Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL

Soc., 2 mars 2022, n° 20-20.077, (B), FP

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Accord d'entreprise – Inopposabilité – Effets – Avenant d'un accord collectif d'entreprise – Illégalité – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire d'Angoulême, 26 août 2020), la société ITM logistique équipement de la maison internationale (la société) comprend plusieurs établissements distincts, dont l'un situé sur la commune d'Anais. Un accord collectif a été signé le 10 juillet 2019 sur les modalités de mise en place des comités sociaux et économiques d'établissement et du comité social et économique central par plusieurs syndicats représentatifs au sein de l'entreprise, dont le syndicat CGT ITM LEMI (le syndicat CGT).

Le 11 septembre 2019, un avenant à l'accord du 10 juillet 2019 a été conclu entre l'employeur et les syndicats représentatifs ayant signé l'accord du 10 juillet 2019, à l'exception du syndicat CGT, lequel a saisi le tribunal judiciaire d'une action en annulation de l'avenant.

2. Le 21 février 2020, le comité social et économique de l'établissement d'[Localité 2] a décidé l'ouverture d'une procédure d'information-consultation relative à la politique sociale au sein de l'établissement, ainsi que la désignation d'un expert pour l'assister à cet effet. Estimant que ces délibérations étaient contraires aux termes de l'avenant du 11 septembre 2019, qui précisait que les consultations sur la politique économique, la politique sociale et les orientations stratégiques de l'entreprise devaient s'effectuer au niveau du seul comité social et économique central, l'employeur a saisi le 2 mars 2020 le président du tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de ces délibérations.

3. En défense, le comité social et économique de l'établissement d'[Localité 2] a fait valoir l'illégalité de l'avenant du 11 septembre 2019.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

5. Le comité social et économique de l'établissement d'[Localité 2] fait grief au jugement de rejeter sa demande tendant à voir prononcer l'inopposabilité de l'avenant du 11 septembre 2019 à son égard, d'annuler les délibérations d'ouverture de la procédure d'information-consultation relative à la politique sociale de l'établissement, de désignation de l'expert-comptable dans le cadre de cette procédure d'information-consultation et sur le choix de l'expert-comptable et de débouter le syndicat CGT de sa demande de dommages-intérêts, alors :

« 2°/ que la légalité d'un accord collectif peut être mise en cause par une action en nullité ou par la voie de l'exception d'illégalité, peu important l'origine de l'illégalité ; que l'exception d'illégalité et l'exception de nullité constituent des moyens de défense au fond par lesquels le défendeur invoque l'existence d'une cause de nullité d'un acte pour obtenir son inefficacité sans l'anéantir ; qu'en retenant, pour annuler les délibérations en cause et rejeter la demande tendant à voir prononcer l'inopposabilité de l'avenant du 11 septembre 2019, que le comité social et économique se prévalait de l'exception de l‘illégalité de l'avenant mais que la sanction du non-respect des conditions d'adoption de l'accord collectif était la nullité qui devait être soulevée par voie d'exception et non l'inopposabilité, quand l'illégalité tirée du non-respect desdites conditions n'était pas susceptible d'être sanctionnée au seul titre de l'exception de nullité mais pouvait l'être par la voie de l'exception d'illégalité, dont les effets étaient similaires, le tribunal a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 2312-19 du code du travail et de l'article 1185 du code civil ;

3°/ que la légalité d'un accord collectif peut être mise en cause par une action en nullité ou par la voie de l'exception d'illégalité comme moyen de défense au fond ; qu'en retenant, pour annuler les délibérations en cause et rejeter la demande tendant à voir prononcer l'inopposabilité de l'avenant du 11 septembre 2019, que ce dernier était opposable tant qu'il n'était pas annulé, quand l'exception d'illégalité invoquée était de nature à le priver d'effet indépendamment de toute action en nullité, le tribunal a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 2312-19 du code du travail et de l'article 1185 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2262-14 du code du travail :

6. Aux termes de ce texte toute action en nullité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif doit, à peine d'irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois à compter :

1° De la notification de l'accord d'entreprise prévue à l'article L. 2231-5, pour les organisations disposant d'une section syndicale dans l'entreprise ;

2° De la publication de l'accord prévue à l'article L. 2231-5-1 dans tous les autres cas.

7. Aux termes de l'article L. 2231-5 du même code, la partie la plus diligente des organisations signataires d'une convention ou d'un accord en notifie le texte à l'ensemble des organisations représentatives à l'issue de la procédure de signature.

8. Toutefois, dans sa décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018, le Conseil constitutionnel a précisé que l'article L. 2262-14 ne prive pas les salariés de la possibilité de contester, sans condition de délai, par voie d'exception, l'illégalité d'une clause de convention ou d'accord collectif, à l'occasion d'un litige individuel la mettant en oeuvre, de sorte que l'article L. 2262-14 ne méconnaît pas le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

9. Eu égard au droit à un recours juridictionnel effectif garanti tant par l'article 16 de la Déclaration de 1789 que par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, applicable en l'espèce du fait de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un comité social et économique est recevable à invoquer par voie d'exception, sans condition de délai, l'illégalité d'une clause d'un accord collectif aux motifs que cette clause viole ses droits propres résultant des prérogatives qui lui sont reconnues par la loi.

10. La reconnaissance de l'illégalité d'une clause d'une convention ou d'un accord collectif la rend inopposable à celui qui a soulevé l'exception.

11. Pour rejeter l'exception d'illégalité de l'avenant du 11 septembre 2019, le jugement retient que, l'accord collectif étant un acte de droit privé, la sanction du non-respect des conditions d'adoption de cet accord collectif est la nullité qui doit être soulevée par voie d'exception et non l'inopposabilité et que, l'avenant litigieux n'étant pas annulé, il est opposable au comité social et économique de l'établissement d'[Localité 2].

12. En statuant ainsi, le président du tribunal judiciaire a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de caducité de l'assignation, ainsi que les exceptions de litispendance et de connexité, et déclare irrecevable la demande de sursis à statuer, le jugement rendu le 26 août 2020, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire d'Angoulême, statuant selon la procédure accélérée au fond ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Bordeaux, statuant selon la procédure accélérée au fond.

Arrêt rendu en formation plénière de chambre.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Huglo - Avocat général : Mme Berriat (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne ; article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 1185 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur l'inopposabilité d'une clause d'une convention ou d'un accord collectif reconnue illégale, à rapprocher : Soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-16.002 (1), Bull., (cassation partielle sans renvoi).

Soc., 2 mars 2022, n° 20-16.002, (B) (R), FP

Cassation partielle sans renvoi

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Accords d'entreprise – Accord sur les modalités de consultation – Consultations récurrentes des institutions représentatives du personnel – Attributions économiques, financières et sociales du comité d'entreprise – Possibilité

Selon l'article L. 2323-7, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues à l'article L. 2232-12, peut définir les modalités des consultations récurrentes du comité d'entreprise sur la situation économique et financière de l'entreprise ainsi que sur la politique sociale de celle-ci, les conditions de travail et d'emploi. Il en résulte qu'un accord d'entreprise peut définir, dans les entreprises comportant des établissements distincts, les niveaux auxquels les consultations récurrentes sont conduites et, le cas échéant, leur articulation. Viole ce texte la cour d'appel qui retient qu'à la date de la signature le 25 mai 2017 d'un accord d'entreprise sur le dialogue social, l'article L. 2323-7 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 17 août 2015 applicable aux accords collectifs définissant les modalités d'organisation des consultations récurrentes des institutions représentatives du personnel, ne prévoyait pas la possibilité de conclure un accord dérogatoire quant au niveau de la consultation et que, par suite, les dispositions de l'accord du 25 mai 2017 réservant au seul comité central d'entreprise les consultations périodiques sur la politique sociale et la situation économique et financière de l'entreprise n'étaient pas conformes aux dispositions légales alors applicables.

