Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL

Soc., 2 mars 2022, n° 20-19.832, n° 20-19.837, (B), FS

Cassation partielle

Convention de forfait – Convention de forfait en heures – Inopposabilité au salarié – Heures supplémentaires – Calcul – Base de calcul – Durée hebdomadaire du travail ou durée considérée comme équivalente – Détermination – Portée

Lorsqu'une convention de forfait en heures est déclarée inopposable, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale de 35 heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente.

Doit être approuvé, l'arrêt qui après avoir retenu l'inopposabilité de la convention de forfait en heures, a, recherchant la commune intention des parties, décidé que celles-ci étaient convenues d'une rémunération contractuelle fixée pour une durée hebdomadaire de 38h30 et constatant que cette rémunération de base avait été payée par l'employeur, en a déduit à bon droit que les salariés ne pouvaient prétendre qu'au paiement des majorations applicables aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du travail.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-19.837 et 20-19.832 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Lyon, 3 juillet 2020), M. [M] et Mme [L] ont été engagés par la société Altran technologies, en qualité d'ingénieur consultant, statut cadre.

3. La convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec, est applicable aux relations de travail.

4. Le 1er février 2016, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution de leur contrat de travail.

5. L'union locale CGT 5e et 9e de Lyon ainsi que la Fédération CGT des sociétés d'études, de conseil et de prévention (les syndicats) sont intervenues volontairement à l'instance.

6. M. [M] a quitté les effectifs de la société le 15 décembre 2017, tandis que Mme [L] les a quittés le 30 juillet 2017.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième à cinquième branches, le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui sont irrecevables pour les troisième et quatrième branches du premier moyen et ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation pour les autres.

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

8. Les salariés font grief aux arrêts de limiter le montant des rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, des congés payés et prime de vacances afférents, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article 3 chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, lequel instaure une convention de forfait en heures sur une base hebdomadaire pour les salariés relevant des modalités 2 réalisations de missions, lesdites modalités s'appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète, et que tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale ; qu'il en résulte que seuls les ingénieurs et cadres dont la rémunération est au moins égale au plafond de la sécurité sociale relèvent des modalités 2 réalisations de mission ; qu'à défaut, la convention de forfait en heures sur la semaine à laquelle ils ont été soumis leur étant inopposable, la rémunération perçue par les salariés en application de celle-ci est réputée correspondre à la durée légale du travail ; que, pour limiter le montant des rappels d'heures supplémentaires alloués aux salariés exposants, la cour d'appel a retenu que la convention fixe un salaire forfaitaire annuel pour les 218 jours travaillés au titre du forfait et précise que cette rémunération forfaitaire englobe les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures » et qu'il s'en déduit (...) que l'accord entre les parties était de rémunérer le salarié sur une base de 38 heures 30 par semaine, ce qui est confirmé par les mentions figurant sur le bulletin de salaire » ; qu'elle en a déduit que, nonobstant l'inopposabilité de la convention de forfait, ils ont été effectivement rémunérés sur une base de 38 heures 30 et ne peuvent prétendre, entre la 35e et la 38e heure et demie, au paiement du salaire de base une deuxième fois, mais seulement aux majorations afférentes aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée convenue ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de la neutralisation des conventions de forfait en heures que la rémunération qui avait été servie aux salariés en application de celles-ci était réputée correspondre au paiement des heures de travail dans la limite de la durée légale du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que si le salarié qui a été rémunéré sur la base du nombre d'heures stipulé dans la convention de forfait en heures reconnue irrégulière ne peut prétendre au paiement du salaire de base une deuxième fois et ne peut, en conséquence, solliciter que le paiement des majorations afférentes aux heures supplémentaires, il appartient aux juges du fond de constater le paiement effectif du nombre d'heures prévues audit forfait, lequel ne résulte pas de la référence à la convention de forfait illicite portée sur le contrat de travail et les bulletins de paie ; qu'en statuant comme elle l'a fait sur le fondement de conventions de forfait en heures déclarées inopposables aux salariés et de bulletins de paie portant uniquement la mention 2A Cadre 38h30 218 j », lesquels n'établissaient pas l'existence d'un paiement effectif des heures accomplies entre la 35e et la 38e heure et demie, la cour d'appel a violé l'article 3 chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, ensemble les articles L. 3121-1 et L. 3171-4 du code du travail en leur rédaction applicable litige. »

Réponse de la Cour

9. Lorsqu'une convention de forfait en heures est déclarée inopposable, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale de 35 heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente.

10. Après avoir retenu l'inopposabilité de la convention de forfait en heures, la cour d'appel, recherchant la commune intention des parties, a décidé que celles-ci étaient convenues d'une rémunération contractuelle fixée pour une durée hebdomadaire de 38 heures 30 et constaté que cette rémunération de base avait été payée par l'employeur. Elle en a déduit à bon droit que les salariés ne pouvaient prétendre qu'au paiement des majorations applicables aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du travail.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

12. Les salariés font grief aux arrêts de déclarer prescrite leur action indemnitaire fondée sur l'application de la clause de loyauté, alors « que la prescription ne court, s'agissant d'une clause à exécution successive, que du jour où elle prend fin dans ses effets ; qu'en jugeant irrecevable l'action indemnitaire des salariés fondée sur l'application de la clause de loyauté, quand elle constatait que la clause, qui n'avait pas été annulée, continuait de lier les parties, ce dont elle aurait dû déduire que la prescription n'avait pas couru, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L. 1471-1 du code du travail, en leurs rédactions successivement applicables au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2224 du code civil :

13. Il résulte de ce texte que la prescription d'une action en responsabilité civile court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

14. Pour déclarer prescrite l'action des salariés, les arrêts après avoir énoncé qu'en application de l'article 2224 du code civil, en matière de responsabilité civile, le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle le dommage se manifeste au titulaire du droit, retiennent que le préjudice allégué, à savoir la restriction des possibilités du salarié de rechercher du travail du fait de l'application d'une clause dite de loyauté qui serait nulle, s'est manifesté au titulaire du droit lors de la signature de son contrat de travail contenant ladite clause, date à laquelle il a eu connaissance de la clause litigieuse, et non pas à la fin de la relation contractuelle.

