Numéro 3 - Mars 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2023

Partie I - Arrêts des chambres et ordonnances du Premier Président

ACCIDENT DE LA CIRCULATION

2e Civ., 30 mars 2023, n° 21-21.070, (B), FRH

Cassation partielle

Indemnisation – Elements pris en considération – Préjudice économique – Perte de gains professionnels – Complément de rémunération – Titres-restaurant

La contribution de l'employeur à l'acquisition, par le salarié, de titres-restaurant, correspond, pour ce dernier, à un complément de rémunération dont la perte constitue un préjudice indemnisable.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 mai 2021), le 2 mars 2010, alors qu'il pilotait sa motocyclette, M. [F] a été victime d'un accident impliquant un autre véhicule, assuré par la société Assurance mutuelle des motards (l'assureur).

2. L'assureur n'a pas contesté devoir sa garantie.

3. En raison du désaccord les opposant sur l'indemnisation, l'assureur a assigné M. [F] devant un tribunal de grande instance en liquidation de son préjudice, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la caisse).

4. Mme [B], épouse [F], est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième, septième et huitième moyens

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

6. M. [F] fait grief à l'arrêt de fixer son préjudice consécutif aux faits dont il a été victime le 2 mars 2010, à la somme totale de 293 576,99 euros, suivant le détail suivant : dépenses de santé actuelles : 86 372,46 euros ; frais divers : 11 290,17 euros ; perte de gains actuels : 45 304,52 euros ; dépenses de santé futures : 5 157,46 euros ; frais de logement adapté : rejet ; perte de gains professionnels futurs : 8 197,38 euros ; incidence professionnelle : 50 000 euros ; déficit fonctionnel temporaire : 8 975 euros ; déficit fonctionnel permanent : 49 280 euros ; souffrances endurées : 20 000 euros ; préjudice esthétique temporaire : 2 000 euros ; préjudice esthétique permanent : 4 000 euros ; préjudice d'agrément : 3 000 euros ; préjudice sexuel : rejet, et de condamner l'Assurance mutuelle des motards à lui payer la somme de 35 844,74 euros à titre de réparation de son préjudice corporel, déduction faite de la créance du tiers payeur et de la provision d'ores et déjà perçue, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour alors « que le tribunal, au titre de l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs, avait indemnisé, d'une part, la perte de revenus correspondant à la période de mi-temps thérapeutique (6 246,50 euros) et, d'autre part, la perte capitalisée de deux jours de congés supplémentaires par an (1 950,88 euros), soit un montant total de 8 197,38 euros ; qu'en appel, M. [F] avait exposé qu'après avoir été un temps reclassé, il n'avait pu poursuivre son emploi, avait bénéficié d'une rupture conventionnelle le 11 novembre 2016 et ne percevait plus de revenu depuis cette date ; qu'il demandait, d'une part, la confirmation de l'indemnisation la perte de revenus correspondant à la période de mi-temps thérapeutique, d'autre part l'indemnisation de la perte de deux jours de congés supplémentaires par an pendant la durée de la période de reclassement, soit 464,01 euros et, de troisième part, l'indemnisation de sa perte de revenus pour la période postérieure à la rupture conventionnelle de son contrat de travail, soit une somme totale de 394 547,74 euros devant lui revenir, après imputation de rente AT d'un montant (arrérages échus + capital représentatif) de 129 055,91 euros ; qu'après avoir retenu que même si le reclassement dans la même entreprise n'a entraîné, dans un premier temps, aucune perte de salaire si ce n'est le bénéfice de deux jours de congés, il n'en demeure pas moins que la perte de son statut de cadre a nécessairement obéré l'évolution envisageable de sa rémunération au sein de l'entreprise et que le sentiment de déclassement lié à son nouveau poste et la rupture conventionnelle en ayant résulté n'a pas permis à M. [F] de retrouver une rémunération équivalente à celle dont il bénéficiait auparavant, de sorte que la perte de gains professionnels futurs n'apparaît pas contestable, l'arrêt énonce que le calcul opéré par les premiers juges sera confirmé, l'évaluation de la perte à échoir sur la base de 13,187 l'euro de rente jusqu'à 62 ans chez un homme de 47 ans apparaissant pertinent, la perte de gains professionnels futurs s'élevant à 8 197,38 euros, avant imputation des arrérages échus et du capital de la rente accident du travail versée après consolidation d'un montant de 126 222,70 euros ; qu'en statuant ainsi, quand il lui appartenait d'indemniser la perte des deux jours de congé pendant la période de reclassement puis la perte de revenu après la rupture conventionnelle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

7. Pour allouer à M. [F] la somme de 8 197,38 euros en réparation du poste de perte de gains professionnels futurs, correspondant à la compensation de deux jours de congés annuels perdus, l'arrêt constate qu'antérieurement à l'accident, M. [F] occupait un poste de chef de secteur produit, et qu'à compter du mois de septembre 2013, il a bénéficié d'un reclassement au sein de l'entreprise, dans un poste d'assistant d'exploitation à la réception, avec maintien du salaire antérieur, sauf la perte des deux jours de congés annuels qui étaient attachés à son ancien statut de cadre.