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Accords d'entreprise – Accord sur les modalités de consultation – Consultations récurrentes des institutions représentatives du personnel – Articulation entre les niveaux de consultation – Entreprises comportant des établissements distincts – Possibilité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 janvier 2020), par délibérations du 24 janvier 2019, le comité d'établissement d'[Localité 5] de la société Meubles Ikea France, aux droits duquel vient désormais le comité social et économique d'établissement d'[Localité 5], a désigné un expert dans le cadre des consultations sur la situation économique et financière de l'entreprise et sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi.

2. La société Meubles Ikea France (la société) a saisi le 1er février 2019 le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés pour demander l'annulation de ces délibérations, invoquant les termes d'un accord collectif sur le dialogue social signé le 25 mai 2017 au sein de l'entreprise, réservant au seul comité central d'entreprise les consultations périodiques, notamment quant à la situation économique et financière de l'entreprise et la politique sociale, les conditions de travail et d'emploi.

En défense, le comité d'établissement a fait valoir l'illégalité sur ce point de l'accord collectif.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que selon l'alinéa 3 de l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective, pour les conventions ou accords conclus antérieurement à la publication de la présente ordonnance et pour lesquels aucune instance n'a été introduite avant cette publication, le délai de deux mois mentionné à l'article L. 2262-14 du code du travail court à compter de cette publication ; qu'en l'espèce, il était constant que l'instance avait été introduite le 1er février 2019, pour contester une délibération du 24 janvier 2019 du comité d'établissement d'[Localité 5] ; qu'il était tout autant constant qu'à l'occasion de cette instance, le comité d'établissement avait soulevé l'illégalité d'un accord collectif de dialogue social du 25 mai 2017 et que la société avait invoqué l'irrecevabilité de ce moyen d'illégalité, sur le fondement de la prescription issue de l'article L. 2262-14 du code du travail ; qu'en affirmant néanmoins que le litige n'était pas soumis aux dispositions du code du travail issues de l'ordonnance n° 2017-1385 et que la société Meubles Ikea France ne pouvait pas se prévaloir des nouvelles dispositions issues de cette ordonnance instaurant le bref délai pour s'opposer au moyen soulevé par le comité d'établissement d'[Localité 5], la cour d'appel a violé l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, ensemble l'article L. 2262-14 du code du travail ;

2°/ que la règle selon laquelle l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui n'a pas encore été exécuté s'applique à compter de l'expiration du délai de prescription de l'action ; qu'après cette date, l'exception n'est recevable que si l'acte n'a pas commencé à être exécuté ; qu'en l'espèce, la société Meubles Ikea France faisait valoir dans ses conclusions d'appel que l'action en nullité contre l'accord de dialogue social du 25 mai 2017 était prescrite depuis le 23 novembre 2017 et que l'accord avait reçu un commencement d'exécution par l'employeur et par les comités d'établissement, de sorte que l'exception de nullité de cet accord soulevée par le comité d'établissement d'[Localité 5] était irrecevable ; qu'en décidant que la société ne pouvait pas se prévaloir de la prescription pour s'opposer au moyen soulevé par le comité d'établissement d'[Localité 5] par voie d'exception, sans rechercher comme elle y était invitée si l'accord n'avait pas reçu un commencement d'exécution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1185 du code civil ;

3°/ que le moyen par lequel un comité d'établissement soulève l'illégalité d'un accord collectif pour en contester l'application à son égard est une exception de nullité, laquelle est sujette à prescription lorsque l'acte a commencé à être exécuté ; qu'en affirmant que le débat sur l'inopposabilité ou l'illégalité de l'accord du 25 mai 2017 était dépourvu d'intérêt, quand cette question était en réalité déterminante pour se prononcer sur la prescription du moyen du comité d'établissement d'[Localité 5] visant à écarter cet accord, la cour d'appel a violé l'article L. 2262-14 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 2262-14 du code du travail toute action en nullité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif doit, à peine d'irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois à compter :

1° De la notification de l'accord d'entreprise prévue à l'article L. 2231-5, pour les organisations disposant d'une section syndicale dans l'entreprise ;

2° De la publication de l'accord prévue à l'article L. 2231-5-1 dans tous les autres cas.

5. Aux termes de l'article L. 2231-5 du même code, la partie la plus diligente des organisations signataires d'une convention ou d'un accord en notifie le texte à l'ensemble des organisations représentatives à l'issue de la procédure de signature.

6. Selon l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, pour les conventions ou accords conclus antérieurement à la publication de la présente ordonnance et pour lesquels aucune instance n'a été introduite avant cette publication, le délai de deux mois mentionné à l'article L. 2262-14 court à compter de cette publication.

7. Toutefois, dans sa décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018, le Conseil constitutionnel a précisé que l'article L. 2262-14 ne prive pas les salariés de la possibilité de contester, sans condition de délai, par voie d'exception, l'illégalité d'une clause de convention ou d'accord collectif, à l'occasion d'un litige individuel la mettant en oeuvre, de sorte que l'article L. 2262-14 ne méconnaît pas le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

8. Eu égard au droit à un recours juridictionnel effectif garanti tant par l'article 16 de la Déclaration de 1789 que par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, applicable en l'espèce du fait de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un comité social et économique est recevable à invoquer par voie d'exception, sans condition de délai, l'illégalité d'une clause d'un accord collectif aux motifs que cette clause viole ses droits propres résultant des prérogatives qui lui sont reconnues par la loi.

9. L'exception d'illégalité d'une convention ou d'un accord collectif ne relève pas des dispositions de l'article 1185 du code civil.

10. Lorsque l'illégalité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif est invoquée par voie d'exception, la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance objet de la demande.

11. La reconnaissance de l'illégalité d'une clause d'une convention ou d'un accord collectif la rend inopposable à celui qui a soulevé l'exception.

12. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que l'employeur ne pouvait pas se prévaloir des nouvelles dispositions de l'article L. 2262-14 du code du travail issues de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 instaurant un délai de recours en annulation de deux mois, dès lors que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque l'illégalité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif est invoquée par voie d'exception.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

14. La société fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « qu'un accord d'entreprise peut définir les modalités des consultations récurrentes du comité d'entreprise sur la situation économique et financière de l'entreprise et sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi ; que dans les entreprises comportant un comité central d'entreprise et des comités d'établissement, un tel accord permet d'aménager la répartition des consultations entre le comité central d'entreprise et les comités d'établissement ; qu'en l'espèce, en affirmant que les dispositions de l'accord du 25 mai 2017, qui avaient réservé au seul comité central d'entreprise de la société Meubles Ikea France les consultations périodiques sur la politique sociale et la situation économique et financière de l'entreprise, n'étaient pas licites, la cour d'appel a violé l'article L. 2323-7 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2323-7, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 :

15. Selon ce texte, un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues à l'article L. 2232-12, peut définir les modalités des consultations récurrentes du comité d'entreprise sur la situation économique et financière de l'entreprise ainsi que sur la politique sociale de celle-ci, les conditions de travail et d'emploi.

16. Il en résulte qu'un accord d'entreprise peut définir, dans les entreprises comportant des établissements distincts, les niveaux auxquels les consultations récurrentes sont conduites et, le cas échéant, leur articulation.

17. L'arrêt retient qu'à la date de la signature de l'accord du 25 mai 2017 sur le dialogue social, l'article L. 2323-7 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 17 août 2015 applicable aux accords collectifs définissant les modalités d'organisation des consultations récurrentes des institutions représentatives du personnel, ne prévoyait pas la possibilité de conclure un accord dérogatoire quant au niveau de la consultation et que, par suite, les dispositions de l'accord du 25 mai 2017 réservant au seul comité central d'entreprise les consultations périodiques sur la politique sociale et la situation économique et financière de l'entreprise n'étaient pas conformes aux dispositions légales alors applicables.

18. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

19. La cassation prononcée sur le chef du dispositif visé par la quatrième branche du moyen entraîne la cassation par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, du chef du dispositif, relatif aux condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile, visé par le second moyen.

20. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

21. La Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette le moyen d'incompétence soulevé par la société Meubles Ikea France, l'arrêt rendu le 23 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ANNULE les délibérations du comité d'établissement d'[Localité 5] du 24 janvier 2019.

Arrêt rendu en formation plénière de chambre.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Huglo - Avocat général : Mme Berriat (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne ; article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 1185 du code civil ; articles L. 2323-7, 1°, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 et L. 2232-12 du code du travail.

Soc., 30 mars 2022, n° 20-15.022, n° 20-17.230, (B), FS

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 – Article 7 – Article repris par l'accord national interprofessionnel (ANI) du 17 novembre 2017 – Avantages en matière de prévoyance des cadres – Bénéfice – Conditions – Répartition de la cotisation entre la couverture décès et la garantie frais de santé – Détermination – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-15.022 et 20-17.230 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 février 2020), les sociétés Sopra Steria Group, Sopra Steria Infrastructure & Security Services, Sopra HR Software, Sopra Banking Software, Beamap et Axway Software (les sociétés employeurs) qui exercent des activités de prestations de services en matière informatique, constituent l'unité économique et sociale Sopra Steria (l'UES).

La convention collective applicable à l'ensemble des salariés de l'UES est celle des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.

3. Le syndicat Avenir Sopra Steria (le syndicat) a par assignations des 8 et 20 décembre 2016 saisi le tribunal de grande instance de diverses demandes relatives, notamment, au minimum salarial nécessaire en matière de convention de forfait en heures, aux cotisations employeur minimales en matière de prévoyance, aux cotisations de retraite complémentaire et aux frais de déplacement des salariés.

Le syndicat Solidaires informatique et la fédération CFDT communication conseil, culture sont intervenus volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le quatrième moyen du pourvoi n° 20-17.230 des sociétés employeurs, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi n° 20-15.022 du syndicat

Enoncé du moyen

5. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes fondées sur le non-respect du minimum salarial pour les salariés en modalité 2 prévue par la convention Syntec et, en conséquence, de le débouter de ses demandes tendant à faire condamner les sociétés employeurs en raison de leur non-respect des dispositions de l'accord du 22 juin 1999 sur la durée du travail en ce qu'elles ont fait application de la modalité 2 prévue par ces dispositions à des salariés dont la rémunération était inférieure au plafond de la sécurité sociale, ordonner sous astreinte qu'il soit interdit à l'employeur d'appliquer la modalité 2 dite « réalisation de missions » aux salariés dont la rémunération est inférieure au plafond de la sécurité sociale et ce, tant que leur rémunération ne sera pas au moins égale à ce plafond, ordonner qu'en toute hypothèse, les conventions de forfait conclues en application de cette modalité soient inopposables à ces salariés, condamner sous astreinte les sociétés employeurs à régulariser la situation des salariés concernés en procédant au calcul et au paiement des heures supplémentaires réalisées par ces salariés au-delà de 35 heures de travail hebdomadaires dans les limites de la prescription triennale ou à leur payer le complément de salaire dû en cette période pour atteindre le plafond de sécurité sociale et condamner les sociétés employeurs à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif qu'il représente, alors :

« 1°/ que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale prévue par l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif ; que faute d'être remplie ou de ne plus être remplie, le salarié ne peut pas ou ne peut plus être soumis au forfait en heures ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait souligné que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif, a néanmoins, pour en déduire que le syndicat n'était pas fondé à soutenir que les salariés relevant des modalités 2 devaient bénéficier d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale non seulement à la date de conclusion de la convention de forfait en heures mais aussi durant toute la période de son exécution, retenu de manière inopérante que l'employeur n'était pas tenu à une indexation des salaires des intéressés sur ce plafond, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif, et non une simple condition d'entrée, violant ainsi l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 attaché à la convention collective Syntec ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel, le syndicat qui faisait valoir que tant l'accord d'entreprise du 27 mars 2000, établi du reste d'après l'accord national de branche du 22 juin 1999, que les autres accords d'entreprise sur le temps de travail signés les 31 mars 2016 et 30 juin 2016, renvoyaient aux dispositions conventionnelles en prévoyant que les salariés en modalités 2 pouvaient travailler entre 214 et 218 jours maximum par an, soutenait que ces accords qui étaient identiques à l'accord de branche, l'article 3 de la convention collective Syntec prévoyant que les salariés relevant de la modalité 2 dite « réalisation de missions » et soumis au forfait heures, ne pouvaient travailler plus de 217 jours par an pour l'entreprise, ne pouvaient donc pas prévaloir sur ce dernier, en sorte que l'employeur ne pouvait, au recrutement de la modalité 2 ou à son passage, fixer au salarié un salaire annuel inférieur au plafond de la sécurité sociale ; qu'en se bornant à considérer que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 l'accord collectif d'entreprise ou d'établissement prime sur l'accord de branche en matière de durée et d'aménagement du temps de travail, sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale prévue par l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif ; qu'en se bornant, pour débouter le syndicat de ses demandes tendant à voir condamner les sociétés employeurs en raison de leur non-respect des dispositions de l'accord du 22 juin 1999 sur la durée du travail, à se fonder sur la circonstance inopérante qu'au regard de ses productions, le syndicat ne démontrait pas que certains salariés ayant été intégrés dans le dispositif des modalités 2 « réalisation de missions », ne bénéficiaient pas à la date de leur entrée dans ce dispositif, d'un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les salariés relevant des modalités 2 bénéficiaient d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 attaché à la convention collective Syntec. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche, qui détermine préalablement les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ainsi que la durée individuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

7. Ces dispositions permettent de fixer par voie d'accord d'entreprise ou d'établissement des conditions d'éligibilité des salariés au forfait en heures sur l'année et des caractéristiques principales de ces conventions de forfait différentes de celles prévues par l'accord collectif de branche, quelle que soit la date de conclusion de l'accord de branche.

8. La cour d'appel a, d'abord, constaté que le protocole d'accord relatif à la mise en place de l'aménagement et de la réduction du temps de travail signé le 27 mars 2000 au sein de la société Steria distinguait les trois mêmes types de gestion des horaires de travail que ceux prévus par l'accord de branche du 22 juin 1999 attaché à la convention collective Syntec mais aménageait différemment le dispositif des modalités 2 dites « réalisation de missions » en prévoyant un nombre de jours de travail inférieur, fixé entre 218 et 214 jours en fonction de l'ancienneté, et en soumettant à ce dispositif, avec leur accord, les ingénieurs et cadres ne relevant pas des modalités 3 et bénéficiant d'un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale et à 115 % du minimum conventionnel de leur catégorie.

9. Elle a, ensuite, relevé qu'à la suite des opérations de fusion, les sociétés de l'UES, qui avaient accueilli en leur sein des salariés de la société Steria relevant des modalités 2, avaient maintenu ce dispositif pour ces seuls salariés dans le cadre de plusieurs accords de substitution et d'adaptation conclus avec les organisations syndicales représentatives les 31 mars et 30 juin 2016.

10. Elle a retenu, à bon droit, que ces accords d'entreprise n'avaient pas pour objet de fixer la rémunération minimale des salariés et qu'ils primaient l'accord de branche en matière d'aménagement du temps de travail.

11. Elle a ajouté que le syndicat ne démontrait pas que certains salariés avaient été intégrés dans le dispositif des modalités 2 alors qu'ils ne bénéficiaient pas d'un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale.

