Numéro 3 - Mars 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2023

ASSURANCE (règles générales)

3e Civ., 30 mars 2023, n° 21-21.084, (B) (R), FS

Rejet

Garantie – Exclusion – Faute intentionnelle ou dolosive – Faute dolosive – Définition

Selon l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.

La faute dolosive n'implique pas la volonté de son auteur de créer le dommage. Elle s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), pour les besoins de son activité de design et d'architecture intérieure, la société Atelier archange a souscrit un contrat d'assurance auprès de la société Les Mutuelles du Mans assurances, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA).

Le contrat a été souscrit par l'intermédiaire de l'agent de l'assureur, la société Di Giorgio & Gintrand assurances, aux droits de laquelle vient la société Expera assurances.

2. La société Atelier archange a été chargée par la société McDonald's Europe de travaux de décoration de restaurants.

3. A la suite d'une réclamation d'ayants droit d'un designer, la société Atelier archange a déclaré un sinistre à son assureur, qui a refusé sa garantie aux motifs que l'assurée avait commis une faute dolosive en raison du caractère flagrant et massif de la contrefaçon.

4. La société Atelier archange a assigné l'assureur et son agent.

La société Oak édition est venue aux droits de la société Atelier archange.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Oak édition fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre les sociétés MMA et la société Di Giorgio & Gintrand assurances, alors « que la faute dolosive de l'article L. 113-1 du code des assurances, privant l'assuré du bénéfice de la garantie suppose qu'il ait agi non pas seulement avec la conscience du risque de provoquer le dommage, mais aussi avec la volonté de le provoquer et d'en vouloir les conséquences, telles qu'elles se sont produites ; qu'en l'espèce, la cour d'appel relève que si le cabinet d'architecte Atelier Archange « fait valoir qu'un architecte-designer ne peut se prémunir du fait que la création n'emprunte à aucune oeuvre antérieure, que les analyses tenant à l'originalité des oeuvres prétendument contrefaites peuvent diverger notamment d'un pays à l'autre, que la question de la titularité des droits d'auteur portant sur une oeuvre est sujette à des interprétations, et ce particulièrement lorsque l'auteur est décédé », un simple examen visuel des oeuvres attribuées au designer M. [H] [C] et celles utilisées par la société Atelier Archange permet de constater de manière flagrante leur exacte similitude ; qu'elle ajoute « Que le simple ajout, pour certaines, ne permet pas, de considérer que la SARL Atelier Archange « s'est simplement inspirée d'éléments graphiques relativement usuels en y apportant un travail créatif supplémentaire ». (...).

Que cette exacte similitude attribuée à M. [H] [C] ne peut résulter d'un hasard ou d'une méconnaissance de l'oeuvre de ce designer, considérant sa notoriété incontestable (...). Dès lors, en utilisant, sans autorisation, dans les restaurants de cette enseigne, la SARL Atelier Archange a pris un risque ayant pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque, excluant la garantie de l'assureur » ; qu'en se déterminant par des tels motifs, impropres à caractériser l'intention de l'architecte de provoquer le dommage et d'en rechercher les conséquences telles qu'elles se sont produites, mais, qui caractérisaient tout au plus le risque, selon les termes de l'arrêt, que ce dommage puisse se réaliser, à certaines conditions qu'il pouvait juger lui-même comme improbables eu égard à l'ancienneté des oeuvres et à leur large diffusion à l'étranger, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.

La faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables (2e Civ., 20 janvier 2022, pourvoi n° 20-13.245, publié au bulletin).

7. La cour d'appel a retenu qu'en utilisant, sans autorisation, dans des restaurants au Royaume-Uni et en Europe et, dès lors, soumises à un large public, des reproductions dont la similitude avec des oeuvres d'un tiers est incontestable, malgré la clause contractuelle d'originalité la liant aux sociétés McDonald's, la société Atelier archange a pris un risque ayant pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque, excluant la garantie de l'assureur.

8. Ayant retenu que l'assurée avait commis une faute dolosive, laquelle n'impliquait pas la volonté de son auteur de créer le dommage, la cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que l'assureur n'avait pas à répondre des dommages.

9. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

10. La société Oak édition fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'assureur est tenu d'une obligation d'information sur le sens et la portée des clauses qu'il fait souscrire, notamment des clauses d'exclusions, dont la qualité de professionnelle de l'assuré ne le dispense pas ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que le contrat en vigueur avec les MMA, non réactualisé, portait sur une activité de conception d'image : prescription d'apparence intérieure et extérieure, de rédaction d'un cahier des normes, plan d'exécution de parements intérieurs et extérieurs, de vente d'illustrations de conception d'image et de plans de mobilier et qu'il constituait un contrat de type de maître d'oeuvre sans rapport avec son activité de « designer » qui était la sienne lors de la signature du dernier avenant, de sorte qu'une police PUC et décennale était parfaitement inadaptée ; qu'en s'abstenant de rechercher si la société MMA, qui avait la charge de la preuve de l'exécution de son obligation d'information, s'était enquis auprès de la société Archange Atelier de son activité réelle et l'avait mise en garde sur le risque qu'une contrefaçon puisse engager sa responsabilité et la priver de la garantie malgré la clause qui couvrait toutes les conséquences de la réalisation de mobilier esthétique et d'activité de désigner, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article 1382, devenu article 1240, du code civil et des articles L. 121-1 et L. 112-2 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

11. La cour d'appel a retenu que l'assuré avait commis une faute dolosive au sens des dispositions d'ordre public de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances et que cette faute n'était pas assurable.

12. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, l'absence de lien de causalité entre les manquements reprochés à l'assureur et à son agent et les préjudices dont l'indemnisation était réclamée.

13. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

14. La société Oak édition fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 3°/ que toute clause d'exclusion doit être formelle et limitée ; qu'en l'espèce, la société requérante faisant valoir que les « stipulations de l'article 2.9, a/, étaient équivoques et ne permettait pas de connaître leur étendue et de circonscrire parfaitement le risque garanti en ce qu'elles faisaient référence à des notions générales et imprécises sans hypothèses limitativement énumérées » ; que la clause d'exclusion de garantie 2.27 visait les cas « de contestations relatives aux contrefaçons et atteintes au droit de la propriété industrielle ou intellectuelle, et les actions pour diffamation » dont la rédaction était trop vague et imprécise pour permettre à l'assuré de connaître l'étendue exacte de la garantie, laissant ainsi place à une incertitude sur les cas dans lesquels la société Atelier Archange n'était pas garantie, puisque rien ne permettait de savoir s'il s'agissait du droit de la propriété littéraire et artistique, et dans ce cas lequel, s'il s'agissait seulement de celui de la propriété industrielle (marques, dessins et modèles, brevets) et si le droit d'auteur était compris dans cette exclusion ; que les exposant ajoutaient que dans la mesure où la clause d'exclusion invoquée par les MMA visait à exclure de toute protection les dommages immatériels liés à des droits de propriété intellectuelle, la police perdait alors une grande part de son intérêt ; qu'en se bornant à énoncer que la clause était formelle et limitée et en jugeant qu'en tout état de cause l'absence d'aléa rendait sans intérêt cette question, au lieu de rechercher si eu égard au contexte dans lequel la clause avait été limitée, ses termes et sa portée n'étaient pas de nature à laisser entendre à l'assuré, qu'il demeurait couvert en cas de risque de contrefaçon sans qu'il y ait lieu de distinguer selon la nature de la faute à l'origine du sinistre la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances.

4°/ qu'en tout état de cause, à supposer qu'une clause insuffisamment formelle et limité soit insusceptible de rendre la garantie applicable à un sinistre résultant d'un agissement par lequel l'assuré aurait eu la volonté de rechercher le dommage, l'ambiguïté de la clause est nécessairement de nature à l'induire en erreur sur la nature des agissements qu'il a pu commettre et la portée de ceux -ci ; de sorte qu'en jugeant inopérant le débat sur le caractère formel et limité de la clause aux motifs, que l'exclusion de garantie prévue à l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, étant une exclusion légale, elle ne peut, dans tous les cas, faire l'objet d'une garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-I du code des assurances. »

Réponse de la Cour

15. La croyance que peut avoir l'assuré de ce que le contrat d'assurance couvre la faute qu'il commet n'est pas de nature à écarter l'exclusion légale et d'ordre public des fautes intentionnelles ou dolosives, quelle que soit la police d'assurance souscrite.

