Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

1re Civ., 30 mars 2022, n° 21-13.970, (B), FS

Cassation partielle

Association de défense des consommateurs – Action en justice – Action civile – Association agréée – Recevabilité – Conditions

N'est pas recevable à agir sur le fondement des articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-7 du code de la consommation une association de défense des consommateurs qui ne justifie ni de l'existence d'une infraction ni de la méconnaissance d'une disposition issue de la transposition du droit de l'Union européenne.

Ne forme aucune prétention nouvelle l'association qui agit pour la défense des intérêts collectifs définis par ses statuts et se borne, en appel, à modifier le fondement juridique de ses demandes en cessation d'actes illicites, en indemnisation et en publication de la décision.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2021), l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels (AAMOI), qui a pour objet social la défense des intérêts des consommateurs en tant que maître d'ouvrage, vis-à-vis des constructeurs de maisons individuelles avec fourniture du plan, et le respect des normes dans le domaine de la construction de maisons individuelles, a été agréée par arrêté du 6 janvier 2006 du préfet de l'Essonne pour exercer l'action civile conformément aux dispositions du livre IV du code de la consommation.

2. Les 30 décembre 2016 et 3 et 9 janvier 2017, invoquant l'existence de pratiques illicites, elle a assigné, devant le tribunal de grande instance de Paris, la société Maisons Pierre, constructeur de maisons individuelles, et l'assureur de celle-ci, la société Axa France IARD, ainsi que la société Sogerep courtage, courtier, pour obtenir, sur le fondement des articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-7 du code de la consommation, la cessation de ces pratiques, des dommages-intérêts en réparation du préjudice collectif des consommateurs et la publication de la décision à intervenir.

3. A la suite de l'arrêté préfectoral du 24 avril 2018 portant retrait de son agrément, le premier juge a déclaré son action irrecevable, faute de qualité pour agir.

En appel, l'association a indiqué agir, à titre subsidiaire, sur le fondement du droit commun pour la défense de l'intérêt collectif entrant dans son objet social.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et sixième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches

Enoncé du moyen

5. L'AAMOI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables, faute de qualité pour agir, ses demandes principales formées à l'encontre de la société Sogerep Courtage, de la société Axa France IARD et de la société Maisons Pierre, alors :

« 2°/ que même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables faute de qualité les demandes présentées par l'AAMOI dans l'intérêt collectif des maîtres d'ouvrage consommateurs, qu'« une association de défense des intérêts des consommateurs ne peut agir en justice au titre de l'intérêt collectif des consommateurs et en réparation des préjudices directs et indirects occasionnés à celui-ci qu'en vertu d'un agrément administratif régulièrement accordé par l'autorité publique compétente dans le strict respect du cadre prévu par la loi et le règlement », en en subordonnant ainsi la défense de l'intérêt collectif entrant dans son objet social à une condition que la loi ne comporte pas, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile et 1er de la loi du 1er juillet 1901 ;

3°/ que l'existence du droit d'agir en justice s'apprécie à la date de la demande introductive d'instance et ne peut être remise en cause par l'effet de circonstances postérieures ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les prétentions formulées dans les assignations délivrées les 30 décembre 2016, 3 et 9 janvier 2017, que l'agrément avait été retiré à l'AAMOI par un arrêté préfectoral du 24 avril 2018, quand cet événement postérieur était sans incidence sur l'existence du droit d'agir au jour de l'introduction de l'instance, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile et L. 621-2 du code de la consommation ;

4°/ que le retrait de l'agrément d'une association de consommateurs, qui sanctionne la perte de conditions initialement réunies, n'est pas rétroactif ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les prétentions formulées dans les assignations délivrées les 30 décembre 2016, 3 et 9 janvier 2017, que « la décision administrative de retrait d'agrément du 24 avril 2018 » avait un « effet rétroactif à compter du 8 décembre 2015 », la cour d'appel, qui a méconnu le principe de sécurité juridique, a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile, L. 621-2 et R. 811-7 du code de la consommation ;

