Numéro 3 - Mars 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2023

APPEL CIVIL

Com., 1 mars 2023, n° 21-14.787, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Appelant – Codébiteur solidaire – Autre codébiteur n'ayant pas formé appel du jugement l'ayant condamné – Jugement réformé – Portée – Force de chose jugée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 février 2021), la société Rioglass France, devenue la société Prevent Glass, était détenue par la société de droit allemand Prevent Dev GmbH (la société Prevent Dev). Elle avait une activité de production de verre automobile et avait notamment comme client la société Volkswagen Aktiengesellschaft (la société Volkswagen).

2. Le 18 octobre 2011, la société Prevent Dev a cédé la totalité des actions qu'elle détenait dans le capital social de la société Prevent Glass à la société de droit allemand Erlensee 2 VV GmbH (la société Erlensee), devenue la société International Corporate Investitors GmbH.

La société Prevent TWB GmbH & Co. KG (la société Prevent TWB), filiale de la société Prevent Dev, était partie à l'acte de cession.

3. La société Prevent Glass a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 21 novembre 2011 et 9 mai 2012, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 31 juillet 2011.

4. Le 30 mai 2012, le mandataire liquidateur a licencié l'ensemble des salariés de la société Prevent Glass.

5. M. [V] et vingt-neuf autres salariés de la société Prevent Glass (les salariés) ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir dire leur licenciement sans cause réelle et sérieuse.

6. Ces mêmes salariés ont assigné les sociétés Prevent Dev, Prevent TWB, Volkswagen et Erlensee en paiement, in solidum, de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de leur emploi.

7. La société Volkswagen a interjeté appel du jugement ayant accueilli ces demandes et les sociétés Prevent Dev et Prevent TWB ont formé appel incident.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande des salariés de condamnation in solidum des sociétés Prevent Dev, Prevent TWB et Volkswagen à leur payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts, et sur le deuxième moyen, ci-après annexés

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande des salariés de condamnation in solidum des sociétés Prevent Dev, Prevent TWB et Volkswagen à leur payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts

Enoncé du moyen

9. Les salariés font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de condamnation in solidum des sociétés Prevent Dev, Prevent TWB et Volkswagen à leur payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts, alors :

« 2°/ que constitue une faute le fait, pour une société mère, de céder à un repreneur une filiale en état de cessation des paiements sans s'assurer préalablement que le plan de reprise présenté par ce repreneur comprend des mesures appropriées au regard de la situation économique et financière de cette filiale et de nature à soustraire la filiale à cet état de cessation des paiements pour éviter, au moins à court terme, l'ouverture d'une procédure collective ; qu'en se bornant à constater que le repreneur était en mesure de financer les investissements nécessaires au développement de nouveaux outils industriels grâce à des ressources qu'il avait présentées comme provenant de fonds de petites et moyennes entreprises industrielles allemandes et que la stratégie de ce repreneur consistait à obtenir de la société Volkswagen une augmentation des prix de l'ordre de 30 % et un complément de financement immédiat sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si la faute de la société Prevent Dev ne résultait pas de ce que cette dernière ne s'était pas assurée de l'existence d'un plan de redressement comprenant des mesures adaptées à l'état de cessation des paiements permettant d'éviter l'ouverture de la procédure collective qui s'est finalement réalisée à peine un mois et trois jours après la cession, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ que constitue une faute le fait, pour une société mère, de céder une filiale en état de cessation des paiements sans procéder à une vérification de la viabilité du projet présenté par le repreneur ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la stratégie du repreneur reposait sur l'obtention d'un accord avec la société Volkswagen sur une augmentation des prix de l'ordre de 30 % et qu'un mois et trois jours après la cession, une procédure collective était ouverte à l'encontre de la société Prevent Glass car le repreneur n'était pas parvenu à obtenir cet accord ; qu'en l'état de ces constatations, et alors que les salariés rappelaient qu'une telle augmentation des prix, qui n'avait jamais pu être obtenue dans le passé, était proprement irréaliste, en écartant tout manquement des sociétés cédantes à leur obligation de vérifier la viabilité du plan sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces sociétés avaient pu obtenir des garanties ou s'étaient à tout le moins assurées des moyens dont disposait le repreneur pour parvenir à un tel accord, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

10. Il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe qu'une société mère a, lorsqu'elle cède les parts qu'elle détient dans le capital social d'une filiale en état de cessation des paiements, l'obligation de s'assurer, avant la cession, que le cessionnaire dispose d'un projet de reprise garantissant la viabilité économique et financière de cette filiale.

11. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile

Enoncé du moyen

12. Les salariés font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il condamnait la société Erlensee à leur payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts, alors « que si un codébiteur in solidum néglige de relever appel du jugement l'ayant condamné en première instance ou de se joindre au recours recevable formé par son consort, ce jugement a force de chose jugée contre lui, même s'il est réformé sur l'appel du codébiteur ; qu'après avoir constaté que la société Erlensee n'avait pas interjeté appel du jugement et ne s'était pas jointe au recours formé par la société Volkswagen, la cour d'appel infirme le jugement et rejette, sans distinction, l'ensemble des demandes présentées par les salariés ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que le jugement du tribunal de grande instance de Fontainebleau avait acquis autorité de chose jugée à l'égard de la société Erlensee, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil, 480 et 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1355 du code civil et les articles 480, alinéa 1, et 562 du code de procédure civile :

13. Selon le premier de ces textes, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement.

Aux termes du deuxième, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

Selon le troisième, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent.

14. Il en résulte que si un codébiteur solidaire néglige de former appel du jugement l'ayant condamné en première instance ou de se joindre au recours recevable formé par l'autre codébiteur, ce jugement a force de chose jugée à son égard s'il est réformé sur l'appel du second.

15. L'arrêt, infirmant le jugement ayant condamné in solidum les sociétés Erlensee, Prevent Dev, Prevent TWB et Volkswagen à payer certaines sommes à titre de dommages-intérêts aux salariés, rejette l'ensemble des demandes formées par ceux-ci.

16. En statuant ainsi, alors que seules les sociétés Volkswagen, Prevent Dev et Prevent TWB avaient formé appel et que la société Erlensee ne s'était pas jointe à l'instance, ce dont il résulte que le jugement était devenu irrévocable dans les rapports entre celle-ci et les salariés, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

18. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond concernant la responsabilité de la société Erlensee des préjudices causés aux anciens salariés de la société Prevent Glass, du fait de la cession d'actions intervenue le 18 octobre 2011, et sa condamnation à les indemniser.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande de mise hors de cause de la société Volkswagen AG sur le premier moyen et sur le premier moyen, en tant qu'il est dirigé contre la société Erlensee 2 VV GmbH, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement ayant déclaré la société Erlensee 2 VV GmbH responsable des préjudices causés aux anciens salariés de la société Prevent Glass, du fait de la cession d'actions intervenue le 18 octobre 2011 et ayant condamné la société Erlensee 2 VV GmbH à payer à M. [G] [V] la somme de 132 527,96 euros, à M. [P] [Y] la somme de 180 677,12 euros, à M. [UT] [D] la somme de 125 747,32 euros, à M. [BR] [E] la somme de 110 112,60 euros, à M. [W] [Z] la somme de 120 433,68 euros, à M. [R] [F] la somme de 106 694,49 euros, à M. [J] [A] la somme de 148 982,60 euros, à M. [T] [M] la somme de 105 091,96 euros, à Mme [HA] [U] la somme de 77 609,55 euros, à M. [N] [B] la somme de 93 369,24 euros, à M. [IA] [X] la somme de 109 205,61 euros, à M. [PE] [X] la somme de 39 036,69 euros, à M. [BL] [C] la somme de 110 029,98 euros, à M. [UN] [I] la somme de 138 637,12 euros, à M. [O] [OO] la somme de 134 068,60 euros, à M. [NZ] [VD] la somme de 89 235,93 euros, à M. [L] [HP] la somme de 88 524,78 euros, à M. [VI] [OE] la somme de 134 499,64 euros, M. [OJ] [VN] la somme de 114 917,52 euros, à Mme [OZ] [VY] la somme de 93 926,88 euros, à M. [S] [IF] la somme de 111 021,63 euros, à M. [JA] [HF] la somme de 94 411,68 euros, à M. [VT] [HK] la somme de 104 889,72 euros, à M. [BL] [IP] la somme de 47 997,85 euros, à M. [UY] [AV] la somme de 112 444,92 euros, à M. [HV] [IK] la somme de 129 212,84 euros, à M. [UN] [CL] la somme de 123 316,76 euros, à M. [WD] [GV] la somme de 113 783,48 euros, à M. [NO] [UN] la somme de 99 033,54 euros, à M. [NU] [WT], la somme de 94 430,25 euros, ainsi qu'à chacun de ceux-ci la somme de 150 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, l'arrêt rendu le 4 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mmes Comte et Ducloz - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Bénabent ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 1355 du code civil ; articles 480, alinéa 1, et 562 du code de procédure civile.

