Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 2 mars 2022, n° 20-16.002, (B) (R), FP

Cassation partielle sans renvoi

Comité social et économique – Attributions – Exercice – Prérogatives du comité social et économique – Violation – Clause d'un accord collectif – Cas – Exception d'illégalité – Recevabilité

Eu égard au droit à un recours juridictionnel effectif garanti tant par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, applicable en l'espèce du fait de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un comité social et économique est recevable à invoquer par voie d'exception, sans condition de délai, l'illégalité d'une clause d'un accord collectif aux motifs que cette clause viole ses droits propres résultant des prérogatives qui lui sont reconnues par la loi.

L'exception d'illégalité d'une convention ou d'un accord collectif ne relève pas des dispositions de l'article 1185 du code civil.

Lorsque l'illégalité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif est invoquée par voie d'exception, la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance objet de la demande.

La reconnaissance de l'illégalité d'une clause d'une convention ou d'un accord collectif la rend inopposable à celui qui a soulevé l'exception.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 janvier 2020), par délibérations du 24 janvier 2019, le comité d'établissement d'[Localité 5] de la société Meubles Ikea France, aux droits duquel vient désormais le comité social et économique d'établissement d'[Localité 5], a désigné un expert dans le cadre des consultations sur la situation économique et financière de l'entreprise et sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi.

2. La société Meubles Ikea France (la société) a saisi le 1er février 2019 le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés pour demander l'annulation de ces délibérations, invoquant les termes d'un accord collectif sur le dialogue social signé le 25 mai 2017 au sein de l'entreprise, réservant au seul comité central d'entreprise les consultations périodiques, notamment quant à la situation économique et financière de l'entreprise et la politique sociale, les conditions de travail et d'emploi.

En défense, le comité d'établissement a fait valoir l'illégalité sur ce point de l'accord collectif.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que selon l'alinéa 3 de l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective, pour les conventions ou accords conclus antérieurement à la publication de la présente ordonnance et pour lesquels aucune instance n'a été introduite avant cette publication, le délai de deux mois mentionné à l'article L. 2262-14 du code du travail court à compter de cette publication ; qu'en l'espèce, il était constant que l'instance avait été introduite le 1er février 2019, pour contester une délibération du 24 janvier 2019 du comité d'établissement d'[Localité 5] ; qu'il était tout autant constant qu'à l'occasion de cette instance, le comité d'établissement avait soulevé l'illégalité d'un accord collectif de dialogue social du 25 mai 2017 et que la société avait invoqué l'irrecevabilité de ce moyen d'illégalité, sur le fondement de la prescription issue de l'article L. 2262-14 du code du travail ; qu'en affirmant néanmoins que le litige n'était pas soumis aux dispositions du code du travail issues de l'ordonnance n° 2017-1385 et que la société Meubles Ikea France ne pouvait pas se prévaloir des nouvelles dispositions issues de cette ordonnance instaurant le bref délai pour s'opposer au moyen soulevé par le comité d'établissement d'[Localité 5], la cour d'appel a violé l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, ensemble l'article L. 2262-14 du code du travail ;

2°/ que la règle selon laquelle l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui n'a pas encore été exécuté s'applique à compter de l'expiration du délai de prescription de l'action ; qu'après cette date, l'exception n'est recevable que si l'acte n'a pas commencé à être exécuté ; qu'en l'espèce, la société Meubles Ikea France faisait valoir dans ses conclusions d'appel que l'action en nullité contre l'accord de dialogue social du 25 mai 2017 était prescrite depuis le 23 novembre 2017 et que l'accord avait reçu un commencement d'exécution par l'employeur et par les comités d'établissement, de sorte que l'exception de nullité de cet accord soulevée par le comité d'établissement d'[Localité 5] était irrecevable ; qu'en décidant que la société ne pouvait pas se prévaloir de la prescription pour s'opposer au moyen soulevé par le comité d'établissement d'[Localité 5] par voie d'exception, sans rechercher comme elle y était invitée si l'accord n'avait pas reçu un commencement d'exécution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1185 du code civil ;

3°/ que le moyen par lequel un comité d'établissement soulève l'illégalité d'un accord collectif pour en contester l'application à son égard est une exception de nullité, laquelle est sujette à prescription lorsque l'acte a commencé à être exécuté ; qu'en affirmant que le débat sur l'inopposabilité ou l'illégalité de l'accord du 25 mai 2017 était dépourvu d'intérêt, quand cette question était en réalité déterminante pour se prononcer sur la prescription du moyen du comité d'établissement d'[Localité 5] visant à écarter cet accord, la cour d'appel a violé l'article L. 2262-14 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 2262-14 du code du travail toute action en nullité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif doit, à peine d'irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois à compter :

1° De la notification de l'accord d'entreprise prévue à l'article L. 2231-5, pour les organisations disposant d'une section syndicale dans l'entreprise ;

2° De la publication de l'accord prévue à l'article L. 2231-5-1 dans tous les autres cas.

5. Aux termes de l'article L. 2231-5 du même code, la partie la plus diligente des organisations signataires d'une convention ou d'un accord en notifie le texte à l'ensemble des organisations représentatives à l'issue de la procédure de signature.

6. Selon l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, pour les conventions ou accords conclus antérieurement à la publication de la présente ordonnance et pour lesquels aucune instance n'a été introduite avant cette publication, le délai de deux mois mentionné à l'article L. 2262-14 court à compter de cette publication.

7. Toutefois, dans sa décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018, le Conseil constitutionnel a précisé que l'article L. 2262-14 ne prive pas les salariés de la possibilité de contester, sans condition de délai, par voie d'exception, l'illégalité d'une clause de convention ou d'accord collectif, à l'occasion d'un litige individuel la mettant en oeuvre, de sorte que l'article L. 2262-14 ne méconnaît pas le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

8. Eu égard au droit à un recours juridictionnel effectif garanti tant par l'article 16 de la Déclaration de 1789 que par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, applicable en l'espèce du fait de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un comité social et économique est recevable à invoquer par voie d'exception, sans condition de délai, l'illégalité d'une clause d'un accord collectif aux motifs que cette clause viole ses droits propres résultant des prérogatives qui lui sont reconnues par la loi.

9. L'exception d'illégalité d'une convention ou d'un accord collectif ne relève pas des dispositions de l'article 1185 du code civil.

10. Lorsque l'illégalité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif est invoquée par voie d'exception, la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance objet de la demande.

11. La reconnaissance de l'illégalité d'une clause d'une convention ou d'un accord collectif la rend inopposable à celui qui a soulevé l'exception.

12. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que l'employeur ne pouvait pas se prévaloir des nouvelles dispositions de l'article L. 2262-14 du code du travail issues de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 instaurant un délai de recours en annulation de deux mois, dès lors que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque l'illégalité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif est invoquée par voie d'exception.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

14. La société fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « qu'un accord d'entreprise peut définir les modalités des consultations récurrentes du comité d'entreprise sur la situation économique et financière de l'entreprise et sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi ; que dans les entreprises comportant un comité central d'entreprise et des comités d'établissement, un tel accord permet d'aménager la répartition des consultations entre le comité central d'entreprise et les comités d'établissement ; qu'en l'espèce, en affirmant que les dispositions de l'accord du 25 mai 2017, qui avaient réservé au seul comité central d'entreprise de la société Meubles Ikea France les consultations périodiques sur la politique sociale et la situation économique et financière de l'entreprise, n'étaient pas licites, la cour d'appel a violé l'article L. 2323-7 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2323-7, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 :

15. Selon ce texte, un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues à l'article L. 2232-12, peut définir les modalités des consultations récurrentes du comité d'entreprise sur la situation économique et financière de l'entreprise ainsi que sur la politique sociale de celle-ci, les conditions de travail et d'emploi.

