Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

SYNDICAT PROFESSIONNEL

Soc., 23 mars 2022, n° 20-21.269, (B), FS

Rejet

Délégué syndical – Désignation – Conditions – Effectif de l'entreprise – Entreprise employant moins de cinquante salariés – Désignation d'un membre du comité social et économique – Membre suppléant – Possibilité – Limites – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Auxerre, 8 octobre 2020), le Syndicat national des transports urbains de la CFDT (le syndicat) a désigné M. [S], élu membre suppléant de la délégation du personnel au comité social et économique, en qualité de délégué syndical de la société Transdev Auxerrois, par lettre du 27 juillet 2020.

La société Transdev Auxerrois (la société) emploie moins de cinquante salariés.

2. La société a contesté cette désignation par requête du 28 août 2020.

Examen des moyens

Sur le premier moyen ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. Le syndicat et M. [S] font grief au jugement de prononcer la nullité de la désignation du salarié en qualité de délégué syndical, alors « que dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical ; qu'en l'absence de disposition contraire, le membre de la délégation du personnel au comité social et économique désigné comme délégué syndical est indifféremment un membre titulaire ou un membre suppléant dudit comité ; qu'en décidant au contraire que M. [S] ne pouvait être désigné en qualité de délégué syndical dans la mesure où il a été élu en qualité de membre suppléant du comité social et économique et qu'il ne dispose ainsi pas du crédit d'heure nécessaire pour exercer un mandat de délégué syndical, le tribunal a violé l'article L. 2143-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article L. 2143-6 du code du travail, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical. Sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures.

Le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au comité social et économique pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical.

6. La Cour de cassation, selon une jurisprudence constante (Soc., 24 septembre 2008, pourvoi n° 06-42.269, Bull. 2008, V, n° 184), a déduit de la disposition similaire antérieure de l'article L. 412-11 du code du travail que, sous réserve de conventions ou d'accords d'entreprise comportant des clauses plus favorables, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un délégué du personnel titulaire disposant d'un crédit d'heures à ce titre peut être désigné comme délégué syndical.

7. Elle a jugé toutefois qu'un délégué du personnel suppléant assurant momentanément le remplacement du délégué du personnel titulaire en application de l'article L. 2314-30 dans sa rédaction alors applicable pouvait être désigné délégué syndical dès lors qu'il pouvait à ce titre bénéficier d'heures de délégation (Soc., 20 juin 2012, pourvoi n° 11-61.176, Bull. 2012, V, n° 193).

8. L'article L. 2315-9, issu de l'ordonnance n° 1386-2017 du 22 septembre 2017, prévoit que les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique peuvent, chaque mois, répartir entre eux et avec les membres suppléants le crédit d'heures de délégation dont ils disposent.

9. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2314-7 du code du travail, le protocole préélectoral peut modifier le nombre de sièges ou le volume des heures individuelles de délégation dès lors que le volume global de ces heures, au sein de chaque collège, est au moins égal à celui résultant des dispositions légales au regard de l'effectif de l'entreprise.

10. Enfin, l'article L. 2315-2 du code du travail, dans le chapitre V « Fonctionnement » du comité social et économique dans lequel figure l'article L. 2315-9 sur la répartition des heures de délégation entre titulaires et suppléants, dispose que les dispositions du présent chapitre ne font pas obstacle aux dispositions plus favorables relatives au fonctionnement ou aux pouvoirs du comité social et économique résultant d'accords collectifs de travail ou d'usages.

11. Il en résulte que seul un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, peut être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical.

12. C'est dès lors à bon droit que le tribunal a statué comme il a fait.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Huglo - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Articles L. 2314-7, L. 2314-37, L. 2315-2, L. 2315-9 et R. 2315-6 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'exigence, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, d'un crédit d'heures au titre d'un mandat de délégué du personnel titulaire pour être désigné délégué syndical ou représentant de section syndicale, à rapprocher : Soc., 27 mars 2013, pourvoi n° 12-20.369, Bull. 2013, V, n° 94 (rejet), et l'arrêt cité ; Soc., 23 mars 2022, pourvoi n° 20-16.333, Bull., (rejet).