2e Civ., 23 mars 2023, n° 21-15.723, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Appelant – Pluralité – Décision prononçant une condamnation in solidum – Infirmation – Condamnation in solidum – Appel d'un coobligé – Effets – Absence d'indivisibilité – Cas

En l'absence d'impossibilité d'exécuter simultanément deux décisions concernant les parties au litige, l'indivisibilité, au sens de l'article 553 du code de procédure civile n'étant pas caractérisée, l'appel de l'une des parties ne peut pas produire effet à l'égard d'une partie, qui ne s'est pas jointe à l'appel.

Il en résulte qu'en l'absence d'indivisibilité au sens de l'article 553 du code de procédure civile, l'infirmation de la décision de condamnation sur l'appel formé par l'une des parties condamnées solidairement ne produit pas d'effet à l'égard des autres parties condamnées.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [D] du désistement de son pourvoi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué et les productions (Basse Terre, 11 février 2021), par jugement du 14 décembre 2017, un tribunal de grande instance a condamné solidairement M. [LI], M. [H], M. [J], M. [G] [ZT], M. [X], M. [L], M. [N], M. [C], Mme [F], Mme [WD], M. [MO], M. [R], M. [U] [ZT], M. [BG], M. [T] [A], M. [V] [A] et Mme [B] à payer à la société Compagnie agricole du Comté de Loheac (la société CACL) une certaine somme en réparation du préjudice subi du fait de la perte de sa marge brute d'exploitation outre une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

3. Par déclarations des 2 mai et 5 juin 2018, M. [C] et Mme [BN], d'une part, M. [V] [A], d'autre part, ont relevé appel de ce jugement.

4. Par ordonnance du 11 octobre 2018, un conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel de M. [V] [A].

5. Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 18 octobre 2018, M. [LI], M. [H], M. [J], M. [G] [ZT], M. [X], M. [L], M. [N], Mme [WD], M. [MO], M. [R], M. [U] [ZT], M. [BG], M. [T] [A], M. [V] [A] et Mme [B] ont été déclarés irrecevables à conclure pour défaut de remise de leurs conclusions dans le délai.

6. Par ordonnance du 30 avril 2019, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement d'instance et d'action de M. [C].