8. L'arrêt constate encore qu'au mois de novembre 2016, M. [F] a bénéficié d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail, après quoi il a ouvert avec son épouse, en 2017, une maison d'hôtes, dont l'exploitation ne génère aucun revenu. Il relève que M. [F] perçoit actuellement l'allocation de solidarité spécifique.

9. L'arrêt énonce ensuite que si le reclassement de M. [F] dans la même entreprise n'a entraîné, dans un premier temps, aucune perte de salaire, à l'exception de deux jours de congés, la perte de son statut de cadre a, cependant, nécessairement obéré l'évolution envisageable de sa rémunération au sein de l'entreprise. Il ajoute que le sentiment de déclassement, lié au nouveau poste occupé, ainsi que la rupture conventionnelle qui en est résulté, n'ont pas permis à M. [F] de retrouver une rémunération équivalente à celle dont il bénéficiait auparavant, de sorte que la perte de gains professionnels futurs n'apparaît pas contestable.

10. L'arrêt confirme, enfin, le chiffrage du préjudice effectué par les premiers juges, devant qui M. [F] n'avait pas formé de demande d'indemnisation pour la période postérieure à la rupture conventionnelle de son contrat de travail.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. [F], intervenue après son reclassement au sein de l'entreprise dans un poste adapté à ses séquelles, était, ou non, en lien avec son accident, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

12. M. [F] fait le même grief à l'arrêt, alors « que devant la cour d'appel, il avait fait valoir qu'au titre de l'incidence professionnelle, devaient être indemnisées, notamment, la perte de carrière professionnelle et la perte de droits à la retraite, compte tenu de la perte de son emploi après la rupture conventionnelle de son contrat ; que l'arrêt retient que ce poste de préjudice correspond aux séquelles qui limitent les possibilités professionnelles ou rendent l'activité professionnelle plus fatigante ou plus pénible et indemnise le fort sentiment de déclassement engendré chez lui ainsi que sa dévalorisation sur le marché du travail n'est pas contestable, les possibilités de reconversion professionnelle ; qu'en statuant ainsi sans évaluer la perte de droits à la retraite de l'exposant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

13. Pour allouer à M. [F] la somme de 50 000 euros en réparation du poste de l'incidence professionnelle, l'arrêt énonce que le type de poste adapté à l'état physique de M. [F] ne pourrait pas être sensiblement différent que celui proposé par son ancien employeur, qui a engendré chez l'intéressé un fort sentiment de déclassement. Il ajoute que la dévalorisation de M. [F] sur le marché du travail n'est pas contestable, les possibilités de reconversion professionnelle pour un homme de son âge se révélant limitées, de sorte qu'on ne peut lui faire le grief d'avoir tenté un changement de vie complet, en prenant la décision d'ouvrir, avec son épouse, une maison d'hôtes qui ne s'est pas révélée, à ce jour, rentable.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher si M. [F], qui avait sollicité l'indemnisation de la perte de ses droits à la retraite pour la période postérieure à la rupture conventionnelle de son contrat de travail, justifiait, ou non, d'un tel préjudice en lien avec ses séquelles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le sixième moyen

Enoncé du moyen

15. M. [F] fait le même grief à l'arrêt, alors « que le préjudice sexuel postérieur à la consolidation est indemnisé distinctement du déficit fonctionnel permanent ; qu'en refusant d'indemniser distinctement le préjudice sexuel postérieur à la consolidation subi par M. [F] au motif inopérant que les experts auraient pris en compte le retentissement sexuel dans la fixation du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

16. Pour liquider à une certaine somme le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent et rejeter la demande d'indemnisation formée au titre du préjudice sexuel, l'arrêt énonce que les premiers juges ont justement évalué le déficit fonctionnel permanent en retenant le taux de 22 % fixé par les experts, compte tenu du retentissement sexuel et, par motifs adoptés, considère qu'en conséquence, il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnisation en réparation du préjudice sexuel, d'ores et déjà indemnisé.