5°/ que, subsidiairement, faute d'avoir été annulée par le juge administratif ou déclarée illégale, les décisions administratives réglementaires ou individuelles ont un caractère exécutoire et doivent être appliquées par le juge judiciaire ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable, faute de qualité pour agir, l'ensemble des demandes principales de l'AAMOI, que « la décision administrative de retrait d'agrément du 24 avril 2018 » avait un « effet rétroactif à compter du 8 décembre 2015 », quand cet arrêté préfectoral énonce, en son article 1er, que « l'agrément départemental de l'association d'aide aux maîtres d'ouvrages individuels [?] est retiré à compter de la notification du présent arrêté à l'intéressé », soit à une date nécessairement postérieure à celle de son édiction, la cour d'appel a violé l'arrêté du 24 avril 2018. »

Réponse de la Cour

6. Les articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-7 du code de la consommation habilitent les associations agréées, d'une part, à exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs, d'autre part, à agir devant les juridictions civiles en cessation, interdiction, ou réparation de tout agissement illicite au regard des dispositions transposant les directives mentionnées à l'article 1er de la directive 2009/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 modifiée relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs.

7. Dès lors, n'est pas recevable à agir sur le fondement de ces dispositions l'association qui ne justifie ni de l'existence d'une infraction ni de la méconnaissance d'une disposition issue de la transposition du droit de l'Union.

8. La cour d'appel a relevé que l'action en cessation engagée par l'association était fondée sur la méconnaissance alléguée de dispositions du code des assurances relatives à l'obligation des maîtres d'ouvrage, ayant la qualité de consommateurs, de souscrire une assurance de dommages-ouvrage.

9. Il en résulte que l'association, qui n'invoquait ni l'existence d'une infraction ni la méconnaissance d'une disposition issue de la transposition d'une directive du droit de l'Union, n'était pas recevable à agir sur le fondement de ces textes.

10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle déclare irrecevable l'action de l'AAMOI sur le fondement des dispositions susvisées du code de la consommation.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche, dont l'examen est préalable au deuxième moyen

Enoncé du moyen

11. L'AAMOI fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable à agir en appel sur le fondement du droit commun, les prétentions formulées sur ce fondement étant nouvelles, alors « que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes de l'AAMOI, que celles-ci étaient désormais fondées sur le droit commun, quand l'appelante était recevable à invoquer de nouveaux moyens de droit pour fonder ses prétentions, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 563 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 563, 564 et 565 du code de procédure civile :

12. Selon le premier texte, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

13. Aux termes du deuxième, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

14. Selon le troisième, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

15. Pour déclarer irrecevable comme nouvelle l'action de l'AAMOI en ce qu'elle est fondée sur le droit commun, l'arrêt retient que celle-ci est distincte de celle formée sur le fondement des dispositions du code de la consommation, que les deux actions protègent des catégories de personnes différentes et qu'elles n'ont ni le même fondement légal ni la même portée, ni la même finalité. Il ajoute que la qualité d'association de consommateurs dont s'est prévalue l'AAMOI en première instance ne saurait être confondue avec celle d'association oeuvrant dans l'intérêt spécifique d'une catégorie de la population, à savoir les maîtres d'ouvrage, au soutien de laquelle l'association prétend agir en appel, et que les prétentions formulées par une partie en une qualité différente de celle en laquelle elle avait procédé en première instance, avec une finalité différente de celle soumise au premier juge, caractérisent une prétention nouvelle.

16. En statuant ainsi, alors que l'AAMOI, qui agissait, en première instance comme en appel, pour la défense des intérêts collectifs définis par ses statuts, n'avait pas modifié, devant la cour d'appel, ses demandes en cessation d'actes illicites, en indemnisation et en publication de la décision, et s'était bornée à invoquer un moyen nouveau au soutien de ses prétentions, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier et le troisième par refus d'application et le deuxième par fausse application.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

17. L'AAMOI fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action sur le fondement du droit commun pour défaut d'intérêt à agir relativement à la restriction géographique de ses statuts, alors « que l'action est ouverte à l'association qui a un intérêt légitime au succès d'une prétention formée au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'en retenant, pour dénier à l'AAMOI la possibilité d'agir en dehors du département de l'Essonne, et sur tout le territoire français » et la déclarer irrecevable faute d'intérêt, que [le] silence [de ses statuts] ne pouva[it] s'interpréter comme permettant à l'association d'agir sur un territoire illimité », quand il en résultait au contraire qu'elle n'avait pas limité son objet social au seul département dans la préfecture duquel elle avait été déclarée, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile et 1er de la loi du 1er juillet 1901. »

Réponse de la Cour

Vu l'articles 31 du code de procédure civile :

18. Il résulte de ce texte qu'une association, même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social. Lorsqu'aucune stipulation des statuts ne prévoit une restriction du champ d'action géographique de l'association, l'action formée par elle peut être introduite devant toute juridiction territorialement compétente.