Soc., 23 mars 2022, n° 20-16.333, (B), FS

Rejet

Délégué syndical – Désignation – Conditions – Effectif de l'entreprise – Entreprise employant moins de cinquante salariés – Désignation d'un membre du comité social et économique – Membre suppléant – Possibilité – Limites – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Evreux, 29 mai 2020), Mme [V], salariée du Syndicat d'eau du Roumois et du plateau du Neubourg, a été désignée déléguée syndicale du syndicat SCMDE/ CFE CGC, par courrier du 26 avril 2020.

2. L'employeur a saisi, par requête du 6 mai 2020, le tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de cette désignation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La salariée et le syndicat SCMDE/CFE-CGC font grief au jugement d'annuler la désignation de celle-ci en qualité de déléguée syndicale, alors :

« 1°/ que, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical ; que sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures ; que ce texte n'interdit pas la désignation comme délégué syndical d'un membre suppléant du comité social et économique, sauf à ce dernier à ne pas bénéficier d'un crédit d'heures ; qu'en annulant la désignation de Mme [V] en qualité de déléguée syndicale au motif que celle-ci, en tant que membre suppléante du comité social et économique, ne disposait pas d'un crédit d'heures de délégation mensuel personnel et permanent, le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2143-6 du code du travail ;

2°/ que, en toute hypothèse, les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique peuvent, chaque mois, répartir entre eux et avec les membres suppléants le crédit d'heures de délégation dont ils disposent ; que rien n'interdit à un membre titulaire de répartir ses heures de délégations avec un membre suppléant, de façon permanente et irrévocable ; qu'en affirmant pourtant que ‘le législateur n'a pas prévu la possibilité pour un membre titulaire du CSE de renoncer par avance pour toute la durée de son mandat et de manière irrévocable à ses heures de délégation au profit d'un membre suppléant', le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2315-9 du code du travail ;

3°/ que, en relevant que l'accord de partage des heures de délégation entre M. [M] et Mme [V] ne respectait pas le formalisme en ce qu'il ne comportait aucune indication sur le nombre d'heures réparties chaque mois jusqu'à la fin du mandat, cependant qu'aucun formalisme n'impose cette modalité particulière de répartition des heures de délégations, le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2315-9 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 2143-6 du code du travail, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical. Sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures.

Le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au comité social et économique pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical.

5. La Cour de cassation, selon une jurisprudence constante (Soc., 24 septembre 2008, pourvoi n° 06-42.269, Bull. 2008, V, n° 184), a déduit de la disposition similaire antérieure de l'article L. 412-11 du code du travail que, sous réserve de conventions ou d'accords d'entreprise comportant des clauses plus favorables, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un délégué du personnel titulaire disposant d'un crédit d'heures à ce titre peut être désigné comme délégué syndical.

6. Elle a jugé toutefois qu'un délégué du personnel suppléant assurant momentanément le remplacement du délégué du personnel titulaire en application de l'article L. 2314-30 dans sa rédaction alors applicable pouvait être désigné délégué syndical dès lors qu'il pouvait à ce titre bénéficier d'heures de délégation (Soc., 20 juin 2012, pourvoi n° 11-61.176, Bull. 2012, V, n° 193).

7. L'article L. 2315-9, issu de l'ordonnance n° 1386-2017 du 22 septembre 2017, prévoit que les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique peuvent, chaque mois, répartir entre eux et avec les membres suppléants le crédit d'heures de délégation dont ils disposent.

8. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2314-7 du code du travail, le protocole préélectoral peut modifier le nombre de sièges ou le volume des heures individuelles de délégation dès lors que le volume global de ces heures, au sein de chaque collège, est au moins égal à celui résultant des dispositions légales au regard de l'effectif de l'entreprise.

