Numéro 3 - Mars 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2023

AVOCAT

1re Civ., 29 mars 2023, n° 22-14.389, (B), FRH

Rejet

Barreau – Inscription au tableau – Conditions particulières – Fonctionnaires de catégorie A – Exercice d'activités juridiques – Caractérisation – Ancienneté – Détermination

Pour le calcul de l'ancienneté requise afin de bénéficier de la dispense prévue à l'article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, les périodes de temps partiel dans l'exercice de fonctions juridiques doivent être prises en compte prorata temporis.

Barreau – Inscription au tableau – Conditions particulières – Article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 – Fonctionnaires de catégorie A – Exercice d'activités juridiques – Caractérisation – Ancienneté – Détermination

Barreau – Inscription au tableau – Décision du conseil de l'ordre – Recours devant la cour d'appel – Annulation – Portée – Décision ordonnant l'inscription au tableau – Possibilité – Office du juge

Il résulte de l'article 20 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que la cour d'appel qui annule la décision d'un conseil de l'ordre peut, sans s'immiscer dans son fonctionnement, ordonner elle-même l'inscription d'un candidat au tableau de l'ordre.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 février 2022), Mme [B], fonctionnaire de catégorie A, a sollicité son inscription au tableau de l'ordre des avocats au barreau de Bordeaux sur le fondement des dispositions de l'article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat.

2. Le 9 février 2021, le conseil de l'ordre a rejeté sa demande.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le conseil de l'ordre fait grief à l'arrêt d'infirmer sa décision et de lui enjoindre de procéder à l'inscription de Mme [B] au tableau de l'ordre des avocats de Bordeaux sous conditions de réussite à l'examen prévu à l'article 98, 1°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, alors :

« 1°/ que l'article 98, 4° du décret du 27 novembre 1991 dispose que sont dispensés des conditions de formation théorique et pratique « les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale » ; que le dernier alinéa de l'article 98 précise que « les personnes mentionnées aux 3°, 4°, 5°, 6° et 7° peuvent avoir exercé leurs activités dans plusieurs des fonctions visées dans ces dispositions dès lors que la durée totale de ces activités est au moins égale à huit ans » ; que pour justifier la prise en compte du temps partiel effectué par Mme [B], ce qu'avait refusé le conseil de l'ordre, la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur les dispositions de l'article L. 3123-5 du code du travail consacrant l'égalité entre le travail à temps plein et le travail à temps partiel et sur l'article 6 de l'ordonnance n° 82-296 du 31 mars 1982 définissant pour la fonction publique les conditions d'exercice des fonctions à temps partiel, rappelant le même principe d'égalité et proportionnalité entre temps plein et temps partiel avec pour corollaire celui de la non discrimination ; que cependant la circonstance qu'en droit du travail et en droit de la fonction publique, les salariés ou les fonctionnaires employés à temps partiel bénéficient des droits reconnus aux salariés et aux fonctionnaires à temps complet est totalement indifférente, l'objectif du législateur n'ayant pas été de créer un droit de protection mais de prévoir, pour l'entrée dans la profession d'avocat, une dérogation qui oblige de ce fait à une interprétation stricte, tenant à une expérience pratique réelle et effective pour la durée requise de huit ans au moins à temps plein ; qu'en décidant dès lors par des motifs inopérants tirés du principe d'égalité et de proportionnalité entre le temps plein et le temps partiel avec pour corollaire celui de la non discrimination qui n'étaient pas de nature à justifier la prise en compte du temps partiel effectué par Mme [B] que cette dernière pouvait bénéficier de ladite dispense dès lors qu'elle justifiait, outre d'avoir travaillé 83 mois à temps plein, d'avoir également travaillé à temps partiel à 80 % de temps sur deux périodes ayant correspondu à la naissance de ses enfants, la première de 6 mois du 1er septembre 2010 au 31 mars 2011 et la seconde de 34 mois du 1er septembre 2012 au 30 juin 2015, soit 40 mois proratisé à 80 % correspondant à 32 mois d'exercice à temps plein, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 98, 4°, et 98, 6°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

2°/ que et en tout état de cause si l'article 98, 6°, du décret du 27 novembre 1991 ne précise pas expressément que la pratique professionnelle du candidat doit avoir été exercée à temps complet, il ne peut cependant s'agir que d'une durée effective à temps plein dès lors que l'article 98 dudit décret a pour dessein, en considération de son expérience professionnelle, de dispenser le candidat de diverses épreuves imposées aux autres et qu'il fixe la durée de cette expérience à 8 ans ; qu'il s'en évince que le candidat demandant à bénéficier de la dérogation de l'article 98, 4°, dudit décret, d'interprétation stricte, doit justifier d'une activité juridique d'au moins huit ans à temps plein, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale ; qu'en décidant néanmoins que Mme [B], dont il n'était pas contesté qu'elle avait exercé 83 mois une activité juridique à temps plein pouvait bénéficier de ladite dispense dès lors qu'elle justifiait avoir également travaillé à temps partiel à 80 % de temps sur deux périodes ayant correspondu à la naissance de ses enfants, la première de 6 mois du 1er septembre 2010 au 31 mars 2011 et la seconde de 34 mois du 1er septembre 2012 au 30 juin 2015, soit 40 mois proratisé à 80 % correspondant à 32 mois d'exercice à temps plein, soit au total 115 mois (83 mois + 32 mois), ce qui ne correspondait pas aux exigences du législateur et du pouvoir réglementaire, la cour d'appel a violé les articles 98, 4°, et 98, 6°, du décret 27 novembre 1991 ;

3°/ que la cour n'ayant pas à s'immiscer dans le fonctionnement du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Bordeaux, elle ne pouvait lui faire injonction de procéder à l'inscription de Mme [L] [B] au tableau de l'ordre des avocats de Bordeaux sous condition de réussite à l'examen prévu à l'article 98, 1°, du décret du 27 novembre 1991 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour a violé l'article 17 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. »

Réponse de la Cour

4. En premier lieu, après avoir constaté que Mme [B] avait exercé des fonctions juridiques du 1er septembre 2008 au 31 décembre 2018, avec deux périodes de temps partiel à 80 %, du 1er septembre 2010 au 31 mars 2011, et du 1er septembre 2012 au 30 juin 2015, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que ces périodes devaient être prises en compte, prorata temporis, pour le calcul de l'ancienneté requise afin de bénéficier de la dispense prévue à l'article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, soit à hauteur de 40 mois proratisés correspondant à 32 mois d'exercice à temps plein et que Mme [B], justifiant ainsi d'une activité juridique durant neuf années et demi, était en droit de bénéficier de cette dispense.