12. Elle en a exactement déduit, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants visés au moyen pris en sa première branche et sans être tenue de répondre aux conclusions ni de procéder à la recherche que ses constatations rendaient inopérantes, que le syndicat devait être débouté de ses demandes tendant à obtenir la condamnation des sociétés employeurs pour avoir fait application des modalités 2 à des salariés dont la rémunération annuelle n'était pas au moins égale au plafond de la sécurité sociale.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi n° 20-15.022 du syndicat

Enoncé du moyen

14. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes fondées sur le non-respect de l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et, en conséquence, de le débouter de ses demandes tendant à faire condamner les sociétés employeurs en raison de leur non-respect du taux minimum de 1,5 % fixé pour les cotisations employeurs versées pour la tranche A de salaire de chaque salarié cadre, condamner ces sociétés à régulariser les cotisations employeurs à 1,5 % pour la tranche A dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision sous astreinte et condamner les mêmes solidairement à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi, alors :

« 1°/ que l'article 7, relatif aux avantages en matière de prévoyance, de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 dispose que les employeurs s'engagent à verser, pour la prévoyance de leurs salariés cadres et assimilés, une cotisation à leur charge exclusive, égale à 1,5 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale ; qu'en énonçant, pour débouter le syndicat de sa demande, que ni la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, ni l'ANI relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017 qui la substituait, n'excluaient les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l'employeur, seule étant prévue une affectation prioritaire de sa cotisation à la couverture décès, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ;

2°/ que l'article 7, relatif aux avantages en matière de prévoyance, de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 dispose que les employeurs s'engagent à verser, pour la prévoyance de leurs salariés cadres et assimilés, une cotisation à leur charge exclusive, égale à 1,5 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale ; qu'en affirmant que ni la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, ni l'ANI relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017 qui la substituait, n'excluaient les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l'employeur, tout en constatant que le législateur en 2013 avait distingué les frais de santé et les « risques lourds » lorsqu'il avait entériné le dispositif institué par l'ANI du 11 janvier 2013 en rendant obligatoire, à compter du 1er janvier 2016, la couverture en matière de remboursement de frais de santé pour les salariés, de même que dans le dispositif conventionnel Syntec, comme l'accord du 27 mars 1997 pour les garanties décès, incapacité, invalidité et l'accord du 7 octobre 2015 instaurant une couverture minimum de branche en matière de complémentaire santé précisément en application de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, ce dont il résultait que les avantages de prévoyance financés par l'employeur ne comprenaient pas les frais de santé, la cour d'appel a de nouveau violé, par fausse interprétation, l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947. »

Réponse de la Cour

15. Ayant relevé que l'obligation à la charge exclusive de l'employeur de cotiser en matière de prévoyance à hauteur de 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale avait été reprise telle quelle par l'accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017, étendu par arrêté du 27 juillet 2018, que les partenaires sociaux avaient conclu dans le cadre de la fusion de l'Agirc et de l'Arrco et constaté que ni cette convention collective ni l'ANI qui la substituait n'excluaient les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l'employeur, seule étant prévue une affectation prioritaire de la cotisation à la couverture décès, la cour d'appel en a exactement déduit que, pour vérifier si l'employeur respectait son obligation de cotiser en matière de prévoyance à hauteur de 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale, il devait être tenu compte de la cotisation patronale versée pour le financement de la garantie frais de santé.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi n° 20-17.230 des sociétés employeurs

Enoncé du moyen

17. Les sociétés employeurs font grief à l'arrêt d'annuler l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoyait aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements étaient supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence et de condamner la société Sopra Steria Group à payer au syndicat, au syndicat Solidaires informatique et à la Fédération communication, conseil, culture CFDT une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation de l'article 50 de la convention collective Syntec, alors :

« 1°/ que les stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec, qui prévoient que « les déplacements hors du lieu de travail habituel nécessités par le service ne doivent pas être pour le salarié l'occasion d'une charge supplémentaire ou d'une diminution de salaire », que « l'importance des frais dépend du lieu où s'effectuent les déplacements, ils ne sauraient être fixés d'une façon uniforme », qu' « ils seront remboursés de manière à couvrir les frais d'hôtel et de restaurant du salarié » et qu' « ils ne pourront faire l'objet d'un forfait préalablement au départ, soit par accord particulier, soit par règlement spécifique approprié », ne sont applicables qu'aux déplacements des salariés hors de leur lieu de travail habituel nécessités par le service et, dès lors, qu'aux salariés ayant un lieu de travail habituel ; qu'en énonçant, par conséquent, pour annuler l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoyait aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence, que l'absence de tout remboursement des frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client, lorsque le client est situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié et dans le cas où les frais de déplacement sont supérieurs à ceux qu'aurait exposés le salarié pour se rendre à son lieu de travail habituel ou à son agence de rattachement, était contraire aux stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec, sans limiter cette appréciation aux seuls salariés ayant un lieu de travail habituel, quand, en se déterminant de la sorte, elle retenait que les stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec étaient applicables aux salariés n'ayant pas un lieu de travail habituel, la cour d'appel a violé les stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec ;

2°/ qu'en annulant, dans le dispositif de l'arrêt attaqué, l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoyait aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence, quand, dans les motifs de l'arrêt attaqué, elle avait énoncé, après avoir relevé que l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group prévoyait que les frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client ne sont pas remboursés lorsque le client est situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié, y compris quand les frais de déplacement sont supérieurs à ceux exposés pour se rendre à cette agence de rattachement, que l'absence de tout remboursement des frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client, lorsque le client est situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié et dans le cas où les frais de déplacement sont supérieurs à ceux qu'aurait exposés le salarié pour se rendre à son lieu de travail habituel ou à son agence de rattachement, occasionnait pour le salarié concerné une charge supplémentaire indue et était contraire aux stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif et a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

18. La cour d'appel a, d'abord, énoncé que l'article 50 de la convention collective Syntec prévoyait en ses alinéas 1 et 2 que les déplacements hors du lieu de travail habituel nécessités par le service ne devaient pas être pour le salarié l'occasion d'une charge supplémentaire ou d'une diminution de salaire, que l'importance des frais dépendait du lieu où s'effectuaient les déplacements, qu'ils ne sauraient être fixés d'une façon uniforme, qu'ils seraient remboursés de manière à couvrir les frais d'hôtel et de restaurant du salarié et qu'ils pourraient faire l'objet d'un forfait préalablement au départ, soit par accord particulier, soit par règlement spécifique approprié.

19. Elle a, ensuite, constaté que l'article 4.1.2 de la note unilatéralement établie par la société Sopra Steria Group, le 8 février 2016, mettant en oeuvre une « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels », prévoyait que, lorsque l'utilisation du véhicule personnel était acceptée par le salarié et le directeur d'entité, les frais remboursés concernaient tous les déplacements entre le domicile du collaborateur et le client, si celui-ci était situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié, ces frais étant plafonnés au trajet entre l'agence et le client, et tous les déplacements, durant la journée, entre l'agence du collaborateur et le client ou un autre site de l'entreprise, même si ces derniers étaient situés dans la zone urbaine.

20. Elle en a conclu que les frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client n'étaient pas remboursés lorsque le client était situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié et retenu que dans le cas où ces frais étaient supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre sur son lieu de travail habituel ou à son agence de rattachement, l'absence de tout remboursement, ne serait-ce que sous forme forfaitaire, occasionnait pour le salarié concerné une charge supplémentaire indue.

21. Nonobstant l'erreur matérielle que le moyen pris en sa deuxième branche ne tend, sous le couvert d'un grief de contradiction entre les motifs et le dispositif, qu'à dénoncer et qui peut, selon l'article 462 du code de procédure civile, être réparée par la Cour qui ordonnera sa rectification ci-après, la cour d'appel en a exactement déduit que l'absence de tout remboursement dans ces conditions était contraire aux dispositions conventionnelles et qu'il y avait lieu d'annuler les dispositions de la note le prévoyant.

22. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 20-17.230 des sociétés employeurs

Enoncé du moyen

23. Les sociétés employeurs font grief à l'arrêt de dire que les contreparties au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par elles, méconnaissaient en raison de leur caractère dérisoire les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, d'ordonner à la société Sopra Steria Group, à la société Sopra Steria Infrastructure & Security Services, à la société Sopra Banking Software, à la société Beamap et à la société Axway Software de mettre en place un système de contreparties déterminées, région par région, en fonction du temps normal de trajet entre le domicile du salarié et le lieu habituel de travail et de condamner in solidum la société Sopra Steria Group, la société Sopra Steria Infrastructure & Security Services, la société Sopra Banking Software, la société Beamap et la société Axway Software à payer au syndicat une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation de l'article L. 3121-4 du code du travail, alors :

« 1°/ que s'il appartient au juge de fixer la contrepartie prévue par les dispositions de l'article L. 3121-4, alinéa 2, du code du travail dans le cas où elle n'a pas été déterminée, il n'appartient pas au juge, lorsqu'une telle contrepartie a été déterminée par la voie prévue par la loi, d'en apprécier le caractère suffisant ; qu'en disant, par conséquent, que les contreparties au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par les sociétés de l'UES conformément à la loi, méconnaissaient en raison de leur caractère dérisoire les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail ;

2°/ que lorsque le salarié est itinérant, c'est-à-dire n'a pas de lieu de travail habituel et effectue des déplacements quotidiens entre son domicile et les locaux du client de son employeur, où il se rend directement depuis son domicile, sans passer par son agence de rattachement, le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, au sens des dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, est le temps normal de trajet des salariés itinérants de la région considérée entre leur domicile et les locaux des clients de leurs employeurs, et non le temps normal de trajet de tous les salariés de la région considérée entre leur domicile et leur lieu habituel de travail ; qu'en énonçant, dès lors, pour dire que les contreparties au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par les sociétés de l'UES, méconnaissaient en raison de leur caractère dérisoire les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, que, s'agissant d'un salarié itinérant, le lieu habituel de travail est défini comme étant le lieu où se situe son agence de rattachement si tant est que celle-ci se situe à une distance raisonnable de son domicile, de façon à ce que le temps de trajet ainsi défini soit équivalent au temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d'un salarié dans la région considérée, qu'à défaut, le surtemps de trajet doit être déterminé en fonction du temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d'un salarié dans la région considérée, que les compensations accordées par la société Sopra Steria Group étaient déconnectées de ces temps normaux de trajet et que la « franchise », c'est-à-dire le temps de déplacement excédentaire non indemnisé, de près de 2 heures, était trop importante, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

24. Selon l'article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière.

25. La cour d'appel a, d'abord, énoncé, à bon droit, que la circonstance que certains salariés des sociétés de l'UES ne travaillent pas habituellement au sein de leur agence de rattachement ne dispense pas leur employeur de respecter à leur égard les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail.

26. Elle a, ensuite, appréciant la situation d'un salarié itinérant, défini le lieu habituel de travail comme étant le lieu où se situe son agence de rattachement si tant est que celle-ci se situe à une distance raisonnable de son domicile, de façon à ce que le temps de trajet ainsi déterminé soit équivalent au temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d'un salarié dans la région considérée.

27. Dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve, elle a estimé que les compensations accordées par la société Sopra Steria Group étaient déconnectées de ces temps normaux de trajet, la « franchise », c'est-à-dire le temps de déplacement excédentaire non indemnisé, de près de 2 heures étant trop importante.

28. Elle a pu en déduire que les contreparties sous forme financière au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par les sociétés employeurs, méconnaissaient, en raison de leur caractère dérisoire, les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail et ordonner à ces sociétés de mettre en place un système de contreparties déterminées, région par région, en fonction du temps normal de trajet entre le domicile du salarié et le lieu habituel de travail qu'elle avait défini.

29. Le moyen, qui ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain dont disposait la cour d'appel pour vérifier qu'au regard des exigences du texte

susvisé les contreparties allouées n'étaient pas manifestement disproportionnées, n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen relevé d'office

30. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 2132-3 du code du travail :

31. Selon ce texte, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

32. Il en résulte que si un syndicat peut agir en justice pour faire constater une irrégularité commise par l'employeur affectant le paiement de cotisations de retraite complémentaire d'une catégorie de salariés et demander l'allocation de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif, il ne peut prétendre obtenir la condamnation de l'employeur à régulariser la situation des salariés concernés.

33. Pour rejeter la fin de non-recevoir opposée par les sociétés employeurs aux demandes portant sur les cotisations de retraite complémentaire des salariés assimilés aux cadres et condamner les sociétés Sopra Steria Group, Sopra Steria Infrastructure & Security Services et Beamap à établir à l'intention de l'Agirc la liste de l'ensemble des ex-salariés des sociétés Steria relevant de la catégorie ETAM positions 3.2 et 3.3, au cours de la période ayant couru de 1988 à 2014 et à régulariser la situation de ces salariés, l'arrêt retient que l'action du syndicat, introduite le 8 décembre 2016, est prescrite pour la période antérieure au 8 décembre 2011, mais seulement s'il connaissait ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et qu'il ressort des productions de part et d'autre que le syndicat, tout comme l'employeur, n'ont découvert les faits considérés qu'au cours du second semestre 2014, lors de la remise du rapport de l'expert-comptable au comité central d'entreprise de l'UES préalablement aux opérations de fusion. Il en déduit que, dans ces conditions, la prescription n'a pu courir.

34. En statuant ainsi, alors que, si la circonstance que le syndicat a eu, comme elle l'a souverainement retenu, connaissance de l'irrégularité qu'il dénonçait, à la date du second semestre 2014, le rendait recevable à agir en 2016 pour obtenir réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif, cette circonstance n'ouvrait pas au syndicat le droit de poursuivre la régularisation de la situation des salariés concernés par cette irrégularité, la cour d'appel, qui a accueilli la demande du syndicat de ce chef, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

35. La cassation prononcée entraîne, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif condamnant les sociétés employeurs à payer au salarié des dommages-intérêts pour défaut d'assimilation du personnel assimilé cadre au régime de complémentaire des cadres, évalués par la cour d'appel au regard de la période de régularisation qu'elle retenait de 1988 à 2014.

36. Elle n'emporte, en revanche, pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant les sociétés employeurs aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celles-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi n° 20-15.022 ;

RECTIFIE l'erreur matérielle affectant le dispositif de l'arrêt attaqué et dit qu'aux lieu et place de : « Annule l'article 4.1.2. de la note du 8 février 2016 relative à la « Procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoit aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence », il y a lieu de lire : « Annule l'article 4.1.2. de la note du 8 février 2016 relative à la « Procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoit aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé dans la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence » ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne les sociétés Sopra Steria Group, Sopra Steria Infrastructure & Security Services et Beamap à établir à l'intention de l'Agirc la liste de l'ensemble des salariés concernés, c'est-à-dire tous les ex-salariés des sociétés Steria relevant de la catégorie ETAM positions 3.2 et 3.3, au cours de la période ayant couru de 1988 à 2014 et à régulariser la situation de ces salariés auprès de l'institution de retraite en s'acquittant des cotisations dues au titre de la retraite complémentaire des cadres et condamne in solidum les mêmes sociétés à payer au syndicat Avenir Sopra Steria la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, pour défaut d'affiliation du personnel assimilé cadre au régime de retraite complémentaire entre 1988 et 2014, l'arrêt rendu le 6 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Monge - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Capron -

Textes visés :

Article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, repris par l'accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017, étendu par arrêté du 27 juillet 2018 ; article L. 3121-4 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel, depuis la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, le temps de trajet qui excède le temps normal de trajet fait l'objet d'une contrepartie, à rapprocher : Soc., 15 mai 2013, pourvoi n° 11-28.749, Bull. 2013, V, n° 124 (2) (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 30 mars 2022, n° 20-18.537, n° 20-20.151, n° 20-20.152, n° 20-20.153, n° 20-20.154, n° 20-20.155, n° 20-20.156, n° 20-20.157, n° 20-20.158, n° 20-20.159 et suivants, (B), FS

Rejet

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des activités du déchet du 11 mai 2000 – Rémunération – Article 3.14 – Travaux pénibles ou dangereux – Majoration de salaire – Conditions – Détermination – Portée

Selon l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet du 11 mai 2000, les entreprises définiront, conformément aux dispositions légales, en tenant compte le cas échéant de leurs particularités, des majorations de salaire pour les travaux pénibles ou dangereux.