9. Enfin, l'article L. 2315-2 du code du travail, dans le chapitre V « Fonctionnement » du comité social et économique dans lequel figure l'article L. 2315-9 sur la répartition des heures de délégation entre titulaires et suppléants, dispose que les dispositions du présent chapitre ne font pas obstacle aux dispositions plus favorables relatives au fonctionnement ou aux pouvoirs du comité social et économique résultant d'accords collectifs de travail ou d'usages.

10. Il en résulte que seul un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, peut être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical.

11. Le tribunal qui a constaté que Mme [V] avait été élue en qualité de suppléant et que l'accord de partage des heures de délégation avec le membre titulaire du comité social et économique ne comportait aucune indication sur le nombre d'heures de délégation réparties mensuellement et était établi pour toute la durée du mandat en contrariété avec les dispositions des articles L. 2315-9 et R. 2315-6 du code du travail, en a exactement déduit qu'elle ne pouvait être désignée en qualité de délégué syndical.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat général : M. Gambert - Avocat(s) : Me Balat ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 2314-7, L. 2314-37, L. 2315-2, L. 2315-9 et R. 2315-6 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'exigence, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, d'un crédit d'heures au titre d'un mandat de délégué du personnel titulaire pour être désigné délégué syndical ou représentant de section syndicale, à rapprocher : Soc., 27 mars 2013, pourvoi n° 12-20.369, Bull. 2013, V, n° 94 (rejet), et l'arrêt cité ; Soc., 23 mars 2022, pourvoi n° 20-21.269, Bull., (rejet).

Soc., 2 mars 2022, n° 20-18.442, (B) (R), FP

Rejet

Droits syndicaux – Exercice – Domaine d'application – Délégué syndical – Désignation – Périmètre de la désignation – Dispositions légales – Caractère d'ordre public – Portée

En premier lieu, eu égard au droit à un recours juridictionnel effectif garanti tant par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une organisation syndicale non signataire d'un accord collectif est recevable à invoquer par voie d'exception, sans condition de délai, l'illégalité d'une clause d'un accord collectif lorsque cette clause est invoquée pour s'opposer à l'exercice de ses droits propres résultant des prérogatives syndicales qui lui sont reconnues par la loi.

En second lieu, aux termes de l'article L. 2143-3, alinéa 4, du code du travail, la désignation d'un délégué syndical peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques.

Ces dispositions, même si elles n'ouvrent qu'une faculté aux organisations syndicales représentatives, sont d'ordre public quant au périmètre de désignation des délégués syndicaux.

Il s'ensuit que ni un accord collectif de droit commun, ni l'accord d'entreprise prévu par l'article L. 2313-2 du code du travail concernant la mise en place du comité social et économique et des comités sociaux et économiques d'établissement ne peuvent priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d'un établissement au sens de l'article L. 2143-3 du code du travail.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 23 juillet 2020), un accord collectif a été conclu le 26 mars 2019 au sein de la société Magasins Galeries Lafayette (la société) avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives sur les conditions de mise en place des comités sociaux et économiques au sein de l'entreprise.

L'accord collectif prévoit notamment l'existence de vingt-cinq établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques.

2. Le 20 novembre 2019, l'union syndicale CGT [Localité 8] commerce et services (le syndicat CGT) a désigné M. [F] en qualité de délégué syndical au sein du magasin Galeries Lafayette [Adresse 4].