Les arrêts ajoutent que c'est en effet à n'importe quel moment de l'exécution du contrat que le salarié peut être amené à rechercher un nouvel emploi, recherche pouvant être limitée du fait de la clause litigieuse. Ayant constaté qu'il s'était écoulé plus de cinq ans entre la signature du contrat de travail et la date de saisine de la juridiction prud'homale, ils en déduisent que l'action des salariés en réparation est prescrite.

15. En statuant ainsi, alors que le dommage causé par la stipulation d'une clause de loyauté illicite ne se réalise pas au moment de la stipulation de la clause mais se révèle au moment de sa mise en oeuvre, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déclarent prescrite l'action indemnitaire fondée sur l'application de la clause de loyauté, les arrêts rendus le 3 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ce point, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 3, chapitre 2, de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec ; articles L. 3121-1 et L. 3171-4 du code du travail, en leur rédaction applicable ; article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur le point de départ de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, à rapprocher : Com., 6 janvier 2021, pourvoi n° 18-24.954, Bull., (cassation partielle).

Soc., 30 mars 2022, n° 20-18.651, (B), FS

Cassation partielle

Convention de forfait – Convention de forfait en heures – Nullité – Personne pouvant l'invoquer – Détermination – Portée

Seul le salarié peut se prévaloir de la nullité de la convention de forfait en heures.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 9 avril 2020), M. [W] a été engagé par la société EM courtage en qualité d'attaché commercial.

2. Le contrat de travail prévoyait un forfait mensuel de 198,67 heures moyennant une rémunération de 1 404 euros, portée à 1 800 euros par avenant du 23 avril 2013.

3. Le salarié, qui a été licencié le 31 octobre 2014, a saisi, le 30 septembre 2015, la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'intégralité de ses demandes notamment de rappel de salaire et repos compensateur, alors « que la fixation par le contrat de travail d'une rémunération mensuelle fixe forfaitaire pour un nombre précis d'heures de travail caractérise une convention de forfait de rémunération, incluant un nombre déterminé d'heures supplémentaires, dont le salarié peut se prévaloir pour faire appliquer la règle selon laquelle « La rémunération du salarié ayant conclu une convention de forfait en heures est au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l'entreprise pour le nombre d'heures correspondant à son forfait, augmentée des majorations pour heures supplémentaires prévues à l'articles L. 3121-22 » ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de travail de M. [W] stipulait « un forfait mensuel fixé à 198,67 heures » et qu'en contrepartie de ce travail, le salarié percevra une rémunération mensuelle brute forfaitaire de mille quatre cent euros (1 404,00 euros) correspondant à l'horaire mensuel maximal de travail défini à l'article 5-2 » ; qu'en jugeant que la clause de forfait était irrégulière, et qu'il convenait donc de revenir à la législation applicable à la durée du travail, au prétexte, d'une part que la clause ne définissait pas le nombre d'heures supplémentaires incluses dans la rémunération, d'autre part que l'employeur ne pouvait pas ne pas appliquer les majorations et contreparties afférentes aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale, la cour d'appel a violé les articles L. 3122-22 et L. 3121-41 du code du travail dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

5. Il se déduit du premier de ces textes que la rémunération au forfait ne peut résulter que d'un accord entre les parties et que la convention de forfait doit déterminer le nombre d'heures correspondant à la rémunération convenue, celle-ci devant être au moins aussi avantageuse pour le salarié que celle qu'il percevrait en l'absence de convention, compte tenu des majorations pour heures supplémentaires.

6. Pour débouter le salarié de ses demandes en paiement de diverses sommes au titre des heures supplémentaires, des contreparties en repos obligatoires, des congés payés afférents, à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de travail et pour travail dissimulé l'arrêt relève que l'employeur oppose que la clause invoquée ne constitue pas une convention de forfait régulière dans la mesure où elle fixe une rémunération forfaitaire sans définir le nombre d'heures supplémentaires incluses dans cette rémunération.

L'arrêt rappelle que s'il est loisible pour un employeur et un salarié de contractualiser un volume d'heures supplémentaires en prévoyant, dans le contrat, le nombre et la rémunération correspondant aux dites heures supplémentaires, l'employeur n'est pas fondé à ne pas appliquer les majorations et contreparties afférentes aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale.

L'arrêt en déduit que les clauses du contrat sont irrégulières et ne sont pas applicables et qu'il convient de revenir à la législation applicable à la durée du travail.

7. En statuant ainsi, alors que la fixation par le contrat de travail d'une rémunération mensuelle fixe forfaitaire pour 198,67 heures caractérise une convention de forfait de rémunération incluant un nombre déterminé d'heures supplémentaires, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

Et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait le même grief, alors « que seul le salarié peut se prévaloir de la nullité du forfait horaire inclus dans son contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, conformément aux écritures des parties, que le salarié « se prévala[it] de l'existence d'un forfait horaire de 198,67 heures mensuelles prévues au contrat », mais que l'employeur lui « oppos[ait] que la clause invoquée ne constitue pas une convention de forfait régulière » ; qu'en rejetant la demande de M. [W] de rappel de salaire pour le nombre d'heures de travail convenu, au prétexte que les stipulations contractuelles étaient irrégulières et n'étaient pas applicables si bien qu'il convenait de revenir à la législation applicable à la durée du travail, la cour d'appel, qui a opposé au salarié des règles relevant de l'ordre public social édicté dans le seul souci de sa protection, a violé le principe susvisé, ensemble les articles L. 3122-22 et L. 3121-41 du code du travail dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

9. Il se déduit du premier de ces textes que la rémunération au forfait ne peut résulter que d'un accord entre les parties et que la convention de forfait doit déterminer le nombre d'heures correspondant à la rémunération convenue, celle-ci devant être au moins aussi avantageuse pour le salarié que celle qu'il percevrait en l'absence de convention, compte tenu des majorations pour heures supplémentaires.