5. En second lieu, il résulte de l'article 20 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que la cour d'appel qui annule la décision d'un conseil de l'ordre, peut, sans s'immiscer dans son fonctionnement, ordonner elle-même l'inscription d'un candidat au tableau de l'ordre.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Duval-Arnould (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; article 20 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 15-10.159, Bull. 2016, I, n° 12 (rejet), et l'arrêt cité.

1re Civ., 8 mars 2023, n° 20-16.475, (B), FS

Cassation sans renvoi

Exercice de la profession – Association d'avocats à responsabilité professionnelle individuelle – Nature – Société créée de fait – Régime juridique – Société en participation – Société dépourvue de personnalité morale – Portée – Action en justice – Recevabilité

Il résulte des articles 32 du code de procédure civile, 1871 à 1873 du code civil et 124 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 qu'une association d'avocats à responsabilité professionnelle individuelle est une société créée de fait qui est soumise au régime des sociétés en participation et qui n'a pas la personnalité morale, de sorte que sont irrecevables les demandes dirigées contre elle.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme [A] du désistement de son intervention au soutien du pourvoi formé par la SCP [H]-[P]-[Z]-[W]-[S]-[C].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 28 janvier 2020), Mme [X] (l'avocate salariée), engagée le 2 mai 1996 par la Selafa cabinet conseil [L]-[Y], a exercé ses fonctions en qualité d'avocate stagiaire, puis d'avocate salariée.

3. A compter du 1er janvier 2016, son contrat de travail a été transféré à l'Association d'avocats à responsabilité professionnelle individuelle [H] 1927 (l'AARPI), créée le 22 décembre 2011, dont les associés étaient, d'une part, la SCP [H]-[J]-[P], devenue la SCP [H]-[P]-[Z]-[W]-[S]-[C] (la société [H]), d'autre part, la Selarl Cabinet conseil [L]-[Y], devenue la Selas [B] [Y] (la société [Y]).

4. Le 19 décembre 2017, l'avocate salariée a été informée par l'AARPI qu'en raison de l'exclusion de la société [Y] de l'AARPI, elle serait employée de nouveau par cette société, ainsi que par l'AARPI à temps partiel.

La société [Y] s'est opposée à sa reprise.

5. Le 7 février 2018, après avoir refusé cette modification de son contrat de travail, l'avocate salariée a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Poitiers (le bâtonnier) d'une demande de conciliation dirigée contre l'AARPI, laquelle s'est révélée vaine, et, le 2 mars 2018, a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

6. Le 9 mai 2018, elle a saisi le bâtonnier en application de l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et demandé une requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement d'indemnités. Après avoir appelé à l'instance la société [Y], elle a conclu à son encontre les 22 octobre 2018 et 12 mars 2019, sollicitant en dernier lieu une condamnation solidaire de l'AARPI et des sociétés [Y] et [H] au paiement d'indemnités.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal et sur le pourvoi incident

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

8. La société [H] fait grief à l'arrêt de dire que l'AARPI dispose de la personnalité civile, de dire que l'action de l'avocate salariée est recevable à son endroit et de la condamner solidairement en conséquence, avec l'AARPI et la société [Y], à payer certaines sommes à la salariée, alors « qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ; qu'une association d'avocats à responsabilité professionnelle individuelle est une société créée de fait soumise au régime des sociétés en participation, qui n'a pas de personnalité morale, et à l'encontre de laquelle aucune demande ne peut être dirigée en justice ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 32 et 122 du code de procédure civile ensemble les articles 1871 à 1873 du code civil et l'article 124 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, modifié par le décret n° 2007-932 du 15 mai 2007 et les articles 7 et 8 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 32 du code de procédure civile, 1871 à 1873 du code civil et 124 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 :

9. Selon le premier de ces textes, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

10. Il résulte des suivants qu'une AARPI est une société créée de fait qui est soumise au régime des sociétés en participation et qui n'a pas la personnalité morale.

11. Pour déclarer recevable l'action de la salariée à l'encontre de l'AARPI, l'arrêt retient que, si celle-ci constitue une société de fait, n'est pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés et ne dispose pas de la personnalité morale, elle peut avoir un avocat pour salarié ou collaborateur et postuler en justice par le ministère d'un avocat, que le contrat de l'avocate salariée lui a été transféré le 1er janvier 2016, qu'elle lui a fixé sa mission, a établi ses fiches de paie et est immatriculée auprès de l'URSSAF, qu'elle a la personnalité civile qui lui permet d'ester en justice et de défendre à l'action de l'avocate salariée et qu'une condamnation serait exécutable à son encontre puisqu'elle est titulaire d'un compte bancaire et d'avoirs.

12. En statuant ainsi, alors que, l'AARPI n'étant pas une personne morale, aucune demande ne pouvait être dirigée contre elle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

13. La société [H] fait grief à l'arrêt de dire que la notification des conclusions de l'avocate salariée à la société [Y] le 22 octobre 2018 a interrompu la prescription et de rejeter en conséquence la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action à son égard et, en conséquence, de la condamner solidairement avec l'AARPI et la société [Y] à payer différentes sommes à l'avocate salariée, alors « que sauf en cas de solidarité parfaite, l'assignation d'un seul des coresponsables n'interrompt pas la prescription contre les autres au prétexte qu'ils seraient tenus in solidum ; que dans une AARPI chaque membre de l'association est tenu vis-à-vis des tiers des actes accomplis par l'un d'entre eux, au nom de l'association, à proportion de ses droits et sans solidarité ; que la qualité de coemployeur est insuffisante à conférer une solidarité parfaite entre les associés d'une AARPI, coemployeurs, vis-à-vis d'un employé ; que l'action dirigée à l'encontre de l'un des coemployeurs ne peut donc avoir pour effet d'interrompre la prescription à l'encontre de l'autre ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1310, 1312, 1872-1, alinéa 2, 2241 et 2245 du code civil, ensemble L.1471-1 du code du travail et le principe selon lequel il n'y a pas de solidarité sans texte. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2245 et 1872-1, alinéas 1 et 2, du code civil :

14. Selon le premier de ces textes, l'interpellation faite à l'un des débiteurs solidaires par une demande en justice interrompt le délai de prescription contre tous les autres.