19. Pour déclarer l'AAMOI irrecevable en son action sur le fondement du droit commun pour défaut d'intérêt à agir « relativement à la restriction géographique de ses statuts », l'arrêt retient que le silence de ceux-ci ne peut s'interpréter comme permettant à l'association d'agir sur un territoire illimité.

20. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées par l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels sur le fondement du code de la consommation et rejette la demande en indemnisation formée par la société Maisons Pierre et la société Sogerep courtage au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Robin-Raschel - Avocat général : MM. Chaumont et Lavigne - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer ; SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-7 du code de la consommation.

1re Civ., 30 mars 2022, n° 19-17.996, (B), FS

Cassation partielle

Clauses abusives – Demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 – Prescription – Prescription quinquennale (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 avril 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 16 mai 2018, pourvoi n° 17-11.337), suivant offres acceptées les 16 décembre 2008 et 5 octobre 2009, la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) a consenti à M. et Mme [X] (les emprunteurs) trois prêts immobiliers, libellés en francs suisses et remboursables en euros, dénommés Helvet Immo et destinés à financer l'acquisition d'appartements et d'emplacements de stationnement.

2. Par acte du 19 janvier 2012, les emprunteurs ont assigné la banque au titre de manquements à ses obligations, puis invoqué le caractère abusif de certaines clauses des contrats.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites leurs demandes relatives à la reconnaissance du caractère abusif de certaines clauses des contrats Helvet Immo, ainsi que les demandes subséquentes, alors « que la demande du consommateur tendant à voir déclarer non écrite une clause abusive n'est pas soumise à la prescription quinquennale ; qu'en retenant, pour les déclarer irrecevables, que les demandes des emprunteurs tendant à voir déclarer non écrites les clauses abusives des contrats de prêt Helvet Immo étaient soumises à la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

4. Selon le premier de ces textes, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

5. Il résulte du second que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives et réputées non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

6. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription.

7. Il s'en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 précité n'est pas soumise à la prescription quinquennale.

8. Pour déclarer les demandes irrecevables, comme prescrites, l'arrêt retient que l'action engagée par les emprunteurs pour voir déclarer non écrites des clauses qualifiées d'abusives, qui relève du droit commun des contrats, est soumise à la prescription quinquennale et que celles-ci ont été formées plus de cinq ans après l'acceptation des offres de prêt.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le deuxième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

10. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires au titre du manquement de la banque à son obligation d'information, alors :

« 3°/ que le banquier dispensateur d'un crédit en devise étrangère remboursable en euros doit, au titre de son devoir d'information, exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère, de sorte que l'emprunteur soit mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et les risques qui en découlent pour lui, notamment en lui fournissant des informations suffisantes pour lui permettre de prendre ses décisions avec prudence et en toute connaissance de cause, ces informations devant au moins traiter de l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'Etat membre où l'emprunteur est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger, en informant les emprunteurs qu'en souscrivant un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère, il s'expose à un risque de change qu'il lui sera, éventuellement, économiquement difficile d'assumer en cas de dépréciation de la monnaie dans laquelle il perçoit ses revenus par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été accordé, mais également en exposant à l'emprunteur les possibles variations des taux de change et les risques inhérents à la souscription d'un prêt en devises étrangères tels que le risque d'impossibilité d'exercer le mécanisme d'option en euros, le risque d'impossibilité de procéder au rachat du prêt ou à la revente du bien ; qu'en se bornant à relever, pour statuer comme elle l'a fait, que les emprunteurs avaient été clairement, précisément, expressément, informés sur le risque de variation du taux de change, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les termes « risque de change » n'étaient pas absents de l'offre de prêt et des documents annexes, ce qui était de nature à démontrer que l'information délivrée par la banque était insuffisante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ qu'en se bornant encore à relever que les emprunteurs avaient reçu une information suffisante sur l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation de la monnaie dans laquelle ils perçoivent leurs revenus, qui serait illustrée par les exemples chiffrés annexés à l'offre de prêt, sans constater que l'information et les exemples donnés traitaient de l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de l'euro, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

11. Lorsqu'elle consent un prêt libellé en devise étrangère, stipulant que celle-ci est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État où celui-ci est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger.