10. Seul le salarié peut se prévaloir de la nullité de la convention de forfait en heures.

11. Pour débouter le salarié de ses demandes en paiement de diverses sommes au titre des heures supplémentaires, des contreparties en repos obligatoires, des congés payés afférents, à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de travail et pour travail dissimulé l'arrêt relève que l'employeur oppose que la clause invoquée ne constitue pas une convention de forfait régulière dans la mesure où elle fixe une rémunération forfaitaire sans définir le nombre d'heures supplémentaires incluses dans cette rémunération.

L'arrêt rappelle que s'il est loisible pour un employeur et un salarié de contractualiser un volume d'heures supplémentaires en prévoyant dans le contrat le nombre et la rémunération correspondant aux dites heures supplémentaires, l'employeur n'est pas fondé à ne pas appliquer les majorations et contreparties afférentes aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale.

L'arrêt en déduit que les clauses du contrat sont irrégulières et qu'il convient de revenir à la législation applicable à la durée du travail, avant de relever que le salarié verse aux débat les bulletins de salaire qui mentionnent un volume horaire de 198,67 heures mensuelles, soit quarante-sept heures supplémentaires.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [W] de ses demandes en paiement de diverses sommes au titre des heures supplémentaires, des contreparties en repos obligatoires, des congés payés afférents, à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de travail et pour travail dissimulé et en remise de bulletins de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conformes, l'arrêt rendu le 9 avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 3121-22 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

Sur l'impossibilité pour l'employeur de se prévaloir de la nullité d'une convention de forfait en heures, à rapprocher : Soc., 13 septembre 2017, pourvoi n° 15-24.397, Bull. 2017, V, n° 137 (cassation). Sur la limitation au seul salarié de la possibilité de soulever la nullité d'une stipulation contractuelle, à rapprocher : Soc., 30 octobre 2002, pourvoi n° 00-45.572, Bull. 2002, V, n° 332 (cassation), et l'arrêt cité ; Soc., 25 janvier 2006, pourvoi n° 04-43.646, Bull. 2006, V, n° 25 (cassation partielle) ; Soc., 2 février 2006, pourvoi n° 04-41.004, Bull. 2006, V, n° 56 (cassation sans renvoi).

Soc., 2 mars 2022, n° 20-16.683, (B), FS

Cassation partielle

Convention de forfait – Convention de forfait sur l'année – Convention de forfait en jours sur l'année – Obligations de l'employeur – Sécurité des salariés – Obligation de sécurité – Manquement – Cas – Prise de dispositions nécessaires par l'employeur – Caractère raisonnable de l'amplitude et la charge de travail – Garantie d'une bonne répartition dans le temps du travail – Défaut de justification par l'employeur – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2020), M. [T] a été engagé, le 3 juillet 2006, par la société Accenture en qualité de médecin du travail.

2. Le 12 novembre 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande au titre de l'exécution du contrat de travail.

3. Le salarié a été licencié le 26 août 2014.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en dommages-intérêts au titre du non-respect de l'obligation de sécurité, alors « que l'inobservation des dispositions légales ou conventionnelles dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours constitue un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'employeur n'avait pas respecté les conditions légales de mise en oeuvre de la convention de forfait-jours et, en conséquence, l'a déclarée nulle, ce dont elle aurait dû déduire que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour a violé l'article L. 4121-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 4121-1 du code du travail :

5. Il résulte de ce texte que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

6. Pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts au titre du non-respect de l'obligation de sécurité l'arrêt relève que les alertes sur la dégradation de l'état de santé du salarié ne sont apparues qu'à partir de juin 2013, les précédents messages adressés à la hiérarchie étant restés centrés sur des demandes de promotion non satisfaites, le salarié exprimant explicitement son attachement à la société et à la mission qui était la sienne.

L'arrêt constate qu'à partir d'août 2013, le salarié fait expressément référence dans ses courriels à une souffrance psychologique dont l'employeur s'est emparé en alertant le médecin du travail sur la gravité de la situation, ce qui contredit l'allégation du salarié selon laquelle la société n'a pas apporté de réponse à une situation de souffrance avérée.

7. L'arrêt retient enfin que l'ensemble des éléments soumis met en évidence un comportement de l'employeur conforme à son obligation de sécurité.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur ne justifiait pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail du salarié restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition dans le temps du travail et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont il résultait que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité, la cour d'appel, à qui il appartenait de vérifier si un préjudice en avait résulté, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [T] de sa demande de dommages-intérêts au titre du non-respect de l'obligation de sécurité et de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il le condamne aux dépens de l'instance, l'arrêt rendu le 20 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 4121-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'étendue de l'obligation de sécurité de l'employeur, à raprocher : Soc., 25 novembre 2015, pourvoi n° 14-24.444, Bull. 2015, V, n° 234 (cassation partielle).

