Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

SECURITE SOCIALE

Soc., 30 mars 2022, n° 20-15.022, n° 20-17.230, (B), FS

Cassation partielle

Cotisations – Assiette – Contributions destinées au financement des régimes complémentaires de retraite et de prévoyance – Obligation exclusive de l'employeur – Exécution – Modalités – Affectations à diverses garanties – Affectation prioritaire – Prise en compte – Détermination – Portée

L'obligation à la charge exclusive de l'employeur de cotiser en matière de prévoyance à hauteur de 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale, prévue à l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et reprise par l'accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017 qui s'y substitue, est satisfaite dès lors que l'employeur affecte prioritairement sa cotisation obligatoire de 1,50 % à la couverture décès, peu important qu'une partie de sa cotisation serve au financement de la garantie frais de santé.

Dès lors fait une exacte application de ces dispositions conventionnelles la cour d'appel qui relevant qu'elles n'excluent pas les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l'employeur et que seule est prévue une affectation prioritaire de la cotisation à la couverture décès, retient que pour vérifier que l'employeur respecte son obligation de cotiser en matière de prévoyance à hauteur de 1,50 %, il doit être tenu compte de la cotisation patronale versée pour le financement de la garantie frais de santé.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-15.022 et 20-17.230 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 février 2020), les sociétés Sopra Steria Group, Sopra Steria Infrastructure & Security Services, Sopra HR Software, Sopra Banking Software, Beamap et Axway Software (les sociétés employeurs) qui exercent des activités de prestations de services en matière informatique, constituent l'unité économique et sociale Sopra Steria (l'UES).

La convention collective applicable à l'ensemble des salariés de l'UES est celle des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.

3. Le syndicat Avenir Sopra Steria (le syndicat) a par assignations des 8 et 20 décembre 2016 saisi le tribunal de grande instance de diverses demandes relatives, notamment, au minimum salarial nécessaire en matière de convention de forfait en heures, aux cotisations employeur minimales en matière de prévoyance, aux cotisations de retraite complémentaire et aux frais de déplacement des salariés.

Le syndicat Solidaires informatique et la fédération CFDT communication conseil, culture sont intervenus volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le quatrième moyen du pourvoi n° 20-17.230 des sociétés employeurs, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi n° 20-15.022 du syndicat

Enoncé du moyen

5. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes fondées sur le non-respect du minimum salarial pour les salariés en modalité 2 prévue par la convention Syntec et, en conséquence, de le débouter de ses demandes tendant à faire condamner les sociétés employeurs en raison de leur non-respect des dispositions de l'accord du 22 juin 1999 sur la durée du travail en ce qu'elles ont fait application de la modalité 2 prévue par ces dispositions à des salariés dont la rémunération était inférieure au plafond de la sécurité sociale, ordonner sous astreinte qu'il soit interdit à l'employeur d'appliquer la modalité 2 dite « réalisation de missions » aux salariés dont la rémunération est inférieure au plafond de la sécurité sociale et ce, tant que leur rémunération ne sera pas au moins égale à ce plafond, ordonner qu'en toute hypothèse, les conventions de forfait conclues en application de cette modalité soient inopposables à ces salariés, condamner sous astreinte les sociétés employeurs à régulariser la situation des salariés concernés en procédant au calcul et au paiement des heures supplémentaires réalisées par ces salariés au-delà de 35 heures de travail hebdomadaires dans les limites de la prescription triennale ou à leur payer le complément de salaire dû en cette période pour atteindre le plafond de sécurité sociale et condamner les sociétés employeurs à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif qu'il représente, alors :