12. Pour écarter tout manquement de la banque à son obligation d'information, l'arrêt relève, d'abord, que les opérations de change sont clairement décrites dans l'offre, que les clauses « description de votre crédit », « financement de votre crédit », « ouverture de compte interne en euros et d'un compte interne en francs suisses », « opérations de change » font expressément référence aux opérations et aux frais de change, que, dans l'article « opérations de change », il est expressément mentionné que l'amortissement du capital du prêt évoluera en fonction des variations du taux de change et que le taux de change applicable à toutes les opérations de change sera celui de référence publié sur le site internet de la Banque Centrale Européenne. Il retient, ensuite, que cet article explique que l'amortissement du prêt se fait par la conversion des échéances fixes en euros, que la conversion s'opérera selon un taux de change qui pourra évoluer, que l'amortissement évolue en fonction des variations du taux de change appliqué aux règlements mensuels effectués par l'emprunteur, que l'amortissement du capital sera plus ou moins rapide, selon qu'il résulte de l'opération de change une somme supérieure ou inférieure à l'échéance en francs suisses exigible, de sorte que les emprunteurs ont été clairement, précisément et expressément informés sur le risque de variation du taux de change et sur son influence sur la durée du prêt et donc sur la charge totale de remboursement de ce prêt. Il ajoute que les trois annexes font expressément référence à l'incidence de la variation du taux de change sur le montant des règlements, la durée et le coût total du crédit, qu'il est spécifié que les tableaux et les exemples chiffrés sont prévisionnels et indicatifs, qu'il ne saurait être exigé de la banque qu'elle évalue, très précisément et de manière chiffrée, un risque d'endettement sur la base d'un cours dont elle ne contrôle pas les fluctuations. Il énonce, enfin, que l'information est tout aussi précise sur le taux d'intérêt.

13. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE et ANNULE, mais seulement, en ce qu'il déclare irrecevables comme prescrites les demandes relatives à la reconnaissance du caractère abusif de certaines clauses des contrats Helvet Immo, ainsi que les demandes subséquentes, en ce qu'il dit que la société BNP Paribas Personal Finance n'a pas manqué à son obligation d'information et rejette les demandes indemnitaires formées à ce titre par les époux [X], l'arrêt rendu, le 17 avril 2019, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Champ - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : Me Laurent Goldman ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Articles L. 110-4 du code de commerce ; article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

1re Civ., 9 mars 2022, n° 20-20.390, (B), FRH

Rejet

Crédit à la consommation – Domaine d'application – Opérations de crédit n'entrant pas dans son champ d'application – Volonté des parties – Conditions – Manifestation non équivoque

Si les parties sont libres, sauf disposition contraire de la loi, de soumettre volontairement aux régimes de protection définis par le code de la consommation des contrats qui n'en relèvent pas en vertu des dispositions de ce code, leur manifestation de volonté, dont la réalité est soumise à l'appréciation souveraine des juges du fond, doit être dépourvue d'équivoque.

Après avoir souverainement déduit des stipulations contractuelles et de la volonté des parties que les parties n'avaient pas entendu soumettre aux dispositions du code de la consommation des contrats de vente et de crédit affecté relatifs à une installation photovoltaïque ayant pour finalité la revente totale de l'électricité produite à EDF, une cour d'appel décide à bon droit que, s'agissant d'un litige relatif à des actes de commerce par accessoire, le tribunal de commerce était compétent pour en connaître.