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et troisième moyens, réunis

Enoncé du moyen

7. Par son premier moyen, la société CACL fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes formées contre M. [V] [A], alors « que lorsque la demande est formée par ou contre plusieurs coïntéressés, chacun d'eux exerce et supporte pour ce qui le concerne les droits et obligations des parties à l'instance ; que les actes accomplis par ou contre l'un des coïntéressés ne profitent ni ne nuisent aux autres, sous réserve de ce qui est dit aux articles 475, 529, 552, 553 et 615 du code de procédure civile ; que ce n'est qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties que l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres, même si celles-ci ne sont pas jointes à l'instance ; que le jugement de première instance avait condamné solidairement M. [LI], M. [H], M. [J], M. [G] [ZT], M. [X], M. [L], M. [N], M. [C], Mme [F], Mme [WD], M. [MO], M. [R], M. [U] [ZT], M. [BG], M. [T] [A], M. [V] [A] et Mme [B] à payer à la société CACL la somme de 79 674 euros en réparation de son préjudice ; que l'appel de ce jugement interjeté par M. [V] [A] a été déclaré caduc par une ordonnance du conseiller de la mise en état, confirmée par un arrêt du 11 mars 2019, et ses conclusions d'intimées déclarées irrecevables par l'arrêt attaqué ; que les condamnations prononcées par la juridiction de première instance n'étant pas indivisibles, l'infirmation du jugement sur le seul appel de Mme [F] ne pouvait pas profiter à M. [V] [A] ; qu'en infirmant néanmoins le jugement en ce qu'il avait condamné M. [V] [A], la cour d'appel a violé les articles 323,324 et 552 du code de procédure civile. »

8. Par son deuxième moyen, la société CACL fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes formées contre M. [C], alors « que lorsque la demande est formée par ou contre plusieurs coïntéressés, chacun d'eux exerce et supporte pour ce qui le concerne les droits et obligations des parties à l'instance ; que les actes accomplis par ou contre l'un des coïntéressés ne profitent ni ne nuisent aux autres, sous réserve de ce qui est dit aux articles 475, 529, 552, 553 et 615 du code de procédure civile ; que ce n'est qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties que l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres, même si celles-ci ne sont pas jointes à l'instance ; que le jugement de première instance avait condamné solidairement M. [LI], M. [H], M. [J], M. [G] [ZT], M. [X], M. [L], M. [N], M. [C], Mme [F], Mme [WD], M. [MO], M. [R], M. [U] [ZT], M. [BG], M. [T] [A], M. [V] [A] et Mme [B] à payer à la SARL CACL la somme de 79 674 euros en réparation de son préjudice ; que M. [C] s'était désisté de son appel de jugement, ce dont une ordonnance du conseiller de la mise en état lui avait donné acte, constatant l'extinction de l'instance d'appel ainsi que le dessaisissement de la cour à l'égard de M. [C] ; que les condamnations prononcées par la juridiction de première instance n'étant pas indivisibles, l'infirmation du jugement sur le seul appel de Mme [F] ne pouvait pas profiter à M. [C] ; qu'en infirmant néanmoins le jugement en ce qu'il avait condamné M. [C], la cour d'appel a violé les articles 323,324 et 552 du code de procédure civile. »

9. Par son troisième moyen, la société CACL fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes formées contre Mme [LI], M. [H], M. [J], M. [G] [ZT], M. [X], M. [L], M. [N], Mme [WD], M. [MO], M. [R], M. [U] [ZT], M. [BG], M. [T] [A] et Mme [B], alors « que lorsque la demande est formée par ou contre plusieurs coïntéressés, chacun d'eux exerce et supporte pour ce qui le concerne les droits et obligations des parties à l'instance ; que les actes accomplis par ou contre l'un des coïntéressés ne profitent ni ne nuisent aux autres, sous réserve de ce qui est dit aux articles 475, 529, 552, 553 et 615 du code de procédure civile ; que ce n'est qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties que l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres, même si celles-ci ne sont pas jointes à l'instance ; que le jugement de première instance avait condamné solidairement M. [LI], M. [H], M. [J], M. [G] [ZT], M. [X], M. [L], M. [N], M. [C], Mme [F], Mme [WD], M. [MO], M. [R], M. [U] [ZT], M. [BG], M. [T] [A], M. [V] [A] et Mme [B] à payer à la société CACL la somme de 79 674 euros en réparation de son préjudice ; que par une ordonnance du 18 octobre 2018, confirmé par un arrêt du 11 juin 2019, le conseiller de la mise en état a constaté l'absence de remise de conclusions par MM. [LI], [H], [J], [G] [ZT], [U] [ZT], [L], [N], [MO], [R], [BG] et [T] [A] et Mmes [WD] et [B] les a déclarés irrecevables à conclure ; que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables leurs conclusions déposées le 2 septembre 2019 ; que les condamnations prononcées par la juridiction de première instance n'étant pas indivisibles, l'infirmation du jugement sur le seul appel de Mme [F] ne pouvait pas profiter à MM. [LI], [H], [J], [G] [ZT], [U] [ZT], [L], [N], [MO], [R], [BG] et [T] [A] et Mmes [WD] et [B] ; qu'en infirmant néanmoins le jugement en ce qu'il les avait condamnés, la cour d'appel a violé les articles 323, 324 et 552 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 552 et 553 du code de procédure civile :