15. Aux termes du second, chaque associé d'une société en participation contracte en son nom personnel et est seul engagé à l'égard des tiers. Toutefois, si les participants agissent en qualité d'associés au vu et au su des tiers, chacun d'eux est tenu à l'égard de ceux-ci des obligations nées des actes accomplis en cette qualité par l'un des autres, avec solidarité, si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas.

16. Il en résulte que, si un contrat de travail conclu avec une AARPI confère à ses associés la qualité de coemployeurs en vertu des dispositions légales régissant les sociétés en participation, aucune solidarité n'existe entre associés.

17. Pour déclarer recevable l'action de l'avocate salariée à l'encontre de la société [H], l'arrêt retient que celle-ci est coemployeur solidaire avec la société [Y] et que la notification à elle, le 22 octobre 2018, des conclusions de l'avocate salariée, dans le délai de la prescription, l'a interrompue à l'égard de la société [H], de sorte que les demandes de l'avocate salariée à son encontre ne sont pas prescrites.

18. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de solidarité entre les deux coemployeurs, l'interruption de la prescription de l'action à l'égard de l'un demeurait sans effet à l'endroit de l'autre, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

19. La cassation sur les chefs de dispositifs critiqués par le premier moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen du pourvoi principal, laquelle porte sur les condamnations prononcées à l'encontre de l'AARPI et de la société [H] n'entraîne pas la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif condamnant la société [Y] à payer à l'avocate salariée différentes sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, à titre d'indemnité légale de licenciement, de rappel de salaire et congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnant aux dépens et à payer à l'avocate salariée une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, lesquels ne s'y rattachent pas par un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

20. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

21. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue sur le fond.

22. Pour les motifs précités, les demandes formées par l'avocate salariée contre l'AARPI et la société [H] sont irrecevables.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'AARPI [H] 1927 dispose de la personnalité civile, rejette la fin de non-recevoir soulevée par la SCP [H]-[P]-[W]-[S]-[C] tirée de la prescription de l'action à son égard, dit que l'AARPI [H] 1927 et la SCP [H]-[P]-[W]-[S]-[C] sont coemployeurs et solidairement tenus chacun pour le tout des sommes dues à Mme [X], condamne solidairement l'AARPI [H] 1927 et la SCP [H]-[P]-[W]-[S]-[C] à payer à Mme [X] les sommes de 9 736,86 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 973,68 euros au titre des congés payés afférents, 21 096,53 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 149,78 euros au titre du rappel de salaire et 14,98 euros au titre des congés payés afférents, 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ordonne à l'AARPI [H] 1927, et la SCP [H]-[P]-[W]-[S]-[C] de remettre à Mme [X] les bulletins de paie afférents aux créances salariales, le certificat de travail et l'attestation destinée à Pôle Emploi dans le mois de la signification du présent arrêt, sous peine, passé ce délai, d'être solidairement débiteurs d'une astreinte de 30 euros par jour de retard pendant trois mois, passé lequel délai il serait de nouveau fait droit, condamne in solidum l'AARPI [H] 1927, la SCP [H]-[P]-[W]-[S]-[C] aux dépens, ainsi qu'à payer à Mme [X] la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 28 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevables les demandes formées par Mme [X] contre l'AARPI [H] 1927 et la SCP [H]-[P]-[W]-[S]-[C].

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Kerner-Menay - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Corlay ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 32 du code de procédure civile ; articles 1871 à 1873 du code civil ; article 124 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; articles 2245 et 1872-1, alinéas 1 et 2, du code civil.

1re Civ., 8 mars 2023, n° 21-19.620, (B), FS

Cassation

Exercice de la profession – Différend entre avocats – Arbitrage du bâtonnier – Conciliation préalable – Caractère obligatoire (non)

Si l'article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée et les articles 142, 179-1 et 179-4 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié prévoient une conciliation préalable à l'arbitrage du bâtonnier, ils n'instaurent toutefois pas une procédure de conciliation obligatoire dont le non-respect serait sanctionné par une fin de non-recevoir.

Exercice de la profession – Différend entre avocats – Arbitrage du bâtonnier – Conciliation préalable – Non-respect – Sanction – Fin de non-recevoir (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 2 juin 2021), le 30 décembre 2019, à l'issue de la dissolution de la SCP d'avocats [E]-[D]-Xuereb (la SCP), au sein de laquelle elle était associée, Mme [D] a saisi le bâtonnier du barreau de Toulouse d'un litige l'opposant à une autre associée, Mme [E], et relatif à la régularisation des comptes et la prise en charge de certains frais de la SCP.

2. Le 23 juillet 2020, en l'absence de décision rendue par le bâtonnier dans le délai de quatre mois, Mme [D] a saisi la cour d'appel sur le fondement des articles 179-5 et 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

3. Par décision du 4 octobre 2020, le bâtonnier, ayant poursuivi parallèlement la procédure d'arbitrage, a écarté la fin de non-recevoir invoquée et tirée de l'absence de tentative de conciliation préalable soulevée par Mme [E], rejeté les demandes formées par Mme [D] et condamné celle-ci à payer à Mme [E] une certaine somme au titre d'un compte-courant créditeur. Mme [D] a interjeté appel de cette décision.

4. La cour d'appel a ordonné la jonction des deux instances.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme [D] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa requête aux fins d'arbitrage du 30 décembre 2019, d'annuler, en conséquence, la décision du bâtonnier du 14 octobre 2020, de dire qu'il n'y a pas lieu de statuer au fond et de rejeter sa demande de dommages et intérêts, alors « que les articles 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 179-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui prévoient l'arbitrage du bâtonnier pour les différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel en l'absence de conciliation, n'instaurent pas, à défaut de conditions particulières de mise en oeuvre, une procédure de conciliation obligatoire devant le bâtonnier préalablement à sa saisine aux fins d'arbitrage dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci ; qu'en déclarant irrecevable la requête aux fins d'arbitrage adressé au bâtonnier par Mme [D] le 30 décembre 2019 à défaut d'une tentative de conciliation contradictoire devant le bâtonnier, la cour d'appel a violé les dispositions précitées. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée et les articles 142, 179-1 et 179-4 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié :

6. Selon le premier de ces textes, le bâtonnier prévient ou concilie les différends d'ordre professionnel entre les membres du barreau ; tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits.