Crédit à la consommation – Domaine d'application – Opérations de crédit n'entrant pas dans son champ d'application – Volonté des parties – Existence – Appréciation souveraine

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 10 juin 2020), le 29 novembre 2012, à la suite d'un démarchage à domicile, Mme [F] et son époux, [W] [R] [Z] (les acquéreurs), ont acquis de la société Universel énergie (le vendeur) une installation photovoltaïque, financée par un crédit souscrit auprès de la société Sofemo, aux droits de laquelle se trouve la société Cofidis (la banque).

Le vendeur a été placé en liquidation judiciaire, M. [B], aux droits duquel se trouve la société Martin, étant désigné liquidateur.

2. Les 26, 27 et 28 juillet 2017, les acquéreurs, invoquant l'existence d'irrégularités affectant le bon de commande, de manoeuvres dolosives ayant vicié leur consentement et de divers désordres, ont assigné le liquidateur, ès-qualités, et la banque en annulation des contrats principal et de crédit affecté.

La banque a soulevé une exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce.

3. [W] [R] [Z] est décédé le 21 décembre 2019, en laissant pour lui succéder son épouse.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [F] fait grief à l'arrêt de se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Foix, alors :

« 1°/ que les parties des parties sont libres de soumettre volontairement aux régimes de protection définis par le code de la consommation, l'achat d'une installation photovoltaïque et son financement par la conclusion d'un prêt affecté, peu important que l'opération d'installation n'obéisse qu'à des motifs exclusivement mercantiles de revente de l'énergie électrique à des tiers, à l'exclusion de toute consommation personnelle par ses acquéreurs ; qu'en tenant pour inopérante, la volonté des parties de se soumettre aux dispositions du code de la consommation, dès lors que l'installation de la centrale photovoltaïque répondait exclusivement à des mobiles mercantiles de revente aux tiers de l'énergie électrique, la cour d'appel a déduit un motif inopérant, en violation de l'article 1134 du code civil par refus d'application ;

2°/ que la soumission volontaire des parties aux dispositions protectrices du code de la consommation peut être implicite ; qu'elle n'est pas subordonnée à la condition qu'elle ait été prévue par une stipulation expresse ; qu'en décidant que les parties n'avaient pas entendu se soumettre volontairement au code de la consommation, en se référant à certaines de ses dispositions, en l'absence d'une clause stipulant expressément qu'elles aient entendu s'y assujettir, la cour d'appel a déduit un motif inopérant, en violation de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

3°/ qu'en s'abstenant de répondre au moyen par lequel il était soutenu que l'article 8 du contrat de crédit prévoit expressément la compétence du tribunal d'instance pour le traitement des litiges, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Si les parties sont libres, sauf disposition contraire de la loi, de soumettre volontairement aux régimes de protection définis par le code de la consommation des contrats qui n'en relèvent pas en vertu des dispositions de ce code, leur manifestation de volonté, dont la réalité est soumise à l'appréciation souveraine des juges du fond, doit être dépourvue d'équivoque.

6. Après avoir énoncé que les contrats de vente et de crédit sont des actes de commerce lorsqu'ils ont pour finalité la revente totale de l'électricité produite par l'installation photovoltaïque à EDF au tarif maximum, la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que la référence aux articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation dans le contrat de vente était insuffisante pour considérer que les parties avaient entendu se soumettre volontairement au code de la consommation et que si, dans le contrat de prêt, il était renvoyé à diverses dispositions de ce code, il était spécifié à l'article 7.2, que le crédit pouvait ne pas entrer dans le champ d'application de celles-ci et qu'aucune clause ne prévoyait expressément que les parties avaient entendu se soumettre à ces dispositions.

7. Ayant ainsi souverainement déduit des stipulations contractuelles et de la volonté des parties que les parties n'avaient pas entendu soumettre les contrats litigieux aux dispositions du code de la consommation, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a décidé à bon droit que, s'agissant d'un litige relatif à des actes de commerce par accessoire, le tribunal de commerce était compétent pour en connaître.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Serrier - Avocat(s) : SCP Boullez ; SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 1er juin 1999, pourvoi n° 97-13.779, Bull. 1999, I, n° 188 (rejet).