« 1°/ que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale prévue par l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif ; que faute d'être remplie ou de ne plus être remplie, le salarié ne peut pas ou ne peut plus être soumis au forfait en heures ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait souligné que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif, a néanmoins, pour en déduire que le syndicat n'était pas fondé à soutenir que les salariés relevant des modalités 2 devaient bénéficier d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale non seulement à la date de conclusion de la convention de forfait en heures mais aussi durant toute la période de son exécution, retenu de manière inopérante que l'employeur n'était pas tenu à une indexation des salaires des intéressés sur ce plafond, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif, et non une simple condition d'entrée, violant ainsi l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 attaché à la convention collective Syntec ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel, le syndicat qui faisait valoir que tant l'accord d'entreprise du 27 mars 2000, établi du reste d'après l'accord national de branche du 22 juin 1999, que les autres accords d'entreprise sur le temps de travail signés les 31 mars 2016 et 30 juin 2016, renvoyaient aux dispositions conventionnelles en prévoyant que les salariés en modalités 2 pouvaient travailler entre 214 et 218 jours maximum par an, soutenait que ces accords qui étaient identiques à l'accord de branche, l'article 3 de la convention collective Syntec prévoyant que les salariés relevant de la modalité 2 dite « réalisation de missions » et soumis au forfait heures, ne pouvaient travailler plus de 217 jours par an pour l'entreprise, ne pouvaient donc pas prévaloir sur ce dernier, en sorte que l'employeur ne pouvait, au recrutement de la modalité 2 ou à son passage, fixer au salarié un salaire annuel inférieur au plafond de la sécurité sociale ; qu'en se bornant à considérer que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 l'accord collectif d'entreprise ou d'établissement prime sur l'accord de branche en matière de durée et d'aménagement du temps de travail, sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale prévue par l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif ; qu'en se bornant, pour débouter le syndicat de ses demandes tendant à voir condamner les sociétés employeurs en raison de leur non-respect des dispositions de l'accord du 22 juin 1999 sur la durée du travail, à se fonder sur la circonstance inopérante qu'au regard de ses productions, le syndicat ne démontrait pas que certains salariés ayant été intégrés dans le dispositif des modalités 2 « réalisation de missions », ne bénéficiaient pas à la date de leur entrée dans ce dispositif, d'un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les salariés relevant des modalités 2 bénéficiaient d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 attaché à la convention collective Syntec. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche, qui détermine préalablement les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ainsi que la durée individuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

7. Ces dispositions permettent de fixer par voie d'accord d'entreprise ou d'établissement des conditions d'éligibilité des salariés au forfait en heures sur l'année et des caractéristiques principales de ces conventions de forfait différentes de celles prévues par l'accord collectif de branche, quelle que soit la date de conclusion de l'accord de branche.

8. La cour d'appel a, d'abord, constaté que le protocole d'accord relatif à la mise en place de l'aménagement et de la réduction du temps de travail signé le 27 mars 2000 au sein de la société Steria distinguait les trois mêmes types de gestion des horaires de travail que ceux prévus par l'accord de branche du 22 juin 1999 attaché à la convention collective Syntec mais aménageait différemment le dispositif des modalités 2 dites « réalisation de missions » en prévoyant un nombre de jours de travail inférieur, fixé entre 218 et 214 jours en fonction de l'ancienneté, et en soumettant à ce dispositif, avec leur accord, les ingénieurs et cadres ne relevant pas des modalités 3 et bénéficiant d'un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale et à 115 % du minimum conventionnel de leur catégorie.

9. Elle a, ensuite, relevé qu'à la suite des opérations de fusion, les sociétés de l'UES, qui avaient accueilli en leur sein des salariés de la société Steria relevant des modalités 2, avaient maintenu ce dispositif pour ces seuls salariés dans le cadre de plusieurs accords de substitution et d'adaptation conclus avec les organisations syndicales représentatives les 31 mars et 30 juin 2016.

10. Elle a retenu, à bon droit, que ces accords d'entreprise n'avaient pas pour objet de fixer la rémunération minimale des salariés et qu'ils primaient l'accord de branche en matière d'aménagement du temps de travail.

11. Elle a ajouté que le syndicat ne démontrait pas que certains salariés avaient été intégrés dans le dispositif des modalités 2 alors qu'ils ne bénéficiaient pas d'un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale.