7. Selon le troisième, en cas de différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel et à défaut de conciliation, le bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits est saisi par l'une ou l'autre des parties.

8. Selon le deuxième, rendu applicable par le quatrième, l'acte de saisine précise, à peine d'irrecevabilité, l'objet du litige, l'identité des parties et les prétentions du saisissant.

9. Si ces dispositions prévoient une conciliation préalable à l'arbitrage du bâtonnier, elles n'instaurent toutefois pas une procédure de conciliation obligatoire dont le non-respect serait sanctionné par une fin de non-recevoir.

10. Pour déclarer irrecevable la requête aux fins d'arbitrage formée le 30 décembre 2019 par Mme [D] et annuler la décision du bâtonnier, l'arrêt retient que la conciliation s'est inscrite dans le cours de la procédure d'arbitrage, que la procédure de conciliation est un nécessaire préalable à l'engagement de l'action aux fins d'arbitrage auprès du bâtonnier et que la tentative de conciliation, mise en place par le bâtonnier postérieurement à sa saisine, ne saurait ni constituer la tentative de conciliation préalable exigée par les textes, ni pallier l'irrégularité qu'elle engendre, de sorte qu'est fondée la fin de non-recevoir soulevée par Mme [E].

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Kerner-Menay - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ; articles 142, 179-1 et 179-4 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 8 mars 2023, pourvoi n° 22-10.679, Bull., (cassation).

1re Civ., 8 mars 2023, n° 22-10.679, (B), FS

Cassation

Exercice de la profession – Différend entre avocats – Arbitrage du bâtonnier – Conciliation préalable – Caractère obligatoire (non)

Si les articles 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée et 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié prévoient une conciliation préalable à l'arbitrage du bâtonnier, ils n'instaurent toutefois pas une procédure de conciliation obligatoire dont le non-respect serait sanctionné par une fin de non-recevoir.

Exercice de la profession – Différend entre avocats – Arbitrage du bâtonnier – Conciliation préalable – Non-respect – Sanction – Fin de non-recevoir (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 24 novembre 2021), le 29 octobre 2020, à la suite de la rupture de son contrat de collaboration libérale, Mme [Y], avocate, a conclu une transaction avec la société PVB avocats.

2. Le 1er décembre 2020, Mme [Y] a, sur le fondement de l'article 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Montpellier en nullité de la transaction et en paiement d'une indemnité de préavis et d'une indemnité au titre d'un préjudice moral.

3. Par décision du 30 décembre 2020, le bâtonnier a rejeté la fin de non-recevoir invoquée et tirée de l'absence de conciliation préalable, prononcé la nullité de la transaction, condamné la société PVB avocats à payer à Mme [Y] une indemnité de préavis et Mme [Y] à lui restituer l'indemnité transactionnelle, ordonné la compensation de ces sommes et alloué à Mme [Y] des dommages-intérêts.

La société PVB avocats a formé appel de la décision.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée et 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié :

6. Selon le premier de ces textes, les litiges nés d'un contrat de travail ou d'un contrat de collaboration libérale sont, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier.

7. Selon le second, à défaut de conciliation, le bâtonnier du barreau auprès duquel l'avocat collaborateur ou salarié est inscrit est saisi par l'une ou l'autre des parties et l'acte de saisine précise, à peine d'irrecevabilité, l'objet du litige, l'identité des parties et les prétentions du saisissant.

8. Si ces dispositions prévoient une conciliation préalable à l'arbitrage du bâtonnier, elles n'instaurent toutefois pas une procédure de conciliation obligatoire dont le non-respect serait sanctionné par une fin de non-recevoir.

9. Pour déclarer irrecevable la requête aux fins d'arbitrage formée le 1er décembre 2020 par Mme [Y], l'arrêt retient que la procédure de conciliation pour les litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration entre avocats est un préalable obligatoire à l'engagement de toute action contentieuse auprès du bâtonnier et relève que Mme [Y], s'étant bornée à adresser, le 6 novembre 2020, à la société PVB avocats une mise en demeure d'avoir à lui régler les sommes dues au titre de son préavis, n'a présenté aucune demande de conciliation.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ; Article 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié.

1re Civ., 29 mars 2023, n° 21-25.335, n° 21-25.447, (B), FS

Rejet

Exercice de la profession – Mandat sportif confié à un avocat – Activité d'agent sportif – Articulation – Exclusion

Il résulte de l'article 6 ter, alinéa 1, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, créé par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, que l'avocat ne peut, tant à titre principal qu'à titre accessoire, exercer l'activité d'agent sportif prévue à l'article L. 222-7, alinéa 1, du code du sport.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-25.335 et 21-25.447 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 octobre 2021), par délibération du 2 juin 2020, prise en application de l'article 17, alinéa 1, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris (le conseil de l'ordre) a ajouté, au règlement intérieur du barreau, un article P.6.3.0.3. rédigé comme suit : « L'avocat peut, en qualité de mandataire sportif, exercer l'activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat, soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement.

L'avocat agissant en qualité de mandataire sportif ne peut être rémunéré que par son client. Cette activité doit donner lieu à une convention écrite qui peut, le cas échéant, stipuler que le joueur donne mandat au club sportif de verser, en son nom et pour son compte à l'avocat, les honoraires correspondant à sa mission. »

3. Le 10 juillet 2020, le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un recours en annulation de cette délibération.

4. L'Association des Avocats mandataires sportifs (l'ADAMS) est intervenue volontairement à l'instance, à titre principal.

5. La Fédération française de Football, le Comité national Olympique et sportif français, la Fédération française de Rugby et l'association Union des agents sportifs du football sont intervenus volontairement à l'instance, à titre accessoire, au soutien du recours en annulation formé par le procureur général.

Examen des moyens

Sur l'intervention de l'association Avocats, ensemble-ACE

6. La partie intervenante à titre accessoire devant la Cour de cassation ne peut que s'associer aux moyens des demandeurs au pourvoi, sans pouvoir invoquer des moyens distincts.