1re Civ., 9 mars 2022, n° 21-10.487, (B), FS

Rejet

Domaine d'application – Contrat de formation – Exclusion – Finalité professionnelle du contrat – Applications diverses

Ayant relevé qu'une personne physique était inscrite auprès de Pôle emploi en tant que demandeur d'emploi, que son statut était régi par les dispositions spéciales du code du travail et qu'elle avait conclu un contrat de formation pour acquérir et faire valider des connaissances en naturopathie, en partie financé par Pôle emploi, un tribunal en déduit exactement qu'au regard de la finalité professionnelle de ce contrat, celle-ci ne pouvait être qualifiée de consommatrice, de sorte qu'elle ne pouvait ni invoquer la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation ni se prévaloir des dispositions sur les clauses abusives de l'article L. 212-1 du même code.

Prescription – Prescription biennale – Exclusion – Cas – Contrat de formation – Finalité professionnelle du contrat

Clauses abusives – Exclusion – Contrats en rapport direct avec l'activité professionnelle du cocontractant – Cas – Contrat de formation

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Dole, 5 septembre 2019), rendu en dernier ressort, le 10 septembre 2016, Mme [V] a conclu avec la société Lomberget (la société) un contrat de formation professionnelle en naturopathie.

Par lettre du 1er février 2017, elle a informé la société de son intention de résilier le contrat pour raisons personnelles.

2. Le 7 mars 2019, faisant valoir que Mme [V] n'avait pas payé le solde du prix, la société l'a assignée en paiement.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur les deux premiers moyens, réunis

Enoncé du moyen

4. Par son premier moyen, Mme [V] fait grief au jugement de déclarer recevable l'action de la société, alors « qu'est un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ; que tel est le cas du demandeur d'emploi qui conclut un contrat de formation professionnelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que Mme [V], inscrite auprès de Pôle emploi en tant que demandeuse d'emploi, ne pouvait être qualifiée de consommatrice car elle avait agi dans un cadre professionnel en souscrivant un contrat de formation professionnelle ; que pourtant, en concluant ce contrat, Mme [V] n'exerçait aucune activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ; que le tribunal d'instance a donc violé l'article liminaire du code de la consommation par fausse d'application et l'article L. 218-2 dudit code par refus d'application. »

5. Par son deuxième moyen, Mme [V] fait grief au jugement de la condamner à verser une certaine somme à la société, alors « qu'est un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ; que tel est le cas du demandeur d'emploi souscrivant une formation professionnelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que Mme [V], inscrite auprès de Pôle emploi en tant que demandeuse d'emploi, ne pouvait être qualifiée de consommatrice car elle avait agi dans un cadre professionnel en souscrivant un contrat de formation professionnelle qui ne pouvait être régi par le droit de la consommation ; qu'en rejetant sur ce fondement la demande de Mme [V] afin que soit déclarée abusive la clause figurant à l'article IX du contrat de formation signé le 10 septembre 2016, la cour d'appel a violé l'article liminaire du code de la consommation par fausse application et l'article L. 212-1 du même code par refus d'application. »

Réponse de la Cour

6. L'article liminaire du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dispose que :

« Pour l'application du présent code, on entend par :

 - consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.

 - non-professionnel : toute personne morale qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.

 - professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel. »

7. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, seuls les contrats conclus en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité d'ordre professionnel, fût-elle prévue pour l'avenir, dans l'unique but de satisfaire aux propres besoins de consommation privée d'un individu, relèvent du régime de protection du consommateur en tant que partie réputée faible (CJCE, 3 juillet 1997, C-269/95, points 16 et 17 ; CJCE, 20 janvier 2005, C-464/01, point 36 ; CJUE, 25 janvier 2018, C-498/16, point 30 ; CJUE, 14 février 2019, C-630/17, point 89).

8. Ayant relevé que Mme [V] était inscrite auprès de Pôle emploi en tant que demandeur d'emploi, que son statut était régi par les dispositions spéciales du code du travail et qu'elle avait conclu un contrat de formation pour acquérir et faire valider des connaissances en naturopathie, en partie financé par Pôle emploi, le tribunal en a exactement déduit qu'au regard de la finalité professionnelle de ce contrat, celle-ci ne pouvait être qualifiée de consommatrice, de sorte qu'elle ne pouvait ni invoquer la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation ni se prévaloir des dispositions sur les clauses abusives de l'article L. 212-1 du même code.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

10. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 2.1 de la directive n° 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Champ - Avocat général : Mme Legohérel - Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article liminaire du code de la consommation ; articles L. 218-2 et L. 212-1 du code de la consommation.