16. Il en résulte qu'un accord d'entreprise peut définir, dans les entreprises comportant des établissements distincts, les niveaux auxquels les consultations récurrentes sont conduites et, le cas échéant, leur articulation.

17. L'arrêt retient qu'à la date de la signature de l'accord du 25 mai 2017 sur le dialogue social, l'article L. 2323-7 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 17 août 2015 applicable aux accords collectifs définissant les modalités d'organisation des consultations récurrentes des institutions représentatives du personnel, ne prévoyait pas la possibilité de conclure un accord dérogatoire quant au niveau de la consultation et que, par suite, les dispositions de l'accord du 25 mai 2017 réservant au seul comité central d'entreprise les consultations périodiques sur la politique sociale et la situation économique et financière de l'entreprise n'étaient pas conformes aux dispositions légales alors applicables.

18. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

19. La cassation prononcée sur le chef du dispositif visé par la quatrième branche du moyen entraîne la cassation par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, du chef du dispositif, relatif aux condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile, visé par le second moyen.

20. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

21. La Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette le moyen d'incompétence soulevé par la société Meubles Ikea France, l'arrêt rendu le 23 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ANNULE les délibérations du comité d'établissement d'[Localité 5] du 24 janvier 2019.

Arrêt rendu en formation plénière de chambre.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Huglo - Avocat général : Mme Berriat (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne ; article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 1185 du code civil ; articles L. 2323-7, 1°, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 et L. 2232-12 du code du travail.

Soc., 2 mars 2022, n° 20-20.077, (B), FP

Cassation partielle

Comité social et économique – Attributions – Exercice – Prérogatives du comité social et économique – Violation – Clause d'un accord collectif – Cas – Exception d'illégalité – Recevabilité

Eu égard au droit à un recours juridictionnel effectif garanti tant par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, applicable en l'espèce du fait de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un comité social et économique est recevable à invoquer par voie d'exception, sans condition de délai, l'illégalité d'une clause d'un accord collectif aux motifs que cette clause viole ses droits propres résultant des prérogatives qui lui sont reconnues par la loi.

La reconnaissance de l'illégalité d'une clause d'une convention ou d'un accord collectif la rend inopposable à celui qui a soulevé l'exception.

Viole dès lors l'article L. 2262-14 du code du travail, le tribunal judiciaire qui, pour rejeter l'exception d'illégalité de l'avenant du 11 septembre 2019 à un accord collectif d'entreprise sur le dialogue social, retient que, l'accord collectif étant un acte de droit privé, la sanction du non-respect des conditions d'adoption de cet accord collectif est la nullité qui doit être soulevée par voie d'exception et non l'inopposabilité et que, l'avenant litigieux n'étant pas annulé, il est opposable au comité social et économique d'établissement.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire d'Angoulême, 26 août 2020), la société ITM logistique équipement de la maison internationale (la société) comprend plusieurs établissements distincts, dont l'un situé sur la commune d'Anais. Un accord collectif a été signé le 10 juillet 2019 sur les modalités de mise en place des comités sociaux et économiques d'établissement et du comité social et économique central par plusieurs syndicats représentatifs au sein de l'entreprise, dont le syndicat CGT ITM LEMI (le syndicat CGT).

Le 11 septembre 2019, un avenant à l'accord du 10 juillet 2019 a été conclu entre l'employeur et les syndicats représentatifs ayant signé l'accord du 10 juillet 2019, à l'exception du syndicat CGT, lequel a saisi le tribunal judiciaire d'une action en annulation de l'avenant.

2. Le 21 février 2020, le comité social et économique de l'établissement d'[Localité 2] a décidé l'ouverture d'une procédure d'information-consultation relative à la politique sociale au sein de l'établissement, ainsi que la désignation d'un expert pour l'assister à cet effet. Estimant que ces délibérations étaient contraires aux termes de l'avenant du 11 septembre 2019, qui précisait que les consultations sur la politique économique, la politique sociale et les orientations stratégiques de l'entreprise devaient s'effectuer au niveau du seul comité social et économique central, l'employeur a saisi le 2 mars 2020 le président du tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de ces délibérations.

3. En défense, le comité social et économique de l'établissement d'[Localité 2] a fait valoir l'illégalité de l'avenant du 11 septembre 2019.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

5. Le comité social et économique de l'établissement d'[Localité 2] fait grief au jugement de rejeter sa demande tendant à voir prononcer l'inopposabilité de l'avenant du 11 septembre 2019 à son égard, d'annuler les délibérations d'ouverture de la procédure d'information-consultation relative à la politique sociale de l'établissement, de désignation de l'expert-comptable dans le cadre de cette procédure d'information-consultation et sur le choix de l'expert-comptable et de débouter le syndicat CGT de sa demande de dommages-intérêts, alors :

« 2°/ que la légalité d'un accord collectif peut être mise en cause par une action en nullité ou par la voie de l'exception d'illégalité, peu important l'origine de l'illégalité ; que l'exception d'illégalité et l'exception de nullité constituent des moyens de défense au fond par lesquels le défendeur invoque l'existence d'une cause de nullité d'un acte pour obtenir son inefficacité sans l'anéantir ; qu'en retenant, pour annuler les délibérations en cause et rejeter la demande tendant à voir prononcer l'inopposabilité de l'avenant du 11 septembre 2019, que le comité social et économique se prévalait de l'exception de l‘illégalité de l'avenant mais que la sanction du non-respect des conditions d'adoption de l'accord collectif était la nullité qui devait être soulevée par voie d'exception et non l'inopposabilité, quand l'illégalité tirée du non-respect desdites conditions n'était pas susceptible d'être sanctionnée au seul titre de l'exception de nullité mais pouvait l'être par la voie de l'exception d'illégalité, dont les effets étaient similaires, le tribunal a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 2312-19 du code du travail et de l'article 1185 du code civil ;

3°/ que la légalité d'un accord collectif peut être mise en cause par une action en nullité ou par la voie de l'exception d'illégalité comme moyen de défense au fond ; qu'en retenant, pour annuler les délibérations en cause et rejeter la demande tendant à voir prononcer l'inopposabilité de l'avenant du 11 septembre 2019, que ce dernier était opposable tant qu'il n'était pas annulé, quand l'exception d'illégalité invoquée était de nature à le priver d'effet indépendamment de toute action en nullité, le tribunal a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 2312-19 du code du travail et de l'article 1185 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2262-14 du code du travail :

6. Aux termes de ce texte toute action en nullité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif doit, à peine d'irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois à compter :

1° De la notification de l'accord d'entreprise prévue à l'article L. 2231-5, pour les organisations disposant d'une section syndicale dans l'entreprise ;

2° De la publication de l'accord prévue à l'article L. 2231-5-1 dans tous les autres cas.