12. Elle en a exactement déduit, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants visés au moyen pris en sa première branche et sans être tenue de répondre aux conclusions ni de procéder à la recherche que ses constatations rendaient inopérantes, que le syndicat devait être débouté de ses demandes tendant à obtenir la condamnation des sociétés employeurs pour avoir fait application des modalités 2 à des salariés dont la rémunération annuelle n'était pas au moins égale au plafond de la sécurité sociale.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi n° 20-15.022 du syndicat

Enoncé du moyen

14. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes fondées sur le non-respect de l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et, en conséquence, de le débouter de ses demandes tendant à faire condamner les sociétés employeurs en raison de leur non-respect du taux minimum de 1,5 % fixé pour les cotisations employeurs versées pour la tranche A de salaire de chaque salarié cadre, condamner ces sociétés à régulariser les cotisations employeurs à 1,5 % pour la tranche A dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision sous astreinte et condamner les mêmes solidairement à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi, alors :

« 1°/ que l'article 7, relatif aux avantages en matière de prévoyance, de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 dispose que les employeurs s'engagent à verser, pour la prévoyance de leurs salariés cadres et assimilés, une cotisation à leur charge exclusive, égale à 1,5 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale ; qu'en énonçant, pour débouter le syndicat de sa demande, que ni la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, ni l'ANI relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017 qui la substituait, n'excluaient les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l'employeur, seule étant prévue une affectation prioritaire de sa cotisation à la couverture décès, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ;

2°/ que l'article 7, relatif aux avantages en matière de prévoyance, de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 dispose que les employeurs s'engagent à verser, pour la prévoyance de leurs salariés cadres et assimilés, une cotisation à leur charge exclusive, égale à 1,5 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale ; qu'en affirmant que ni la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, ni l'ANI relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017 qui la substituait, n'excluaient les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l'employeur, tout en constatant que le législateur en 2013 avait distingué les frais de santé et les « risques lourds » lorsqu'il avait entériné le dispositif institué par l'ANI du 11 janvier 2013 en rendant obligatoire, à compter du 1er janvier 2016, la couverture en matière de remboursement de frais de santé pour les salariés, de même que dans le dispositif conventionnel Syntec, comme l'accord du 27 mars 1997 pour les garanties décès, incapacité, invalidité et l'accord du 7 octobre 2015 instaurant une couverture minimum de branche en matière de complémentaire santé précisément en application de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, ce dont il résultait que les avantages de prévoyance financés par l'employeur ne comprenaient pas les frais de santé, la cour d'appel a de nouveau violé, par fausse interprétation, l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947. »

Réponse de la Cour

15. Ayant relevé que l'obligation à la charge exclusive de l'employeur de cotiser en matière de prévoyance à hauteur de 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale avait été reprise telle quelle par l'accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017, étendu par arrêté du 27 juillet 2018, que les partenaires sociaux avaient conclu dans le cadre de la fusion de l'Agirc et de l'Arrco et constaté que ni cette convention collective ni l'ANI qui la substituait n'excluaient les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l'employeur, seule étant prévue une affectation prioritaire de la cotisation à la couverture décès, la cour d'appel en a exactement déduit que, pour vérifier si l'employeur respectait son obligation de cotiser en matière de prévoyance à hauteur de 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale, il devait être tenu compte de la cotisation patronale versée pour le financement de la garantie frais de santé.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi n° 20-17.230 des sociétés employeurs

Enoncé du moyen

17. Les sociétés employeurs font grief à l'arrêt d'annuler l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoyait aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements étaient supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence et de condamner la société Sopra Steria Group à payer au syndicat, au syndicat Solidaires informatique et à la Fédération communication, conseil, culture CFDT une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation de l'article 50 de la convention collective Syntec, alors :

« 1°/ que les stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec, qui prévoient que « les déplacements hors du lieu de travail habituel nécessités par le service ne doivent pas être pour le salarié l'occasion d'une charge supplémentaire ou d'une diminution de salaire », que « l'importance des frais dépend du lieu où s'effectuent les déplacements, ils ne sauraient être fixés d'une façon uniforme », qu' « ils seront remboursés de manière à couvrir les frais d'hôtel et de restaurant du salarié » et qu' « ils ne pourront faire l'objet d'un forfait préalablement au départ, soit par accord particulier, soit par règlement spécifique approprié », ne sont applicables qu'aux déplacements des salariés hors de leur lieu de travail habituel nécessités par le service et, dès lors, qu'aux salariés ayant un lieu de travail habituel ; qu'en énonçant, par conséquent, pour annuler l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoyait aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence, que l'absence de tout remboursement des frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client, lorsque le client est situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié et dans le cas où les frais de déplacement sont supérieurs à ceux qu'aurait exposés le salarié pour se rendre à son lieu de travail habituel ou à son agence de rattachement, était contraire aux stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec, sans limiter cette appréciation aux seuls salariés ayant un lieu de travail habituel, quand, en se déterminant de la sorte, elle retenait que les stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec étaient applicables aux salariés n'ayant pas un lieu de travail habituel, la cour d'appel a violé les stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec ;

