Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

Soc., 23 mars 2022, n° 21-22.455, FS

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Travail réglementation, rémunération – Salaire – Paiement – Prescription – Prescription triennale – Article L. 3245-1 du code du travail – Droit à un recours effectif – Disposition applicable au litige (non) – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

1. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 15 juin 2021 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, Mme [T] a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« L'article L. 3245-1 du code du travail est-il contraire à la Constitution en ce que, limitant aux sommes dues au titre des trois dernières années les sommes que le créancier peut solliciter, instituant ainsi une prescription automatique de toutes les sommes dues depuis plus de trois ans à compter du jour où le créancier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'agir ou à compter de la rupture du contrat de travail, sans considération de la connaissance effective par le créancier des faits lui permettant d'exercer son action, il porte une atteinte excessive au droit à un recours effectif ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

2. La disposition contestée, qui concerne le délai de prescription applicable à l'action en paiement ou en répétition de salaire n'est pas applicable au litige, qui porte sur une action en paiement d'une créance de participation des salariés aux résultats de l'entreprise, laquelle n'a pas une nature salariale.

3. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Thomas-Davost - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Bénabent ; Me Carbonnier -

Textes visés :

Droit à un recours effectif ; article L. 3245-1 du code du travail.

Soc., 2 mars 2022, n° 21-40.032, (B), FS

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Travail réglementation, santé et sécurité – Congé paternité – Période de protection – Rupture du contrat de travail – Articles L. 1225-4-1, L. 1225-70 et L. 1225-71 du code du travail – Protection de la santé des travailleurs – Objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi – Principe d'égalité entre les hommes et les femmes – Liberté d'entreprendre – Caractère sérieux ou nouveau (non) – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Faits et procédure

1. M. [I], engagé en qualité de comptable à compter du 15 novembre 1993 par la société Trois Vallées, est devenu salarié de la société Domaxis, aux droits de laquelle vient la société Sequens à la suite d'une opération de fusion, et a exercé les fonctions de directeur général adjoint à compter du 14 juin 2017.

2. Le salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle le 10 juillet 2019.

3. Estimant que son licenciement était intervenu pendant la période de protection prévue à l'article L. 1225-4-1 du code du travail, faisant suite à la naissance de son enfant le 11 mai 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

4. Par jugement du 1er décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a transmis des questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

« 1°/ Les dispositions combinées des articles L. 1225-4-1, L. 1225-70 et L. 1225-71 du code du travail méconnaissent l'article 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par la Constitution du 4 octobre 1958, en ce qu'elles offrent aux jeunes pères non concernés par la grossesse une protection contre le licenciement uniquement destinée à protéger la santé physique et psychique des femmes ayant accouché.

2°/ En maintenant dans le code du travail une rédaction ambiguë sur les cas de licenciement autorisés pendant la période de protection relative de licenciement de 10 semaines (faute grave et impossibilité de maintenir le contrat), le législateur n'a pas suffisamment défini la portée des causes autorisées de licenciements prévus à l'article L. 1225-4-1 du code du travail dans le respect de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.

3°/ L'article L. 1225-70 du code du travail sur la nullité du licenciement n'est pas conforme aux articles 1 et 6 de la Déclaration de 1789 et au troisième alinéa du préambule de 1946 en ce qu'il protège indifféremment les jeunes pères (article L. 1225-4-1 du code du travail) et les jeunes mères (L. 1225-4 du code du travail) contre le licenciement pendant les 10 semaines suivant la naissance de l'enfant alors que sont autorisées des différences de traitement pour des motifs d'intérêt général -ici la protection de la santé de la mère- lorsque les hommes sont placés dans des situations différentes face à la grossesse et à l'accouchement.

4°/ L'interdiction des licenciements des jeunes pères pendant la période de 10 semaines suivant la naissance de l'enfant, pour des cas autres que la faute grave et l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la naissance, porte une atteinte excessive et disproportionnée à la liberté d'entreprendre consacrée par la constitution en limitant les possibilités pour l'employeur de se séparer de certains de ses collaborateurs pour des motifs non discriminatoires car non liés à la vie familiale des intéressés et à l'arrivée de l'enfant telle que l'insuffisance professionnelle. »

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

5. Les articles L. 1225-4-1, L. 1225-70 et L.1 225-71 du code du travail sont applicables au litige et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. Cependant, d'une part, les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.

7. D'autre part, les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux.

8. En effet, en premier lieu, la période de protection de dix semaines, qui a notamment pour objectif de permettre au salarié en instaurant une période de stabilité et de sécurité du lien contractuel, de concilier vie professionnelle et vie familiale, et de favoriser un meilleur partage des responsabilités parentales, ne porte aucune atteinte au droit à la protection de la santé des salariés.

9. En deuxième lieu, la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut en elle-même être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité.

10. En troisième lieu, les dispositions contestées ne portent pas atteinte au principe d'égalité entre les hommes et les femmes, la période de protection instaurée en faveur du père, qui n'a pas la même finalité que celle instaurée en faveur de la mère, tendant à favoriser l'égalité en permettant notamment un meilleur partage des responsabilités parentales.

11. En dernier lieu, l'interdiction de licencier, qui comporte des exceptions et est limitée dans le temps, répond à des motifs d'intérêt général et n'apporte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre.

12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Capitaine - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : Me Haas -

Textes visés :

Articles L. 1225-4-1, L. 1225-70 et L. 1225-71 du code du travail.

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