Doit être approuvé l'arrêt qui, relevant que l'activité de collecte, de manipulation et de transports des contenants des produits collectés était une activité à risque spécifique et que les salariés qui y étaient affectés effectuaient un travail dangereux, leur ouvrant droit à la majoration de salaire prévue par ce texte en contrepartie du travail effectué, a, après avoir constaté la carence de l'employeur et exerçant son office, fixé le montant de cette majoration au vu des éléments fournis par les parties.

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des activités du déchet du 11 mai 2000 – Rémunération – Article 3.14 – Travaux pénibles ou dangereux – Majoration de salaire – Applications diverses

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-18.537, 20-20.151, 20-20.152, 20-20.153, 20-20.154, 20-20.155, 20-20.156, 20-20.157, 20-20.158, 20-20.159, 20-20.160, 20-20.161, 20-20.162, 20-20.163, 20-20.164, 20-20.165, 20-20.166, 20-20.167 et 20-20.168 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Versailles, 09 juillet 2020), M. [T] et dix-huit autres salariés ont été engagés par la société Sita Île-de-France devenue la société Suez RV Île-de France en qualité de conducteurs poids-lourd collecteurs DASRI-DIS (déchets d'activités de soins à risques infectieux-déchets industriel spécial).

3. La convention collective applicable est celle des activités du déchet du 11 mai 2000 étendue par arrêté du 5 juillet 2001.

4. Le 9 septembre 2016, ces salariés ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de versement d'une prime conventionnelle pour travaux dangereux, outre des dommages-intérêts pour le préjudice subi.

Le Syndicat général des transports CFDT du nord-ouest francilien est intervenu volontairement à l'instance.

5. À compter du 1er mars 2018, la société Suez RV Île-de-France a cédé la partie de ses activités liées aux déchets d'activités de soins à risques infectieux à la société Proserve DASRI.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, réunis

Enoncé des moyens

7. Par son moyen, la société Proserve DASRI fait grief aux arrêts de dire qu'elle était redevable à l'égard des salariés du règlement de la majoration de salaire prévue par l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet à compter du 1er mars 2018 jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par les salariés et, en conséquence, de la condamner à régler aux salariés une majoration de salaire du 1er mars 2018 jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par les salariés ainsi qu'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral et à verser au syndicat général des transports CFDT du nord-ouest francilien une somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, alors :

« 1°/ que le caractère dangereux d'une activité au sens de l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet doit être apprécié intrinsèquement et ne peut être retenu que s'il persiste un risque suffisamment élevé pour être considéré encore comme dangereux en dépit des mesures de sécurité prises par l'employeur ; qu'il ne peut en revanche être déduit de l'existence de mesures de sécurité prises par l'employeur et destinées précisément à minimiser le risque ; que pour dire que le salarié effectuait un travail dangereux devant entraîner la majoration conventionnelle pour travaux dangereux, la cour d'appel, après avoir énoncé qu'il convenait de vérifier si la collecte et le transport des déchets d'activités de soins à risques infectieux (DASRI) étaient dangereux pour les salariés qui les effectuaient au regard des procédures mises en place par l'employeur, a retenu que si l'ensemble de ces dispositifs visaient à préserver la santé et la sécurité du salarié, il apparaissait qu'ils minimisaient le risque de danger mais ne le supprimaient pas totalement de sorte que l'entreprise avait défini un protocole de soins à respecter lorsque, par mégarde ou par malchance, le salarié se blessait ou se trouvait en contact avec les déchets collectés ; qu'en déduisant le caractère dangereux de l'activité en cause en se fondant sur l'existence des procédures mises en place par l'employeur pour préserver la santé et la sécurité du salarié et du protocole de soins en cas d'accident, la cour d'appel a violé l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet ;

2°/ que la notion de travaux dangereux au sens de l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet impose une exposition fréquente et régulière du salarié au risque indemnisé ; qu'en se bornant à énoncer que si les procédures mises en place par l'employeur visaient à préserver la santé et la sécurité du salarié, il apparaissait qu'elles minimisaient le risque de danger mais ne le supprimaient pas totalement, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la fréquence et l'intensité de l'exposition du salarié au danger, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3.14 de la convention collective susvisée ;

3°/ qu'en retenant que l'employeur reconnaissait dans ses écritures que les principaux risques statistiques liés à l'activité DASRI résultaient à 93,33 % de la manutention des déchets (manutention manuelle, port de charges et risques d'infection) et des chutes et chocs des agents, cependant que ce pourcentage concernait tant les activités de collecte et de transport que les activités de conditionnement des DASRI, la cour d'appel, qui n'a pas précisé la proportion de risques qui se rattachait à la seule activité spécifique de collecte et de transport des DASRI, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet ;

4°/ subsidiairement, que l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet dispose que ce sont les entreprises qui définiront, en tenant compte le cas échéant de leurs particularités, des majorations de salaire pour les travaux pénibles et dangereux ; qu'il en résulte que l'employeur a seul le pouvoir de définir, pour le passé et à plus forte raison pour l'avenir, les activités dangereuses et, le cas échéant, les majorations de salaire pour les travaux pénibles et dangereux ; qu'en condamnant la société Proserve DASRI à régler au salarié « une majoration de salaire d'un montant mensuel de 70 euros outre les congés payés du 1er mars 2018 jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié » (activité de collecte et de transport des DASRI), la cour d'appel, qui s'est substituée à l'employeur, tant pour le passé que pour l'avenir, a violé l'article 3.14 de la convention collective susvisée ;

5°/ encore plus subsidiairement, que l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet dispose que les entreprises définiront, en tenant compte le cas échéant de leurs particularités, des majorations de salaire pour les travaux pénibles et dangereux ; que pour retenir « comme correspondant à la juste indemnisation du travail dangereux prévue à l'article 3.14 de la convention collective susvisée, une augmentation de salaire mensuelle de 70 euros », la cour d'appel s'est fondée sur le bulletin de salaire d'un salarié de la société Sita Nord-Est, et sur le bulletin de salaire d'un ancien salarié de la société Veolia, contrats transférés à la société Proserve DASRI en application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en se fondant, pour fixer le montant de la majoration litigieuse, sur la situation d'autres entreprises et en s'abstenant de tenir compte des particularités de la société Proserve DASRI, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3.14 de la convention collective susvisée ;

6°/ encore plus subsidiairement, que le salaire n'est dû que dans la mesure du travail effectivement accompli par le salarié ; qu'en refusant « de limiter le montant de l'augmentation de salaire « par jour travaillé » ", et en retenant « une augmentation de salaire mensuelle » forfaitaire, quand elle constatait que la majoration de salaire pour travaux dangereux était « versée en contrepartie du travail réalisé par les salariés » la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que la majoration de salaire aurait dû être indexée en fonction du temps de travail effectif et du temps réel d'exposition au prétendu risque, a violé les articles L. 1221-1 et L. 3221-3 du code du travail. »

8. Par son premier moyen, la société Suez RV Île-de-France fait grief aux arrêts de dire que les sociétés Suez RV Ile-de-France et Proserve DASRI sont redevables à l'égard des salariés du règlement de la majoration de salaire prévue par l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet, pour la période allant jusqu'au 28 février 2018 pour la première, et à compter du 1er mars 2018 jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié pour la seconde, de la condamner en conséquence à régler aux salariés une majoration de salaire jusqu'au 28 février 2018 dans la limite de la prescription, une somme à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, de la condamner en conséquence à verser au syndicat général des transports CFDT du nord-ouest francilien une somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, alors :