2°/ qu'en annulant, dans le dispositif de l'arrêt attaqué, l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoyait aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence, quand, dans les motifs de l'arrêt attaqué, elle avait énoncé, après avoir relevé que l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group prévoyait que les frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client ne sont pas remboursés lorsque le client est situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié, y compris quand les frais de déplacement sont supérieurs à ceux exposés pour se rendre à cette agence de rattachement, que l'absence de tout remboursement des frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client, lorsque le client est situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié et dans le cas où les frais de déplacement sont supérieurs à ceux qu'aurait exposés le salarié pour se rendre à son lieu de travail habituel ou à son agence de rattachement, occasionnait pour le salarié concerné une charge supplémentaire indue et était contraire aux stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif et a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

18. La cour d'appel a, d'abord, énoncé que l'article 50 de la convention collective Syntec prévoyait en ses alinéas 1 et 2 que les déplacements hors du lieu de travail habituel nécessités par le service ne devaient pas être pour le salarié l'occasion d'une charge supplémentaire ou d'une diminution de salaire, que l'importance des frais dépendait du lieu où s'effectuaient les déplacements, qu'ils ne sauraient être fixés d'une façon uniforme, qu'ils seraient remboursés de manière à couvrir les frais d'hôtel et de restaurant du salarié et qu'ils pourraient faire l'objet d'un forfait préalablement au départ, soit par accord particulier, soit par règlement spécifique approprié.

19. Elle a, ensuite, constaté que l'article 4.1.2 de la note unilatéralement établie par la société Sopra Steria Group, le 8 février 2016, mettant en oeuvre une « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels », prévoyait que, lorsque l'utilisation du véhicule personnel était acceptée par le salarié et le directeur d'entité, les frais remboursés concernaient tous les déplacements entre le domicile du collaborateur et le client, si celui-ci était situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié, ces frais étant plafonnés au trajet entre l'agence et le client, et tous les déplacements, durant la journée, entre l'agence du collaborateur et le client ou un autre site de l'entreprise, même si ces derniers étaient situés dans la zone urbaine.

20. Elle en a conclu que les frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client n'étaient pas remboursés lorsque le client était situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié et retenu que dans le cas où ces frais étaient supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre sur son lieu de travail habituel ou à son agence de rattachement, l'absence de tout remboursement, ne serait-ce que sous forme forfaitaire, occasionnait pour le salarié concerné une charge supplémentaire indue.

21. Nonobstant l'erreur matérielle que le moyen pris en sa deuxième branche ne tend, sous le couvert d'un grief de contradiction entre les motifs et le dispositif, qu'à dénoncer et qui peut, selon l'article 462 du code de procédure civile, être réparée par la Cour qui ordonnera sa rectification ci-après, la cour d'appel en a exactement déduit que l'absence de tout remboursement dans ces conditions était contraire aux dispositions conventionnelles et qu'il y avait lieu d'annuler les dispositions de la note le prévoyant.

22. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 20-17.230 des sociétés employeurs

Enoncé du moyen

23. Les sociétés employeurs font grief à l'arrêt de dire que les contreparties au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par elles, méconnaissaient en raison de leur caractère dérisoire les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, d'ordonner à la société Sopra Steria Group, à la société Sopra Steria Infrastructure & Security Services, à la société Sopra Banking Software, à la société Beamap et à la société Axway Software de mettre en place un système de contreparties déterminées, région par région, en fonction du temps normal de trajet entre le domicile du salarié et le lieu habituel de travail et de condamner in solidum la société Sopra Steria Group, la société Sopra Steria Infrastructure & Security Services, la société Sopra Banking Software, la société Beamap et la société Axway Software à payer au syndicat une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation de l'article L. 3121-4 du code du travail, alors :

« 1°/ que s'il appartient au juge de fixer la contrepartie prévue par les dispositions de l'article L. 3121-4, alinéa 2, du code du travail dans le cas où elle n'a pas été déterminée, il n'appartient pas au juge, lorsqu'une telle contrepartie a été déterminée par la voie prévue par la loi, d'en apprécier le caractère suffisant ; qu'en disant, par conséquent, que les contreparties au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par les sociétés de l'UES conformément à la loi, méconnaissaient en raison de leur caractère dérisoire les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail ;

2°/ que lorsque le salarié est itinérant, c'est-à-dire n'a pas de lieu de travail habituel et effectue des déplacements quotidiens entre son domicile et les locaux du client de son employeur, où il se rend directement depuis son domicile, sans passer par son agence de rattachement, le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, au sens des dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, est le temps normal de trajet des salariés itinérants de la région considérée entre leur domicile et les locaux des clients de leurs employeurs, et non le temps normal de trajet de tous les salariés de la région considérée entre leur domicile et leur lieu habituel de travail ; qu'en énonçant, dès lors, pour dire que les contreparties au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par les sociétés de l'UES, méconnaissaient en raison de leur caractère dérisoire les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, que, s'agissant d'un salarié itinérant, le lieu habituel de travail est défini comme étant le lieu où se situe son agence de rattachement si tant est que celle-ci se situe à une distance raisonnable de son domicile, de façon à ce que le temps de trajet ainsi défini soit équivalent au temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d'un salarié dans la région considérée, qu'à défaut, le surtemps de trajet doit être déterminé en fonction du temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d'un salarié dans la région considérée, que les compensations accordées par la société Sopra Steria Group étaient déconnectées de ces temps normaux de trajet et que la « franchise », c'est-à-dire le temps de déplacement excédentaire non indemnisé, de près de 2 heures, était trop importante, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

24. Selon l'article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière.

25. La cour d'appel a, d'abord, énoncé, à bon droit, que la circonstance que certains salariés des sociétés de l'UES ne travaillent pas habituellement au sein de leur agence de rattachement ne dispense pas leur employeur de respecter à leur égard les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail.

26. Elle a, ensuite, appréciant la situation d'un salarié itinérant, défini le lieu habituel de travail comme étant le lieu où se situe son agence de rattachement si tant est que celle-ci se situe à une distance raisonnable de son domicile, de façon à ce que le temps de trajet ainsi déterminé soit équivalent au temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d'un salarié dans la région considérée.

27. Dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve, elle a estimé que les compensations accordées par la société Sopra Steria Group étaient déconnectées de ces temps normaux de trajet, la « franchise », c'est-à-dire le temps de déplacement excédentaire non indemnisé, de près de 2 heures étant trop importante.

28. Elle a pu en déduire que les contreparties sous forme financière au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par les sociétés employeurs, méconnaissaient, en raison de leur caractère dérisoire, les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail et ordonner à ces sociétés de mettre en place un système de contreparties déterminées, région par région, en fonction du temps normal de trajet entre le domicile du salarié et le lieu habituel de travail qu'elle avait défini.

29. Le moyen, qui ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain dont disposait la cour d'appel pour vérifier qu'au regard des exigences du texte

susvisé les contreparties allouées n'étaient pas manifestement disproportionnées, n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen relevé d'office

30. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 2132-3 du code du travail :

31. Selon ce texte, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

32. Il en résulte que si un syndicat peut agir en justice pour faire constater une irrégularité commise par l'employeur affectant le paiement de cotisations de retraite complémentaire d'une catégorie de salariés et demander l'allocation de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif, il ne peut prétendre obtenir la condamnation de l'employeur à régulariser la situation des salariés concernés.

