Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

PROPRIETE INDUSTRIELLE

Com., 16 mars 2022, n° 19-25.123, (B), FRH

Rejet

Indications géographiques – Protection – Conditions – Cahier des charges – Zone géographique – Délimitation – Nécessité

Pour bénéficier d'une indication géographique protégeant un produit industriel ou artisanal, les conditions de production ou de transformation de ce produit doivent respecter un cahier des charges qui, selon les articles L. 721-2 et L. 721-7 du code de la propriété intellectuelle, doit préciser la délimitation de la zone géographique ou du lieu déterminé associé à l'indication géographique, à laquelle peuvent être attribuées essentiellement une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques de ce produit.

Ce cahier des charges devant être homologué par décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), il entre donc dans les pouvoirs de celui-ci de rejeter, préalablement à toute enquête publique et consultation, une demande d'homologation d'un cahier des charges incomplet.

Est incomplet un cahier des charges qui associe, dans sa dénomination, un produit à une ville de France mais vise, comme zone géographique, l'ensemble du territoire national, de sorte que le produit n'est en réalité associé à aucune aire géographique ni lieu déterminé.

Indications géographiques – Protection – Conditions – Cahier des charges – Homologation – Directeur général de l'INPI – Pouvoirs

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 novembre 2019), l'Association Savon de Marseille France (l'ASDMF) a déposé à l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) une demande d'homologation de son cahier des charges « savon de Marseille » n° 17-005, modifiée le 23 mars 2018, en vue de l'obtention d'une indication géographique visant à protéger des savons sous forme solide, liquide ou pâteuse produits par saponification sur le territoire français, à savoir l'ensemble des départements de la France métropolitaine et les départements d'Outre-Mer.

2. Par une décision n° 2018-69 du 22 mai 2018, le directeur général de l'INPI a rejeté sa demande.

L'ASDMF a formé un recours contre cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

4. L'ASDMF fait grief à l'arrêt de rejeter son recours contre la décision du directeur général de l'INPI du 22 mai 2018, ayant rejeté sa demande d'homologation d'indication géographique « savon de Marseille » n° 17-005 visant à protéger des savons sous forme solide, liquide ou pâteuse produits par saponification sur le territoire français à savoir l'ensemble des départements de France Métropolitaine et d'Outre-mer, alors :

« 3°/ qu'aux termes de l'article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle : « Constitue une indication géographique la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit, autre qu'agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique.

Les conditions de production ou de transformation de ce produit, telles que la découpe, l'extraction ou la fabrication, respectent un cahier des charges homologué par décision prise en application de l'article L. 411-4 » ; que cet article n'exige pas qu'il existe une corrélation entre la dénomination du produit et la dénomination de la zone géographique figurant dans le cahier des charges ; qu'en affirmant que le cahier des charges était incomplet au motif qu'il concernait la dénomination « savon de Marseille » qui visait une seule ville et que la zone géographique associée était la France, la cour d'appel a violé l'article L. 721-2 du code de propriété intellectuelle ;

4°/ que l'article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle n'interdit pas que la zone géographique corresponde à l'ensemble du territoire français ; qu'en affirmant que le cahier des charges était incomplet au motif que la zone géographique désignée était la zone France dans son ensemble, la cour d'appel a violé l'article L. 721-2 du code de propriété intellectuelle ;

5°/ que selon l'article L. 721-3 du code de la propriété intellectuelle la décision d'homologation est prise après d'une part, la vérification du contenu du cahier des charges et de la représentativité des opérateurs au sein de l'organisme de défense et de gestion et d'autre part, après la réalisation d'une enquête publique ; que l'INPI n'a pas le pouvoir, dans le cadre de la vérification du contenu du cahier des charges, de porter une appréciation sur la détermination de zone géographique ; qu'en affirmant que le directeur de l'INPI n'avait pas excédé ses pouvoirs en rejetant le recours de l'association Savon de Marseille au motif que la demande ne répondait pas à la définition d'une indication géographique, pour en déduire que le cahier des charges était incomplet, portant ainsi une appréciation sur la délimitation de la zone géographique choisie, alors que cette appréciation ne pouvait être donnée qu'après l'organisation d'une enquête publique et d'une consultation, la cour d'appel a violé les articles L. 721-3 et L. 721-7, R. 721-1, R. 721-2, et R. 721-5 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

5. Selon les articles L. 721-2 et L. 721-7 du code de la propriété intellectuelle, pour bénéficier d'une indication géographique protégeant un produit industriel ou artisanal, les conditions de production ou de transformation de ce produit doivent respecter un cahier des charges homologué par décision du directeur général de l'INPI, qui doit préciser la délimitation de la zone géographique ou du lieu déterminé associé à l'indication géographique, à laquelle peuvent être attribuées essentiellement une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques de ce produit.

6. Selon l'article L. 721-3, alinéa 4, du même code, lorsqu'il instruit la demande d'homologation ou de modification du cahier des charges, l'INPI s'assure notamment que le périmètre de la zone ou du lieu permet de garantir que le produit concerné présente effectivement une qualité, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être essentiellement attribuées à la zone géographique ou au lieu déterminé associés à l'indication géographique.

7. Après avoir énoncé que l'indication géographique protégeant des produits industriels ou artisanaux constitue la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique, ce qui suppose des éléments quant à un lien entre le produit concerné et la zone géographique délimitée associée, l'arrêt relève que, malgré une demande de compléments d'éléments formulée par l'INPI, le cahier des charges, quoique concernant la dénomination « savon de Marseille », qui vise manifestement une seule ville de France et associe le produit à cette commune, précise que la délimitation de la zone géographique associée sera la zone France, le produit concerné étant fabriqué sur l'ensemble du territoire national, résultant d'un savoir-faire historiquement répandu sur l'ensemble de ce territoire et d'un procédé trouvant son origine sur ce même ensemble.

8. En cet état, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'est incomplet le cahier des charges relatif à une demande de protection d'une indication d'origine visant l'ensemble du territoire national, sans délimiter une aire géographique ni un lieu déterminé associés au produit concerné, et que le directeur général de l'INPI avait pu, sans excéder ses pouvoirs, rejeter la demande d'homologation pour incomplétude.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Darbois (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bessaud - Avocat général : Mme Beaudonnet - Avocat(s) : SCP Gouz-Fitoussi ; Me Bertrand -

Textes visés :

Articles L. 721-2 et L. 721-7 du code de la propriété intellectuelle.

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