Numéro 3 - Mars 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2023

BAIL COMMERCIAL

3e Civ., 16 mars 2023, n° 21-22.240, (B), FS

Rejet

Congé – Congé donné à l'issue de la période triennale – Forme – Notification – Notification en la forme ordinaire – Lettre recommandée – Réception – Avis de réception – Régularité de la notification – Conditions – Portée

Une cour d'appel retient, à bon droit, que, ayant été délivré avant l'entrée en vigueur du décret n° 2016-296 du 11 mars 2016, le congé donné par un locataire pour l'échéance triennale, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, est régi par l'article 668 du code de procédure civile, en sorte que la lettre envoyée le dernier jour du délai dans lequel la notification doit être réalisée, est régulière si elle est présentée par les services de la poste au destinataire habilité à la recevoir, peu important la date de réception par ce dernier. Ayant relevé que l'échéance triennale du bail expirait le 31 juillet 2016, elle en a exactement déduit que le congé du locataire envoyé le 31 janvier 2016 par lettre recommandée respectait le délai de six mois imposé par l'article L. 145-4 du code de commerce.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 juin 2021), un bail commercial à effet du 1er août 2001 a été consenti par MM. [B] (les bailleurs) à la société Trujas distribution (la locataire), laquelle a donné congé pour l'échéance triennale du 31 juillet 2016, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, expédiée le 31 janvier 2016.

2. Contestant la validité du congé reçu le 5 février 2016, les bailleurs ont délivré, le 29 mars 2017, un commandement de payer visant la clause résolutoire, puis ont assigné la locataire en paiement de loyers et charges.

Examen du moyen

Énoncé du moyen

3. Les bailleurs font grief à l'arrêt de juger que la résiliation du bail est intervenue le 31 juillet 2016, alors « que le délai de préavis applicable au congé court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée ou de la signification de l'acte d'huissier de justice ; qu'en retenant en l'espèce que le congé adressé par la société Trujas distribution au moyen d'une lettre recommandée expédiée le 31 janvier 2016 pour le 31 juillet suivant respectait le délai de préavis de six mois, tout en constatant que l'avis de réception de cette lettre n'avait été signé que le 5 février 2016, soit moins de six mois avant la date de l'échéance triennale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 145-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que, ayant été délivré avant l'entrée en vigueur du décret n° 2016-296 du 11 mars 2016, le congé était régi par l'article 668 du code de procédure civile, en sorte qu'une lettre envoyée le dernier jour du délai dans lequel la notification doit être réalisée, est régulière si elle est présentée par les services de la poste au destinataire habilité à la recevoir, peu important la date de réception par le destinataire.

5. Ayant relevé que l'échéance triennale du bail expirait le 31 juillet 2016, elle en a exactement déduit que le congé de la locataire envoyé le 31 janvier 2016 par lettre recommandée respectait le délai de six mois imposé par l'article L. 145-4 du code de commerce.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Grandjean - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 145-4 du code de commerce ; article 668 du code de procédure civile.

3e Civ., 16 mars 2023, n° 21-19.707, (B), FS

Cassation partielle

Indemnité d'occupation – Paiement – Action en paiement – Prescription biennale – Domaine d'application – Renonciation du preneur au renouvellement – Indemnité due pour la période antérieure à l'exercice du droit d'option – Fixation – Conditions – Effet

L'indemnité d'occupation, due par un locataire pour la période ayant précédé l'exercice de son droit d'option, trouve son origine dans l'application de l'article L. 145-57 du code de commerce et l'action en paiement de cette indemnité est, comme telle, soumise à la prescription biennale édictée par l'article L. 145-60 de ce code. Cette indemnité d'occupation statutaire, qui, à défaut de convention contraire, doit être fixée à la valeur locative déterminée selon les critères de l'article L. 145-33 du code de commerce, se substitue rétroactivement au loyer dû sur le fondement de l'article L. 145-57 du même code. Il s'ensuit que le bailleur, n'ayant connaissance des faits lui permettant d'agir en paiement de cette indemnité qu'à compter du jour où il est informé de l'exercice par le locataire de son droit d'option, le délai de la prescription biennale ne court qu'à compter de cette date. Par ailleurs, lorsque le locataire se maintient dans les lieux après l'exercice de son droit d'option, il est redevable d'une indemnité d'occupation de droit commun soumise à la prescription quinquennale, dont le délai court à compter de ce même jour.

Indemnité d'occupation – Renonciation du preneur au renouvellement – Indemnité due pour la période antérieure à l'exercice du droit d'option – Paiement – Action en paiement – Prescription – Délai – Point de départ – Détermination

Indemnité d'occupation – Indemnité due pour la période postérieure à l'exercice du droit d'option – Maintien dans les lieux – Paiement – Action en paiement – Prescription – Délai – Point de départ – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 18 mai 2021), le 4 juin 2013, la société civile immobilière Joiner (la bailleresse) a signifié à la société civile immobilière Variance technologies (la locataire) un congé à effet du 31 décembre 2013, avec offre de renouvellement à compter du 1er janvier 2014, moyennant un loyer déplafonné.

2. Le 30 juin 2015, la locataire, qui avait accepté le renouvellement aux charges et conditions du bail expiré, y a renoncé et a informé le bailleur qu'elle libérerait les lieux le 31 décembre 2015.

