Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

2e Civ., 17 mars 2022, n° 20-19.131, (B), FRH

Rejet

Faute inexcusable de l'employeur – Indemnisations complémentaires – Recours de la caisse contre l'employeur – Limites – Détermination – Portée

Si la caisse primaire d'assurance maladie est fondée, en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, à récupérer auprès de l'employeur le montant de la majoration de la rente d'accident du travail attribuée à la victime en raison de la faute inexcusable de l'employeur, son action ne peut s'exercer que dans les limites tenant à l'application du taux notifié à celui-ci conformément à l'article R. 434-32 du même code.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 juin 2020), par décision du 29 janvier 2014, la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 4] (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident déclaré par M. [L] (la victime), salarié de l'association [3] (l'employeur).

Les lésions relatives à cet accident ont été déclarées consolidées le 25 février 2015 avec attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 15 %, notifié à l'employeur le 18 mai 2015. Après avis du service médical, ce taux a été réévalué et porté rétroactivement à 22 %, par décision du 24 août 2015, notifiée à la victime.

2. La victime a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de limiter son action récursoire à l'encontre de l'employeur au titre de la rente majorée au taux d'incapacité permanente partielle de 15 %, alors « que la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur implique que les compléments de rente et les indemnités versées au titre notamment d'une aggravation de l'état de la victime fassent l'objet d'une indemnisation complémentaire que la caisse est en droit de récupérer auprès de l'employeur ; qu'en affirmant que la caisse ne pouvait exercer son action récursoire à l'encontre de l'employeur, dont la faute inexcusable a été reconnue dans l'accident survenu à son salarié, que sur la base du taux d'IPP initialement fixé à 15 % et non sur la base du taux révisé de 22 %, la cour d'appel a violé les articles L. 452-3 et L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

4. Si la caisse primaire d'assurance maladie est fondée, en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, à récupérer auprès de l'employeur le montant de la majoration de la rente d'accident du travail attribuée à la victime en raison de la faute inexcusable de l'employeur, son action ne peut s'exercer que dans les limites tenant à l'application du taux notifié à celui-ci conformément à l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale.

5. Dès lors, l'arrêt a exactement décidé que la caisse ne peut exercer son action récursoire à l'encontre de l'employeur que sur la base du taux d'incapacité permanente partielle de 15 % notifié à ce dernier le 18 mai 2015.

6. Le moyen n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 452-2 et R. 434-32 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 17 mars 2022, n° 20-20.878, (B), FRH

Cassation

Maladies professionnelles – Retrait des coûts moyens du compte employeur – Refus d'inscription au compte spécial – Décision de la caisse régionale – Recours – Cour d'appel d'Amiens spécialement désignée – Compétence – Compétence exclusive

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 20 août 2020), M. [H] (le salarié), ancien salarié de la société [4] (la société), du 12 décembre 1988 au 11 avril 2003, en qualité de maçon et chef d'équipe, avant son départ à la retraite, a établi le 8 février 2018 une déclaration de maladie professionnelle pour un mésothéliome malin de la plèvre que la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] a pris en charge au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles.

2. Après que l'incidence financière de cette maladie ait été inscrite à son compte employeur, la société a fait assigner, le 5 novembre 2019, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de [Localité 3] (la caisse), devant la juridiction de la tarification, afin d'obtenir que les conséquences financières de la maladie professionnelle déclarée par le salarié soient inscrites au compte spécial.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de déclarer son recours mal fondé et de dire que la cour est incompétente pour juger de ce litige, alors « que la contestation par l'employeur d'une décision de prise en charge d'une maladie sur le fondement d'un tableau de maladie professionnelle devant la juridiction du contentieux général peut uniquement porter sur la régularité de la décision de prise en charge et son bien-fondé au regard des conditions du tableau ; que relève en revanche de la compétence du juge de la tarification la contestation du dernier employeur portant, non pas sur le bien-fondé de la décision de prise en charge, mais sur le fait que celle-ci ne résulte pas d'une exposition au risque au sein l'un de ses établissements, de sorte que les dépenses afférentes doivent être retirées de son compte employeur ; qu'au cas présent, la société, qui ne contestait pas le caractère professionnel de la maladie du salarié devant la cour d'appel d'Amiens, demandait le retrait de son compte employeur des dépenses afférentes à son affection au motif que le salarié n'avait pas été exposé au risque d'inhalation de poussières d'amiante au cours de sa carrière professionnelle au sein de son entreprise, et que sa maladie résultait exclusivement de son exposition au risque pour le compte d'employeurs précédents ; qu'en déboutant la société de son recours au motif qu'« elle ne justifie pas d'un recours près du contentieux général de la sécurité sociale ayant pourtant toute compétence pour juger de ce litige », la cour d'appel a violé les articles L. 142-1 et L. 143-1 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige, ensemble les articles 4 du code civil, 12 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 142-1, L. 142-2, 4°, R. 242-6-5 du code de la sécurité sociale, 4 du code civil et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Il résulte des trois premiers de ces textes, dans leur rédaction applicable au litige, que la cour d'appel spécialement désignée par les articles L. 311-16 et D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire pour connaître du contentieux de la tarification est compétente pour statuer sur le recours d'un employeur contre la décision d'une caisse de refus d'inscription des coûts moyens d'une maladie professionnelle au compte spécial prévu au troisième texte.