« 1°/ que l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités de déchets du 11 mai 2000 dispose que « conformément aux dispositions légales, les entreprises définiront, en tenant compte le cas échéant de leurs particularités, des majorations de salaire pour les travaux pénibles et dangereux. Ces majorations s'ajouteront le cas échéant à celles prévues par la présente convention collective » ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que si la dangerosité des déchets d'activités de soins à risque infectieux (DASRI) est admise par toutes les parties, elle ne rend pas nécessairement elles-mêmes dangereuses les activités de collecte et de transport de ces déchets ; que la cour d'appel a relevé que l'employeur justifiait d'un ensemble de mesures visant à préserver la santé et la sécurité des salariés - formation du salarié sur les déchets spéciaux, consignes de sécurité prodiguées par l'entreprise, protocoles à respecter, véhicules adaptés, équipements de protection individuelle obligatoires, contrôle de conformité, contenants spécifiques hermétiques, et enfin, autorisation donnée au salarié de refuser une collecte d'emballages non conformes, non verrouillés ou non identifiés - qui « minimisaient » le risque de danger ; qu'en jugeant que ces activités constituaient néanmoins des travaux dangereux au sens de la disposition conventionnelle précitée au motif inopérant que le risque de blessures et d'entrée en contact avec les déchets n'était pas « totalement supprimé » par les mesures applicables dans l'entreprise, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé que les activités en cause constituaient des travaux présentant des risques plus importants que les autres activités visées par la convention collective, voire même que toute autre activité professionnelle pour laquelle il n'existe pas de risque nul, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités de déchets du 11 mai 2000 ;

2°/ qu' interdiction est faite au juge de dénaturer les conclusions des parties ; que dans ses écritures d'appel, l'employeur, sur la base d'un tableau statistique figurant dans le rapport Progexa produit par la partie adverse faisait valoir que « sur les 30 accidents du travail répertoriés sur une période de 3 ans, 93,33 % sont liés à la manutention, des chocs ou des chutes de plein pied.

Les principaux risques statistiques liés à l'activité de collecte DASRI sont donc à part égale, liés à la manutention ou aux chutes.

Le risque prégnant est donc très loin d'être biologique » ; que le tableau auquel il se référait précisait en effet que 50 % des accidents étaient liés à des chutes ou des chocs de plein pied et 43,33 % d'entre eux à la manutention, le rapport précisant sur ce point que les accidents de manutention se traduisaient par des douleurs ressenties pendant le port de charge ; que dès lors en affirmant que « l'employeur reconnaît dans ses écritures que les principaux risques statistiques liés à l'activité DASRI résultent à 93,33 % de la manutention des déchets (manutention manuelle, port de charges et risques d'infection) et des chutes et chocs des agents » pour en déduire que les activités de collecte et de transport des DASRI constituaient des travaux dangereux, lorsque l'employeur soulignait au contraire que les risques d'infection n'étaient pas inclus dans ces 93,33 %, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions d'appel en violation du principe susvisé ;

3°/ que les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que les salariés sollicitaient la condamnation de leur employeur à leur verser une « prime pour travaux dangereux » ; qu'en condamnant la société Suez RV Île-de-France à leur verser « une majoration de salaire » d'un montant mensuel de 70 euros, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4°/ qu'à supposer que la cour d'appel ait accordé une majoration de salaire prenant la forme d'une prime, la société lui demandait de préciser si cette prime était due uniquement pour les périodes de travail ou bien y compris en cas de périodes de suspension du contrat de travail, et rappelait à cet égard que si la prime était due périodes de travail et de congés confondues, elle ne pouvait rentrer dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés que la cour d'appel a constaté que « la prime litigieuse est versée en contrepartie du travail réalisé par les salariés et destinée à compenser la sujétion permanente liée au caractère dangereux de leurs missions » et a assorti sa condamnation d'une indemnité de congés payés ; qu'en statuant ainsi sans toutefois préciser, comme elle y était invitée, que la prime devait être proratisée en fonction des seules périodes travaillées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3-14 de la convention collective des activités de déchets du 11 mai 2000 ;

5°/ que la société Suez RV Île-de-France faisait valoir que la prime de 70 euros versée au sein de la société Sita Nord-Est l'avait été en vertu d'un accord de fin de conflit qui ne faisait pas référence à l'article 3-14 de la convention collective, l'accord prévoyant le versement d'une « prime chauffeur Das » en contrepartie de la compétence particulière requise pour la collecte des déchets d'activités de soins, qui n'est pas reconnue par la convention collective ; qu'en jugeant que cette prime donnait une indication pour fixer le montant de la majoration due en application de l'article 3-14 de la convention collective à 70 euros, sans répondre à ce moyen péremptoire établissant que la prime chauffeur DAS n'avait pas le même objet que la majoration prévue par la convention collective, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte de l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet du 11 mai 2000, que conformément aux dispositions légales, les entreprises définiront, en tenant compte le cas échéant de leurs particularités, des majorations de salaire pour les travaux pénibles ou dangereux.

Ces majorations s'ajouteront, le cas échéant, à celles prévues par la présente convention collective.

10. Après avoir relevé que le caractère dangereux des produits collectés -aiguilles, seringues, lancettes, cathéters, pansements, gants souillés, poches de sang vides, déchets anatomiques humains, déchets présentant un risque infectieux- n'était pas contesté, la cour d'appel, qui a constaté que les mesures de prévention mises en place par l'employeur ne supprimaient pas le danger, a, hors toute dénaturation, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches inopérantes, pu décider que l'activité de collecte, de manipulation et de transport des contenants de ces produits était une activité à risque spécifique, et que les salariés qui y étaient affectés effectuaient un travail dangereux, leur ouvrant droit à la majoration de salaire prévue par la convention collective en contrepartie du travail effectué, majoration, dont elle a, après avoir constaté la carence de l'employeur, et exerçant son office, fixé le montant au vu des éléments fournis par les parties.

11. Les moyens ne sont en conséquence pas fondés.

12. Le rejet du premier moyen du pourvoi incident rend sans portée la première branche du deuxième moyen et le troisième moyen du même pourvoi pris d'une cassation par voie de conséquence.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Van Ruymbeke - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet du 11 mai 2000.

Soc., 23 mars 2022, n° 20-18.681, n° 20-18.682, n° 20-18.683, n° 20-18.684, (B), FS

Cassation

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 – Accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel – Avenant du 28 janvier 2011 – Articles 1 et 2.3.2 – Reprise de marché – Modalités de transfert des salariés – Périmètre sortant – Détermination – Portée

Le périmètre sortant auquel s'applique l'obligation de reprise du personnel pesant sur l'entreprise entrante en application des articles 1 et 2.3.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 est celui du marché transféré donnant lieu au renouvellement de prestataire. L'obligation de reprise des contrats de travail ne s'impose pas au nouveau prestataire lorsque le renouvellement ne porte pas sur le marché auquel les salariés étaient affectés.

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 – Accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel – Avenant du 28 janvier 2011 – Articles 1 et 2.3.2 – Reprise de marché – Renouvellement de prestataire – Périmètre de l'obligation de transfert de contrat de travail – Cas – Marché auquel les salariés sont affectés

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-18.681, 20-18.682, 20-18.683 et 20-18.684 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 20 mai 2020) et les productions, les salariés engagés par la société Métiers des services de sécurité (M2S sécurité) exerçaient en dernier lieu les fonctions d'agent cynophile et étaient exclusivement affectés sur le site de l'ensemble immobilier du centre urbain de la tour à [Localité 7].

3. Ils se sont vu notifier le 18 septembre 2015 par leur employeur le transfert de leur contrat de travail à la société GG sécurité privée, en application des dispositions conventionnelles de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985.