7. Aux termes de l'article L. 2231-5 du même code, la partie la plus diligente des organisations signataires d'une convention ou d'un accord en notifie le texte à l'ensemble des organisations représentatives à l'issue de la procédure de signature.

8. Toutefois, dans sa décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018, le Conseil constitutionnel a précisé que l'article L. 2262-14 ne prive pas les salariés de la possibilité de contester, sans condition de délai, par voie d'exception, l'illégalité d'une clause de convention ou d'accord collectif, à l'occasion d'un litige individuel la mettant en oeuvre, de sorte que l'article L. 2262-14 ne méconnaît pas le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

9. Eu égard au droit à un recours juridictionnel effectif garanti tant par l'article 16 de la Déclaration de 1789 que par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, applicable en l'espèce du fait de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un comité social et économique est recevable à invoquer par voie d'exception, sans condition de délai, l'illégalité d'une clause d'un accord collectif aux motifs que cette clause viole ses droits propres résultant des prérogatives qui lui sont reconnues par la loi.

10. La reconnaissance de l'illégalité d'une clause d'une convention ou d'un accord collectif la rend inopposable à celui qui a soulevé l'exception.

11. Pour rejeter l'exception d'illégalité de l'avenant du 11 septembre 2019, le jugement retient que, l'accord collectif étant un acte de droit privé, la sanction du non-respect des conditions d'adoption de cet accord collectif est la nullité qui doit être soulevée par voie d'exception et non l'inopposabilité et que, l'avenant litigieux n'étant pas annulé, il est opposable au comité social et économique de l'établissement d'[Localité 2].

12. En statuant ainsi, le président du tribunal judiciaire a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de caducité de l'assignation, ainsi que les exceptions de litispendance et de connexité, et déclare irrecevable la demande de sursis à statuer, le jugement rendu le 26 août 2020, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire d'Angoulême, statuant selon la procédure accélérée au fond ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Bordeaux, statuant selon la procédure accélérée au fond.

Arrêt rendu en formation plénière de chambre.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Huglo - Avocat général : Mme Berriat (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne ; article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 1185 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur l'inopposabilité d'une clause d'une convention ou d'un accord collectif reconnue illégale, à rapprocher : Soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-16.002 (1), Bull., (cassation partielle sans renvoi).

Soc., 9 mars 2022, n° 20-19.974, (B), FRH

Cassation sans renvoi

Comité social et économique – Comité social et économique d'établissement – Expert – Désignation – Possibilité – Accord d'entreprise – Accord prévoyant la compétence exclusive du comité social et économique central – Compétence pour les consultations récurrentes – Consultation sur la politique sociale de l'entreprise – Possibilité

Aux termes de l'article L. 2316-21 du code du travail, le comité social et économique d'établissement peut faire appel à un expert prévu à la sous-section 10 de la section III du chapitre V du titre relatif au comité social et économique lorsqu'il est compétent conformément aux dispositions de ce code.

Selon l'article L. 2312-19, 3°, du même code, un accord d'entreprise peut définir les niveaux auxquels les consultations sont conduites et, le cas échéant, leur articulation.

Viole ces textes, le jugement qui, pour débouter un employeur de sa demande d'annulation de la décision d'un comité social et économique d'établissement de désignation d'un expert dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, retient que la compétence exclusive du comité social et économique central n'est prévue qu'en ce qui concerne les consultations et/ou projets décidés au niveau de l'entreprise et que ce comité social et économique d'établissement invoque à bon droit les dispositions de l'article L. 2316-20 du code du travail suivant lesquelles le comité social et économique d'établissement a les mêmes attributions que le comité social et économique central dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement, alors que, en vertu d'un accord d'entreprise, les consultations récurrentes ressortaient au seul comité social et économique central de sorte que le comité social et économique d'établissement ne pouvait procéder à la désignation d'un expert à cet égard.

Comité social et économique – Fonctionnement – Recours à un expert – Modalités – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Dijon, 26 août 2020), rendu suivant la procédure accélérée au fond, par délibération du 4 mars 2020, le comité social et économique de l'établissement de [Localité 2] de la société Kuehne+Nagel a décidé du recours à une expertise en vue de la consultation sur la politique sociale de cet établissement et a désigné à cette fin le cabinet CE consultant.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

2. La société fait grief au jugement de la débouter de sa demande d'annulation de la délibération du comité social et économique de l'établissement de [Localité 2] du 4 mars 2020, alors « que, en vertu de l'article L. 2312-19 du code du travail, un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité, peut définir le contenu, la périodicité et les modalités des consultations récurrentes du comité social et économique mentionnées à l'article L. 2312-17 ainsi que la liste et le contenu des informations nécessaires à ces consultations, le nombre de réunions annuelles du comité prévues à l'article L. 2315-27, qui ne peut être inférieur à six, les niveaux auxquels les consultations sont conduites et, le cas échéant, leur articulation et les délais mentionnés à l'article L. 2312-15 dans lesquels les avis du comité sont rendus ; que cette faculté donnée aux partenaires sociaux de fixer par accord les niveaux auxquels les consultations sont conduites et leur articulation a pour objet et pour effet, lorsqu'elle est mise en oeuvre pour réserver au comité social et économique central les consultations concernant la marche générale de l'entreprise et n'impliquant pas l'examen de la situation spécifique d'un ou plusieurs établissements ni de mesure spécifiques à ce niveau, de faire obstacle à ce que le comité social et économique d'établissement exerce les attributions réservées par l'accord collectif au comité social et économique central, notamment au titre de la désignation d'un expert-comptable pour l'assister au titre d'une consultation récurrente ; qu'en l'espèce, le président du tribunal judiciaire a constaté qu'« un accord collectif sur le fonctionnement des comités sociaux et économiques et la représentation du personnel au sein de la société Kuehne+Nagel SAS a été passé le 28 novembre 2018 ; il prévoit, à l'article 2.3.3, que le CSEC exerce les attributions qui concernent la marche générale d'entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d'établissement et qu'il est seul consulté sur les projets et consultations récurrentes décidés au niveau de l'entreprise lorsque leurs éventuelles mesures de mise en oeuvre qui feront ultérieurement l'objet d'une consultation spécifique au niveau approprié ne sont pas encore définies » ; qu'il a encore constaté que « l'article 3.2 de cet accord précise que les CSEE ont les mêmes attributions que le CSE central dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement mais mentionne que les parties entendent rappeler que le comité économique et social central est seul informé et consulté sur les sujets qui relèvent de la marche générale de l'entreprise notamment toute mesure, projet envisagé par la direction de l'entreprise, concernant tous les établissements ou plusieurs d'entre eux et n'ayant aucune implication spécifique pour l'établissement sans que cette liste ne soit exhaustive », et enfin qu'« il est encore indiqué que les procédures d'information et consultation récurrentes relatives à la politique sociale de l'entreprise, la situation économique de l'entreprise et les orientations stratégiques de l'entreprise relèvent exclusivement de la compétence du CSEC » ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande d'annulation de la délibération litigieuse, que le CSEE invoque à bon droit les dispositions de l'article L. 2316-20 suivant lequel le CSEE a les mêmes attributions que le CSEC dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement et qu'il peut ainsi décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi par application des dispositions de l'article L. 2315-91 du code du travail, ce qui revient à vider de toute substance et de toute portée la faculté prévue par la loi de définir par accord collectif les niveaux de consultation et leur articulation, le président du tribunal judiciaire a violé par fausse application les articles L. 2316-20 et L. 2315-91 du code du travail, et par refus d'application l'article L. 2312-19 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2316-21 et L. 2312-19, 3°, du code du travail et l'article 3.2, alinéa 4, de l'accord collectif, du 28 novembre 2018, sur le fonctionnement des comités sociaux et économiques et la représentation du personnel au sein de la société Kuehne+Nagel, relatif aux attributions des comités sociaux et économiques d'établissement :

3. Aux termes du premier de ces textes, le comité social et économique d'établissement peut faire appel à un expert prévu à la sous-section 10 de la section III du chapitre V du titre relatif au comité social et économique lorsqu'il est compétent conformément aux dispositions du code du travail.

