Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

TESTAMENT

1re Civ., 23 mars 2022, n° 20-17.663, (B), FRH

Cassation partielle

Incapacité de recevoir – Loi applicable – Loi en vigueur au jour de l'établissement du testament

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 juin 2019) et les productions, [K] [W] est décédé le 22 janvier 2016, sans descendance, en l'état d'un testament authentique du 17 décembre 2013, confirmé par codicille daté du 13 décembre 2014, instituant, d'une part, Mmes [S] et [A] [N], ainsi que M. [T] [N] (les consorts [N]), légataires universels, d'autre part, différents légataires à titre particulier, parmi lesquels Mme [B].

2. Des difficultés sont survenues entre eux pour le règlement de la succession.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [B] fait grief à l'arrêt de dire que le legs qui lui a été consenti se heurte à l'interdiction résultant des dispositions de l'article L. 116-4 du code de l'action sociale et des familles et de dire en conséquence que les consorts [N] sont déchargés de toute obligation de délivrance du legs à son profit, alors « qu'en l'absence de dispositions particulières, les actes juridiques sont régis par la loi en vigueur au jour où ils ont été conclus, de sorte que le legs consenti par actes des 17 décembre 2013 et 1er avril 2014 ne peut être régi par l'article L. 116-4 du code de l'action sociale et des familles issu de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, entrée en vigueur postérieurement aux actes ; qu'en faisant néanmoins application de l'article L. 116-4 du code de l'action sociale et des familles la cour d'appel l'a violé, ensemble l'article 2 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2 du code civil :

5. Selon ce texte, la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif.

6. Pour dire que les consorts [N] sont déchargés de toute obligation de délivrance du legs au profit de Mme [B], l'arrêt fait application de l'article L. 116-4, alinéa 2, du code de l'action sociale et des familles, créé par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 et dans sa version en vigueur au jour du décès de [K] [W]. Il retient qu'il résulte de cette loi que c'est à la date de la libéralité qu'il y a lieu de rechercher si le légataire avait une qualité l'empêchant, au jour du décès du testateur, de recevoir. Après avoir relevé qu'à la date du testament authentique, Mme [B] était employée par [K] [W] en qualité d'auxiliaire de vie à domicile, il en déduit que le legs à titre particulier consenti à son profit se heurte à l'interdiction résultant de ce texte.

7. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de dispositions particulières, les actes juridiques sont régis par la loi en vigueur au jour où ils ont été conclus et qu'il ressortait de ses constatations qu'au jour de l'établissement du testament, l'article L. 116-4, alinéa 2, du code de l'action sociale et des familles n'était pas en vigueur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition qui porte sur l'interdiction résultant de l'article L. 116-4 du code de l'action sociale et des familles entraîne, par voie de conséquence, la cassation de celles portant sur la décharge de délivrance du legs et sur les pénalités et majorations fiscales.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le legs à titre particulier au profit de Mme [B] aux termes du testament du 17 décembre 2013 se heurte à l'interdiction résultant des dispositions de l'article L. 116-4 du code de l'action sociale et des familles et que Mmes [S] et [A] [N], ainsi que M. [T] [N] sont déchargés de toute obligation de délivrance du legs au profit de Mme [B] et rejette la demande de Mme [B] au titre des pénalités et majorations au profit de l'administration fiscale, l'arrêt rendu le 12 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Poinseaux - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SARL Delvolvé et Trichet ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Article 2 du code civil.

1re Civ., 2 mars 2022, n° 20-21.068, (B), FS

Cassation

Testament international – Condition de forme – Acte rédigé dans une langue inconnue du testateur – Exclusion – Cas

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 16 juin 2020), [I] [V], de nationalité italienne, est décédée le 28 février 2015, en laissant pour lui succéder ses quatre enfants, [W], [N], [H] et [T], ainsi que son petit-fils, M. [X] [A], venant par représentation de sa mère, pré-décédée, et en l'état d'un testament reçu, en français, le 17 novembre 2002, par M. [C], notaire (le notaire), en présence de deux témoins et avec le concours d'une interprète de langue italienne, et instituant ses trois filles légataires de la quotité disponible.

2. M. [A] a assigné ses tantes (les consorts [D]) en nullité du testament.

3. Celles-ci ont appelé en intervention forcée le notaire et la société civile professionnelle [C]-Menin-[J], aux droits de laquelle vient la société office notarial du Gapençais.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. M. [A] fait grief à l'arrêt de valider le testament du 17 avril 2002 comme testament international et, en conséquence, de rejeter ses demandes, alors « que l'annulation d'un testament authentique pour non-respect des dispositions des articles 971 à 975 du code civil ne fait pas obstacle à la validité de l'acte en tant que testament international dès lors que les formalités prescrites par la Convention de Washington du 26 octobre 1973 ont été accomplies ; qu'en ce que l'article 3 de loi uniforme dispose que le testament peut être écrit en une langue quelconque, il exclut le recours à un interprète ; qu'en toute hypothèse, en validant le testament reçu le 17 avril 2002 par M. [C] en son étude de la part de [I] [V] comme testament international au visa des dispositions de la Convention de Washington en date du 26 octobre 1973 portant loi uniforme, en tant que ce testament respectait l'exacte volonté de son auteur, dès lors qu'il avait été reçu en français avec l'aide d'un interprète, la testatrice ne s'exprimant qu'en italien, tandis que le notaire et les deux témoins ne maîtrisaient que la langue française, quand le recours à un interprète était exclu, la cour d'appel a violé les articles 1er, 3 et 4 de la loi uniforme sur la forme d'un testament international annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 3, § 3, et 4, § 1, de la loi uniforme sur la forme d'un testament international annexée à la convention de Washington du 26 octobre 1973 :

5. Selon le premier de ces textes, le testament international peut être écrit en une langue quelconque à la main ou par un autre procédé.

6. Aux termes du second, le testateur déclare en présence de deux témoins et d'une personne habilitée à instrumenter à cet effet que le document est son testament et qu'il en connaît le contenu.

7. S'il résulte de ces textes qu'un testament international peut être écrit en une langue quelconque afin de faciliter l'expression de la volonté de son auteur, celui-ci ne peut l'être en une langue que le testateur ne comprend pas, même avec l'aide d'un interprète.

8. Pour valider en tant que testament international le testament du 17 avril 2002, après avoir constaté que [I] [V] ne s'exprimait pas en langue française, l'arrêt retient que, si l'acte ne porte pas mention exacte que le document est le testament de [I] [V] et qu'elle en connaît son contenu, il précise qu'il a été écrit en entier de la main du notaire, tel qu'il lui a été dicté par la testatrice et l'interprète, puis que le notaire l'a lu à ceux-ci, lesquels ont déclaré le bien comprendre et reconnaître qu'il exprime les volontés de la testatrice, le tout en présence simultanée et non interrompue des témoins, ce qui permet de s'assurer que [I] [V] en connaissait le contenu et qu'il portait mention de ses dernières volontés.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Fulchiron - Avocat général : Mme Caron-Déglise - Avocat(s) : SCP Caston ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés -

Textes visés :

Articles 3, § 3, et 4, § 1, de la Convention de Washington du 26 octobre 1973.

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