33. Pour rejeter la fin de non-recevoir opposée par les sociétés employeurs aux demandes portant sur les cotisations de retraite complémentaire des salariés assimilés aux cadres et condamner les sociétés Sopra Steria Group, Sopra Steria Infrastructure & Security Services et Beamap à établir à l'intention de l'Agirc la liste de l'ensemble des ex-salariés des sociétés Steria relevant de la catégorie ETAM positions 3.2 et 3.3, au cours de la période ayant couru de 1988 à 2014 et à régulariser la situation de ces salariés, l'arrêt retient que l'action du syndicat, introduite le 8 décembre 2016, est prescrite pour la période antérieure au 8 décembre 2011, mais seulement s'il connaissait ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et qu'il ressort des productions de part et d'autre que le syndicat, tout comme l'employeur, n'ont découvert les faits considérés qu'au cours du second semestre 2014, lors de la remise du rapport de l'expert-comptable au comité central d'entreprise de l'UES préalablement aux opérations de fusion. Il en déduit que, dans ces conditions, la prescription n'a pu courir.

34. En statuant ainsi, alors que, si la circonstance que le syndicat a eu, comme elle l'a souverainement retenu, connaissance de l'irrégularité qu'il dénonçait, à la date du second semestre 2014, le rendait recevable à agir en 2016 pour obtenir réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif, cette circonstance n'ouvrait pas au syndicat le droit de poursuivre la régularisation de la situation des salariés concernés par cette irrégularité, la cour d'appel, qui a accueilli la demande du syndicat de ce chef, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

35. La cassation prononcée entraîne, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif condamnant les sociétés employeurs à payer au salarié des dommages-intérêts pour défaut d'assimilation du personnel assimilé cadre au régime de complémentaire des cadres, évalués par la cour d'appel au regard de la période de régularisation qu'elle retenait de 1988 à 2014.

36. Elle n'emporte, en revanche, pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant les sociétés employeurs aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celles-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi n° 20-15.022 ;

RECTIFIE l'erreur matérielle affectant le dispositif de l'arrêt attaqué et dit qu'aux lieu et place de : « Annule l'article 4.1.2. de la note du 8 février 2016 relative à la « Procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoit aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence », il y a lieu de lire : « Annule l'article 4.1.2. de la note du 8 février 2016 relative à la « Procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoit aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé dans la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence » ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne les sociétés Sopra Steria Group, Sopra Steria Infrastructure & Security Services et Beamap à établir à l'intention de l'Agirc la liste de l'ensemble des salariés concernés, c'est-à-dire tous les ex-salariés des sociétés Steria relevant de la catégorie ETAM positions 3.2 et 3.3, au cours de la période ayant couru de 1988 à 2014 et à régulariser la situation de ces salariés auprès de l'institution de retraite en s'acquittant des cotisations dues au titre de la retraite complémentaire des cadres et condamne in solidum les mêmes sociétés à payer au syndicat Avenir Sopra Steria la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, pour défaut d'affiliation du personnel assimilé cadre au régime de retraite complémentaire entre 1988 et 2014, l'arrêt rendu le 6 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Monge - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Capron -

Textes visés :

Article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, repris par l'accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017, étendu par arrêté du 27 juillet 2018 ; article L. 3121-4 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel, depuis la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, le temps de trajet qui excède le temps normal de trajet fait l'objet d'une contrepartie, à rapprocher : Soc., 15 mai 2013, pourvoi n° 11-28.749, Bull. 2013, V, n° 124 (2) (cassation partielle), et l'arrêt cité.

2e Civ., 10 mars 2022, n° 20-20.898, (B), FRH

Rejet

Cotisations – Paiement indu – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 juillet 2020), la société Sevenday (la société) a conclu avec l'institution Arpège prévoyance (l'institution de prévoyance) un contrat de mutuelle santé et prévoyance au profit de ses salariés.

2. Par jugement du 3 novembre 2015, un tribunal de grande instance a arrêté un plan de cession de l'une des activités de la société et a autorisé le licenciement pour motif économique de 38 salariés.

3. Par jugement du 16 février 2016, la liquidation judiciaire a été prononcée et la société [I] & associés, prise en la personne de M. [I] (le liquidateur), a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

4. L'institution de prévoyance a résilié le contrat de prévoyance avec effets au 29 février 2016 et a formulé une proposition de « prolongation onéreuse du contrat » à compter du 1er mars 2016.