7. L'association Avocats, ensemble-ACE intervient au soutien du pourvoi du conseil de l'ordre et, en outre, forme des griefs qui lui sont propres.

8. Si, n'ayant pas été partie à l'instance devant les juges du fond, elle justifie d'un intérêt à intervenir au soutien du premier moyen du pourvoi du conseil de l'ordre, en revanche, ses propres griefs sont irrecevables.

Sur le premier moyen du pourvoi n° 21-25.335 du conseil de l'ordre, le premier moyen et le second moyen, pris en ses deuxième, cinquième, sixième et septième branches, du pourvoi n° 21-25.447 de l'ADAMS

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° 21-25.335 et le second moyen, pris en ses première, troisième, quatrième et huitième branches, du pourvoi n° 21-25.447, réunis

Enoncé des moyens

10. Par son deuxième moyen, le conseil de l'ordre fait grief à l'arrêt d'annuler l'article P.6.3.0.3., alinéa 1, du règlement intérieur du barreau de Paris, alors :

« 1°/ que les avocats peuvent, dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, représenter, en qualité de mandataire, l'une des parties intéressées à la conclusion d'un contrat soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement ; qu'il s'en déduit qu'ils peuvent, en la matière, exercer l'activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion de tels contrats ; qu'en énonçant au contraire, pour annuler l'article P.6.3.0.3, alinéa 1, du règlement intérieur du barreau de Paris, que l'avocat, en sa qualité de mandataire, ne peut exercer l'activité de mise en rapport des joueurs et des clubs, qui est une activité commerciale principale, ni intervenir dans la phase d'élaboration des contrats, avant que les sportifs et les clubs aient été préalablement mis en relation par un agent sportif, la cour d'appel a violé les articles 6 ter de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et L. 222-7 du code du sport par refus d'application, ensemble les articles 111 et 115 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et l'article 6.2, alinéa 7, du règlement intérieur national de la profession d'avocat par fausse application ;

2°/ qu'en toute hypothèse, l'avocat peut commercialiser, à titre accessoire, des biens ou services connexes à l'exercice de la profession d'avocat si ces biens ou services sont destinés à des clients ou à d'autres membres de la profession ; que la mise en rapport de parties intéressées à la conclusion d'un contrat est un service connexe aux prestations de conseil, d'assistance et de représentation relevant de la profession d'avocat, que l'avocat peut par conséquent fournir dès lors qu'il reste accessoire ; qu'en énonçant, pour annuler l'article P.6.3.0.3, alinéa 1, du règlement intérieur du barreau de Paris, que la mise en relation des joueurs et des clubs constituait une mission principale, indispensable et préalable à la conclusion des contrats, qui ne pouvait être considérée comme une activité accessoire à la négociation et à la conclusion des contrats, lesquelles interviennent nécessairement après le recrutement des joueurs, la cour d'appel a violé articles 6 ter de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et L. 222-7 du code du sport par refus d'application, ensemble les articles 111 et 115 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et l'article 6.2, alinéa 7, du règlement intérieur national de la profession d'avocat par fausse application. »

11. Par son troisième moyen, le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris fait grief à l'arrêt d'annuler l'article P.6.3.0.3., alinéa second, du règlement intérieur du barreau de Paris, alors « que l'avocat agissant en qualité de mandataire de l'une des parties intéressées à la conclusion d'un contrat relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement ou d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement ne peut être rémunéré que par son client ; que, si l'avocat ne peut être rémunéré par un tiers, il peut être payé par un mandataire agissant au nom et pour le compte de son client ; qu'en énonçant, pour annuler l'article P.6.3.0.3, alinéa second, du règlement intérieur du barreau de Paris, en ce qu'il prévoit que le joueur peut donner mandat au club sportif de verser en son nom et pour son compte à l'avocat les honoraires correspondant à sa mission, que l'avocat mandataire ne peut percevoir ses honoraires de la part du club, qui est le cocontractant de son client, bien que l'article P.6.3.0.3 n'envisage que la rémunération de l'avocat par le joueur, soit directement, soit par l'intermédiaire du club sportif investi par le joueur d'un mandat de payer l'avocat en son nom et pour son compte, la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 1984 du code civil, l'article P.6.3.0.3 du règlement intérieur du barreau de Paris civile et l'article L. 222-7 du code du sport. »

12. Par son second moyen, pris en ses première, troisième, quatrième et huitième branches, l'ADAMS fait grief à l'arrêt d'annuler l'article P.6.3.0.3. du règlement intérieur du barreau de Paris, alors :

« 1°/ qu'il résulte des articles 6 ter et 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, tels que modifiés par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, que l'avocat mandataire sportif peut exercer l'activité de mise en rapport des parties intéressées à la conclusion d'un contrat, soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, activité prévue à l'article L. 222-7 du code du sport, sans avoir à obtenir une licence d'agent sportif, moyennant une rémunération subordonnée à la conclusion d'un contrat ; que pour accueillir le recours en annulation, la cour d'appel a retenu, d'une part, que « seul l'agent sportif, qui doit obtenir une licence professionnelle pour pouvoir exercer le rôle d'intermédiaire, a le pouvoir de mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un contrat relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, l'avocat mandataire sportif, pour sa part, ayant pour attribution de représenter, dans le cadre d'un mandat, les intérêts d'un sportif ou d'un club lors de la conclusion de ces contrats » (arrêt attaqué, p. 5, § 7) et, d'autre part, que « la mise en relation des joueurs et des clubs constitue toujours une mission principale, indispensable et préalable à la conclusion des contrats, qui ne peut pas être considérée comme une activité accessoire à la négociation et à la conclusion des contrats, qui interviennent nécessairement après le recrutement des joueurs ; qu'ainsi l'avocat, en sa qualité de mandataire, ne peut exercer l'activité de mise en rapport des joueurs et des clubs, qui est une activité commerciale principale, ni donc intervenir, dans la phase d'élaboration des contrats, avant que les sportifs » et les clubs aient été préalablement mis en relation par un agent sportif (p. 6, §§ 6 et 7) ; qu'en considérant ainsi que l'activité de mise en rapport des parties intéressées à la conclusion d'un contrat, soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement ne pouvait être exercée que par les agents sportifs, cependant que la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 a autorisé les avocats à exercer cette activité sans avoir à obtenir une licence d'agent sportif, la rémunération de l'avocat étant subordonnée à la conclusion d'un contrat par le joueur, la cour d'appel a violé les articles 6 ter et 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;