17. En statuant ainsi, alors que le poste du préjudice sexuel, qui comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle, constitue un préjudice à caractère personnel, distinct du poste du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

Et sur le neuvième moyen

Enoncé du moyen

18. M. [F] fait le même grief à l'arrêt, alors « que le ticket-restaurant constitue un avantage en nature payé par l'employeur entrant dans la rémunération du salarié et dont la privation constitue pour la victime un préjudice indemnisable ; qu'en déboutant M. [F] de sa demande d'indemnisation de la perte du bénéfice des ticket restaurants, au motif que « ces sommes ne constituent nullement un complément de salaire, mais un remboursement des frais engagés par un salarié qui n'a ni la possibilité de regagner son domicile pendant le déjeuner, ni la possibilité de bénéficier d'une solution de restauration au sein de l'entreprise », la cour d'appel a violé l'article L. 3262-1 du code du travail, ensemble l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3262-1, alinéa 1, du code du travail et 81, 19°, du code général des impôts, dans leur rédaction en vigueur au 2 mars 2010, et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

19. Aux termes du premier de ces textes, le titre-restaurant est un titre spécial de paiement remis par l'employeur aux salariés pour leur permettre d'acquitter en tout ou en partie le prix du repas consommé au restaurant ou acheté chez un détaillant en fruits et légumes.

20. Selon le second, le complément de rémunération résultant de la contribution de l'employeur à l'acquisition par le salarié des titres-restaurant est affranchi de l'impôt sur le revenu dû par le salarié dans une certaine limite.

21. La Cour de cassation juge que le titre-restaurant est un accessoire de la rémunération servie au salarié (Crim., 30 avril 1996, pourvoi n° 95-82.687, Bull. crim. 1996, n° 184), qu'il ne constitue pas un remboursement de frais (Soc., 7 juin 2006, pourvoi n° 05-41.556) mais un avantage en nature payé par l'employeur qui entre dans la rémunération du salarié (Soc., 29 novembre 2006, pourvoi n° 05-42.853, Bull. 2006, V, n° 366 ; Soc., 1er mars 2017, pourvois n° 15-18.333 et 15-18.709, Bull. 2017, V, n° 36).

22. Pour débouter M. [F] de sa demande d'indemnisation de la perte du bénéfice de la contribution de l'employeur au financement des titres-restaurant, l'arrêt énonce que cette participation ne constitue pas un complément de salaire puisqu'elle correspond à un remboursement des frais engagés par le salarié qui n'a ni la possibilité de regagner son domicile pendant le déjeuner, ni la possibilité de bénéficier d'une solution de restauration au sein de l'entreprise.

23. En statuant ainsi, alors que la contribution de l'employeur à l'acquisition par le salarié des titres-restaurant correspond, pour ce dernier, à un complément de rémunération, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la perte de gains professionnels actuels à la somme de 45 304,52 euros, la perte de gains professionnels futurs à la somme de 8 197,38 euros, l'incidence professionnelle à la somme de 50 000 euros, le déficit fonctionnel permanent à la somme de 49 280 euros, rejette la demande au titre du préjudice sexuel, fixe en conséquence le préjudice subi par M. [F] à la suite des faits dont il a été victime le 2 mars 2010 à la somme totale de 293 566,99 euros et condamne la société Assurance mutuelle des motards à payer à M. [F] la somme de 35 844,74 euros à titre de réparation de son préjudice corporel, après déduction de la créance du tiers payeur et de la provision d'ores et déjà perçue, avec intérêts au taux légal à compter du jour de son prononcé, l'arrêt rendu le 11 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Ittah - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SARL Cabinet François Pinet ; SCP Alain Bénabent -

2e Civ., 30 mars 2023, n° 21-17.466, (B), FS

Cassation partielle

Victime – Victime autre que le conducteur – Passager – Faute – Effets – Recours subrogatoire de l'assureur du conducteur – Exclusion

Il résulte de l'article L. 211-1 du code des assurances qu'après avoir indemnisé la victime d'un accident de la circulation sur le fondement de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, en raison de l'implication du véhicule objet de l'assurance, l'assureur, tenu de garantir également la responsabilité civile des passagers de ce véhicule, ne peut exercer de recours subrogatoire contre ces derniers.

Dès lors, viole cet article la cour d'appel qui, pour condamner le passager d'un véhicule à garantir le conducteur de ce dernier et son assureur des sommes allouées à la victime d'un accident de la circulation, retient que ces derniers disposent d'un recours subrogatoire à raison de la faute personnelle qu'il a commise en étendant le bras en dehors de l'habitacle, fondé sur le droit de la responsabilité civile, alors que cet assureur, légalement tenu de garantir la responsabilité civile des passagers du véhicule, ne pouvait pas exercer de recours subrogatoire à l'encontre de ce passager qui était également son assuré.

Victime – Victime autre que le conducteur – Passager – Indemnisation – Assureur – Recours subrogatoire – Possibilité

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er avril 2021), le 28 avril 2016, alors qu'il pilotait sa motocyclette, [M] [F] a heurté un feu tricolore après avoir entrepris une manœuvre de dépassement, par la droite, du véhicule conduit par Mme [G], à l'intérieur duquel M. [X] occupait la place de passager arrière droit.

