Numéro 3 - Mars 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2023

BOURSE

Com., 15 mars 2023, n° 22-18.869, (B), FRH

Rejet

Autorité des marchés financiers (AMF) – Retrait obligatoire – Seuil – Appréciation – Date – Détermination – Date de la décision se prononçant sur la conformité du retrait obligatoire

Il résulte de la combinaison de l'article L. 433-4, II, du code monétaire et financier et des articles 237-2 et 237-3 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) que la condition de seuil du retrait obligatoire, énoncée par le premier texte, s'apprécie à la date de clôture de l'offre publique.

Il s'ensuit que seule la décision par laquelle l'AMF déclare conforme le retrait obligatoire ou, le cas échéant, en fixe la date de mise en oeuvre a pour objet et pour effet de constater que la condition de seuil du retrait obligatoire est légalement remplie. Le fait que la décision de conformité du projet d'offre publique énonce que cette condition était remplie à la date du dépôt du projet d'offre est, dès lors, sans portée.

L'actionnaire minoritaire qui estime que la condition de seuil du retrait obligatoire n'est pas remplie doit, par conséquent, contester non pas la décision de l'AMF déclarant conforme le projet d'offre publique, mais la décision de cette autorité se prononçant sur la conformité du retrait obligatoire ou, le cas échéant, la décision par laquelle elle fixe la date de mise en oeuvre de ce retrait.

Autorité des marchés financiers (AMF) – Retrait obligatoire – Seuil – Appréciation – Date – Détermination – Date de la décision de conformité du projet d'offre publique (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2022) et les productions, la société anonyme Bel, dont les actions sont admises aux négociations sur le marché réglementé Euronext [Localité 4], est contrôlée par le concert composé du groupe familial Fiévet-Sauvin, de la Société industrielle commerciale et de participation, sa filiale à 100 %, et de la société Unibel.

2. Le 22 octobre 2021, la société Unibel a déposé auprès de l'Autorité des marchés financier (AMF) un projet d'offre publique de retrait accompagné d'un projet de note d'information, lequel énonçait que la condition de seuil du retrait obligatoire étant réunie, l'offre publique de retrait visant les actions de la société Bel serait immédiatement suivie d'un retrait obligatoire visant la totalité des actions non apportées à l'offre, moyennant une indemnisation en numéraire de 550 euros par action, égale au prix proposé pour les besoins de l'offre et déterminée sur le fondement d'une évaluation multicritères.

3. Par une décision n° 221C3580 du 22 décembre 2021, l'AMF a déclaré conforme le projet d'offre publique de retrait visant les actions de la société Bel. Il était précisé, au point 1 de cette décision, que « l'initiateur, qui remplit d'ores et déjà les conditions de détention relatives au retrait obligatoire (les actions détenues par les actionnaires minoritaires représentant moins de 10 % du capital et des droits de vote de la société Bel), a demandé à l'Autorité des marchés financiers de procéder au retrait obligatoire dès la clôture de l'offre publique de retrait, en application des articles 237-1 à 237-3 du règlement général [de l'AMF] ».

4. L'offre a eu lieu du 24 décembre 2021 au 10 janvier 2022.

5. Le 11 janvier 2021, l'AMF a annoncé qu'à l'issue de l'offre, la société Unibel détenait 97,41 % du capital et 83,33 % des droits de vote de la société Bel.

6. Le 12 janvier 2022, l'AMF a dit que les conditions du retrait obligatoire prévues aux articles L. 433-4, II, du code monétaire et financier et 237-1 à 237-3 de son règlement général étaient réunies et a fixé la mise en oeuvre de ce retrait au 25 janvier suivant, au prix net de tout frais de 550 euros par action.

7. Soutenant que la condition de seuil du retrait obligatoire fixée à l'article L. 433-4, II, du code monétaire et financier n'était pas remplie, la société BBDE, actionnaire minoritaire de la société Bel, a, le 31 décembre 2021, formé un recours contre la décision de l'AMF du 22 décembre 2021.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième, cinquième et sixième branches, et sur le second moyen, ci-après annexés

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches

Enoncé du moyen

9. La société BBDE fait grief à l'arrêt de rejeter le recours formé à l'encontre de la décision n° 221C3580 de l'AMF de conformité du projet d'offre publique de retrait visant les actions de la société Bel et de la condamner aux dépens ainsi qu'à payer aux sociétés Bel et Unibel une somme globale de 100 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ qu'en retenant que « l'AMF n'a pas, dans la décision attaquée, déclaré conforme le retrait obligatoire mais s'est prononcée uniquement sur la conformité de l'offre publique de retrait », cependant que, dans sa décision de conformité du 22 décembre 2021, l'AMF avait retenu que « l'initiateur qui remplit d'ores et déjà les conditions de détention relatives au retrait obligatoire (les actions détenues par les actionnaires minoritaires représentant moins de 10 % du capital et des droits de vote de la société BEL) a demandé à l'AMF de procéder au retrait obligatoire dès la clôture de l'offre publique de retrait, en application des articles 237-1 [à] 237-3 du règlement général », en apposant en outre son visa sur une note de la société Bel qui comportait un rapport concluant à l'équité du prix proposé, « y compris en considération du retrait obligatoire intervenant à l'issue de l'offre publique », la cour d'appel a dénaturé ladite décision de conformité, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