3°/ qu'il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ; qu'en retenant en l'espèce que « l'activité commerciale exercée par un avocat ne peut qu'être une activité accessoire à son activité principale de conseil, d'assistance et de représentation ; qu'or la mise en relation des joueurs et des clubs constitue toujours une mission principale, indispensable et préalable à la conclusion des contrats, qui ne peut pas être considérée comme une activité accessoire à la négociation et à la conclusion des contrats, qui interviennent nécessairement après le recrutement des joueurs », pour en déduire qu'« ainsi l'avocat, en sa qualité de mandataire, ne peut exercer l'activité de mise en rapport des joueurs et des clubs, qui est une activité commerciale principale, ni donc intervenir, dans la phase d'élaboration des contrats, avant que les sportifs et les clubs aient été préalablement mis en relation par un agent sportif » (arrêt attaqué, p. 6, §§ 6 et 7), la cour d'appel, qui a estimé que l'activité de mise en relation de joueurs et de clubs constituerait pour un avocat, dans tous les cas, une activité principale, a statué par un arrêt de règlement et ainsi violé l'article 5 du code civil, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ qu'en retenant que « la mise en relation des joueurs et des clubs constitue toujours une mission principale, indispensable et préalable à la conclusion des contrats, qui ne peut pas être considérée comme une activité accessoire à la négociation et à la conclusion des contrats, qui interviennent nécessairement après le recrutement des joueurs » (arrêt attaqué, p. 6, § 6), sans expliquer sur la base de quels critères elle a apprécié le caractère « principal » ou « accessoire » de cette activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 111 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 tel que modifié par le décret n° 2016-882 du 29 juin 2016 ;

8°/ qu'il résulte de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, pris en son premier alinéa, que « les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client » et, en son avant-dernier alinéa relatifs aux avocats mandataires sportifs, que « l'avocat agissant en qualité de mandataire de l'une des parties intéressées à la conclusion d'un tel contrat ne peut être rémunéré que par son client » ; que ce texte ne fait nullement obstacle à ce que le client donne mandat à un tiers de payer les honoraires de son avocat mandataire sportif, ainsi que le prévoit l'article 11.3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat ; qu'en retenant que « la disposition prévoyant que l'avocat mandataire peut percevoir ses honoraires, non de la part de son client, mais de la part du club, qui est le cocontractant de son client, est source de conflit d'intérêts et est parfaitement contraire à la loi » (arrêt attaqué, p. 6, deux derniers paragraphes), quand l'article P. 6.3.0.3 du règlement intérieur du barreau de Paris ne prévoyait pas le paiement des honoraires de l'avocat par le club mais seulement un mandat de payer au nom et pour le compte du joueur, conformément aux règles de droit commun du mandat, la cour d'appel a méconnu l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ensemble l'article 11.3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat. »

Réponse de la Cour

13. En premier lieu, selon l'article L. 222-7, alinéa 1, du code du sport, l'activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement ne peut être exercée que par une personne physique détentrice d'une licence d'agent sportif.

14. Aux termes de l'article 6 ter, alinéa 1, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, créé par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, les avocats peuvent, dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, représenter, en qualité de mandataire, l'une des parties intéressées à la conclusion de l'un des contrats mentionnés à l'article L. 222-7 précité.

15. Il en résulte que l'avocat ne peut, tant à titre principal qu'à titre accessoire, exercer l'activité d'agent sportif.

16. En second lieu, l'article 10, alinéa 6, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, dispose que l'avocat agissant en qualité de mandataire de l'une des parties intéressées à la conclusion d'un tel contrat ne peut être rémunéré que par son client.

17. La cour d'appel, faisant application de ces textes sans statuer par arrêt de règlement, a retenu à bon droit, d'abord, que seul l'agent sportif peut mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un contrat relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, tandis que l'avocat a pour attribution de représenter les intérêts d'une des parties à ce contrat, ensuite, que l'avocat ne peut être rémunéré par un club qui est le cocontractant de son client.

18. Elle en a exactement déduit que l'article P.6.3.0.3. devait être annulé en son alinéa 1, qui n'était pas compatible avec l'exercice de la profession d'avocat, ainsi qu'en son alinéa 2, qui était source de conflits d'intérêts et contraire à la loi.

19. Les moyens ne sont donc pas fondés.

20. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne ou quant à la légalité de l'article 111 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne ou le Conseil d'Etat d'une question préjudicielle.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Reçoit l'association Avocats, ensemble-ACE, en son intervention en tant qu'elle invoque le premier moyen du pourvoi n° 21-25.335, mais déclare irrecevables les griefs qui lui sont propres ;

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Le Gall - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SARL Cabinet Rousseau et Tapie ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés -

Textes visés :

Article 6 ter, alinéa 1, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, créé par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 ; article L. 222-7, alinéa 1, du code du sport.

2e Civ., 9 mars 2023, n° 21-15.821, (B), FS

Cassation partielle

Honoraires – Contestation – Absence de convention d'honoraires – Critères de fixation – Taux de rémunération moyen pratiqué dans le ressort – Absence d'influence

Aux termes de l'article 10, alinéa 2, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

Encourt la cassation la décision d'un premier président d'une cour d'appel qui s'est référé à un critère pris du taux de rémunération moyen qui serait pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel, étranger à ceux énumérés à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971.

Honoraires – Montant – Fixation – Fixation selon un barème – Détermination au regard d'un taux horaire moyen

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 2 mars 2021) sur renvoi après cassation (2e Civ., 12 décembre 2019, pourvoi n° 18-24.258), Mme [Z] a confié la défense de ses intérêts à M. [Y], avocat, dans des procédures en annulation de procès-verbaux d'assemblées générales de copropriété.

2. Mme [Z] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nice d'une demande de restitution des honoraires qu'elle avait versés.

3. Par décision du 28 juin 2017, le bâtonnier a rejeté cette demande aux motifs qu'elle était prescrite, qu'il n'était pas justifié des sommes réellement versées et que l'avocat établissait la réalité de son travail. Mme [Z] a formé un recours contre cette décision.