4. La société GG sécurité privée, ayant refusé de reprendre leur contrat, ils ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à voir imputer la rupture de fait de leur contrat de travail, à titre principal, à la société GG sécurité privée et, à titre subsidiaire, à la société M2S sécurité et à obtenir le paiement de diverses sommes à ce titre.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société GG sécurité privée fait grief aux arrêts de mettre hors de cause la société M2S sécurité, de dire que le licenciement des salariés concernés était dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à leur payer une indemnité de préavis, une indemnité de congés payés, une indemnité de licenciement ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que les obligations de reprise du personnel dans les conditions de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, s'appliquent au périmètre sortant tel que défini à l'article 1er, selon lequel par les termes de « périmètre sortant », il faut entendre à la fois le volume de prestations et la configuration des métiers, emplois, qualifications de l'ensemble des effectifs réalisant celles-ci, tels que ces deux éléments conjugués existaient précédemment à la consultation en vue du renouvellement du prestataire ; qu'il en résulte qu'en cas de renouvellement partiel d'un marché, le périmètre sortant soumis à l'obligation de reprise du personnel s'entend de la seule partie renouvelée et attribuée à un nouveau prestataire ; qu'en l'espèce, la société GG sécurité privée faisait valoir qu'en septembre 2015, la ville de [Localité 7] a décidé que la surveillance du « centre commercial de [Localité 7]" ne relevait plus de sa mission publique de sécurisation » et ainsi « purement et simplement retiré ce site des marchés publics avant de lancer les appels d'offres », en sorte que l'accord conventionnel de reprise du personnel n'était pas applicable aux « salariés de la société M2S sécurité affectés exclusivement à la surveillance du site du « centre commercial » retiré des marchés et des appels d'offres » ; qu'en retenant que « le fait que la ville de [Localité 7] ait décidé de réduire le périmètre du marché entrant ou repris (...) ne saurait permettre à la société GG sécurité privée d'échapper à ses obligations conventionnelles de reprise de la totalité des salariés transférables affectés au périmètre sortant », cependant qu'en cas de différence entre le périmètre entrant et le périmètre sortant, l'obligation de reprise du personnel ne concerne que les salariés affectés au périmètre entrant, la cour d'appel a violé les articles 1 et 2.3.3 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1er et 2.3.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 :

6. Selon ces textes, les obligations de reprise du personnel pesant sur l'entreprise entrante s'appliquent au périmètre sortant défini comme le volume de prestations et la configuration des métiers, emplois, qualifications de l'ensemble des effectifs réalisant celles-ci, tels que ces deux éléments conjugués existaient précédemment à la consultation en vue du renouvellement du prestataire. Il n'y a pas lieu de prendre en compte une éventuelle modification du volume ou des qualifications professionnelles requises au sein du périmètre entrant.

7. Il en résulte que le périmètre sortant est celui du marché transféré donnant lieu au renouvellement de prestataire et que l'obligation de reprise des contrats de travail ne s'impose pas au nouveau prestataire lorsque le renouvellement ne porte pas sur le marché auquel les salariés étaient affectés.

8. Pour mettre hors de cause la société sortante et condamner la société entrante à diverses sommes au titre de la rupture de leur contrat de travail, les arrêts retiennent d'abord que le périmètre sortant était composé du gardiennage de l'ensemble immobilier du centre commercial de la tour (lot n° 1) et de la sécurisation des biens communaux et des manifestations publiques (lot n° 2) et ensuite que la société entrante est devenue attributaire du marché relatif au gardiennage et à la sécurisation des bâtiments communaux et des manifestations publiques, relevant précisément du périmètre sortant.

9. Ils ajoutent que le fait que la ville de [Localité 7] ait décidé de réduire le périmètre du marché entrant ou repris avant de le rétablir dix mois plus tard ne saurait permettre à la société entrante d'échapper à ses obligations conventionnelles de reprise de la totalité des salariés transférables affectés au périmètre sortant.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le marché attribué à la société entrante ne concernait pas les missions de gardiennage de l'ensemble immobilier du centre commercial de la tour auxquelles étaient exclusivement affectés les salariés, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 20 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Marguerite - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Boullez ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles 1 et 2.3.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 de l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985.

Soc., 2 mars 2022, n° 19-25.616, (B), FS

Rejet

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 – Article 23 – Rémunération – Appointements minima garantis – Calcul – Assiette – Nombre de jours effectivement travaillés par rapport au forfait en jours – Absence pour maladie – Détermination – Portée

Fait l'exacte application des dispositions l'article 23 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 la cour d'appel qui, pour déterminer les appointements minima garantis a tenu compte du nombre de jours effectivement travaillés par rapport au forfait de deux cent treize jours prévu par la convention individuelle.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 27 septembre 2019), M. [I] a été engagé à compter du 28 avril 1980 par la société Technal France, aux droits de laquelle vient la société Hydro Building Systems France (la société), en qualité de contrôleur technique.

Par avenant du 9 mars 2000, une convention de forfait en jours a été conclue.

2. Le 30 avril 2014, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation de son contrat de travail.

3. Le salarié a été licencié le 4 août 2014.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, de dire qu'aucune somme n'est due au titre de rappel de salaire de salaire, de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes en rappels de salaires et congés payés et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'il ressort de l'article 23 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 que les appointements minima garantis comprennent les éléments permanents de la rémunération, y compris les avantages en nature ; qu'ils ne comprennent pas les libéralités à caractère aléatoire, bénévole ou temporaire ; qu'en application de l'article 24 de la convention collective précitée, les ingénieurs et cadres sont le plus souvent rémunérés selon un forfait déterminé en fonction de leur responsabilité ; qu'en raison des conditions particulières dans lesquelles s'exerce leur activité professionnelle, les appointements des ingénieurs et cadres sont fonction de leur niveau de responsabilité plus que de leur temps de présence à l'intérieur des entreprises ; qu'en application de l'article 16 de la convention collective précitée, après un an de présence dans l'entreprise, en cas d'absence pour maladie, l'employeur doit compléter les indemnités journalières versées par les organismes de sécurité sociale et par un régime complémentaire de prévoyance, pour assurer à l'intéressé des ressources égales à tout ou partie de ses appointements mensuels ; que par ailleurs, à défaut de précision contraire prévue par la convention collective, le retrait d'un jour de réduction de temps de travail en raison d'une absence pour maladie est interdit ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque le salarié a bénéficié d'un maintien intégral de sa rémunération en cas d'arrêt maladie, l'employeur étant subrogé dans les droits du salarié pour obtenir le versement des indemnités de la sécurité sociale, les journées d'absence pour maladie du salarié ne doivent pas être déduites du décompte annuel des jours travaillés lorsqu'il convient de procéder à la comparaison entre la rémunération annuelle du salarié et la rémunération annuelle minimale conventionnelle ; qu'en l'espèce, la société Hydro Building prétendait que les absences du salarié pour maladie devaient être déduites de son décompte annuel de jours travaillés et que le salaire perçu devait être proratisé compte tenu de ces absences, afin de vérifier si le salaire minimal prévu par la convention collective avait été perçu par le salarié ; que l'employeur faisait ainsi valoir que le salarié n'avait travaillé que 211 jours en 2012, 206 jours en 2013 et 91,5 jours en 2014 ; que la cour d'appel, pour procéder à la comparaison entre le salaire perçu par le salarié et le salaire minimal prévu par la convention collective, a fait droit à la demande de l'employeur et a donc déduit du décompte annuel des jours travaillés par le salarié des périodes où le salarié était absent en arrêt maladie ; qu'en statuant ainsi, tandis que les journées d'absences pour maladie du salarié ne doivent pas être déduites du décompte annuel des jours travaillés lorsqu'il convient de procéder à la comparaison entre la rémunération annuelle du salarié et la rémunération annuelle minimale conventionnelle, la cour d'appel a violé les articles 16, 23 et 24 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 23 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972, les appointements minima garantis comprennent les éléments permanents de la rémunération, y compris les avantages en nature. Ils ne comprennent pas les libéralités à caractère aléatoire, bénévole ou temporaire. Il en résulte que les sommes versées pendant les périodes de suspension du contrat de travail en application de l'article 16 de ladite convention collective, pour compléter les indemnités journalières versées par les organismes de sécurité sociale et par un régime complémentaire de prévoyance, n'entrent pas dans l'assiette de détermination des appointements minima garantis.

7. La cour d'appel, qui, pour déterminer les appointements minima garantis, a tenu compte du nombre de jours effectivement travaillés par rapport au forfait de deux cent treize jours, a fait l'exacte application des dispositions conventionnelles.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 23 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

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