2e Civ., 3 mars 2022, n° 20-18.768, (B), FRH

Rejet

Surendettement – Procédure – Dispense de comparution – Conditions

En matière de surendettement, l'application combinée des articles R. 713-7 du code de la consommation et 946 du code de procédure civile subordonnent, en appel, la dispense de comparution, d'une part à une autorisation donnée par la cour ou le magistrat chargé d'instruire l'affaire, d'autre part à la présentation des prétentions et moyens par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par notification entre avocats, sous réserve d'en justifier dans le délai imparti.

Ayant constaté qu'aucune autorisation de dispense n'avait été sollicitée auprès du juge et exactement retenu que la banque ne pouvait valablement se prévaloir en appel des dispositions de l'article R. 713-4 du code de la consommation, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté la demande de rapport de la décision de caducité de son appel.

Surendettement – Procédure – Appel – Applicabilité de l'article L713-4 code de la consommation – Exclusion – Effets – Défaut de comparution

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 30 janvier 2020), Mme [D] a bénéficié d'une procédure de rétablissement personnel au profit de la [21] (la banque).

2. Cette dernière a interjeté appel du jugement ayant arrêté les créances et ordonné la liquidation judiciaire du patrimoine de cette dernière à fin de voir admettre sa créance, laquelle ne figurait pas dans celles admises.

3. Par arrêt du 23 mai 2019, la cour d'appel a constaté le défaut de comparution de la banque et déclaré caduque sa déclaration d'appel.

4. La banque a, par requête du 29 mai 2019, saisi la cour d'appel d'une demande de rapport de la décision de caducité de son appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La banque fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à rapport de la déclaration de caducité prononcée par un arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 23 mai 2019, alors « qu'en application de l'article 931 du code de procédure civile et de l'article R. 713-7 du code de la consommation, les procédures de surendettement sont soumises aux règles relatives à l'assistance ou à la représentation des parties applicables devant la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel ; qu'à défaut de disposition contraire, l'article R. 713-4 du code de la consommation qui donne la faculté aux parties à une procédure de traitement des situations de surendettement d'exposer leurs moyens par lettre adressée au juge, sans avoir à requérir de ce dernier une dispense de se présenter à l'audience, est donc applicable à la procédure diligentée en appel contre le jugement prononcé dans la procédure en cause ; qu'en retenant que l'article R. 743-13 du code de la consommation relatif aux compétences du tribunal d'instance n'était pas applicable à la procédure d'appel « en l'absence de disposition similaire envisageant une dispense de comparution devant la cour d'appel », la cour d'appel a violé l'article 931 du code de procédure civile et l'article R. 713-7 du code de la consommation, par fausse application, et l'article R. 713-4 du code de la consommation, par refus d'application. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des articles R. 713-7 du code de la consommation et 946 du code de procédure civile qu'en matière de surendettement des particuliers, la procédure d'appel est orale, et que la cour ou le magistrat chargé d'instruire l'affaire peut dispenser une partie comparante qui en fait la demande de se présenter à une audience, et l'autoriser à formuler ses prétentions et moyens par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par notification entre avocats sous réserve d'en justifier dans le délai imparti.

7. Si, en première instance les parties ont la faculté, en vertu de l'article R 713-4 du code de la consommation, d'exposer leurs moyens par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ces dispositions relatives à la dispense de comparution ne s'appliquent pas devant la cour d'appel, l'article 931, alinéa 2, du code de procédure civile ne renvoyant, pour les règles applicables devant la Cour d'appel, qu'à celles relatives à l'assistance ou la représentation.

8. Ayant constaté qu'aucune autorisation de dispense n'avait été sollicitée auprès du juge sur le fondement de l'article 446-1 du code de procédure civile et exactement retenu qu'en l'absence de disposition similaire envisageant une dispense de comparution devant la cour d'appel, la banque ne pouvait valablement se prévaloir de l'article R. 713-4 précité, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté la demande de rapport de la décision de caducité de l'appel formé par la banque.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Latreille - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Articles R. 713-4 et R. 713-7 du code de la consommation ; article 946 du code de procédure civile.

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