4. L'ordonnance du 11 septembre 2018, par laquelle le premier président de la cour d'appel a infirmé la décision du bâtonnier et fixé les honoraires de l'avocat, a été cassée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. L'avocat fait grief à l'ordonnance de constater qu'il a renoncé au moyen de prescription, de dire recevable le recours de Mme [Z], de fixer les honoraires à la seule somme de 700 euros TTC et de le condamner à rembourser à Mme [Z] la somme de 2 100 euros TTC, alors « que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en retenant que l'avocat renonçait au moyen de prescription, pour en déduire que l'action de Mme [Z] était recevable, quand il ressortait de ses propres constatations que l'avocat avait à l'audience oralement sollicité la confirmation de la décision du bâtonnier, décision qui avait retenu que l'action de Mme [Z] était prescrite, ce dont il résultait que la renonciation à se prévaloir de la fin de non-recevoir tirée de la prescription n'était pas claire et non équivoque, le délégué du premier président a violé le principe susvisé, ensemble l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 457 du code de procédure civile, le jugement a la force probante d'un acte authentique. Il en résulte que les mentions correspondant à des faits que le juge énonce comme ayant eu lieu en sa présence font foi jusqu'à inscription de faux.

7. En conséquence, les mentions de l'ordonnance, selon lesquelles l'avocat a oralement précisé qu'il renonçait à la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en remboursement de Mme [Z], ne peuvent être critiquées que par la voie d'une inscription de faux.

8. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. L'avocat fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires à la seule somme de 700 euros TTC et de le condamner à rembourser à Mme [Z] la somme de 2 100 euros TTC, alors « qu'à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété de l'avocat et des diligences entreprises par celui-ci ; qu'en retenant, pour fixer à la seule somme de 700 euros TTC le montant des honoraires dus à l'avocat par Mme [Z], qu'il convenait de retenir un taux horaire de 200 euros HT dès lors qu'il s'agissait du taux horaire moyen applicable dans la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le premier président, qui n'a pas statué au regard des critères légaux de détermination des honoraires, a violé l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction applicable en l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 10, alinéa 2, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

10. Aux termes de ce texte, à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

11. Pour fixer les honoraires dus à l'avocat à une certaine somme, l'ordonnance retient qu'il résulte de la procédure qu'il a effectué des diligences pouvant être évaluées à trois heures de travail et qu'à défaut pour l'avocat d'avoir fait connaître son taux horaire, il y a lieu d'appliquer le taux horaire moyen de 200 euros pratiqué dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

12. En statuant ainsi, le premier président, qui s'est référé à un critère pris du taux de rémunération moyen qui serait pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel, étranger à ceux énumérés à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, a violé ce texte.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle dit recevable le recours de Mme [Z], l'ordonnance rendue le 2 mars 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Pradel - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article 10, alinéa 2, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 6 octobre 2022, pourvoi n° 21-15.272, Bull. (cassation partielle) ; 2e Civ., 6 octobre 2022, pourvoi n° 20-19.723, Bull. (cassation partielle).

2e Civ., 30 mars 2023, n° 21-22.198, (B), FRH

Cassation partielle

Honoraires – Contestation – Absence de convention d'honoraires – Paiement partiel d'une facture d'honoraires – Effets – Portée

Le paiement partiel d'une facture d'honoraires, après service rendu, ne vaut acceptation de l'honoraire qu'à hauteur de ce qui a été payé, à défaut de toute autre manifestation de la volonté d'accepter de payer le reliquat.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Colmar, 6 juillet 2021), M. et Mme [C], domiciliés en Allemagne, ont confié à M. [D] (l'avocat), la défense de leurs intérêts dans une procédure pénale, tant en première instance qu'en appel.

2. Aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties.

3. Le 28 mars 2017, l'avocat a établi un décompte de frais et honoraires et le 18 décembre 2017, M. et Mme [C] se sont acquittés d'une partie de la somme réclamée.

4. Le 2 mai 2019, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre en fixation de ses honoraires. M. et Mme [C] ont formé un recours devant le premier président d'une cour d'appel contre la décision rendue par le bâtonnier.

5. Au cours de cette instance, l'avocat a émis une autre facture, le 7 mai 2021, dont il a demandé le paiement devant le premier président, relative à des diligences effectuées afin que l'assureur de protection juridique prenne en charge les honoraires exposés pour la procédure pénale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal de l'avocat, et les moyens du pourvoi provoqué éventuel de M. et Mme [C]

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. L'avocat fait grief à l'ordonnance de limiter la condamnation à paiement de M. et Mme [C] au titre des diligences qu'il a effectuées à la somme de 13 912,30 euros, alors « que le client qui a librement payé, même partiellement, les honoraires d'avocat après service rendu ne peut plus les contester ; qu'en affirmant que M. et Mme [C] n'avaient pas donné leur accord pour les honoraires d'avocat après service rendu, quand elle constatait que M. et Mme [C] ont versé une somme de 3 000 euros postérieurement à l'envoi de la facture du 28 mars 2017, ce dont il ressortait qu'ayant effectué un paiement volontaire et en connaissance de cause, même s'il portait seulement sur une partie de la facture, M. et Mme [C] ont accepté celle-ci, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1103 du code civil nouveau ».

Réponse de la Cour

8. Si le bâtonnier et le premier président apprécient souverainement, d'après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l'honoraire dû à l'avocat, il ne leur appartient pas de le réduire dès lors que le principe et le montant de l'honoraire ont été acceptés par le client après service rendu, que celui-ci ait ou non été précédé d'une convention.

9. Le paiement partiel d'une facture d'honoraires, après service rendu, ne vaut acceptation de l'honoraire qu'à hauteur de ce qui a été payé, à défaut de toute autre manifestation de la volonté d'accepter de payer le reliquat.

10. L'ordonnance, qui a relevé que M. et Mme [C] avaient procédé à un paiement partiel de 3 000 euros, retient qu'il n'est pas établi par les pièces versées qu'ils avaient acquiescé à la demande en paiement.

