Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

SAISIE IMMOBILIERE

3e Civ., 2 mars 2022, n° 20-23.602, (B), FS

Cassation partielle

Adjudication – Prix – Paiement – Défaut – Résolution de la vente – Action en justice – Exercice – Conditions – Prescription – Délai – Point de départ – Détermination

L'action en résolution de la vente par adjudication pour défaut de paiement du prix par l'adjudicataire tend à sanctionner une obligation de nature personnelle, de sorte qu'elle est soumise à la prescription de l'article 2224 du code civil.

Le point de départ de ce délai de prescription se situe à la date d'expiration du délai dont disposait l'adjudicataire pour s'acquitter du prix de vente.

Déchéance partielle du pourvoi examinée d'office

1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 du même code.

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance du pourvoi, le demandeur à la cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

3. M. [D] [S] n'a pas signifié à la société ECCH, le mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée dans le délai fixé à l'article 978 du code de procédure civile.

4. Il s'ensuit que la déchéance du pourvoi doit être constatée à l'égard de cette société.

Faits et procédure

5. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 26 octobre 2020), en exécution d'un jugement du 19 janvier 2006, M. Segard, agissant en sa qualité d'administrateur de la succession de [R] [T] et de [Z] [M] [L], son épouse, a procédé à la licitation d'une parcelle faisant partie des actifs de la succession.

6. Cette parcelle a été adjugée le 2 octobre 2007 à la société civile de construction-vente [Adresse 7].

Le 24 octobre 2007, M. [D] [S] a déclaré se substituer à l'adjudicataire qui l'a assigné, ainsi que M. Segard, ès qualités, en nullité de la déclaration de substitution.

7. Un arrêt irrévocable du 22 septembre 2008 a jugé que le droit de substitution avait été valablement exercé par M. [D] [S] et l'a déclaré adjudicataire de la parcelle litigieuse.

8. Le 4 mars 2013, M. Segard a été remplacé, en qualité d'administrateur de la succession, par la société Segard Carboni et, le 24 juin 2015, la mission d'administrateur provisoire a été dévolue à la société Bauland Carboni Martinez et associés (la société BCM et associés).

9. Un arrêt du 1er février 2016, statuant sur la contestation de la vente formée par M. [U] [T], a donné acte à celui-ci de son renoncement à la nullité de la licitation et dit n'y avoir lieu à nullité de celle-ci.

10. Le 15 mars 2016, invoquant l'absence de paiement du prix de l'adjudication par M. [D] [S], la société BCM et associés, ès qualités, l'a assigné en résolution de la vente du 2 octobre 2007.

Examen des moyens

Sur le premier et le deuxième moyens, ci-après annexés

11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen et sur le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, qui est irrecevable.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. M. [D] [S] fait grief à l'arrêt de déclarer recevables et bien fondées les demandes de la société BCM et associés, de dire qu'il n'a pas payé le prix de l'adjudication de la vente, de prononcer la résolution de la vente et de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors « que les actions mixtes sont soumises à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil ; qu'en retenant, au contraire, que l'action en résolution judiciaire de la vente aux enchères de la parcelle litigieuse étant destinée à protéger la propriété, elle se trouvait soumise à la prescription trentenaire de l'article 2227 du code civil, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2224 du code civil :

13. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

14. Le point de départ du délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance (Ass. plén., 6 juin 2003, pourvoi n° 01-12.453, Bull. 2003, Ass. plén., n° 6 ; 3e Civ., 14 juin 2006, pourvoi n° 05-14.181, Bull. 2006, III, n° 151).

15. L'action en résolution de la vente engagée par l'administrateur de la succession tend à sanctionner le défaut d'exécution de l'obligation de payer le prix pesant sur l'adjudicataire, laquelle est de nature personnelle, de sorte que cette action est soumise à la prescription de l'article 2224 du code civil.

16. Pour déclarer l'action recevable, l'arrêt retient que l'imprescriptibilité du droit de propriété emporte celle de l'action en revendication et que la résolution judiciaire de la vente aux enchères du 2 octobre 2007 pour défaut de paiement du prix d'adjudication ne constitue pas une demande en paiement du prix, mais est destinée à protéger la propriété et se trouve soumise à la prescription trentenaire.

