premier moyen et sur le premier moyen, en tant qu'il est dirigé contre la société Erlensee 2 VV GmbH, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement ayant déclaré la société Erlensee 2 VV GmbH responsable des préjudices causés aux anciens salariés de la société Prevent Glass, du fait de la cession d'actions intervenue le 18 octobre 2011 et ayant condamné la société Erlensee 2 VV GmbH à payer à M. [G] [V] la somme de 132 527,96 euros, à M. [P] [Y] la somme de 180 677,12 euros, à M. [UT] [D] la somme de 125 747,32 euros, à M. [BR] [E] la somme de 110 112,60 euros, à M. [W] [Z] la somme de 120 433,68 euros, à M. [R] [F] la somme de 106 694,49 euros, à M. [J] [A] la somme de 148 982,60 euros, à M. [T] [M] la somme de 105 091,96 euros, à Mme [HA] [U] la somme de 77 609,55 euros, à M. [N] [B] la somme de 93 369,24 euros, à M. [IA] [X] la somme de 109 205,61 euros, à M. [PE] [X] la somme de 39 036,69 euros, à M. [BL] [C] la somme de 110 029,98 euros, à M. [UN] [I] la somme de 138 637,12 euros, à M. [O] [OO] la somme de 134 068,60 euros, à M. [NZ] [VD] la somme de 89 235,93 euros, à M. [L] [HP] la somme de 88 524,78 euros, à M. [VI] [OE] la somme de 134 499,64 euros, M. [OJ] [VN] la somme de 114 917,52 euros, à Mme [OZ] [VY] la somme de 93 926,88 euros, à M. [S] [IF] la somme de 111 021,63 euros, à M. [JA] [HF] la somme de 94 411,68 euros, à M. [VT] [HK] la somme de 104 889,72 euros, à M. [BL] [IP] la somme de 47 997,85 euros, à M. [UY] [AV] la somme de 112 444,92 euros, à M. [HV] [IK] la somme de 129 212,84 euros, à M. [UN] [CL] la somme de 123 316,76 euros, à M. [WD] [GV] la somme de 113 783,48 euros, à M. [NO] [UN] la somme de 99 033,54 euros, à M. [NU] [WT], la somme de 94 430,25 euros, ainsi qu'à chacun de ceux-ci la somme de 150 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, l'arrêt rendu le 4 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mmes Comte et Ducloz - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Bénabent ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 1355 du code civil ; articles 480, alinéa 1, et 562 du code de procédure civile.

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