5. Pour déclarer le recours de l'employeur mal fondé et dire que la cour d'appel est incompétente pour juger de ce litige, l'arrêt énonce que les contestations relatives à l'opposabilité à l'égard de l'employeur de la décision de prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle, doivent être portées devant la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie puis, devant les juridictions de la sécurité sociale compétentes. Il constate que la société fait valoir qu'aucune exposition au risque de la maladie en son sein n'a été démontrée par la caisse primaire d'assurance maladie et qu'elle n'est pas l'exposante au risque de l'amiante. Il relève que la société, au soutien de son argumentaire, ne produit que son recours auprès de la caisse relatif à la contestation de l'imputation sur son compte employeur 2018 et fondant sa demande sur l'article 2, 3°, de l'arrêté du 16 octobre 1995, ainsi que son compte employeur pour les années concernées. Il en déduit que la société ne justifiant pas d'un recours auprès des juridictions de la sécurité sociale, elle échoue dans l'administration de la preuve et que la cour n'est pas compétente pour juger de ce litige.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'un recours relevant de sa compétence, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 août 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 142-1, L. 142-2, 4°, et R. 242-6-5 du code de la sécurité sociale ; articles L. 311-16 et D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire ; article 4 du code civil ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

Avis de la Cour de cassation, 13 mars 2020, n° 19-70.021 (non-lieu à avis).

2e Civ., 17 mars 2022, n° 20-19.294, (B), FS

Cassation

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Irrégularité de la procédure d'instruction – Sanction – Inopposabilité de la décision de prise en charge

Il résulte des articles L.461-1, R.441-11 et R.441-14 du code de la sécurité sociale qu'au soutien de son action aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, l'employeur ne peut se prévaloir que de l'irrégularité de la procédure d'instruction conduite par la caisse ou de l'absence de caractère professionnel de cette pathologie.

Le défaut d'imputabilité à l'employeur de la maladie professionnelle qui n'a pas été contractée à son service n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge.

Toutefois, l'employeur peut contester cette imputabilité si sa faute inexcusable est recherchée ou si les conséquences financières de la maladie sont inscrites à son compte accidents du travail et maladies professionnelles.

Viole ces textes l'arrêt qui déclare inopposable à l'employeur la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie, au motif que celle-ci ne lui est pas imputable.

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Irrégularité de la procédure d'instruction – Sanction – Distinction entre opposabilité et imputabilité

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Décision de la caisse – Opposabilité à l'employeur – Effets – Contestation de l'imputabilité ou du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Possibilité (oui)

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Décision de la caisse – Opposabilité à l'employeur – Conditions

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 février 2020), Mme [F] (la victime), salariée de la société [4] (l'employeur), a souscrit le 13 septembre 2011 une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d'un certificat médical du 9 septembre 2011 faisant état d'une périarthrite scapulo-humérale de l'épaule droite (sous épineux).

3. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (la caisse) ayant pris en charge le 6 mars 2012 cette pathologie au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer la décision de prise en charge de la maladie professionnelle inopposable à l'employeur, alors « 2°/ que dès lors que les conditions de prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle sont remplies à l'égard d'un employeur, ce dernier ne peut solliciter son inopposabilité en invoquant le fait que la pathologie est apparue à une époque où la victime n'était pas son salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la victime aurait été exposée au risque du tableau n° 57 des maladies professionnelles en 2000, auprès d'un autre employeur, pour ensuite affirmer que la caisse ne justifiait pas du report de neuf ans de la date de première constatation médicale et ainsi déclarer la décision de la caisse de prise en charge de cette maladie inopposable à l'employeur ; qu'en statuant ainsi quand la circonstance que la pathologie de la victime soit apparue antérieurement à son embauche par l'employeur ne permettait pas d'en tirer l'inopposabilité à l'égard de ce dernier de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 461-1, L. 461-2, R. 441-11 et R. 441-13 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 461-1, R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ces deux derniers dans leur rédaction applicable au litige :

5. Il résulte de ces textes qu'au soutien de son action aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, l'employeur ne peut se prévaloir que de l'irrégularité de la procédure d'instruction conduite par la caisse ou de l'absence de caractère professionnel de cette pathologie.

6. Le défaut d'imputabilité à l'employeur de la maladie professionnelle qui n'a pas été contractée à son service n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge.

7. Toutefois, l'employeur peut contester cette imputabilité si sa faute inexcusable est recherchée ou si les conséquences financières de la maladie sont inscrites à son compte accidents du travail et maladies professionnelles.

8. Pour déclarer la décision de prise en charge inopposable à l'employeur, l'arrêt relève que la déclaration de maladie professionnelle ainsi que le certificat médical initial du 9 septembre 2011 fixaient la date de première constatation médicale au 12 décembre 2000 tandis que l'avis du médecin-conseil visant le tableau n° 57 mentionnait le 5 février 2009 comme date de première constatation. Il ajoute qu'en 2000, la salariée travaillait chez un autre employeur, chez lequel elle indiquait avoir aussi été exposée à des gestes répétitifs des bras en élévation. Il en déduit qu'en l'absence de justification du report de neuf ans de la date de première constatation médicale, la caisse ne justifie pas des conditions du tableau n° 57 vis-à-vis de l'employeur.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Cassignard - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Articles L. 461-1, R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 décembre 2013, pourvoi n° 12-19.995, Bull. 2013, II, n° 245 (cassation sans renvoi).

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