17. En statuant ainsi, après avoir constaté qu'un arrêt irrévocable du 22 septembre 2008 avait jugé que le droit de substitution avait été valablement exercé par M. [D] [S] et l'avait déclaré adjudicataire de la parcelle litigieuse et alors que le point de départ du délai de prescription de l'action en résolution de la vente pour défaut de paiement du prix est l'expiration du délai dont disposait l'adjudicataire pour s'acquitter du prix de vente, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société ECCH ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare l'action en résolution judiciaire de la vente aux enchères du 2 octobre 2007 recevable, l'arrêt rendu le 26 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant le dit arrêt, et pour être fait droit les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Greff-Bohnert - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; Me Haas -

Textes visés :

Article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 14 juin 2006, pourvoi n° 05-14.181, Bull. 2006, III, n° 151 (cassation), et l'arrêt cité.

2e Civ., 24 mars 2022, n° 21-11.452, (B), FRH

Cassation

Adjudication – Réitération des enchères – Procédure – Délivrance par le greffe d'un certificat constatant que l'adjudicataire n'a pas justifié de la consignation du prix ou du paiement des frais taxés ou des droits de mutation – Contestation – Jugement statuant sur la contestation du certificat et sur d'autres chefs de demandes – Voies de recours

Il résulte des articles 543 du code de procédure civile et R. 322-68 du code des procédures civiles d'exécution que lorsque le juge de l'exécution statue en dernier ressort sur la contestation d'un certificat de non-paiement des frais et du prix de l'adjudication et sur d'autres chefs de demandes, l'appel de ces seuls chefs est recevable.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2020), par un jugement du 13 octobre 2013, la Société immobilière Atho a été déclarée adjudicataire du bien immobilier appartenant à M. et Mme [V] dont la vente était poursuivie par le Crédit foncier de France (la banque).

2. Le prix d'adjudication n'ayant pas été payé, la banque a obtenu un certificat de non-paiement du prix et l'a fait signifier le 22 janvier 2015 à la Société immobilière Atho.

3. Cette dernière a saisi un juge de l'exécution d'une contestation de ce certificat sur le fondement de l'article R. 322-68 du code des procédures civiles d'exécution.

La banque a reconventionnellement demandé la réitération des enchères.

4. Par jugement du 7 novembre 2019, dont la banque a interjeté appel, les demandes de contestation du certificat de non-paiement et de réitération des enchères ont été rejetées.

5. La Société immobilière Atho a soulevé l'irrecevabilité de l'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. Le Crédit foncier de France fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable, alors « que lorsqu'un jugement statue sur plusieurs chefs de demande distincts, les voies de recours ouvertes aux parties doivent s'apprécier de façon distributive à l'égard de chacun des chefs de dispositif concernés (2e Civ., 30 janvier 2014, n° 12-29.687) ; qu'en déclarant irrecevable l'appel formé par le Crédit foncier de France contre le seul chef de dispositif par lequel le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Créteil l'avait débouté de sa demande tendant à la réitération des enchères, au motif que l'instance avait été initiée par la société Atho, qui contestait le certificat de non-paiement émis par le greffe, et qu'il importait peu à cet égard que le juge de l'exécution ait été saisi de plusieurs demandes, cependant que le chef de dispositif attaqué, qui était distinct du chef tranchant les contestations de l'adjudicataire à l'égard du certificat de non-paiement, n'entrait pas dans le champ d'application de l'article R. 322-68 du code des procédures civiles d'exécution et pouvait donc être frappé d'appel par le créancier, la cour d'appel a violé l'article 543 du code de procédure civile et l'article R. 322-68 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 543 du code de procédure civile et l'article R. 322-68 du code des procédures civiles d'exécution :

7. Il résulte de ces textes que lorsque le juge de l'exécution statue en dernier ressort sur la contestation d'un certificat de non-paiement des frais et du prix de l'adjudication et sur d'autres chefs de demandes, l'appel de ces seuls chefs est recevable.

8. Pour déclarer l'appel de la banque irrecevable, l'arrêt retient que le premier juge a bien été saisi par la Société immobilière Atho d'une contestation du certificat prévu à l'article R. 322-67 du code des procédures civiles d'exécution et qu'il importe peu que le premier juge ait été saisi d'autres demandes, notamment par la banque aux fins de réitération des enchères, et ait statué sur celles-ci.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 543 du code de procédure civile ; article R. 322-68 du code des procédures civiles d'exécution.

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