Le liquidateur lui a adressé à ce titre, le 18 mars suivant, une somme de 35 120,18 euros afin de maintenir, pour un an, les garanties précédemment souscrites pour les salariés licenciés.

5. Le liquidateur es qualités a assigné l'institution de prévoyance en remboursement de la somme ainsi versée, selon lui indûment, et en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le liquidateur, es qualités, fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de remboursement de la somme de 35 120,18 euros et en dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que la portabilité de l'assurance couverture santé et prévoyance joue, même en cas de liquidation judiciaire de l'employeur, sans condition de l'existence d'un dispositif assurant le financement du maintien de ces couvertures ; qu'en considérant néanmoins qu'à compter de la résiliation en date du 29 février 2016, les garanties ouvertes par l'institution de prévoyance ont pris fin pour n'être plus en vigueur dans l'entreprise, leur maintien devant être financé par l'employeur et le salariés encore actifs dans l'entreprise, ce qui était devenu impossible, pour en déduire que le paiement volontairement opéré par le mandataire liquidateur, en ce qu'il porte sur des cotisations dues au-delà du 29 février 2016, ne peut être assimilé à un paiement indu, celui-ci ayant librement choisi d'assurer le maintien des couvertures mutuelle et prévoyance dont bénéficiaient les anciens salariés de la société licenciés fin 2015, quand aucun dispositif assurant le financement n'était requis, la cour d'appel a violé l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1302-1 du code civil ;

2°/ que la portabilité de l'assurance couverture santé et prévoyance joue, même en cas de liquidation judiciaire de l'employeur, sans condition de l'existence d'un dispositif assurant le financement du maintien de ces couvertures ; qu'il est indifférent que le mandataire liquidateur ait pu croire, à tort, qu'il était nécessaire qu'il s'acquitte du financement pour assurer le maintien des couvertures ; qu'en considérant que le paiement volontaire effectué par le liquidateur, en ce qu'il porte sur des cotisations dues au-delà du 29 février 2016, ne peut être assimilé à un paiement indu, celui-ci ayant librement choisi d'assurer le maintien des couvertures mutuelle et prévoyance dont bénéficiaient les anciens salariés de la société licenciés fin 2015, quand aucun dispositif assurant le financement n'était requis, la cour d'appel a violé l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1302-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. L'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du même code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance chômage, selon les conditions qu'il détermine.

8. Ces dispositions d'ordre public sont applicables aux anciens salariés licenciés d'un employeur placé en liquidation judiciaire qui remplissent les conditions fixées par ce texte.

9. Toutefois, le maintien des droits implique que le contrat ou l'adhésion liant l'employeur à l'organisme assureur ne soit pas résilié.

10. L'arrêt relève que l'institution de prévoyance a résilié le contrat le 29 février 2016, soit dans le délai de trois mois prévu par l'article L. 932-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à la cause, et qu'à compter de la prise d'effet de cette résiliation prévue par la loi, les garanties ouvertes ont pris fin pour n'être plus en vigueur dans l'entreprise. Il ajoute que le liquidateur a toutefois librement choisi d'assurer le maintien des couvertures mutuelle et prévoyance dont bénéficiaient les anciens salariés de la société licenciés fin 2015.

11. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que le paiement volontairement opéré par le liquidateur, en ce qu'il portait sur des cotisations dues au-delà du 29 février 2016, ne pouvait être assimilé à un paiement indu.

12. Le moyen, inopérant en sa première branche qui s'attaque à des motifs surabondants, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Articles L. 911-1, L. 911-8 et 932-10 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Avis de la Cour de cassation, 6 novembre 2017, n° 17-70.011 et suivants, Bull. 2017, Avis, n° 11 et suivants ; 2e Civ., 5 novembre 2020, pourvoi n° 19-17.164 (rejet).