Soc., 2 mars 2022, n° 20-22.261, (B), FS

Rejet

Repos et congés – Congés payés – Droit au congé – Exercice – Obligations de l'employeur – Ordre et dates de départ en congés – Modification par l'employeur – Délai de prévenance d'un mois – Domaine d'application – Congés d'origine légale ou conventionnelle – Cinquième semaine de congé – Portée

Il résulte des dispositions de l'article L. 3141-16 du code du travail qu'aucune distinction n'est faite entre les quatre premières semaines et la cinquième semaine de congé quant à l'impossibilité pour l'employeur de modifier, en l'absence de circonstances exceptionnelles, l'ordre et les dates de départ en congés moins d'un mois avant la date de départ prévue. Sauf disposition contraire, la même règle s'applique aux congés d'origine conventionnelle.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 novembre 2020), un préavis de grève illimité a été déposé par plusieurs organisations syndicales de la société Orano cycle, qui exploite à La Hague un centre de traitement de combustibles employant environ 3 170 salariés.

Le site a été affecté par une grève jusqu'au 18 janvier 2018.

2. A compter du 1er janvier 2018, l'employeur a imposé aux salariés non-grévistes de prendre des congés au cours des deux premières semaines de janvier en invoquant la paralysie du site en raison de la grève, laquelle faisait suite à une période de maintenance de deux mois.

3. Le syndicat Confédération générale du travail Force ouvrière de l'Energie Nucléaire de La Hague a saisi un tribunal de grande instance d'une demande tendant à la reconnaissance de l'illicéité de cette mesure.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le second moyen, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire illicite la fixation par lui de congés payés imposés sans respect du délai de prévenance, alors :

« 1° / que la cinquième semaine de congés payés, qui s'ajoute au congé annuel de quatre semaines garanti par la Directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003, est soumise à un régime juridique particulier, distinct du régime applicable aux quatre premières semaines ; que la cinquième semaine n'est pas soumise aux règles de fractionnement et connaît diverses dérogations aux principes d'effectivité et d'annualité de la prise du congé, les jours de congés payés de la cinquième semaine pouvant être abandonnés en contrepartie d'un abondement du compte épargne temps, cédés à un autre salarié dans certains cas ou reportés et cumulés au maximum sur six années jusqu'au départ du salarié en congé pour création d'entreprise ou congé sabbatique ; qu'il en résulte que la fixation de la date des congés payés de la cinquième semaine n'est pas soumise aux règles applicables au congé principal de quatre semaines et, en particulier, au délai de prévenance d'un mois ; qu'en affirmant cependant, par motifs propres, que les dispositions de l'article L. 3141-16 du code du travail relatives à la fixation de la période de prise des congés et à la détermination de l'ordre et de la date des départs s'appliquent à tous les congés payés, sans distinction entre le congé principal correspondant à quatre semaines et les congés au-delà et, par motifs adoptés, qu'aucun texte n'autorise l'employeur à fixer les jours de la cinquième semaine sans respect de délai de prévenance, pour juger que la société Orano Cycle ne pouvait imposer aux salariés la prise des jours de congés payés excédant quatre semaines sans respecter un délai de prévenance d'un mois, la cour d'appel a violé les articles L. 3141-16 et D. 3141-6, ensemble les articles L. 3141-17, L. 3151-2, L. 3142-25, L. 3142-120 et L. 3142-35 du code du travail ;

2°/ que les dispositions légales encadrant la prise des congés payés ne sont pas applicables, sauf disposition conventionnelle contraire, aux congés payés d'origine conventionnelle, ni a fortiori aux jours de RTT qui constituent la contrepartie des heures de travail accomplies au-delà de la durée légale du travail ; qu'en l'espèce, la société Orano Cycle soutenait que l'article L. 3141-16 du code du travail n'est pas applicable aux congés supplémentaires d'origine conventionnelle, ni aux jours de repos – JRTT employeur, de sorte qu'elle avait pu imposer la prise de jours de congés supplémentaires conventionnels et de jours de repos sans respecter le délai de prévenance d'un mois ; qu'en affirmant cependant que l'article L. 3141-16 du code du travail a une portée générale, quelle que soit l'origine des congés, et s'applique aussi bien aux congés d'origine légale qu'aux congés d'origine conventionnelle, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 3141-16 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 3141-16 du code du travail, à défaut de stipulation dans la convention ou l'accord conclus en application de l'article L. 3141-15, l'employeur ne peut, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l'ordre et les dates de départ moins d'un mois avant la date de départ prévue. Il résulte de ce texte qu'aucune distinction n'est faite entre les quatre premières semaines et la cinquième semaine de congés.

7. Sauf disposition contraire, la même règle s'applique aux congés d'origine conventionnelle.

8. Après avoir énoncé à bon droit qu'il n'y avait pas lieu de distinguer selon que les congés concernés relevaient de la cinquième semaine ou étaient d'origine conventionnelle, la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur ne justifiait pas de circonstance exceptionnelles et avait imposé aux salariés de prendre des congés sans respecter le délai de prévenance, a exactement décidé qu'un tel dispositif était illicite.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 3141-16 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017.

Rapprochement(s) :

Sur les règles s'appliquant aux congés d'origine légale ou conventionnelle, s'ajoutant aux quatre semaines garanties par le droit de l'Union européenne, à rapprocher : Soc., 21 septembre 2017, pourvoi n° 16-18.898, Bull. 2017, V, n° 159 (rejet).