4°/ que, lorsqu'elle est saisie en ce sens d'une demande de l'initiateur, l'AMF se prononce sur la conformité de la demande de retrait obligatoire lors de l'examen de la conformité du projet d'offre publique de retrait ; qu'en retenant néanmoins que le constat fait par l'AMF selon lequel l'initiateur remplissait d'ores et déjà, à la date du dépôt du projet d'offre, la condition de seuil relative au retrait obligatoire était sans portée, dès lors que le seuil du retrait obligatoire s'apprécie à la date de clôture de l'offre publique, quand, saisie a cette fin, l'AMF devait se prononcer sur la demande de retrait obligatoire formulée lors du dépôt de l'offre publique de retrait, la cour d'appel a violé l'article 237-2 du règlement général de l'AMF. »

Réponse de la Cour

10. Selon l'article L. 433-4, II, du code monétaire et financier, le règlement général de l'AMF fixe les modalités selon lesquelles, à l'issue de toute offre publique et dans un délai de trois mois à l'issue de la clôture de cette offre, les titres non présentés par les actionnaires minoritaires, dès lors qu'ils ne représentent pas plus de 10 % du capital et des droits de vote, sont transférés aux actionnaires majoritaires à leur demande.

11. Selon l'article 237-2 du règlement général de l'AMF, lors du dépôt du projet d'offre, l'initiateur fait connaître à l'AMF s'il a l'intention de demander la mise en oeuvre du retrait obligatoire une fois l'offre terminée et en fonction de son résultat.

12. Selon l'article 237-3 de ce règlement, l'AMF se prononce sur la conformité du projet de retrait obligatoire, sauf lorsque le retrait obligatoire comporte le règlement en numéraire proposé lors de la dernière offre et qu'il fait suite à une offre publique pour laquelle l'autorité a disposé de l'évaluation multicritères mentionnée au II, 2, de l'article L. 433-4 du code monétaire et financier et du rapport de l'expert indépendant mentionné à l'article 261-1 du règlement général de l'AMF. Dans cette hypothèse, l'AMF publie la date de mise en oeuvre du retrait obligatoire.

13. Il résulte de la combinaison de ces textes que la condition de seuil du retrait obligatoire, énoncée par le premier d'entre eux, s'apprécie à la date de clôture de l'offre publique.

14. Il s'ensuit que seule la décision par laquelle l'AMF déclare conforme le retrait obligatoire ou, le cas échéant, en fixe la date de mise en oeuvre a pour objet et pour effet de constater que la condition de seuil du retrait obligatoire est légalement remplie.

Le fait que la décision de conformité du projet d'offre publique énonce que cette condition était remplie à la date du dépôt du projet d'offre est, dès lors, sans portée.

15. Par conséquent, l'actionnaire minoritaire qui estime que la condition de seuil du retrait obligatoire n'est pas remplie, doit contester non pas la décision de l'AMF déclarant conforme le projet d'offre publique, mais la décision de cette autorité se prononçant sur la conformité du retrait obligatoire ou, le cas échéant, la décision par laquelle elle fixe la date de mise en oeuvre de ce retrait.

16. L'arrêt retient que le constat, fait par l'AMF dans la décision du 22 décembre 2021 déclarant conforme le projet d'offre publique de retrait, selon lequel l'initiateur remplissait d'ores et déjà cette condition à la date du dépôt dudit projet, est sans portée sur son appréciation de la conformité de l'offre publique de retrait, et que l'AMF n'a pas, dans cette décision, déclaré conforme le retrait obligatoire mais s'est prononcée uniquement sur la conformité de l'offre publique de retrait.

17. La cour d'appel a exactement déduit de ces constatations et appréciations, sans dénaturer la décision de l'AMF du 22 décembre 2021 déclarant conforme le projet d'offre publique, que ce n'est que par une décision ultérieure du 12 janvier 2022, fixant la date de mise en oeuvre du retrait obligatoire, que cette autorité a constaté que la condition de seuil du retrait obligatoire était remplie et que, dès lors, les moyens de la société BBDE, relatifs à cette condition, dirigés contre la décision du 22 décembre 2021, étaient inopérants.

18. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Ducloz - Avocat général : M. Lecaroz - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SAS Hannotin Avocats ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Article L. 433-4, II, du code monétaire et financier ; articles 237-2 et 237-3 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

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