2e Civ., 17 mars 2022, n° 20-19.247, (B), FRH

Rejet

Financement – Contribution sur les actions attribuées gratuitement – Restitution – Conditions – Détermination – Portée

Selon l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, la contribution patronale sur les options d'achat d'actions est exigible le mois suivant la décision d'attribution de celles-ci. Cette disposition ne fait pas obstacle à la restitution de cette contribution lorsque les conditions auxquelles la levée de l'option d'achat des actions était subordonnée ne sont pas satisfaites.

Ayant constaté que le seul salarié concerné par le redressement avait été licencié pour faute grave avant la date fixée pour la levée des options et radié du plan d'attribution de stock-options sans avoir bénéficié de leur attribution, la cour d'appel en a exactement déduit que la société était fondée à obtenir le remboursement des sommes versées au titre de la contribution litigieuse.

Financement – Contribution sur les actions attribuées gratuitement – Fait générateur – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 7 avril 2020), à la suite d'un contrôle portant sur l'année 2015, l'Urssaf de [Localité 3] (l'Urssaf) a adressé à la société Eiffage route Nord-Est, pour son établissement de [Localité 4] (la société) le 6 février 2017, une mise en demeure d'avoir à payer une certaine somme au titre de la contribution patronale sur les options d'achat d'actions attribuées à l'un de ses salariés.

2.La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'Urssaf fait grief à l'arrêt d'accueillir le recours de la société, alors :

« 1°/ que la contribution patronale sur les options de souscription et d'achat d'actions, qui a pour fait générateur la décision d'attribution de celles-ci et est exigible dans le mois suivant la date de cette décision, n'est pas susceptible d'être restituée au cas où le bénéficiaire, pour une raison quelconque, ne procède pas à la levée des dites options ; qu'en jugeant du contraire et en condamnant l'Urssaf à restituer la contribution perçue sur les options attribuées au salarié par cela seul que celui-ci avait été licencié pour faute grave le 31 janvier 2018 et radié en conséquence du plan d'attribution de stock-options impliquant une période de disponibilité jusqu'au 26 février 2019, la cour d'appel a violé l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale ;

2°/ très subsidiairement, que la contribution patronale sur les options de souscription d'actions a pour fait générateur la décision d'attribution de celles-ci et est exigible dans le mois suivant la date de ladite décision ; qu'il s'ensuit que l'éventuelle obligation de restitution a posteriori de la contribution lorsque les conditions de levée des options ne sont pas finalement satisfaites ne procède pas d'une invalidation du redressement auquel il a été procédé par l'Urssaf mais du caractère éventuellement indu du paiement résultant de la survenance ultérieure d'un événement empêchant la levée des options ; qu'en l'espèce, l'Urssaf a procédé à un redressement au titre de la contribution sur les options d'achat d'actions, la société n'ayant pas soumis à ladite contribution les options attribuées au salarié ; qu'en retenant, pour annuler le redressement et faire droit à la demande de restitution de la société, que l'Urssaf ne pouvait être fondée à opérer un tel redressement du fait du licenciement du salarié survenu le 31 janvier 2018 et de sa radiation consécutive du plan d'attribution de stock-options impliquant une période de disponibilité jusqu'au 26 février 2019, la cour d'appel confondant validité du redressement né de l'exigibilité de la contribution et sa restitution a posteriori, pour une raison étrangère à la validité du redressement, a violé l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, applicable au litige, la contribution patronale sur les options d'achat d'actions est exigible le mois suivant la décision d'attribution de celles-ci.

5. Cette disposition ne fait pas obstacle à la restitution de cette contribution lorsque les conditions auxquelles la levée de l'option d'achat des actions était subordonnée ne sont pas satisfaites.

6. Ayant constaté que le seul salarié concerné par le redressement avait été licencié pour faute grave avant la date fixée pour la levée des options et radié du plan d'attribution de stock-options sans avoir bénéficié de leur attribution, la cour d'appel en a exactement déduit, et sans annuler le redressement litigieux, que la société était fondée à obtenir le remboursement des sommes versées au titre de la contribution litigieuse.

7. Le moyen, qui, en sa seconde branche, manque en fait, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Coutou - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article L. 137-13 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 12 octobre 2017, pourvoi n° 16-21.686, Bull. 2017, II, n° 195 (cassation partielle).

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