Soc., 30 mars 2022, n° 20-15.022, n° 20-17.230, (B), FS

Cassation partielle

Travail effectif – Temps assimilé à du travail effectif – Exclusion – Cas – Temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail – Contrepartie – Evaluation – Office du juge – Portée

Il résulte de l'article L. 3121-4 du code du travail, que si le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière. Les juges du fond apprécient souverainement si le montant de la contrepartie financière unilatéralement fixé par l'employeur en application de ce texte répond aux exigences de celui-ci.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-15.022 et 20-17.230 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 février 2020), les sociétés Sopra Steria Group, Sopra Steria Infrastructure & Security Services, Sopra HR Software, Sopra Banking Software, Beamap et Axway Software (les sociétés employeurs) qui exercent des activités de prestations de services en matière informatique, constituent l'unité économique et sociale Sopra Steria (l'UES).

La convention collective applicable à l'ensemble des salariés de l'UES est celle des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.

3. Le syndicat Avenir Sopra Steria (le syndicat) a par assignations des 8 et 20 décembre 2016 saisi le tribunal de grande instance de diverses demandes relatives, notamment, au minimum salarial nécessaire en matière de convention de forfait en heures, aux cotisations employeur minimales en matière de prévoyance, aux cotisations de retraite complémentaire et aux frais de déplacement des salariés.

Le syndicat Solidaires informatique et la fédération CFDT communication conseil, culture sont intervenus volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le quatrième moyen du pourvoi n° 20-17.230 des sociétés employeurs, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi n° 20-15.022 du syndicat

Enoncé du moyen

5. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes fondées sur le non-respect du minimum salarial pour les salariés en modalité 2 prévue par la convention Syntec et, en conséquence, de le débouter de ses demandes tendant à faire condamner les sociétés employeurs en raison de leur non-respect des dispositions de l'accord du 22 juin 1999 sur la durée du travail en ce qu'elles ont fait application de la modalité 2 prévue par ces dispositions à des salariés dont la rémunération était inférieure au plafond de la sécurité sociale, ordonner sous astreinte qu'il soit interdit à l'employeur d'appliquer la modalité 2 dite « réalisation de missions » aux salariés dont la rémunération est inférieure au plafond de la sécurité sociale et ce, tant que leur rémunération ne sera pas au moins égale à ce plafond, ordonner qu'en toute hypothèse, les conventions de forfait conclues en application de cette modalité soient inopposables à ces salariés, condamner sous astreinte les sociétés employeurs à régulariser la situation des salariés concernés en procédant au calcul et au paiement des heures supplémentaires réalisées par ces salariés au-delà de 35 heures de travail hebdomadaires dans les limites de la prescription triennale ou à leur payer le complément de salaire dû en cette période pour atteindre le plafond de sécurité sociale et condamner les sociétés employeurs à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif qu'il représente, alors :

« 1°/ que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale prévue par l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif ; que faute d'être remplie ou de ne plus être remplie, le salarié ne peut pas ou ne peut plus être soumis au forfait en heures ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait souligné que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif, a néanmoins, pour en déduire que le syndicat n'était pas fondé à soutenir que les salariés relevant des modalités 2 devaient bénéficier d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale non seulement à la date de conclusion de la convention de forfait en heures mais aussi durant toute la période de son exécution, retenu de manière inopérante que l'employeur n'était pas tenu à une indexation des salaires des intéressés sur ce plafond, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif, et non une simple condition d'entrée, violant ainsi l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 attaché à la convention collective Syntec ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel, le syndicat qui faisait valoir que tant l'accord d'entreprise du 27 mars 2000, établi du reste d'après l'accord national de branche du 22 juin 1999, que les autres accords d'entreprise sur le temps de travail signés les 31 mars 2016 et 30 juin 2016, renvoyaient aux dispositions conventionnelles en prévoyant que les salariés en modalités 2 pouvaient travailler entre 214 et 218 jours maximum par an, soutenait que ces accords qui étaient identiques à l'accord de branche, l'article 3 de la convention collective Syntec prévoyant que les salariés relevant de la modalité 2 dite « réalisation de missions » et soumis au forfait heures, ne pouvaient travailler plus de 217 jours par an pour l'entreprise, ne pouvaient donc pas prévaloir sur ce dernier, en sorte que l'employeur ne pouvait, au recrutement de la modalité 2 ou à son passage, fixer au salarié un salaire annuel inférieur au plafond de la sécurité sociale ; qu'en se bornant à considérer que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 l'accord collectif d'entreprise ou d'établissement prime sur l'accord de branche en matière de durée et d'aménagement du temps de travail, sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale prévue par l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif ; qu'en se bornant, pour débouter le syndicat de ses demandes tendant à voir condamner les sociétés employeurs en raison de leur non-respect des dispositions de l'accord du 22 juin 1999 sur la durée du travail, à se fonder sur la circonstance inopérante qu'au regard de ses productions, le syndicat ne démontrait pas que certains salariés ayant été intégrés dans le dispositif des modalités 2 « réalisation de missions », ne bénéficiaient pas à la date de leur entrée dans ce dispositif, d'un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les salariés relevant des modalités 2 bénéficiaient d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 attaché à la convention collective Syntec. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche, qui détermine préalablement les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ainsi que la durée individuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

7. Ces dispositions permettent de fixer par voie d'accord d'entreprise ou d'établissement des conditions d'éligibilité des salariés au forfait en heures sur l'année et des caractéristiques principales de ces conventions de forfait différentes de celles prévues par l'accord collectif de branche, quelle que soit la date de conclusion de l'accord de branche.

8. La cour d'appel a, d'abord, constaté que le protocole d'accord relatif à la mise en place de l'aménagement et de la réduction du temps de travail signé le 27 mars 2000 au sein de la société Steria distinguait les trois mêmes types de gestion des horaires de travail que ceux prévus par l'accord de branche du 22 juin 1999 attaché à la convention collective Syntec mais aménageait différemment le dispositif des modalités 2 dites « réalisation de missions » en prévoyant un nombre de jours de travail inférieur, fixé entre 218 et 214 jours en fonction de l'ancienneté, et en soumettant à ce dispositif, avec leur accord, les ingénieurs et cadres ne relevant pas des modalités 3 et bénéficiant d'un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale et à 115 % du minimum conventionnel de leur catégorie.