4. Selon l'article L. 2312-19, 3°, du même code, un accord d'entreprise peut définir les niveaux auxquels les consultations sont conduites et, le cas échéant, leur articulation.

5. Aux termes de l'article 3.2, alinéa 4, de l'accord collectif du 28 novembre 2018, les procédures d'information et de consultation récurrentes relatives à la politique sociale de l'entreprise, la situation économique de l'entreprise et les orientations stratégiques de l'entreprise relèvent exclusivement de la compétence du comité social et économique central.

6. Pour débouter la société de sa demande d'annulation de la décision du comité social et économique de l'établissement de [Localité 2] de désignation d'un expert dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, le jugement retient que la compétence exclusive du comité social et économique central n'est prévue qu'en ce qui concerne les consultations ou projets décidés au niveau de l'entreprise et que ce comité social et économique d'établissement invoque à bon droit les dispositions de l'article L. 2316-20 du code du travail suivant lesquelles le comité social et économique d'établissement a les mêmes attributions que le comité social et économique central dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement.

7. En statuant ainsi, alors que, en application de l'accord collectif du 28 novembre 2018, les consultations récurrentes ressortaient au seul comité social et économique central de la société de sorte que le comité social et économique de l'établissement de [Localité 2] ne pouvait procéder à la désignation d'un expert à cet égard, le président du tribunal judiciaire a violé les articles susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédre civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 août 2020, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Dijon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Annule la délibération du comité social et économique de l'établissement de [Localité 2] de la société Kuhene+Nagel du 4 mars 2020 décidant du recours à une mesure d'expertise sur la politique sociale de l'établissement et désignant à cette fin le cabinet CE consultant.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles L. 2316-21 et L. 2312-19, 3°, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la possibilité pour le comité d'établissement de se faire assister d'un expert, à rapprocher : Soc., 16 janvier 2019, pourvoi n° 17-26.660, Bull., (rejet).

Soc., 23 mars 2022, n° 20-17.186, (B), FS

Rejet

Comité social et économique – Fonctionnement – Recours à un expert – Expert – Mission – Consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi – Domaine d'application – Rémunération, recrutement et modalités de départ de l'entreprise

Il résulte des articles L. 2312-26, L. 2312-36 et R. 2312-9 du code du travail que l'analyse de l'évolution de la rémunération dans toutes ses composantes et l'analyse de la politique de recrutement et des modalités de départ, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitude, entrent dans la mission de l'expert désigné dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.

Comité social et économique – Fonctionnement – Recours à un expert – Expert – Mission – Détermination par l'expert des documents utiles à sa mission – Application – Déclarations sociales nominatives (DSN) – Etendue – Portée

Aux termes de l'article L. 2315-83 du code du travail, l'employeur fournit à l'expert les informations nécessaires à l'exercice de sa mission. Aux termes de l'article L. 2312-26, I, de ce code, la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi porte sur l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit. Doit par conséquent être approuvé le président du tribunal judiciaire qui a retenu qu'il appartenait à l'expert de déterminer les documents utiles à sa mission et que la communication à l'expert des déclarations annuelles de données sociales (DADS), devenues déclarations sociales nominatives (DSN), en ce que celles-ci se rapportaient à l'évolution de l'emploi, aux qualifications et à la rémunération des salariés au sein de l'entreprise, était nécessaire à l'exercice de sa mission d'expertise dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.

Comité social et économique – Fonctionnement – Recours à un expert – Expert – Mission – Pouvoir d'investigation – Pièces – Communication – Obligation de l'employeur – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal judiciaire de Paris, 16 juin 2020), statuant en la forme des référés, par délibération du 27 novembre 2018, le comité central d'entreprise de l'association hospitalière [3] (l'AHSM) a décidé du recours à une expertise comptable, dans le cadre des consultations annuelles sur les orientations stratégiques, sur la situation économique et financière ainsi que sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.

2. Par lettre du 9 mai 2019, la société Secafi (la société), désignée à cette fin par ce comité, a informé l'AHSM de la durée de sa mission, comprise entre 46 et 47 jours, et de son taux journalier de 1 240 euros hors taxes, correspondant à un montant total d'honoraires compris entre 55 800 euros et 58 280 euros hors taxes. Elle a également sollicité la communication par l'AHSM de documents complémentaires, dont, au titre des données sociales, les déclarations annuelles de données sociales (DADS) et les déclarations sociales nominatives (DSN) de l'année en cours et des quatre années précédentes.

3. Par délibération du 20 juin 2019, le comité social et économique central de l'AHSM, venant aux droits du comité central d'entreprise de cette association, a précisé le contenu de la mission d'expertise.

4. L' AHSM et M. [E] [N], en sa qualité de président du comité social et économique central, ont saisi le président du tribunal judiciaire pour contester l'étendue de l'expertise et solliciter la réduction de son coût et de sa durée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche, et sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal ainsi que sur les troisième et quatrième moyens de ce pourvoi qui sont irrecevables, ni sur le moyen du pourvoi incident qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première à quatrième branches

Enoncé du moyen

6. L'AHSM fait grief à l'ordonnance de la débouter de sa demande tendant à dire que la mission confiée à la société par le comité social et économique central de l'AHSM ne rentre pas dans le cadre du recours à expertise prévu par l'article L. 2315-91 du code du travail en ce qui concerne l'analyse de l'évolution de la rémunération depuis 5 ans dans toutes ses composantes (salaire de base, primes, promotions, reprise d'ancienneté...), l'étude de la politique de recrutement et les modalités de départ, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitude, de la condamner à communiquer à la société les DADS des années 2016, 2017 et 2018 et la DSN de l'année 2019, sous astreinte, de dire que l'éventuel contentieux de la liquidation de cette astreinte relèverait de cette même juridiction et de la débouter de sa demande de réduction de la durée et du coût de l'expertise, alors :