3. [M] [F] est décédé des suites de ses blessures.

4. M. [A] [F], Mme [U], Mme [P], tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de l'enfant mineur [S] [F] et Mme [F], respectivement père, mère, épouse et soeur de la victime, ont assigné Mme [G], en qualité de conductrice du véhicule impliqué, et la société Pacifica, son assureur (l'assureur), devant un tribunal de grande instance, en indemnisation des préjudices subis, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, de la commune d'[Localité 9] et de la Caisse nationale des agents des collectivités locales.

5. L'assureur a assigné en intervention forcée M. [X], afin que ce dernier le garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre, en raison de sa faute ayant consisté, alors qu'il était passager, à tendre le bras droit par la fenêtre du véhicule pour jeter la cendre de sa cigarette sur la chaussée, au moment où le conducteur de la motocyclette entreprenait sa manœuvre de dépassement.

6. La MAIF, assureur de responsabilité civile de M. [X], est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal de M. [X] et de la MAIF, pris en ses troisième à septième branches, et sur le moyen du pourvoi provoqué éventuel de Mme [G] et de la société Pacifica

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi principal de M. [X] et de la MAIF, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. M. [X] et la MAIF font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à relever et garantir intégralement Mme [G] et l'assureur de la condamnation prononcée à leur encontre alors « que lorsqu'il a été condamné à indemniser la victime, l'assureur du véhicule impliqué dans l'accident, qui est tenu de couvrir la responsabilité de ses passagers, ne peut exercer de recours subrogatoire à leur encontre ; que, dans leurs conclusions, ils faisaient valoir que, sauf à dénaturer le principe-même de sa garantie contractuelle, l'assureur, auprès duquel la conductrice avait souscrit un contrat d'assurance obligatoire de son véhicule, ne pouvait exercer d'action récursoire contre M. [X], passager dudit véhicule impliqué dans l'accident ; qu'en condamnant M. [X] à relever et garantir intégralement l'assureur de la condamnation prononcée à son encontre et tendant à l'indemnisation des ayants droit de la victime décédée, la cour d'appel a violé l'article L. 211-1, alinéa 2, du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 211-1 du code des assurances :

9. Selon le premier alinéa de ce texte, toute personne dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité.

10. Selon le deuxième alinéa, les contrats d'assurance couvrant cette responsabilité doivent également couvrir la responsabilité civile des passagers du véhicule objet de l'assurance.

11. Aux termes du troisième alinéa, l'assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire.

12. Il résulte de ces dispositions qu'après avoir indemnisé la victime d'un accident de la circulation sur le fondement de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, en raison de l'implication du véhicule objet de l'assurance, l'assureur, tenu de garantir également la responsabilité civile des passagers de ce véhicule, ne peut exercer de recours subrogatoire contre ces derniers.

13. Pour condamner in solidum M. [X] et la MAIF à relever et garantir intégralement le conducteur du véhicule impliqué et l'assureur, l'arrêt énonce qu'il est constant que ce dernier, qui a réglé la totalité des sommes allouées à la victime, dispose d'un recours subrogatoire à l'encontre du tiers à raison de sa faute personnelle, fondé sur le droit commun de la responsabilité civile.

14. L'arrêt ajoute que c'est vainement que M. [X] et la MAIF soutiennent que l'article L. 211-1 du code des assurances, parce qu'il fait bénéficier le passager de l'assurance couvrant la responsabilité civile du conducteur, ne pourrait l'exposer à un recours de ce dernier, dès lors que cette règle ne reçoit application que pour la détermination du droit à indemnisation de la victime et non lors de l'exercice ultérieur des recours entre coobligés.

15. En statuant ainsi, alors que M. [X], dont la responsabilité civile était garantie en sa qualité de passager, par l'assureur qui avait indemnisé les ayants droit de la victime, ne pouvait pas faire l'objet d'un recours subrogatoire, de la part de cet assureur, à raison de la faute qu'il avait commise, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour :

REJETTE le pourvoi provoqué éventuel de Mme [G] et la société Pacifica ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum M. [X] et la société Mutuelle assurance des instituteurs de France à relever et garantir intégralement Mme [G] et la société Pacifica de la condamnation prononcée à leur encontre, l'arrêt rendu le 1er avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Ittah - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Cabinet Rousseau et Tapie ; SARL Le Prado - Gilbert ; SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Article L. 211-1 du code des assurances ; Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 3 février 2005, pourvoi n° 04-10.342, Bull. 2005, II, n° 22 (cassation partielle).

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