3. La société a contesté cette désignation devant le tribunal judiciaire le 4 décembre 2019.

4. Le 11 décembre 2019, la société a signé avec deux autres organisations syndicales représentatives un avenant à l'accord du 26 mars 2019, indiquant que « les parties souhaitent confirmer que tous les établissements distincts consacrés dans le cadre du présent accord, y inclus l'établissement distinct Ile de France composé des magasins de [Adresse 9], [Adresse 5] et [Adresse 6]/[Adresse 4] et l'établissement distinct Grand [Localité 7] ont été déterminés conventionnellement pour servir à l'identique de périmètre d'élection du comité social et économique et de désignation de tous les représentants syndicaux. »

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief au jugement de dire que le magasin Galeries Lafayette [Adresse 4] a la qualité d'établissement distinct au sens de l'article L. 2143-3, 4e alinéa, du code du travail, que l'avenant n° 1 en date du 11 décembre 2019 ne peut remettre en cause les dispositions d'ordre public contenues dans l'article L. 2143-3, 4e alinéa, du code du travail, de la débouter de sa demande d'annulation de la désignation par l'union syndicale CGT [Localité 8] commerce et services de M. [F] en qualité de délégué syndical au sein du magasin Galeries Lafayette [Adresse 4] et de sa demande de caducité de cette désignation, alors « que la division de l'entreprise en établissements distincts définissant le cadre de la représentation élue et des délégués syndicaux et la désignation de délégués syndicaux résultant d'un accord collectif lie les syndicats signataires et s'impose à tous les salariés et syndicats ; que le tribunal judiciaire ne peut écarter le découpage conventionnel et procéder lui-même à une nouvelle division de la représentation de l'entreprise en établissements distincts à l'occasion d'une contestation portant sur la validité d'un mandat de délégué syndical ; qu'au cas présent la société exposait que l'avenant du 11 décembre 2019 avait redécoupé le cadre de représentation des mandats syndicaux de l'entreprise en précisant que l'établissement d' ‘‘Ile de France'' composé des magasins de [Adresse 9], [Adresse 5] et [Adresse 6]/[Adresse 4] constituait le périmètre utile pour la désignation des représentants syndicaux de l'entreprise ; que le mandat de délégué syndical de M. [F] exercé au sein du magasin ‘‘Galeries Lafayette [Adresse 4]'' était donc caduc à compter de l'entrée en vigueur de cet avenant, l'accord collectif ne reconnaissant pas le site ‘‘Galeries Lafayette [Adresse 4]'' comme établissement distinct ; que pour valider la désignation, le tribunal judiciaire a cependant jugé que la division de l'entreprise réalisée par l'avenant du 11 décembre 2019 était illégale ; qu'en statuant comme il l'a fait, cependant que le site ‘‘Galeries Lafayette [Adresse 4]'' ne constituait pas un établissement distinct aux termes de l'accord d'entreprise du 11 décembre 2019 dont il ne pouvait écarter les dispositions par voie d'exception, le tribunal a violé l'article L. 2143-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2262-14 du code du travail toute action en nullité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif doit, à peine d'irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois à compter :

1° De la notification de l'accord d'entreprise prévue à l'article L. 2231-5, pour les organisations disposant d'une section syndicale dans l'entreprise ;

2° De la publication de l'accord prévue à l'article L. 2231-5-1 dans tous les autres cas.

7. Aux termes de l'article L. 2231-5 du même code, la partie la plus diligente des organisations signataires d'une convention ou d'un accord en notifie le texte à l'ensemble des organisations représentatives à l'issue de la procédure de signature.

8. Toutefois, dans sa décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018, le Conseil constitutionnel a précisé que l'article L. 2262-14 ne prive pas les salariés de la possibilité de contester, sans condition de délai, par voie d'exception, l'illégalité d'une clause de convention ou d'accord collectif, à l'occasion d'un litige individuel la mettant en oeuvre, de sorte que l'article L. 2262-14 ne méconnaît pas le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

9. Eu égard au droit à un recours juridictionnel effectif garanti tant par l'article 16 de la Déclaration de 1789 que par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une organisation syndicale non signataire d'un accord collectif est recevable à invoquer par voie d'exception, sans condition de délai, l'illégalité d'une clause d'un accord collectif lorsque cette clause est invoquée pour s'opposer à l'exercice de ses droits propres résultant des prérogatives syndicales qui lui sont reconnues par la loi.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 2143-3, alinéa 4, du code du travail, la désignation d'un délégué syndical peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques.