« 1°/ que le juge ne peut méconnaître les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, le cabinet Secafi ne se prévalait ni de l'absence de production par l'AHSM de la délibération du 27 mai 2018 aux termes de laquelle le comité central d'entreprise avait décidé de se faire assister par un expert dans le cadre des trois consultations annuelles récurrentes prévues par le code du travail, ni de l'absence de contestation par l'employeur de la mission confiée à l'expert par le comité social et économique central le 20 juin 2019 (et non 2020 comme visé à tort par l'ordonnance), pas plus qu'il ne discutait le défaut de mise en cause par l'employeur de cet organe ; qu'en se fondant sur de telles circonstances pour débouter l'employeur de sa demande relative à l'étendue de la mission de l'expert, le président du tribunal judiciaire a excédé les limites du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que, en s'abstenant d'inviter les parties à présenter leurs observations sur ces différents points qu'il a relevés d'office, le président du tribunal judiciaire a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ que la contestation par l'employeur du coût prévisionnel de l'expertise, de son étendue ou de sa durée concerne les rapports de l'employeur avec ledit expert ; qu'elle n'impose donc pas la mise en cause du comité social et économique, ni une discussion sur les contours de sa mission tels que définis par ce dernier dès lors que la contestation porte sur l'étendue de la mission de l'expert au regard de la loi ; qu'en se fondant, pour débouter l'employeur de sa demande relative à l'étendue de la mission de l'expert, sur l'absence de contestation par l'employeur de la mission déterminée par le CSE central le 20 juin 2019 (et non 2020 comme visé à tort par l'ordonnance) et sur le défaut de mise en cause de cet organe, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L. 2312-17 du code du travail ;

4°/ que la mission de l'expert auquel le comité social et économique décide de recourir dans le cadre de l'une de ses consultations régulières ne doit pas excéder l'objet de celle-ci tel que défini par la loi ; que s'agissant de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, l'article L. 2312-26, I du code du travail prévoit qu'elle porte sur l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit ; que ne relèvent pas de cette consultation, et partant de la mission de l'expert, l'analyse de l'évolution individuelle de la rémunération dans toutes ses composantes, l'étude de la politique de recrutement et des modalités de départs, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitude ; qu'en jugeant le contraire, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L. 2312-26, I du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article L. 2312-26, I, du code du travail, la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi porte sur l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit.

8. Selon l'article L. 2312-26, II, du même code, afin de permettre au comité social et économique de se prononcer, l'employeur met à la disposition de celui-ci, dans les conditions prévues par l'accord mentionné à l'article L. 2312-21 ou à défaut d'accord au sous-paragraphe 4 intitulé « base de données économiques et sociales », du paragraphe 3 « dispositions supplétives » de la sous-section 3 « consultations et informations récurrentes », les informations sur l'évolution de l'emploi, des qualifications, de la formation et des salaires, sur les actions en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, sur le nombre et les conditions d'accueil des stagiaires, sur l'apprentissage et sur le recours aux contrats de travail à durée déterminée, aux contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou aux contrats conclus avec une entreprise de portage salarial, les informations et les indicateurs chiffrés sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l'entreprise, mentionnés au 2° de l'article L. 2312-36, ainsi que l'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes issu de la négociation mentionnée au 2° de l'article L. 2242-1 ou, à défaut, le plan d'action mentionné à l'article L. 2242-3, ainsi que les informations relatives aux contrats de mise à disposition conclus avec les entreprises de travail temporaires, aux contrats d'accompagnement dans l'emploi, aux contrats initiative emploi et les éléments qui l'ont conduit à faire appel, au titre de l'année écoulée, et qui pourraient le conduire à faire appel pour l'année à venir, à des contrats de travail à durée déterminée, à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou à des contrats conclus avec une entreprise de portage salarial.

9. Selon l'article L. 2312-36 du code du travail, inséré dans le sous-paragraphe 4 précité, en l'absence d'accord prévu à l'article L. 2312-21, une base de données économiques, sociales et environnementales, mise régulièrement à jour, rassemble un ensemble d'informations que l'employeur met à disposition du comité social et économique.

Les informations contenues dans la base de données portent sur le thème de l'investissement social (emploi, évolution et répartition des contrats précaires, des stages et des emplois à temps partiel, formation professionnelle, évolution professionnelle et conditions de travail), sur le thème de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l'entreprise : diagnostic et analyse de la situation comparée des femmes et des hommes pour chacune des catégories professionnelles de l'entreprise en matière d'embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de sécurité et de santé au travail, de rémunération effective et d'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, analyse des écarts de salaires et de déroulement de carrière en fonction de l'âge, de la qualification et de l'ancienneté, évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l'entreprise, part des femmes et des hommes dans le conseil d'administration, ainsi que sur l'ensemble des éléments de la rémunération des salariés et dirigeants.

10. Selon l'article R. 2312-9 du code du travail, en l'absence d'accord prévu à l'article L. 2312-21, dans les entreprises d'au moins trois cents salariés, la base de données économiques et sociales prévue à l'article L. 2312-18 comporte, s'agissant de l'investissement social, le nombre d'embauches par contrats de travail à durée indéterminée, le nombre d'embauches par contrats de travail à durée déterminée (dont le nombre de contrats de travailleurs saisonniers), le nombre d'embauches de salariés de moins de vingt-cinq ans, le total des départs, le nombre de démissions, le nombre de licenciements pour motif économique, dont les départs en retraite et préretraite, le nombre de licenciements pour d'autres causes, le nombre de fins de contrats de travail à durée déterminée, le nombre de départs au cours de la période d'essai, le nombre de mutations d'un établissement à un autre, le nombre de départs volontaires en retraite et préretraite, le nombre de décès, le nombre de salariés promus dans l'année dans une catégorie supérieure et le nombre de salariés déclarés définitivement inaptes à leur emploi par le médecin du travail, et, s'agissant de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l'entreprise, par sexe, le nombre et le taux de promotions par catégorie professionnelle, la durée moyenne entre deux promotions, l'ancienneté moyenne par catégorie professionnelle et dans la catégorie professionnelle, par niveau ou coefficient hiérarchique et dans le niveau ou le coefficient hiérarchique, par sexe, la rémunération moyenne ou médiane mensuelle par catégorie professionnelle et par niveau ou coefficient hiérarchique, ainsi que, s'agissant de la rémunération des salariés et des dirigeants, dans l'ensemble de leurs éléments, le pourcentage des salariés dont le salaire dépend, en tout ou partie, du rendement.

11. Le président du tribunal judiciaire a retenu à bon droit que l'analyse de l'évolution de la rémunération dans toutes ses composantes et l'analyse de la politique de recrutement et des modalités de départ, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitude, entrent dans la mission de l'expert désigné dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.

12. Le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

13. L'AHSM fait grief à l'ordonnance de la condamner à communiquer à la société les DADS des années 2016, 2017 et 2018 et la DSN de l'année 2019, sous astreinte, et de dire que l'éventuel contentieux de la liquidation de cette astreinte relèverait de cette même juridiction, alors :

« 1°/ que l'employeur n'est tenu de fournir à l'expert que les informations nécessaires à l'exercice de sa mission ; qu'en affirmant, pour faire droit à la demande du cabinet Secafi tendant à la communication des déclarations annuelles des données sociales (DADS) des années 2016, 2017 et 2018 et la déclaration sociale nominative (DSN) 2019, que celle-ci apparaissait nécessaire, dans le cadre de sa consultation sur la politique sociale, à l'analyse de l'évolution de l'emploi, des qualifications et de la rémunération des salariés au sein de l'association, sans caractériser autrement que par voie de pure affirmation une telle nécessité, nonobstant la multitude des informations auxquelles l'expert pouvait avoir accès via la base de données économiques et sociales (BDES), le bilan social et les documents prévus à l'article L. 2312-27 du code du travail, le président du tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2315-83 du code du travail ;

2°/ que si l'expert-comptable est seul à apprécier les documents utiles à sa mission, c'est sous réserve de l'abus, celui-ci étant constitué lorsque la demande de communication porte sur des éléments excédant l'objet de la mission confiée ou qui sont manifestement sans nécessité sur celle-ci ; qu'en relevant, pour faire droit à la demande du cabinet Secafi tendant à la communication des déclarations annuelles des données sociales (DADS) des années 2016, 2017 et 2018 et la déclaration sociale nominative (DSN) 2019, que l'expert était seul juge de leur utilité, sans tenir compte de cette réserve, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L. 2315-83 du code du travail. »

Réponse de la Cour

14. Aux termes de l'article L. 2315-83 du code du travail, l'employeur fournit à l'expert les informations nécessaires à l'exercice de sa mission.