16. Ayant retenu que l'assuré avait commis une faute dolosive au sens des dispositions d'ordre public de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, de sorte qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une garantie, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que les demandes formées contre l'assureur devaient être rejetées.

17. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Zedda - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : Me Soltner ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle -

Textes visés :

Article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 20 janvier 2022, pourvoi n° 20-13.245, Bull., (cassation) (1) ; En sens contraire : 3e Civ., 11 juillet 2012, pourvoi n° 11-16.414, Bull. 2012, III, n° 107 (cassation partielle), et les arrêts cités.

2e Civ., 30 mars 2023, n° 21-18.488, (B), FRH

Cassation partielle

Indemnité – Remboursement – Conditions

Il résulte de l'article 1376, devenu 1302-1, du code civil que celui qui reçoit d'un assureur le paiement d'une indemnité à laquelle il a droit ne bénéficie pas d'un paiement indu, le bénéficiaire de ce paiement étant celui dont la dette se trouve acquittée par quelqu'un qui ne la doit pas.

Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, alors que la condamnation de l'assuré à réparer le dommage des tiers lésés à une somme excédant le plafond de garantie n'avait pas été remise en cause, condamne ces derniers à restituer à l'assureur la portion de l'indemnité qu'il leur avait versée qui excédait le plafond de garantie.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 février 2021), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 23 mars 2017, pourvoi n° 16-10.092, rectifié par arrêts du 5 octobre 2017 et du 8 mars 2018), en février 2004, les plans d'eau appartenant à M. et Mme [O], sur lesquels la société [Adresse 3] (la société LMG) exploite un parcours de pêche, ont subi une pollution dont, par un jugement d'un tribunal de grande instance, le groupement agricole d'exploitation en commun de la Gouhourie (le GAEC), assuré auprès de la société AGF, devenue la société Allianz IARD (l'assureur), a été déclaré responsable.

2. Se fondant sur le rapport de l'expertise judiciaire qui avait été ordonnée, la société LMG et M. et Mme [O] ont assigné le GAEC et son assureur afin d'obtenir leur indemnisation devant un tribunal de grande instance. Après que, par un premier arrêt du 26 octobre 2010, une cour d'appel avait statué sur l'indemnisation de certains de leurs préjudices, le GAEC et son assureur se sont désistés du pourvoi qu'ils avaient formé à son encontre.

3. Après dépôt d'un nouveau rapport d'expertise, l'instance s'est poursuivie sur l'indemnisation des pertes d'exploitation subies par la société LMG.

4. L'arrêt ayant statué sur ces préjudices, en retenant que l'assureur avait renoncé à se prévaloir du plafond de garantie et de la franchise prévus au contrat souscrit par le GAEC, a été cassé.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société LMG et M. et Mme [O] font grief à l'arrêt de dire que l'assureur est fondé à leur opposer le plafond de garantie et l'application de la franchise contractuelle et de les condamner à restituer les sommes perçues supérieures au plafond de garantie moins la franchise soit 304 400 euros, alors « que l'autorité de chose jugée ne s'attache qu'au dispositif d'une décision et non à ses motifs ; que, pour retenir que l'assureur n'aurait pas renoncé à se prévaloir du plafond de garantie et de la franchise stipulés dans la police d'assurance, la cour d'appel a jugé qu'il aurait été « définitivement jugé » par l'arrêt de cassation du 23 mars 2017 que cette renonciation ne pouvait résulter du règlement des indemnités d'assurance dont le montant était largement plus élevé que la garantie prévue au contrat ; qu'en conférant ainsi une autorité de chose jugée aux motifs de l'arrêt de la Cour de cassation, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu article 1355, du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Après avoir exactement retenu que le fait, pour l'assureur, d'avoir effectué, sur exécution forcée, des paiements excédant le plafond de garantie, alors que des condamnations étaient intervenues à son encontre, n'établit pas sa renonciation non équivoque à opposer ce plafond de garantie, l'arrêt en déduit que l'assureur est fondé à l'opposer aux tiers et à faire application de la franchise contractuelle.

