Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

RECUSATION

2e Civ., 3 mars 2022, n° 20-21.122, n° 20-21.867, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Procédure – Partie à l'instance – Définition – Exclusion – Cas – Partie au litige principal non demanderesse – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-21.122 et 20-21.867 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 septembre 2020), dans un litige opposant, à la suite de l'incendie survenu sur un bateau de croisière, la société Compagnie du Ponant, armateur du navire, à la société Fincantieri-Cantieri Navali Italiani, son constructeur, et aux sociétés Marioff Corporation OY, Wärtsilä Finland OY, Bureau Veritas marine & offshore, sous-traitants, un juge des référés a ordonné une expertise et désigné M. [E] à fin d'y procéder.

3. La société Protection & Indemnity Club Steamship Mutual Underwriting Association Ltd, assureur du navire, et les sociétés Allianz Global Corporate & Specialty, Helvetia assurances, XL Insurance Company venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions assurance, Generali assurances Iard, MMA Iard venant aux droits de la société Covea Risks, la Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Swiss RE International et le Syndicat du Lloyd's, assureurs corps et machine du navire, sont intervenues volontairement à l'instance.

4. La société Marioff Corporation OY a saisi unjuge des référés afin d'obtenir la récusation et le remplacement de M. [E]. Sa demande a été rejetée par ordonnance du 14 janvier 2020.

5. Les sociétés Marioff Corporation OY et Fincantieri-Cantieri Navali Italiani ont fait appel de cette ordonnance.

Recevabilité des pourvois n° 20-21.122 et 20-21.867 contestée par la défense

Vu les articles 607 et 608 du code de procédure civile :

6. Il résulte de ces textes que, sauf dans les cas spécifiés par la loi, les jugements rendus en dernier ressort qui ne mettent pas fin à l'instance ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond que s'ils tranchent dans leur dispositif une partie du principal. Il n'est dérogé à cette règle qu'en cas d'excès de pouvoir.

7. Les sociétés Fincantieri-Cantieri Navali Italiani SPA et Marioff Corporation OY se sont chacune pourvues en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui a confirmé l'ordonnance du juge des référés, saisi sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, ayant rejeté la demande de récusation et de remplacement de l'expert, et qui a ainsi mis fin à une instance indépendante de la procédure au fond non encore engagée.

8. En conséquence, le pourvoi est recevable.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi n° 20-21.122 et sur le premier moyen du pourvoi n° 20-21.867, ci-après annexés

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen du pourvoi n° 20-21.122 et le second moyen du pourvoi n° 20-21.867, qui sont similaires, réunis

Enoncé des moyens

10. Pourvoi n° 20-21.122 :

La société Fincantieri-Cantieri Navali Italiani SPA fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de récusation de M. [E] de sa mission d'expertise judiciaire, d'ordonner la poursuite des opérations d'expertise et de la condamner à verser en application de l'article 700 du code de procédure civile, à la société Compagnie du Ponant la somme de 5 000 euros, à M. [E], la somme de 5 000 euros, et aux sociétés Allianz Global Corporate Specialty, Axa Corporate Solutions assurances, Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Covea Risks, Generali assurance Iard, Helvetia assurances, Protection & Indemnity Club Steamship, Swiss Re International et Syndicats des Lloyds prises ensemble la somme de 5 000 euros, alors « que seuls les requérants à la récusation sont parties à la procédure de récusation ; qu'en statuant en présence de M. [E], expert judiciaire dont la récusation était demandée, de la Compagnie du Ponant et des sociétés Allianz Global Corporate Specialty, Axa Corporate Solutions assurance, Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Covea Risks, Generali assurances Iard, Helvetia assurances, Protection & Indemnity Club Steamship, Swiss Re International et Syndicats des Lloyds, parties au litige principal, et en condamnant la société Fincantieri à leur payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les articles 234 et 235 du code de procédure civile. »

11. Pourvoi n° 20-21.867 :

La société Marioff Corporation OY fait grief à l'arrêt de la condamner à verser en application de l'article 700 du code de procédure civile à la société Compagnie du Ponant la somme de 5 000 euros, à M. [E] la somme de 5 000 euros, et aux sociétés Allianz Global Corporate Specialty, Axa Corporate Solutions assurance, Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Covea Risks, Generali assurances Iard, Helvetia assurances, Protection & Indemnity Club Steamship, Swiss Re International et Syndicats des Lloyds prises ensemble la somme de 5 000 euros, alors « que seul le requérant à la récusation est partie à la procédure de récusation ; qu'en condamnant la société Marioff Corporation OY, après l'avoir débouté de sa requête tendant à la récusation de l'expert judiciaire, à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 5 000 euros respectivement à la société Compagnie du Ponant, à M. [E] et aux sociétés prises ensemble Allianz Global Corporate Specialty, Axa Corporate Solutions assurance, Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Covea Risks, Generali assurances Iard, Helvetia assurances, Protection & Indemnity Club Steamship, Swiss Re International et Syndicats des Lloyds, la cour d'appel a violé les articles 234 et 235 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

12. La société Compagnie du Ponant, M. [E] et les assureurs contestent la recevabilité du moyen au motif que celui-ci est contraire aux écritures du demandeur devant la cour d'appel et nouveau.

13. Cependant, le moyen, pris de la qualité de partie au litige et de la condamnation au paiement de sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, né de la décision attaquée, qui invoque un vice résultant de l'arrêt lui-même et qui ne peut être décelé avant que celui-ci ne soit rendu, ne peut être argué ni de nouveauté ni de contrariété avec la thèse défendue devant la cour d'appel.

14. Il est, dès lors, recevable.

Bien fondé du moyen

Vu les articles 234 et 235 du code de procédure civile :

15. Selon ces textes, les techniciens peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges et si la récusation est admise, il est pourvu au remplacement du technicien par le juge qui l'a commis ou par le juge chargé du contrôle.

16. Après avoir rejeté la demande de récusation de M. [E], l'arrêt, qui statue en présence de la Compagnie du Ponant et des assureurs, assignés dans la procédure de récusation, condamne les sociétés Fincantieri-Cantieri Navali Italiani SPA et Marioff Corporation OY à leur payer chacune, ainsi qu'à M. [E], diverses sommes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

17. En statuant ainsi, alors que seul le requérant à la récusation est partie à la procédure de récusation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

18. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

19. La cassation prononcée par voie de retranchement n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il a condamné les sociétés Fincantieri-Cantieri Navali Italiani SPA et Marioff Corporation OY, chacune, à verser en application de l'article 700 du code de procédure civile, à la société Compagnie du Ponant la somme de 5 000 euros, à M. [E], la somme de 5 000 euros, et aux sociétés Allianz Global Corporate Specialty, Axa Corporate Solutions assurance, Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Covea Risks, Generali assurances Iard, Helvetia assurances, Protection & Indemnity Club Steamship, Swiss Re International et Syndicats des Lloyds prises ensemble la somme de 5 000 euros, l'arrêt rendu le 3 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Thouin-Palat et Boucard ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 700 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 27 février 2020, pourvoi n° 18-24.066, Bull., (cassation).

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