9. Elle a, ensuite, relevé qu'à la suite des opérations de fusion, les sociétés de l'UES, qui avaient accueilli en leur sein des salariés de la société Steria relevant des modalités 2, avaient maintenu ce dispositif pour ces seuls salariés dans le cadre de plusieurs accords de substitution et d'adaptation conclus avec les organisations syndicales représentatives les 31 mars et 30 juin 2016.

10. Elle a retenu, à bon droit, que ces accords d'entreprise n'avaient pas pour objet de fixer la rémunération minimale des salariés et qu'ils primaient l'accord de branche en matière d'aménagement du temps de travail.

11. Elle a ajouté que le syndicat ne démontrait pas que certains salariés avaient été intégrés dans le dispositif des modalités 2 alors qu'ils ne bénéficiaient pas d'un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale.

12. Elle en a exactement déduit, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants visés au moyen pris en sa première branche et sans être tenue de répondre aux conclusions ni de procéder à la recherche que ses constatations rendaient inopérantes, que le syndicat devait être débouté de ses demandes tendant à obtenir la condamnation des sociétés employeurs pour avoir fait application des modalités 2 à des salariés dont la rémunération annuelle n'était pas au moins égale au plafond de la sécurité sociale.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi n° 20-15.022 du syndicat

Enoncé du moyen

14. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes fondées sur le non-respect de l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et, en conséquence, de le débouter de ses demandes tendant à faire condamner les sociétés employeurs en raison de leur non-respect du taux minimum de 1,5 % fixé pour les cotisations employeurs versées pour la tranche A de salaire de chaque salarié cadre, condamner ces sociétés à régulariser les cotisations employeurs à 1,5 % pour la tranche A dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision sous astreinte et condamner les mêmes solidairement à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi, alors :

« 1°/ que l'article 7, relatif aux avantages en matière de prévoyance, de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 dispose que les employeurs s'engagent à verser, pour la prévoyance de leurs salariés cadres et assimilés, une cotisation à leur charge exclusive, égale à 1,5 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale ; qu'en énonçant, pour débouter le syndicat de sa demande, que ni la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, ni l'ANI relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017 qui la substituait, n'excluaient les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l'employeur, seule étant prévue une affectation prioritaire de sa cotisation à la couverture décès, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ;

2°/ que l'article 7, relatif aux avantages en matière de prévoyance, de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 dispose que les employeurs s'engagent à verser, pour la prévoyance de leurs salariés cadres et assimilés, une cotisation à leur charge exclusive, égale à 1,5 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale ; qu'en affirmant que ni la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, ni l'ANI relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017 qui la substituait, n'excluaient les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l'employeur, tout en constatant que le législateur en 2013 avait distingué les frais de santé et les « risques lourds » lorsqu'il avait entériné le dispositif institué par l'ANI du 11 janvier 2013 en rendant obligatoire, à compter du 1er janvier 2016, la couverture en matière de remboursement de frais de santé pour les salariés, de même que dans le dispositif conventionnel Syntec, comme l'accord du 27 mars 1997 pour les garanties décès, incapacité, invalidité et l'accord du 7 octobre 2015 instaurant une couverture minimum de branche en matière de complémentaire santé précisément en application de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, ce dont il résultait que les avantages de prévoyance financés par l'employeur ne comprenaient pas les frais de santé, la cour d'appel a de nouveau violé, par fausse interprétation, l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947. »

Réponse de la Cour

15. Ayant relevé que l'obligation à la charge exclusive de l'employeur de cotiser en matière de prévoyance à hauteur de 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale avait été reprise telle quelle par l'accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017, étendu par arrêté du 27 juillet 2018, que les partenaires sociaux avaient conclu dans le cadre de la fusion de l'Agirc et de l'Arrco et constaté que ni cette convention collective ni l'ANI qui la substituait n'excluaient les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l'employeur, seule étant prévue une affectation prioritaire de la cotisation à la couverture décès, la cour d'appel en a exactement déduit que, pour vérifier si l'employeur respectait son obligation de cotiser en matière de prévoyance à hauteur de 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale, il devait être tenu compte de la cotisation patronale versée pour le financement de la garantie frais de santé.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi n° 20-17.230 des sociétés employeurs

Enoncé du moyen

17. Les sociétés employeurs font grief à l'arrêt d'annuler l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoyait aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements étaient supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence et de condamner la société Sopra Steria Group à payer au syndicat, au syndicat Solidaires informatique et à la Fédération communication, conseil, culture CFDT une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation de l'article 50 de la convention collective Syntec, alors :

« 1°/ que les stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec, qui prévoient que « les déplacements hors du lieu de travail habituel nécessités par le service ne doivent pas être pour le salarié l'occasion d'une charge supplémentaire ou d'une diminution de salaire », que « l'importance des frais dépend du lieu où s'effectuent les déplacements, ils ne sauraient être fixés d'une façon uniforme », qu' « ils seront remboursés de manière à couvrir les frais d'hôtel et de restaurant du salarié » et qu' « ils ne pourront faire l'objet d'un forfait préalablement au départ, soit par accord particulier, soit par règlement spécifique approprié », ne sont applicables qu'aux déplacements des salariés hors de leur lieu de travail habituel nécessités par le service et, dès lors, qu'aux salariés ayant un lieu de travail habituel ; qu'en énonçant, par conséquent, pour annuler l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoyait aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence, que l'absence de tout remboursement des frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client, lorsque le client est situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié et dans le cas où les frais de déplacement sont supérieurs à ceux qu'aurait exposés le salarié pour se rendre à son lieu de travail habituel ou à son agence de rattachement, était contraire aux stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec, sans limiter cette appréciation aux seuls salariés ayant un lieu de travail habituel, quand, en se déterminant de la sorte, elle retenait que les stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec étaient applicables aux salariés n'ayant pas un lieu de travail habituel, la cour d'appel a violé les stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec ;