3. Contestant le non-renouvellement du bail, la bailleresse a assigné la locataire en fixation du loyer du bail renouvelé.

Par décision du 30 novembre 2016, devenue irrévocable, le juge des loyers commerciaux a constaté que le bail commercial était résilié à compter du 1er janvier 2014.

4. Le 2 juin 2017, la bailleresse a assigné la locataire en réparation de préjudices résultant d'un défaut de restitution des lieux et en paiement d'une indemnité d'occupation pour la période du 1er janvier 2014 au 13 mars 2017.

La locataire lui a opposé la prescription biennale.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi incident, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en fixation de l'indemnité d'occupation formée par la bailleresse et de la condamner à lui payer une certaine somme à titre d'indemnité complémentaire d'occupation, alors « que l'action en fixation et paiement d'indemnité d'occupation dirigée contre le locataire qui s'est maintenu dans les lieux après congé donné par le bailleur avec offre de renouvellement, dans l'attente d'un accord sur le montant du loyer, est soumise à la prescription biennale prévue par l'article L. 145-60 du code de commerce ; que la cour d'appel a elle-même constaté que la société Joiner avait, le 4 juin 2013, délivré à la société Variance Technologies un congé pour le 31 décembre 2013, accompagné d'une offre de renouvellement ; qu'en retenant que l'action initiée le 2 juin 2017 par la société Joiner en fixation et paiement d'indemnité d'occupation pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 13 mars 2017 n'était pas prescrite au motif inopérant que la SCI Joiner avait renoncé au renouvellement et elle-même donné congé le 30 juin 2015 pour le 31 décembre suivant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 145-57 et L. 145-60 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

7. La bailleresse conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que la critique est irrecevable comme étant nouvelle, la locataire n'ayant pas soutenu qu'elle s'était maintenue dans les lieux au titre de l'article L. 145-57 du code de commerce.

8. Cependant, la locataire ayant fait valoir devant les juges du fond qu'après congé de la bailleresse avec offre de renouvellement à compter du 1er janvier 2014, elle avait renoncé à ce droit en l'absence d'accord du bailleur pour le maintien du loyer initial, le moyen qui n'est pas nouveau, est recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 145-57 et L. 145-60 du code de commerce :

9. Selon le premier de ces textes, pendant la durée de l'instance relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, le locataire est tenu de continuer à payer les loyers échus au prix ancien ou, le cas échéant, au prix qui peut, en tout état de cause, être fixé à titre provisionnel par la juridiction saisie, sauf compte à faire entre le bailleur et le preneur, après fixation définitive du prix du loyer. Dans le délai d'un mois qui suit la signification de la décision définitive, les parties dressent un nouveau bail dans les conditions fixées judiciairement, à moins que le locataire renonce au renouvellement ou que le bailleur refuse celui-ci, à charge de celle des parties qui a manifesté son désaccord de supporter tous les frais.

10. Selon le second, toutes les actions exercées en vertu du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.

11. Il résulte de ces textes que l'indemnité d'occupation, due par un locataire pour la période ayant précédé l'exercice de son droit d'option, trouve son origine dans l'application de l'article L. 145-57 du code de commerce et l'action en paiement de cette indemnité est, comme telle, soumise à la prescription biennale édictée par l'article L. 145-60 de ce code (3e Civ., 5 février 2003, pourvoi n° 01-16.882, Bull. 2003, III, n° 26).

12. Il s'ensuit que le bailleur n'ayant connaissance des faits lui permettant d'agir en paiement de cette indemnité, laquelle se substitue rétroactivement au loyer dû sur le fondement de l'article L. 145-57 du même code, qu'à compter du jour où il est informé de l'exercice par le locataire de son droit d'option, le délai de prescription biennale ne court qu'à compter de cette date.

13. Par ailleurs, lorsque le locataire se maintient dans les lieux après l'exercice de son droit d'option, il est redevable d'une indemnité d'occupation de droit commun soumise à la prescription quinquennale, dont le délai court à compter de ce même jour.

14. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en fixation de l'indemnité d'occupation et condamner la locataire à payer une somme complémentaire pour la période du 1er janvier 2014 au 13 mars 2017, l'arrêt retient que la locataire, qui a, elle-même, donné congé, ne peut se prévaloir du fait que son maintien dans les lieux entre dans le champ de la législation relative aux baux commerciaux, de sorte que son occupation, qui ne relève d'aucun droit ni d'aucun titre, est irrégulière et échappe au statut des baux commerciaux.

15. Il en déduit que, la prescription abrégée prévue par l'article L. 145-60 du code de commerce n'étant pas applicable, le délai de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, qui avait commencé à courir le 1er janvier 2016, lendemain de la date de cessation des relations contractuelles, a été valablement interrompu par l'assignation délivrée le 2 juin 2017.

16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée de la cassation

17. La cassation prononcée sur le premier moyen du pourvoi principal emporte la cassation de la disposition attaquée par le premier moyen du pourvoi incident sans qu'il y ait lieu de statuer sur ce moyen.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de la société civile immobilière Joiner en indemnisation d'une perte de chance de relouer l'immeuble, l'arrêt rendu le 18 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Andrich - Avocat général : Mme Morel-Coujard - Avocat(s) : SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre -

Textes visés :

Articles L. 145-57 et L. 145-60 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 5 février 2003, pourvoi n° 01-16.882, Bull. 2003, III, n° 26 (cassation).

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