10. Aux termes du premier de ces textes, en cas de solidarité ou d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel formé par l'une conserve le droit d'appel des autres, sauf à ces dernières à se joindre à l'instance. Dans les mêmes cas, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance.

11. Aux termes du second de ces textes, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance ; l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.

12. Il en résulte qu'en l'absence d'impossibilité d'exécuter simultanément deux décisions concernant les parties au litige, l'indivisibilité, au sens de l'article 553 du code de procédure civile n'étant pas caractérisée, l'appel de l'une des parties ne peut pas produire effet à l'égard d'une partie, qui ne s'est pas jointe à l'appel.

13. Par conséquent, en l'absence d'indivisibilité au sens de l'article 553 du code de procédure civile, l'infirmation de la décision de condamnation sur l'appel formé par l'une des parties condamnées solidairement ne produit pas d'effet à l'égard des autres parties condamnées.

14. L'arrêt infirme le jugement en ce qu'il a condamné solidairement M. [LI], M. [H], M. [J], M. [G] [ZT], M. [X], M. [L], M. [N], M. [C], Mme [WD], M. [MO], M. [R], M. [U] [ZT], M. [BG], M. [T] [A], M. [V] [A] et Mme [B] à payer à la société CACL la somme de 79 674 euros en réparation de son préjudice ainsi que la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

15. En statuant ainsi, alors qu'elle n'était saisie que du seul appel relevé par Mme [BN] et qu'aucune indivisibilité au sens de l'article 553 du code de procédure civile n'étant caractérisée, seule l'appelante pouvait profiter de l'infirmation de la décision de condamnation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

16. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

17. La cassation prononcée, par voie de retranchement, n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en tant qu'infirmant le jugement en toutes ses dispositions, il déboute la société Compagnie agricole du Comté de Loheac de ses demandes tendant à voir condamner solidairement M. [LI], M. [H], M. [J], M. [G] [ZT], M. [X], M. [L], M. [N], M. [C], Mme [WD], M. [MO], M. [R], M. [U] [ZT], M. [BG], M. [T] [A], M. [V] [A] et Mme [B] à payer à la société Compagnie agricole du Comté de Loheac de toutes leurs demandes [lire en réalité : la somme de 79 674 euros en réparation du préjudice subi et celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile], l'arrêt rendu le 11 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Article 553 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 novembre 2022, pourvoi n° 20-19.782, Bull. (cassation) ; 3e Civ., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-15.217, Bull. (cassation partielle).

2e Civ., 23 mars 2023, n° 21-19.906, (B), FRH

Cassation partielle

Recevabilité – Pluralité de parties – Litige indivisible – Appel interjeté contre un seul – Effets à l'égard des autres parties

Selon les articles 552 et 553 du code de procédure civile, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, d'une part, l'appel dirigé contre l'une d'elles réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance, d'autre part, l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.

L'appelant dispose, jusqu'à ce que le juge statue, de la possibilité de régulariser l'appel en formant une seconde déclaration d'appel pour appeler en la cause les parties omises dans sa première déclaration.

Intimé – Pluralité – Appel interjeté contre un seul – Litige indivisible – Appel postérieur contre les autres parties – Omission d'intimer une ou plusieurs parties dans la première déclaration d'appel – Régularisation de l'appel – Cas

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Mat Isa du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [J] [A] et Mme [G] [X].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 20 avril 2021), par déclaration du 18 juin 2020, la société Mat Isa a relevé appel d'un jugement du 26 février 2020 rendu en matière d'indivision.