2°/ qu'en annulant, dans le dispositif de l'arrêt attaqué, l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoyait aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence, quand, dans les motifs de l'arrêt attaqué, elle avait énoncé, après avoir relevé que l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group prévoyait que les frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client ne sont pas remboursés lorsque le client est situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié, y compris quand les frais de déplacement sont supérieurs à ceux exposés pour se rendre à cette agence de rattachement, que l'absence de tout remboursement des frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client, lorsque le client est situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié et dans le cas où les frais de déplacement sont supérieurs à ceux qu'aurait exposés le salarié pour se rendre à son lieu de travail habituel ou à son agence de rattachement, occasionnait pour le salarié concerné une charge supplémentaire indue et était contraire aux stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif et a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

18. La cour d'appel a, d'abord, énoncé que l'article 50 de la convention collective Syntec prévoyait en ses alinéas 1 et 2 que les déplacements hors du lieu de travail habituel nécessités par le service ne devaient pas être pour le salarié l'occasion d'une charge supplémentaire ou d'une diminution de salaire, que l'importance des frais dépendait du lieu où s'effectuaient les déplacements, qu'ils ne sauraient être fixés d'une façon uniforme, qu'ils seraient remboursés de manière à couvrir les frais d'hôtel et de restaurant du salarié et qu'ils pourraient faire l'objet d'un forfait préalablement au départ, soit par accord particulier, soit par règlement spécifique approprié.

19. Elle a, ensuite, constaté que l'article 4.1.2 de la note unilatéralement établie par la société Sopra Steria Group, le 8 février 2016, mettant en oeuvre une « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels », prévoyait que, lorsque l'utilisation du véhicule personnel était acceptée par le salarié et le directeur d'entité, les frais remboursés concernaient tous les déplacements entre le domicile du collaborateur et le client, si celui-ci était situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié, ces frais étant plafonnés au trajet entre l'agence et le client, et tous les déplacements, durant la journée, entre l'agence du collaborateur et le client ou un autre site de l'entreprise, même si ces derniers étaient situés dans la zone urbaine.

20. Elle en a conclu que les frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client n'étaient pas remboursés lorsque le client était situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié et retenu que dans le cas où ces frais étaient supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre sur son lieu de travail habituel ou à son agence de rattachement, l'absence de tout remboursement, ne serait-ce que sous forme forfaitaire, occasionnait pour le salarié concerné une charge supplémentaire indue.

21. Nonobstant l'erreur matérielle que le moyen pris en sa deuxième branche ne tend, sous le couvert d'un grief de contradiction entre les motifs et le dispositif, qu'à dénoncer et qui peut, selon l'article 462 du code de procédure civile, être réparée par la Cour qui ordonnera sa rectification ci-après, la cour d'appel en a exactement déduit que l'absence de tout remboursement dans ces conditions était contraire aux dispositions conventionnelles et qu'il y avait lieu d'annuler les dispositions de la note le prévoyant.

22. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 20-17.230 des sociétés employeurs

Enoncé du moyen

23. Les sociétés employeurs font grief à l'arrêt de dire que les contreparties au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par elles, méconnaissaient en raison de leur caractère dérisoire les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, d'ordonner à la société Sopra Steria Group, à la société Sopra Steria Infrastructure & Security Services, à la société Sopra Banking Software, à la société Beamap et à la société Axway Software de mettre en place un système de contreparties déterminées, région par région, en fonction du temps normal de trajet entre le domicile du salarié et le lieu habituel de travail et de condamner in solidum la société Sopra Steria Group, la société Sopra Steria Infrastructure & Security Services, la société Sopra Banking Software, la société Beamap et la société Axway Software à payer au syndicat une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation de l'article L. 3121-4 du code du travail, alors :

« 1°/ que s'il appartient au juge de fixer la contrepartie prévue par les dispositions de l'article L. 3121-4, alinéa 2, du code du travail dans le cas où elle n'a pas été déterminée, il n'appartient pas au juge, lorsqu'une telle contrepartie a été déterminée par la voie prévue par la loi, d'en apprécier le caractère suffisant ; qu'en disant, par conséquent, que les contreparties au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par les sociétés de l'UES conformément à la loi, méconnaissaient en raison de leur caractère dérisoire les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail ;

2°/ que lorsque le salarié est itinérant, c'est-à-dire n'a pas de lieu de travail habituel et effectue des déplacements quotidiens entre son domicile et les locaux du client de son employeur, où il se rend directement depuis son domicile, sans passer par son agence de rattachement, le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, au sens des dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, est le temps normal de trajet des salariés itinérants de la région considérée entre leur domicile et les locaux des clients de leurs employeurs, et non le temps normal de trajet de tous les salariés de la région considérée entre leur domicile et leur lieu habituel de travail ; qu'en énonçant, dès lors, pour dire que les contreparties au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par les sociétés de l'UES, méconnaissaient en raison de leur caractère dérisoire les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, que, s'agissant d'un salarié itinérant, le lieu habituel de travail est défini comme étant le lieu où se situe son agence de rattachement si tant est que celle-ci se situe à une distance raisonnable de son domicile, de façon à ce que le temps de trajet ainsi défini soit équivalent au temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d'un salarié dans la région considérée, qu'à défaut, le surtemps de trajet doit être déterminé en fonction du temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d'un salarié dans la région considérée, que les compensations accordées par la société Sopra Steria Group étaient déconnectées de ces temps normaux de trajet et que la « franchise », c'est-à-dire le temps de déplacement excédentaire non indemnisé, de près de 2 heures, était trop importante, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

24. Selon l'article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière.

25. La cour d'appel a, d'abord, énoncé, à bon droit, que la circonstance que certains salariés des sociétés de l'UES ne travaillent pas habituellement au sein de leur agence de rattachement ne dispense pas leur employeur de respecter à leur égard les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail.