8. Le moyen, qui s'attaque à des motifs surabondants, n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La société LMG et M. et Mme [O] font grief à l'arrêt de les condamner à restituer les sommes perçues supérieures au plafond de garantie moins la franchise soit 304 400 euros, alors « que la condamnation de la victime d'un dommage à restituer l'indemnité versée par l'assureur du responsable s'analyse en une répétition qui ne peut qu'être subordonnée à la démonstration de son caractère indu ; que tel n'est pas le cas du paiement reçu de l'assureur de responsabilité civile par la victime au titre de la créance indemnitaire qu'elle détient sur son assuré, qui est le vrai bénéficiaire de ce paiement et à l'encontre duquel l'assureur dispose exclusivement d'une action en répétition ; qu'en condamnant la société LMG et M. et Mme [O] à restituer à l'assureur du GAEC, responsable de leurs dommages, les indemnités qu'il leur avait versées pour les parties dépassant le plafond de garantie et le plancher de la franchise contractuelle au motif inopérant que ces limitations de garantie sont opposables aux tiers et bien que ces paiements n'aient aucun caractère indu à leur égard, la cour d'appel a violé l'article 1376, nouvellement 1302-1, du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

10. L'assureur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que ce moyen, qui est nouveau, est incompatible avec l'argumentation présentée en appel par la société LMG qui ne contestait pas devoir, le cas échéant, les sommes indûment perçues.

11. Cependant, ce moyen, qui tend à obtenir le rejet de la demande de restitution des sommes versées par l'assureur au-delà du plafond de garantie n'est pas incompatible avec celui soutenu, à titre principal, par la société LMG et M. et Mme [O] selon lequel l'assureur ne peut obtenir la restitution de ces sommes pour avoir renoncé à opposer ce plafond de garantie.

12. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1376, devenu 1302-1, du code civil :

13. Il résulte de ce texte que celui qui reçoit d'un assureur le paiement d'une indemnité à laquelle il a droit, ne bénéficie pas d'un paiement indu, le bénéficiaire de ce paiement étant celui dont la dette se trouve acquittée par quelqu'un qui ne la doit pas.

14. Pour condamner la société LMG et M. et Mme [O] à restituer les sommes perçues supérieures au plafond de garantie moins la franchise, soit 304 400 euros, l'arrêt énonce qu'il n'est pas établi que l'assureur a renoncé de manière non équivoque à se prévaloir de ce plafond.

15. Il ajoute que le GAEC ne démontre aucune faute de son assureur dans la direction du procès, de nature à engager sa responsabilité à son égard, et que c'est, en conséquence, à bon droit que l'assureur oppose, tant à son assuré qu'aux tiers lésés, le plafond de garantie et la franchise prévus au contrat.

16. En statuant ainsi, alors que la condamnation du GAEC à réparer le dommage des tiers lésés à une somme excédant ce plafond de garantie n'avait pas été remise en cause et que ce groupement était l'unique bénéficiaire du paiement indu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société [Adresse 3] et M. et Mme [O] à restituer à la société Allianz IARD les sommes perçues supérieures au plafond de garantie moins la franchise soit 304 400 euros, l'arrêt rendu le 24 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris.

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Martin - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre -

Textes visés :

Article 1376, devenu 1302-1 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 29 février 2012, pourvoi n° 10-15.128, Bull. 2012, III, n° 33 (cassation partielle).

2e Civ., 30 mars 2023, n° 21-17.466, (B), FS

Cassation partielle

Recours contre le tiers responsable – Subrogation légale – Action de l'assureur – Limites – Accident de la circulation – Victime passsager du véhicule

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er avril 2021), le 28 avril 2016, alors qu'il pilotait sa motocyclette, [M] [F] a heurté un feu tricolore après avoir entrepris une manœuvre de dépassement, par la droite, du véhicule conduit par Mme [G], à l'intérieur duquel M. [X] occupait la place de passager arrière droit.

3. [M] [F] est décédé des suites de ses blessures.

4. M. [A] [F], Mme [U], Mme [P], tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de l'enfant mineur [S] [F] et Mme [F], respectivement père, mère, épouse et soeur de la victime, ont assigné Mme [G], en qualité de conductrice du véhicule impliqué, et la société Pacifica, son assureur (l'assureur), devant un tribunal de grande instance, en indemnisation des préjudices subis, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, de la commune d'[Localité 9] et de la Caisse nationale des agents des collectivités locales.

