Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

TRANSACTION

1re Civ., 16 mars 2022, n° 20-13.552, (B), FS

Cassation partielle

Effets – Effets à l'égard des tiers – Responsabilité civile – Assurance – Transaction entre l'assuré et la victime – Opposabilité à l'assureur – Exclusion – Cas

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2020), par contrat conclu le 8 février 2013 avec la Banque Centrale de la République Dominicaine (BCRD), la société [Z] [K] a été chargée d'imprimer 180 millions de billets de banque.

2. Des billets ont été volés pendant la réalisation du contrat, leur soustraction ayant été constatée les 12 et 25 juillet 2013.

3. Le 2 août 2013, la société [Z] [K] en a fait la déclaration à la société HDI Global SE (HDI), auprès de laquelle elle avait souscrit un contrat d'assurance responsabilité civile ayant pris effet le 1er décembre 2011.

4. Le 10 janvier 2014, la BCRD a assigné la société [Z] [K] en dommages-intérêts devant le tribunal de Saint-Domingue (République Dominicaine).

5. Le 12 février 2016, la société [Z] [K] et la société FCO2, filiale de celle-ci et aux droits de laquelle se trouve la société [K] Fiduciaire, ont assigné la société HDI devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir sa garantie à hauteur de 50 millions d'euros.

6. Le 17 juillet 2018, la BCRD et les sociétés [Z] [K] et [K] Fiduciaire ont conclu une transaction mettant fin à leur litige, en application de laquelle les secondes ont versé à la première la somme de 17 414 122,50 euros.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La société HDI fait grief à l'arrêt de dire que les billets volés étaient la propriété de la BCRD, de la condamner à garantir la société [K] à hauteur de 25 millions d'euros sous déduction de la franchise contractuelle et, en conséquence, à payer à l'assurée diverses sommes au titre de l'indemnité transactionnelle et des frais engagés par celle-ci pour sa défense dans ses procès contre la BCRD, alors « que le mécanisme de l'accession mobilière, même par spécification, n'a pas lieu d'être, lorsque les parties sont liées par un contrat d'entreprise ; qu'en ayant jugé que la BCRD était propriétaire des billets de banque litigieux, par le jeu de l'accession mobilière, quand elle était liée à la société [K] par un contrat d'entreprise, la cour d'appel a violé les articles 645, 646 et 1787 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 546, 565, 566 et 1787 du code civil :

8. Il résulte de ces textes que les règles de l'accession mobilière sont supplétives et n'ont pas vocation à s'appliquer lorsque le bien a été réalisé en exécution d'un contrat d'entreprise.

9. Pour décider que la BCRD était propriétaire des billets volés, l'arrêt retient qu'ils ont été imprimés en exécution d'un contrat d'entreprise conclu entre la BCRD et la société [Z] [K] et que les dispositions des articles 565 et 566 du code civil sont applicables, dès lors que la BCRD a fourni la partie principale de la chose mobilière.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

11. La société HDI fait grief à l'arrêt de déclarer que la transaction du 17 juillet 2018 lui est opposable et, en conséquence, de la condamner à verser diverses sommes à son assurée, alors « que la connaissance, par une compagnie d'assurances, de l'existence de négociations en vue d'une transaction entre son assurée et le tiers victime, jointe à sa volonté de ne pas y participer, ne peuvent valoir acceptation de cette transaction par l'assureur ; qu'en ayant jugé le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 ancien du code civil et L. 124-2 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 124-2 du code des assurances et 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

12. Selon le premier de ces textes, l'assureur peut stipuler qu'aucune transaction intervenue en dehors de lui ne lui est opposable et, aux termes du second, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

13. Pour déclarer la transaction opposable à la société HDI, après avoir constaté que l'article 8.8 de la police d'assurance prévoyait l'inopposabilité d'une transaction intervenue en dehors de l'assureur, l'arrêt retient que la société HDI a été clairement informée des modalités de la transaction et que, si elle a, par son attitude, exprimé la volonté de ne pas y participer, elle a néanmoins été associée au déroulement des négociations.

14. En statuant ainsi, alors qu'il ne résultait pas de ses constatations que la société HDI avait participé à la conclusion de la transaction, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur les moyens du pourvoi incident éventuel

15. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident éventuel ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il juge la société [Z] [K] recevable en son intervention volontaire et recevable à agir et en ce qu'il dit qu'il n'existe qu'un seul sinistre, l'arrêt rendu le 14 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Chevalier - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 546, 565, 566 et 1787 du code civil ; article L. 124-2 du code des assurances ; article 1134, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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