26. Elle a, ensuite, appréciant la situation d'un salarié itinérant, défini le lieu habituel de travail comme étant le lieu où se situe son agence de rattachement si tant est que celle-ci se situe à une distance raisonnable de son domicile, de façon à ce que le temps de trajet ainsi déterminé soit équivalent au temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d'un salarié dans la région considérée.

27. Dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve, elle a estimé que les compensations accordées par la société Sopra Steria Group étaient déconnectées de ces temps normaux de trajet, la « franchise », c'est-à-dire le temps de déplacement excédentaire non indemnisé, de près de 2 heures étant trop importante.

28. Elle a pu en déduire que les contreparties sous forme financière au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par les sociétés employeurs, méconnaissaient, en raison de leur caractère dérisoire, les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail et ordonner à ces sociétés de mettre en place un système de contreparties déterminées, région par région, en fonction du temps normal de trajet entre le domicile du salarié et le lieu habituel de travail qu'elle avait défini.

29. Le moyen, qui ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain dont disposait la cour d'appel pour vérifier qu'au regard des exigences du texte

susvisé les contreparties allouées n'étaient pas manifestement disproportionnées, n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen relevé d'office

30. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 2132-3 du code du travail :

31. Selon ce texte, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

32. Il en résulte que si un syndicat peut agir en justice pour faire constater une irrégularité commise par l'employeur affectant le paiement de cotisations de retraite complémentaire d'une catégorie de salariés et demander l'allocation de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif, il ne peut prétendre obtenir la condamnation de l'employeur à régulariser la situation des salariés concernés.

33. Pour rejeter la fin de non-recevoir opposée par les sociétés employeurs aux demandes portant sur les cotisations de retraite complémentaire des salariés assimilés aux cadres et condamner les sociétés Sopra Steria Group, Sopra Steria Infrastructure & Security Services et Beamap à établir à l'intention de l'Agirc la liste de l'ensemble des ex-salariés des sociétés Steria relevant de la catégorie ETAM positions 3.2 et 3.3, au cours de la période ayant couru de 1988 à 2014 et à régulariser la situation de ces salariés, l'arrêt retient que l'action du syndicat, introduite le 8 décembre 2016, est prescrite pour la période antérieure au 8 décembre 2011, mais seulement s'il connaissait ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et qu'il ressort des productions de part et d'autre que le syndicat, tout comme l'employeur, n'ont découvert les faits considérés qu'au cours du second semestre 2014, lors de la remise du rapport de l'expert-comptable au comité central d'entreprise de l'UES préalablement aux opérations de fusion. Il en déduit que, dans ces conditions, la prescription n'a pu courir.

34. En statuant ainsi, alors que, si la circonstance que le syndicat a eu, comme elle l'a souverainement retenu, connaissance de l'irrégularité qu'il dénonçait, à la date du second semestre 2014, le rendait recevable à agir en 2016 pour obtenir réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif, cette circonstance n'ouvrait pas au syndicat le droit de poursuivre la régularisation de la situation des salariés concernés par cette irrégularité, la cour d'appel, qui a accueilli la demande du syndicat de ce chef, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

35. La cassation prononcée entraîne, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif condamnant les sociétés employeurs à payer au salarié des dommages-intérêts pour défaut d'assimilation du personnel assimilé cadre au régime de complémentaire des cadres, évalués par la cour d'appel au regard de la période de régularisation qu'elle retenait de 1988 à 2014.

36. Elle n'emporte, en revanche, pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant les sociétés employeurs aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celles-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi n° 20-15.022 ;

RECTIFIE l'erreur matérielle affectant le dispositif de l'arrêt attaqué et dit qu'aux lieu et place de : « Annule l'article 4.1.2. de la note du 8 février 2016 relative à la « Procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoit aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence », il y a lieu de lire : « Annule l'article 4.1.2. de la note du 8 février 2016 relative à la « Procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoit aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé dans la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence » ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne les sociétés Sopra Steria Group, Sopra Steria Infrastructure & Security Services et Beamap à établir à l'intention de l'Agirc la liste de l'ensemble des salariés concernés, c'est-à-dire tous les ex-salariés des sociétés Steria relevant de la catégorie ETAM positions 3.2 et 3.3, au cours de la période ayant couru de 1988 à 2014 et à régulariser la situation de ces salariés auprès de l'institution de retraite en s'acquittant des cotisations dues au titre de la retraite complémentaire des cadres et condamne in solidum les mêmes sociétés à payer au syndicat Avenir Sopra Steria la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, pour défaut d'affiliation du personnel assimilé cadre au régime de retraite complémentaire entre 1988 et 2014, l'arrêt rendu le 6 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Monge - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Capron -

Textes visés :

Article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, repris par l'accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017, étendu par arrêté du 27 juillet 2018 ; article L. 3121-4 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel, depuis la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, le temps de trajet qui excède le temps normal de trajet fait l'objet d'une contrepartie, à rapprocher : Soc., 15 mai 2013, pourvoi n° 11-28.749, Bull. 2013, V, n° 124 (2) (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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