11. Ces dispositions, même si elles n'ouvrent qu'une faculté aux organisations syndicales représentatives, sont d'ordre public quant au périmètre de désignation des délégués syndicaux.

12. Il s'ensuit que ni un accord collectif de droit commun, ni l'accord d'entreprise prévu par l'article L. 2313-2 du code du travail concernant la mise en place du comité social et économique et des comités sociaux et économiques d'établissement ne peuvent priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d'un établissement au sens de l'article L. 2143-3 du code du travail.

13. C'est dès lors à bon droit que le tribunal judiciaire a retenu que l'avenant signé le 11 décembre 2019 ne pouvait priver le syndicat CGT de son droit légal de désigner un délégué syndical sur le périmètre contesté.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation plénière de chambre.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Huglo - Avocat général : Mme Berriat (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article L. 2143-3, alinéa 4, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'effet d'un accord collectif ou d'un accord d'entreprise sur la détermination du périmètre de désignation du délégué syndical, à rapprocher : Soc., 31 mai 2016, pourvoi n° 15-21.175, Bull. 2016, V, n° 121 (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 23 mars 2022, n° 20-20.397, (B), FRH

Rejet

Section syndicale – Représentant – Fonctions – Représentant syndical au comité social et économique – Membre de droit – Exclusion – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 mars 2020), le Syndicat national des ingénieurs et cadres des industries chimiques et des visiteurs médicaux CGT (le syndicat) a désigné Mme [M] en qualité de représentante de section syndicale au sein de la société Merck Serono (la société) le 6 novembre 2018.

Le syndicat a demandé à l'employeur de convoquer Mme [M] aux réunions du comité social et économique en sa qualité de représentante de section syndicale dans une entreprise de moins de 300 salariés.

2. Par acte du 8 février 2019, la société a assigné le syndicat et la salariée devant le tribunal de grande instance pour qu'il soit constaté que le syndicat n'étant pas représentatif, son représentant de section syndicale ne pouvait le représenter aux réunions du comité social et économique.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'avait pas qualité pour participer aux réunions, alors « que le représentant de section syndicale disposant des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l'exception du seul pouvoir de négocier des accords collectifs, il est de droit membre du comité social et économique dans les entreprises de moins de 300 salariés ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2142-1 et L. 2143-22 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 2314-2 du code du travail, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement peut désigner un représentant syndical au comité social et économique.

L'article L. 2143-22 du même code précise que, dans les entreprises de moins de trois cents salariés et dans les établissements appartenant à ces entreprises, le délégué syndical est de droit représentant syndical au comité social et économique.

5. Il résulte de ces textes que la désignation d'un représentant syndical au comité social et économique est une prérogative que la loi réserve aux syndicats qui sont reconnus représentatifs dans l'entreprise ou dans l'établissement.

Le représentant de section syndicale n'est pas de droit représentant syndical au comité social et économique d'entreprise ou d'établissement dès lors que, si l'article L. 2142-1-1 du code du travail prévoit qu'il bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l'exception du pouvoir de négocier des accords collectifs, cette assimilation ne s'applique qu'aux attributions liées à la constitution d'une section syndicale.

6. C'est par conséquent à bon droit que la cour d'appel a retenu que la salariée, qui n'est pas membre élue du comité social et économique et qui a été désignée représentante de section syndicale par un syndicat qui n'est pas représentatif dans l'entreprise, n'est pas de droit représentante syndicale au comité social et économique.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 2314-2 et L. 2143-22 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe que le représentant de section syndicale n'est pas de droit représentant syndical dans les institutions représentatives du personnel, à rapprocher : Soc., 14 décembre 2011, pourvoi n° 11-14.642, Bull. 2011, V, n° 302 (rejet). Sur le principe que le représentant de section syndicale n'est pas de droit représentant syndical dans les institutions représentatives du personnel, cf : CE, 20 février 2013, n° 352981, mentionné aux tables du Recueil Lebon.

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