5. L'assureur a assigné en intervention forcée M. [X], afin que ce dernier le garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre, en raison de sa faute ayant consisté, alors qu'il était passager, à tendre le bras droit par la fenêtre du véhicule pour jeter la cendre de sa cigarette sur la chaussée, au moment où le conducteur de la motocyclette entreprenait sa manœuvre de dépassement.

6. La MAIF, assureur de responsabilité civile de M. [X], est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal de M. [X] et de la MAIF, pris en ses troisième à septième branches, et sur le moyen du pourvoi provoqué éventuel de Mme [G] et de la société Pacifica

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi principal de M. [X] et de la MAIF, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. M. [X] et la MAIF font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à relever et garantir intégralement Mme [G] et l'assureur de la condamnation prononcée à leur encontre alors « que lorsqu'il a été condamné à indemniser la victime, l'assureur du véhicule impliqué dans l'accident, qui est tenu de couvrir la responsabilité de ses passagers, ne peut exercer de recours subrogatoire à leur encontre ; que, dans leurs conclusions, ils faisaient valoir que, sauf à dénaturer le principe-même de sa garantie contractuelle, l'assureur, auprès duquel la conductrice avait souscrit un contrat d'assurance obligatoire de son véhicule, ne pouvait exercer d'action récursoire contre M. [X], passager dudit véhicule impliqué dans l'accident ; qu'en condamnant M. [X] à relever et garantir intégralement l'assureur de la condamnation prononcée à son encontre et tendant à l'indemnisation des ayants droit de la victime décédée, la cour d'appel a violé l'article L. 211-1, alinéa 2, du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 211-1 du code des assurances :

9. Selon le premier alinéa de ce texte, toute personne dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité.

10. Selon le deuxième alinéa, les contrats d'assurance couvrant cette responsabilité doivent également couvrir la responsabilité civile des passagers du véhicule objet de l'assurance.

11. Aux termes du troisième alinéa, l'assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire.

12. Il résulte de ces dispositions qu'après avoir indemnisé la victime d'un accident de la circulation sur le fondement de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, en raison de l'implication du véhicule objet de l'assurance, l'assureur, tenu de garantir également la responsabilité civile des passagers de ce véhicule, ne peut exercer de recours subrogatoire contre ces derniers.

13. Pour condamner in solidum M. [X] et la MAIF à relever et garantir intégralement le conducteur du véhicule impliqué et l'assureur, l'arrêt énonce qu'il est constant que ce dernier, qui a réglé la totalité des sommes allouées à la victime, dispose d'un recours subrogatoire à l'encontre du tiers à raison de sa faute personnelle, fondé sur le droit commun de la responsabilité civile.

14. L'arrêt ajoute que c'est vainement que M. [X] et la MAIF soutiennent que l'article L. 211-1 du code des assurances, parce qu'il fait bénéficier le passager de l'assurance couvrant la responsabilité civile du conducteur, ne pourrait l'exposer à un recours de ce dernier, dès lors que cette règle ne reçoit application que pour la détermination du droit à indemnisation de la victime et non lors de l'exercice ultérieur des recours entre coobligés.

15. En statuant ainsi, alors que M. [X], dont la responsabilité civile était garantie en sa qualité de passager, par l'assureur qui avait indemnisé les ayants droit de la victime, ne pouvait pas faire l'objet d'un recours subrogatoire, de la part de cet assureur, à raison de la faute qu'il avait commise, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour :

REJETTE le pourvoi provoqué éventuel de Mme [G] et la société Pacifica ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum M. [X] et la société Mutuelle assurance des instituteurs de France à relever et garantir intégralement Mme [G] et la société Pacifica de la condamnation prononcée à leur encontre, l'arrêt rendu le 1er avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Ittah - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Cabinet Rousseau et Tapie ; SARL Le Prado - Gilbert ; SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Article L. 211-1 du code des assurances ; Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 3 février 2005, pourvoi n° 04-10.342, Bull. 2005, II, n° 22 (cassation partielle).

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