15. Aux termes de l'article L. 2312-26, I, de ce code, la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi porte sur l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit.

16. Le président du tribunal judiciaire, qui a retenu qu'il appartenait à l'expert de déterminer les documents utiles à sa mission et que la communication à l'expert des DADS, devenues DSN, en ce que celles-ci se rapportaient à l'évolution de l'emploi, aux qualifications et à la rémunération des salariés au sein de l'entreprise, était nécessaire à l'exercice de sa mission d'expertise dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 2312-26, L. 2312-36 et R. 2312-9 du code du travail ; articles L. 2312-26, I, et L. 2315-83 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation de fournir à l'expert les pièces nécessaires à sa mission, à rapprocher : Soc., 15 décembre 2009, pourvoi n° 08-18.228, Bull. 2009, V, n° 286 (rejet).

Soc., 23 mars 2022, n° 20-20.397, (B), FRH

Rejet

Comité social et économique – Représentant syndical au comité social et économique – Désignation – Membre de droit – Représentant de section syndicale – Exclusion – Portée

Il résulte des articles L. 2314-2 et L.2143-22 du code du travail que la désignation d'un représentant syndical au comité social et économique est une prérogative que la loi réserve aux syndicats qui sont reconnus représentatifs dans l'entreprise ou dans l'établissement. Le représentant de section syndicale n'est pas de droit représentant syndical au comité social et économique d'entreprise ou d'établissement dès lors que, si l'article L. 2142-1-1 du code du travail prévoit qu'il bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l'exception du pouvoir de négocier des accords collectifs, cette assimilation ne s'applique qu'aux attributions liées à la constitution d'une section syndicale.

C'est par conséquent à bon droit qu'une cour d'appel retient que le salarié, qui n'est pas membre élu du comité social et économique et qui a été désigné représentant de section syndicale par un syndicat qui n'est pas représentatif dans l'entreprise, n'est pas de droit représentant syndical au comité social et économique.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 mars 2020), le Syndicat national des ingénieurs et cadres des industries chimiques et des visiteurs médicaux CGT (le syndicat) a désigné Mme [M] en qualité de représentante de section syndicale au sein de la société Merck Serono (la société) le 6 novembre 2018.

Le syndicat a demandé à l'employeur de convoquer Mme [M] aux réunions du comité social et économique en sa qualité de représentante de section syndicale dans une entreprise de moins de 300 salariés.

2. Par acte du 8 février 2019, la société a assigné le syndicat et la salariée devant le tribunal de grande instance pour qu'il soit constaté que le syndicat n'étant pas représentatif, son représentant de section syndicale ne pouvait le représenter aux réunions du comité social et économique.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'avait pas qualité pour participer aux réunions, alors « que le représentant de section syndicale disposant des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l'exception du seul pouvoir de négocier des accords collectifs, il est de droit membre du comité social et économique dans les entreprises de moins de 300 salariés ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2142-1 et L. 2143-22 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 2314-2 du code du travail, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement peut désigner un représentant syndical au comité social et économique.

L'article L. 2143-22 du même code précise que, dans les entreprises de moins de trois cents salariés et dans les établissements appartenant à ces entreprises, le délégué syndical est de droit représentant syndical au comité social et économique.

5. Il résulte de ces textes que la désignation d'un représentant syndical au comité social et économique est une prérogative que la loi réserve aux syndicats qui sont reconnus représentatifs dans l'entreprise ou dans l'établissement.

Le représentant de section syndicale n'est pas de droit représentant syndical au comité social et économique d'entreprise ou d'établissement dès lors que, si l'article L. 2142-1-1 du code du travail prévoit qu'il bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l'exception du pouvoir de négocier des accords collectifs, cette assimilation ne s'applique qu'aux attributions liées à la constitution d'une section syndicale.

6. C'est par conséquent à bon droit que la cour d'appel a retenu que la salariée, qui n'est pas membre élue du comité social et économique et qui a été désignée représentante de section syndicale par un syndicat qui n'est pas représentatif dans l'entreprise, n'est pas de droit représentante syndicale au comité social et économique.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 2314-2 et L. 2143-22 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe que le représentant de section syndicale n'est pas de droit représentant syndical dans les institutions représentatives du personnel, à rapprocher : Soc., 14 décembre 2011, pourvoi n° 11-14.642, Bull. 2011, V, n° 302 (rejet). Sur le principe que le représentant de section syndicale n'est pas de droit représentant syndical dans les institutions représentatives du personnel, cf : CE, 20 février 2013, n° 352981, mentionné aux tables du Recueil Lebon.

Soc., 2 mars 2022, n° 20-18.442, (B) (R), FP

Rejet

Délégué syndical – Désignation – Cadre de la désignation – Détermination – Création par voie d'accord collectif – Limites – Prérogatives syndicales reconnues par la loi – Exercice au sein d'un établissement au sens de l'article L. 2143-3 du code du travail – Primauté – Fondement – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 23 juillet 2020), un accord collectif a été conclu le 26 mars 2019 au sein de la société Magasins Galeries Lafayette (la société) avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives sur les conditions de mise en place des comités sociaux et économiques au sein de l'entreprise.

L'accord collectif prévoit notamment l'existence de vingt-cinq établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques.

2. Le 20 novembre 2019, l'union syndicale CGT [Localité 8] commerce et services (le syndicat CGT) a désigné M. [F] en qualité de délégué syndical au sein du magasin Galeries Lafayette [Adresse 4].

