Numéro 3 - Mars 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2023

AVOCATS

2e Civ., 30 mars 2023, n° 21-22.198, (B), FRH

Cassation partielle

Honoraires – Contestation – Absence de convention d'honoraires – Montant et principe de l'honoraire acceptés par le client après service rendu – Détermination – Conditions

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Colmar, 6 juillet 2021), M. et Mme [C], domiciliés en Allemagne, ont confié à M. [D] (l'avocat), la défense de leurs intérêts dans une procédure pénale, tant en première instance qu'en appel.

2. Aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties.

3. Le 28 mars 2017, l'avocat a établi un décompte de frais et honoraires et le 18 décembre 2017, M. et Mme [C] se sont acquittés d'une partie de la somme réclamée.

4. Le 2 mai 2019, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre en fixation de ses honoraires. M. et Mme [C] ont formé un recours devant le premier président d'une cour d'appel contre la décision rendue par le bâtonnier.

5. Au cours de cette instance, l'avocat a émis une autre facture, le 7 mai 2021, dont il a demandé le paiement devant le premier président, relative à des diligences effectuées afin que l'assureur de protection juridique prenne en charge les honoraires exposés pour la procédure pénale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal de l'avocat, et les moyens du pourvoi provoqué éventuel de M. et Mme [C]

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. L'avocat fait grief à l'ordonnance de limiter la condamnation à paiement de M. et Mme [C] au titre des diligences qu'il a effectuées à la somme de 13 912,30 euros, alors « que le client qui a librement payé, même partiellement, les honoraires d'avocat après service rendu ne peut plus les contester ; qu'en affirmant que M. et Mme [C] n'avaient pas donné leur accord pour les honoraires d'avocat après service rendu, quand elle constatait que M. et Mme [C] ont versé une somme de 3 000 euros postérieurement à l'envoi de la facture du 28 mars 2017, ce dont il ressortait qu'ayant effectué un paiement volontaire et en connaissance de cause, même s'il portait seulement sur une partie de la facture, M. et Mme [C] ont accepté celle-ci, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1103 du code civil nouveau ».

Réponse de la Cour

8. Si le bâtonnier et le premier président apprécient souverainement, d'après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l'honoraire dû à l'avocat, il ne leur appartient pas de le réduire dès lors que le principe et le montant de l'honoraire ont été acceptés par le client après service rendu, que celui-ci ait ou non été précédé d'une convention.

9. Le paiement partiel d'une facture d'honoraires, après service rendu, ne vaut acceptation de l'honoraire qu'à hauteur de ce qui a été payé, à défaut de toute autre manifestation de la volonté d'accepter de payer le reliquat.

10. L'ordonnance, qui a relevé que M. et Mme [C] avaient procédé à un paiement partiel de 3 000 euros, retient qu'il n'est pas établi par les pièces versées qu'ils avaient acquiescé à la demande en paiement.

11. Ayant ainsi fait ressortir que M. et Mme [C] s'étaient bornés à procéder à un paiement partiel de l'honoraire, le premier président en a exactement déduit que ce dernier n'avait pas été accepté dans son intégralité et qu'il devait être fixé en application des critères de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

13. L'avocat fait grief à l'ordonnance de rejeter la demande d'indemnité forfaitaire de recouvrement, alors « qu'il se fondait sur la qualité de professionnel de M. [C] pour demander l'indemnité forfaitaire de recouvrement prévue par les articles L. 441-10 et D. 441-5 du code de commerce ; qu'en rejetant sa demande, sans rechercher si la qualité de professionnel de M. [C] ne justifiait pas le paiement de cette indemnité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 441-10 du code de commerce, auparavant article L.441-6 du code de commerce et D. 441-5 du code de commerce ».

Réponse de la Cour

14. Il ne résulte ni des motifs, ni du dispositif de l'ordonnance, que le premier président de la cour d'appel ait statué sur la demande de l'avocat à l'encontre de M. [C] en paiement de l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros.

15. L'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen n'est, dès lors, pas recevable.

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

L'avocat fait grief à l'ordonnance de déclarer irrecevable sa demande de règlement d'une facture de 1 200 euros TTC établie le 7 mai 2021, alors « qu'une juridiction d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de prétentions nouvelles en cause d'appel ou la relevant d'office, est tenue de l'examiner au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile ; qu'en déclarant la demande de l'avocat nouvelle, sans procéder à aucune recherche sur les exceptions prévues à la prohibition des demandes nouvelles en appel, notamment, sans rechercher si cette demande naissait de la survenance d'un fait nouveau, ou si elle constituait le complément nécessaire de la demande initiale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des article 564 et suivants du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 565 et 566 du code de procédure civile :

16. Selon le premier de ces textes, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et selon le second, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

17. Pour déclarer irrecevable la demande de l'avocat en paiement d'une facture de 1 200 euros TTC établie le 7 mai 2021, l'ordonnance énonce que conformément aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait et que la demande de règlement d'une facture établie pendant la procédure d'appel est nouvelle.

18. En se déterminant ainsi, sans rechercher, même d'office, si la demande d'honoraires, formée par l'avocat, pour les diligences mentionnées dans cette facture, n'était pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celle présentée devant le bâtonnier ou ne tendait pas aux mêmes fins que cette dernière, le premier président a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle déclare irrecevable la demande de règlement d'une facture de 1 200 euros TTC établie le 7 mai 2021, l'ordonnance rendue le 6 juillet 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Metz.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Isola - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

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