11. Ayant ainsi fait ressortir que M. et Mme [C] s'étaient bornés à procéder à un paiement partiel de l'honoraire, le premier président en a exactement déduit que ce dernier n'avait pas été accepté dans son intégralité et qu'il devait être fixé en application des critères de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

13. L'avocat fait grief à l'ordonnance de rejeter la demande d'indemnité forfaitaire de recouvrement, alors « qu'il se fondait sur la qualité de professionnel de M. [C] pour demander l'indemnité forfaitaire de recouvrement prévue par les articles L. 441-10 et D. 441-5 du code de commerce ; qu'en rejetant sa demande, sans rechercher si la qualité de professionnel de M. [C] ne justifiait pas le paiement de cette indemnité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 441-10 du code de commerce, auparavant article L.441-6 du code de commerce et D. 441-5 du code de commerce ».

Réponse de la Cour

14. Il ne résulte ni des motifs, ni du dispositif de l'ordonnance, que le premier président de la cour d'appel ait statué sur la demande de l'avocat à l'encontre de M. [C] en paiement de l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros.

15. L'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen n'est, dès lors, pas recevable.

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

L'avocat fait grief à l'ordonnance de déclarer irrecevable sa demande de règlement d'une facture de 1 200 euros TTC établie le 7 mai 2021, alors « qu'une juridiction d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de prétentions nouvelles en cause d'appel ou la relevant d'office, est tenue de l'examiner au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile ; qu'en déclarant la demande de l'avocat nouvelle, sans procéder à aucune recherche sur les exceptions prévues à la prohibition des demandes nouvelles en appel, notamment, sans rechercher si cette demande naissait de la survenance d'un fait nouveau, ou si elle constituait le complément nécessaire de la demande initiale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des article 564 et suivants du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 565 et 566 du code de procédure civile :

16. Selon le premier de ces textes, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et selon le second, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

17. Pour déclarer irrecevable la demande de l'avocat en paiement d'une facture de 1 200 euros TTC établie le 7 mai 2021, l'ordonnance énonce que conformément aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait et que la demande de règlement d'une facture établie pendant la procédure d'appel est nouvelle.

18. En se déterminant ainsi, sans rechercher, même d'office, si la demande d'honoraires, formée par l'avocat, pour les diligences mentionnées dans cette facture, n'était pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celle présentée devant le bâtonnier ou ne tendait pas aux mêmes fins que cette dernière, le premier président a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle déclare irrecevable la demande de règlement d'une facture de 1 200 euros TTC établie le 7 mai 2021, l'ordonnance rendue le 6 juillet 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Metz.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Isola - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

2e Civ., 30 mars 2023, n° 21-17.880, (B), FS

Cassation

Honoraires – Contestation – Honoraires de résultat – Paiement – Conditions – Décision mettant fin à l'instance (non) – Transaction assortie d'une réserve

Il résulte de l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, que ne constitue pas un acte irrévocable ouvrant droit à un honoraire de résultat une transaction qui, en matière d'indemnisation, réserve certains postes de préjudice et ne met ainsi pas fin au litige.

Encourt dès lors la cassation l'ordonnance du premier président d'une cour d'appel qui, pour accueillir la demande de l'avocat de fixation d'un honoraire de résultat, relève que la transaction avait mis fin au litige, alors que le poste relatif aux frais de logement adapté avait été réservé.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 8 avril 2021), en vertu d'un jugement d'habilitation générale de représentation, Mme [C] a confié à Mme [N] [V], avocate, associée de la société [N] [V] Scali, la défense des intérêts de son époux, en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices qu'il a subis à la suite d'un accident de la circulation.

2. Une convention a été signée le 25 avril 2013, stipulant un honoraire fixe et un honoraire complémentaire de résultat sur le montant des indemnités obtenues au profit de M. [C].

3. Un juge des tutelles a autorisé Mme [C] à régulariser la transaction conclue avec le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, qui prévoyait le paiement d'une certaine somme en réparation de tous les dommages résultant de l'accident et réservait le poste des frais de logement adapté.

4. M. [C], représenté par son épouse, a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris en contestation de l'honoraire de résultat facturé par la société [N] [V] Scali.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. [C] fait grief à l'ordonnance de fixer à la somme de 128 706 euros le montant total des honoraires dus à Mme [N] [V] représentant la société [N] [V] Scali et de constater le règlement intégral de cette somme, alors « que selon les stipulations de la convention d'honoraires, l'honoraire complémentaire de résultat n'était dû qu'au cas où le litige indemnitaire serait définitivement vidé, par la voie juridictionnelle ou transactionnelle ; que l'ordonnance attaqué a constaté que la transaction signée le 14 avril 2014 n'indemnisait pas le poste de préjudice d'aménagement du domicile ; qu'il en résultait que le litige indemnitaire n'était pas définitivement réglé par ladite transaction et que l'honoraire complémentaire de résultait n'était pas dû ; qu'en décidant le contraire, au motif que la société [N] [V] Scali avait plusieurs fois rappelé à Mme [C] que ce poste serait réexaminé à sa demande et que son mari avait quitté la France pour s'installer définitivement en Algérie, la délégataire du premier président de la cour d'appel a violé la loi des parties et l'article 1134 du code civil en sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

6. Il résulte de ce texte que ne constitue pas un acte irrévocable ouvrant droit à un honoraire de résultat une transaction qui, en matière d'indemnisation, réserve certains postes de préjudice et ne met ainsi pas fin au litige.

7. L'ordonnance retient que la transaction a mis fin au litige et qu'en application de la convention d'honoraires, le bâtonnier a exactement fixé à la somme de 128 706 euros le montant total des honoraires dus à Mme [N] [V] représentant la société [N] [V] Scali. Elle ajoute que le fait que le poste de l'adaptabilité du logement soit réservé n'empêche pas le déblocage des fonds au profit de l'avocat dans la mesure où celui-ci a rappelé à de nombreuses reprises à Mme [C] que ce poste serait réexaminé à sa demande et qu'il a été confirmé à l'audience que son mari avait quitté la France et s'était installé définitivement en Algérie.

8. En statuant ainsi, après avoir relevé que le poste relatif aux frais de logement adapté avait été réservé par la transaction, de sorte que celle-ci n'avait pas mis fin au litige et, qu'en conséquence, l'avocat ne pouvait pas prétendre à un honoraire de résultat, le premier président a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 8 avril 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Pradel - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015.

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