3. La société a contesté cette désignation devant le tribunal judiciaire le 4 décembre 2019.

4. Le 11 décembre 2019, la société a signé avec deux autres organisations syndicales représentatives un avenant à l'accord du 26 mars 2019, indiquant que « les parties souhaitent confirmer que tous les établissements distincts consacrés dans le cadre du présent accord, y inclus l'établissement distinct Ile de France composé des magasins de [Adresse 9], [Adresse 5] et [Adresse 6]/[Adresse 4] et l'établissement distinct Grand [Localité 7] ont été déterminés conventionnellement pour servir à l'identique de périmètre d'élection du comité social et économique et de désignation de tous les représentants syndicaux. »

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief au jugement de dire que le magasin Galeries Lafayette [Adresse 4] a la qualité d'établissement distinct au sens de l'article L. 2143-3, 4e alinéa, du code du travail, que l'avenant n° 1 en date du 11 décembre 2019 ne peut remettre en cause les dispositions d'ordre public contenues dans l'article L. 2143-3, 4e alinéa, du code du travail, de la débouter de sa demande d'annulation de la désignation par l'union syndicale CGT [Localité 8] commerce et services de M. [F] en qualité de délégué syndical au sein du magasin Galeries Lafayette [Adresse 4] et de sa demande de caducité de cette désignation, alors « que la division de l'entreprise en établissements distincts définissant le cadre de la représentation élue et des délégués syndicaux et la désignation de délégués syndicaux résultant d'un accord collectif lie les syndicats signataires et s'impose à tous les salariés et syndicats ; que le tribunal judiciaire ne peut écarter le découpage conventionnel et procéder lui-même à une nouvelle division de la représentation de l'entreprise en établissements distincts à l'occasion d'une contestation portant sur la validité d'un mandat de délégué syndical ; qu'au cas présent la société exposait que l'avenant du 11 décembre 2019 avait redécoupé le cadre de représentation des mandats syndicaux de l'entreprise en précisant que l'établissement d' ‘‘Ile de France'' composé des magasins de [Adresse 9], [Adresse 5] et [Adresse 6]/[Adresse 4] constituait le périmètre utile pour la désignation des représentants syndicaux de l'entreprise ; que le mandat de délégué syndical de M. [F] exercé au sein du magasin ‘‘Galeries Lafayette [Adresse 4]'' était donc caduc à compter de l'entrée en vigueur de cet avenant, l'accord collectif ne reconnaissant pas le site ‘‘Galeries Lafayette [Adresse 4]'' comme établissement distinct ; que pour valider la désignation, le tribunal judiciaire a cependant jugé que la division de l'entreprise réalisée par l'avenant du 11 décembre 2019 était illégale ; qu'en statuant comme il l'a fait, cependant que le site ‘‘Galeries Lafayette [Adresse 4]'' ne constituait pas un établissement distinct aux termes de l'accord d'entreprise du 11 décembre 2019 dont il ne pouvait écarter les dispositions par voie d'exception, le tribunal a violé l'article L. 2143-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2262-14 du code du travail toute action en nullité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif doit, à peine d'irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois à compter :

1° De la notification de l'accord d'entreprise prévue à l'article L. 2231-5, pour les organisations disposant d'une section syndicale dans l'entreprise ;

2° De la publication de l'accord prévue à l'article L. 2231-5-1 dans tous les autres cas.

7. Aux termes de l'article L. 2231-5 du même code, la partie la plus diligente des organisations signataires d'une convention ou d'un accord en notifie le texte à l'ensemble des organisations représentatives à l'issue de la procédure de signature.

8. Toutefois, dans sa décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018, le Conseil constitutionnel a précisé que l'article L. 2262-14 ne prive pas les salariés de la possibilité de contester, sans condition de délai, par voie d'exception, l'illégalité d'une clause de convention ou d'accord collectif, à l'occasion d'un litige individuel la mettant en oeuvre, de sorte que l'article L. 2262-14 ne méconnaît pas le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

9. Eu égard au droit à un recours juridictionnel effectif garanti tant par l'article 16 de la Déclaration de 1789 que par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une organisation syndicale non signataire d'un accord collectif est recevable à invoquer par voie d'exception, sans condition de délai, l'illégalité d'une clause d'un accord collectif lorsque cette clause est invoquée pour s'opposer à l'exercice de ses droits propres résultant des prérogatives syndicales qui lui sont reconnues par la loi.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 2143-3, alinéa 4, du code du travail, la désignation d'un délégué syndical peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques.

11. Ces dispositions, même si elles n'ouvrent qu'une faculté aux organisations syndicales représentatives, sont d'ordre public quant au périmètre de désignation des délégués syndicaux.

12. Il s'ensuit que ni un accord collectif de droit commun, ni l'accord d'entreprise prévu par l'article L. 2313-2 du code du travail concernant la mise en place du comité social et économique et des comités sociaux et économiques d'établissement ne peuvent priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d'un établissement au sens de l'article L. 2143-3 du code du travail.

13. C'est dès lors à bon droit que le tribunal judiciaire a retenu que l'avenant signé le 11 décembre 2019 ne pouvait priver le syndicat CGT de son droit légal de désigner un délégué syndical sur le périmètre contesté.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation plénière de chambre.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Huglo - Avocat général : Mme Berriat (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article L. 2143-3, alinéa 4, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'effet d'un accord collectif ou d'un accord d'entreprise sur la détermination du périmètre de désignation du délégué syndical, à rapprocher : Soc., 31 mai 2016, pourvoi n° 15-21.175, Bull. 2016, V, n° 121 (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 23 mars 2022, n° 20-21.269, (B), FS

Rejet

Délégué syndical – Désignation – Conditions – Effectif de l'entreprise – Entreprise employant moins de cinquante salariés – Désignation d'un membre du comité social et économique – Membre suppléant – Membre disposant d'un crédit d'heures – Possibilité – Limites – Détermination – Portée

Seul un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, peut être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Auxerre, 8 octobre 2020), le Syndicat national des transports urbains de la CFDT (le syndicat) a désigné M. [S], élu membre suppléant de la délégation du personnel au comité social et économique, en qualité de délégué syndical de la société Transdev Auxerrois, par lettre du 27 juillet 2020.

La société Transdev Auxerrois (la société) emploie moins de cinquante salariés.

2. La société a contesté cette désignation par requête du 28 août 2020.

Examen des moyens

Sur le premier moyen ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. Le syndicat et M. [S] font grief au jugement de prononcer la nullité de la désignation du salarié en qualité de délégué syndical, alors « que dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical ; qu'en l'absence de disposition contraire, le membre de la délégation du personnel au comité social et économique désigné comme délégué syndical est indifféremment un membre titulaire ou un membre suppléant dudit comité ; qu'en décidant au contraire que M. [S] ne pouvait être désigné en qualité de délégué syndical dans la mesure où il a été élu en qualité de membre suppléant du comité social et économique et qu'il ne dispose ainsi pas du crédit d'heure nécessaire pour exercer un mandat de délégué syndical, le tribunal a violé l'article L. 2143-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article L. 2143-6 du code du travail, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical. Sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures.

Le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au comité social et économique pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical.

6. La Cour de cassation, selon une jurisprudence constante (Soc., 24 septembre 2008, pourvoi n° 06-42.269, Bull. 2008, V, n° 184), a déduit de la disposition similaire antérieure de l'article L. 412-11 du code du travail que, sous réserve de conventions ou d'accords d'entreprise comportant des clauses plus favorables, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un délégué du personnel titulaire disposant d'un crédit d'heures à ce titre peut être désigné comme délégué syndical.

7. Elle a jugé toutefois qu'un délégué du personnel suppléant assurant momentanément le remplacement du délégué du personnel titulaire en application de l'article L. 2314-30 dans sa rédaction alors applicable pouvait être désigné délégué syndical dès lors qu'il pouvait à ce titre bénéficier d'heures de délégation (Soc., 20 juin 2012, pourvoi n° 11-61.176, Bull. 2012, V, n° 193).

8. L'article L. 2315-9, issu de l'ordonnance n° 1386-2017 du 22 septembre 2017, prévoit que les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique peuvent, chaque mois, répartir entre eux et avec les membres suppléants le crédit d'heures de délégation dont ils disposent.

9. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2314-7 du code du travail, le protocole préélectoral peut modifier le nombre de sièges ou le volume des heures individuelles de délégation dès lors que le volume global de ces heures, au sein de chaque collège, est au moins égal à celui résultant des dispositions légales au regard de l'effectif de l'entreprise.

10. Enfin, l'article L. 2315-2 du code du travail, dans le chapitre V « Fonctionnement » du comité social et économique dans lequel figure l'article L. 2315-9 sur la répartition des heures de délégation entre titulaires et suppléants, dispose que les dispositions du présent chapitre ne font pas obstacle aux dispositions plus favorables relatives au fonctionnement ou aux pouvoirs du comité social et économique résultant d'accords collectifs de travail ou d'usages.

11. Il en résulte que seul un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, peut être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical.

12. C'est dès lors à bon droit que le tribunal a statué comme il a fait.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Huglo - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Articles L. 2314-7, L. 2314-37, L. 2315-2, L. 2315-9 et R. 2315-6 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'exigence, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, d'un crédit d'heures au titre d'un mandat de délégué du personnel titulaire pour être désigné délégué syndical ou représentant de section syndicale, à rapprocher : Soc., 27 mars 2013, pourvoi n° 12-20.369, Bull. 2013, V, n° 94 (rejet), et l'arrêt cité ; Soc., 23 mars 2022, pourvoi n° 20-16.333, Bull., (rejet).

Soc., 23 mars 2022, n° 20-16.333, (B), FS

Rejet

Délégué syndical – Désignation – Conditions – Effectif de l'entreprise – Entreprise employant moins de cinquante salariés – Désignation d'un membre du comité social et économique – Membre suppléant – Membre disposant d'un crédit d'heures – Possibilité – Limites – Détermination – Portée

Seul un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, peut être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical.

Dès lors, le tribunal qui constate que le salarié a été élu en qualité de suppléant et que l'accord de partage des heures de délégation avec le membre titulaire du comité social et économique ne comporte aucune indication sur le nombre d'heures de délégation réparties mensuellement et est établi pour toute la durée du mandat en contrariété avec les dispositions des articles L. 2315-9 et R. 2315-6 du code du travail, en déduit exactement qu'il ne pouvait être désigné en qualité de délégué syndical.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Evreux, 29 mai 2020), Mme [V], salariée du Syndicat d'eau du Roumois et du plateau du Neubourg, a été désignée déléguée syndicale du syndicat SCMDE/ CFE CGC, par courrier du 26 avril 2020.

2. L'employeur a saisi, par requête du 6 mai 2020, le tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de cette désignation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La salariée et le syndicat SCMDE/CFE-CGC font grief au jugement d'annuler la désignation de celle-ci en qualité de déléguée syndicale, alors :

« 1°/ que, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical ; que sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures ; que ce texte n'interdit pas la désignation comme délégué syndical d'un membre suppléant du comité social et économique, sauf à ce dernier à ne pas bénéficier d'un crédit d'heures ; qu'en annulant la désignation de Mme [V] en qualité de déléguée syndicale au motif que celle-ci, en tant que membre suppléante du comité social et économique, ne disposait pas d'un crédit d'heures de délégation mensuel personnel et permanent, le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2143-6 du code du travail ;

2°/ que, en toute hypothèse, les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique peuvent, chaque mois, répartir entre eux et avec les membres suppléants le crédit d'heures de délégation dont ils disposent ; que rien n'interdit à un membre titulaire de répartir ses heures de délégations avec un membre suppléant, de façon permanente et irrévocable ; qu'en affirmant pourtant que ‘le législateur n'a pas prévu la possibilité pour un membre titulaire du CSE de renoncer par avance pour toute la durée de son mandat et de manière irrévocable à ses heures de délégation au profit d'un membre suppléant', le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2315-9 du code du travail ;

3°/ que, en relevant que l'accord de partage des heures de délégation entre M. [M] et Mme [V] ne respectait pas le formalisme en ce qu'il ne comportait aucune indication sur le nombre d'heures réparties chaque mois jusqu'à la fin du mandat, cependant qu'aucun formalisme n'impose cette modalité particulière de répartition des heures de délégations, le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2315-9 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 2143-6 du code du travail, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical. Sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures.

Le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au comité social et économique pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical.

5. La Cour de cassation, selon une jurisprudence constante (Soc., 24 septembre 2008, pourvoi n° 06-42.269, Bull. 2008, V, n° 184), a déduit de la disposition similaire antérieure de l'article L. 412-11 du code du travail que, sous réserve de conventions ou d'accords d'entreprise comportant des clauses plus favorables, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un délégué du personnel titulaire disposant d'un crédit d'heures à ce titre peut être désigné comme délégué syndical.

6. Elle a jugé toutefois qu'un délégué du personnel suppléant assurant momentanément le remplacement du délégué du personnel titulaire en application de l'article L. 2314-30 dans sa rédaction alors applicable pouvait être désigné délégué syndical dès lors qu'il pouvait à ce titre bénéficier d'heures de délégation (Soc., 20 juin 2012, pourvoi n° 11-61.176, Bull. 2012, V, n° 193).

7. L'article L. 2315-9, issu de l'ordonnance n° 1386-2017 du 22 septembre 2017, prévoit que les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique peuvent, chaque mois, répartir entre eux et avec les membres suppléants le crédit d'heures de délégation dont ils disposent.

8. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2314-7 du code du travail, le protocole préélectoral peut modifier le nombre de sièges ou le volume des heures individuelles de délégation dès lors que le volume global de ces heures, au sein de chaque collège, est au moins égal à celui résultant des dispositions légales au regard de l'effectif de l'entreprise.

9. Enfin, l'article L. 2315-2 du code du travail, dans le chapitre V « Fonctionnement » du comité social et économique dans lequel figure l'article L. 2315-9 sur la répartition des heures de délégation entre titulaires et suppléants, dispose que les dispositions du présent chapitre ne font pas obstacle aux dispositions plus favorables relatives au fonctionnement ou aux pouvoirs du comité social et économique résultant d'accords collectifs de travail ou d'usages.

10. Il en résulte que seul un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, peut être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical.

11. Le tribunal qui a constaté que Mme [V] avait été élue en qualité de suppléant et que l'accord de partage des heures de délégation avec le membre titulaire du comité social et économique ne comportait aucune indication sur le nombre d'heures de délégation réparties mensuellement et était établi pour toute la durée du mandat en contrariété avec les dispositions des articles L. 2315-9 et R. 2315-6 du code du travail, en a exactement déduit qu'elle ne pouvait être désignée en qualité de délégué syndical.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat général : M. Gambert - Avocat(s) : Me Balat ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 2314-7, L. 2314-37, L. 2315-2, L. 2315-9 et R. 2315-6 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'exigence, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, d'un crédit d'heures au titre d'un mandat de délégué du personnel titulaire pour être désigné délégué syndical ou représentant de section syndicale, à rapprocher : Soc., 27 mars 2013, pourvoi n° 12-20.369, Bull. 2013, V, n° 94 (rejet), et l'arrêt cité ; Soc., 23 mars 2022, pourvoi n° 20-21.269, Bull., (rejet).

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