3. Constatant qu'elle avait omis de mentionner l'un des membres de l'indivision dans son acte d'appel, la société Mat Isa, a assigné Mme [U] [A] par un acte d'appel provoqué le 31 août 2020.

4. Par conclusions du 10 août 2020, M. [J] [A], Mme [G] [X], M. [R] [A], M. [H] [A], Mme [B] [A], M. [S] [A], Mme [U] [A] et Mme [N] [O], veuve [A] (les consorts [A]) ont saisi un conseiller de la mise en état d'un incident d'irrecevabilité de l'appel.

5. Par ordonnance du 3 novembre 2020, ce conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel provoqué par la société Mat Isa à l'encontre de Mme [U] [A] et débouté les consorts [A] de leur demande aux fins de voir déclarer irrecevable l'appel formé par la société Mat Isa.

6. La société Mat Isa a relevé appel de cette ordonnance le 14 novembre 2020 et fait signifier une déclaration d'appel à Mme [U] [A] le 9 mars 2021.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La société Mat Isa fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel dirigé contre M. [R] [A], M. [H] [A], Mme [B] [A], M. [S] [A], Mme [U] [A] et Mme [N] [O] veuve [A] propriétaires indivis de la parcelle AI [Cadastre 7] alors, « qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel dirigé de l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance ; qu'ayant omis, dans la première déclaration d'appel du 18 juin 2020, d'intimer Mme [U] [A], coïndivisaire du fonds déclaré dominant par les premiers juges, la société Mat Isa a formé appel à son encontre par déclaration du 9 mars 2021 ; qu'en retenant, pour déclarer l'appel irrecevable, que le second appel aurait dû « être formé dans le délai de trois mois pour conclure offert à l'appelant par les dispositions de l'article 908 du code de procédure civile », quand l'irrégularité résultant du défaut d'intimation peut être couverte, par une nouvelle déclaration d'appel, jusqu'à ce que le juge statue et quand elle relevait elle-même que « la SCI MAT ISA justifi[ait] d'une nouvelle déclaration d'appel du 9 mars 2021 faite à Mme [U] [A] », avant l'audience des débats du 23 mars 2021, ce dont il résultait pourtant que l'irrégularité avait été couverte, en sorte que l'appel était recevable, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 6, § 1 er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 552 et 553 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 552 et 553 du code de procédure civile :

8. Il résulte de ces textes qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, d'une part, l'appel dirigé contre l'une d'elles réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance, d'autre part, l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.

L'appelant dispose, jusqu'à ce que le juge statue, de la possibilité de régulariser l'appel en formant une seconde déclaration d'appel pour appeler en la cause les parties omises dans sa première déclaration.

9. Pour déclarer irrecevable l'appel de la société Mat Isa dirigé contre M. [R] [A], M. [H] [A], Mme [B] [A], M. [S] [A], Mme [U] [A] et Mme [N] [O] veuve [A], propriétaires indivis de la parcelle AI [Cadastre 7], l'arrêt retient que dans la mesure où les deux déclarations d'appel ne forment qu'un et se complètent, la seconde doit être formée dans le délai de 3 mois pour conclure offert à l'appelant par les dispositions de l'article 908 du code de procédure civile et courant à compter de la déclaration d'appel, et que la seconde déclaration d'appel ayant été faite à Mme [U] [A] le 9 mars 2021, l'appel est irrecevable, le délai de 3 mois ayant couru à compter du 18 juin 2020.

10. En statuant ainsi, alors que par déclaration formée avant l'audience du 23 mars 2021, l'appelante avait régularisé la procédure, la cour d'appel, qui ne pouvait déclarer l'appel irrecevable, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré recevable l'appel de la société Mat Isa dirigé contre M. [J] [A] et Mme [G] [X], propriétaires de la parcelle AI[Cadastre 6], l'arrêt rendu le 20 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon -

Textes visés :

Articles 552 et 553 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 novembre 2022, pourvoi n° 20-19.782, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 23 mars 2023, pourvoi n° 21-15.723, Bull. (cassation partielle sans renvoi).

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