Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

PREUVE

3e Civ., 9 mars 2022, n° 21-10.619, (B), FS

Cassation

Preuve littérale – Acte sous seing privé – Ecrits produits en cours d'instance – Ecrit argué de faux – Examen par le juge – Nécessité

Il résulte des articles 1324, devenu 1373, du code civil, 287 et 288 du code de procédure civile, que lorsque la partie, à laquelle on oppose son engagement sous seing privé, désavoue son écriture ou sa signature, le juge doit, après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d'écriture, vérifier l'acte contesté, à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte.

Méconnaît ces dispositions, la cour d'appel qui, sans avoir procédé à la vérification de l'écriture désavouée d'un acte de cautionnement, en tient compte en condamnant la caution au paiement de sommes dues par un locataire.

Preuve littérale – Acte sous seing privé – Ecrits produits en cours d'instance – Ecrit argué de faux – Examen par le juge – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 octobre 2020), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n° 18-23.900), le 1er octobre 2013, M. et Mme [G] ont donné à bail un logement à Mme [N], avec le cautionnement solidaire de M. [X].

La locataire ayant interrompu le paiement de ses loyers, M. et Mme [G] ont assigné M. [X] en exécution de son engagement de caution. Celui-ci a soulevé la nullité de l'acte de cautionnement, en contestant être l'auteur de la mention manuscrite précédant sa signature.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, réunies

Enoncé du moyen

2. M. [X] fait grief à l'arrêt de déclarer valable son engagement de caution solidaire et de le condamner en cette qualité à payer une certaine somme à M. et Mme [G], alors :

« 1°/ que la personne physique qui ne se trouve pas en mesure de faire précéder sa signature des mentions manuscrites exigées par l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 destinées à assurer sa protection et son consentement éclairé, ne peut valablement s'engager en qualité de caution envers un bailleur, pour les sommes dont le locataire serait débiteur, que par acte authentique ou par acte sous signature privée contresigné par avocat ; que pour déclarer valable l'engagement de caution solidaire souscrit par acte sous seing privé par M. [X], l'arrêt se borne à retenir que ce dernier, qui ne conteste pas avoir signé au bas de l'acte de cautionnement mais prétend, sans en rapporter la preuve, ne pas être le scripteur de la mention manuscrite figurant dans le corps de l'acte, a dans un premier temps exécuté volontairement son obligation de caution, reconnaissant par ce commencement d'exécution s'être valablement engagé auprès de la locataire pour garantir le paiement des loyers, et que s'il n'était pas le véritable rédacteur de la mention manuscrite, M. [X], dont la bonne foi se présume, n'aurait pas manqué d'avertir ses cocontractants de cette irrégularité provenant de son fait et que ceux-ci ne pouvaient en aucun cas supposer ; qu'en se déterminant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [X] était illettré et s'il pouvait véritablement être le scripteur des mentions manuscrites portées sur l'acte de cautionnement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du dernier alinéa de l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie ;

2°/ que dans le cas où la partie à qui on oppose un acte sous seing privé en dénie ou en méconnaît l'écriture, c'est à la partie qui se prévaut de l'acte qu'il appartient d'en démontrer la sincérité ; que pour déclarer valable l'engagement de caution solidaire souscrit par acte sous seing privé par M. [X], l'arrêt retient que ce dernier, qui ne conteste pas avoir signé au bas de l'acte de cautionnement, se contente de prétendre ne pas être le scripteur de la mention manuscrite figurant dans le corps de l'acte sans toutefois en rapporter la preuve, qui lui incombe ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait aux époux [G] de démontrer la sincérité de la mention manuscrite, dont M. [X] déniait l'écriture qui lui était attribuée par eux, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315, 1323 et 1324 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009, l'article 1324, devenu 1373, du code civil et les articles 287 et 288 du code de procédure civile :

3. Selon le premier de ces textes, à peine de nullité de son engagement, la personne qui se porte caution pour l'exécution du contrat de bail, doit faire précéder sa signature, de la mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte, et de la reproduction manuscrite du texte législatif applicable.

4. Il résulte des suivants, que lorsque la partie, à laquelle on oppose son engagement sous seing privé, désavoue son écriture ou sa signature, le juge doit, après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d'écriture, vérifier l'acte contesté, à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte.

5. Pour condamner la caution au paiement des sommes dues par le locataire, l'arrêt retient que M. [X] ne conteste pas sa signature figurant au bas de l'acte de cautionnement et se contente de prétendre ne pas être le scripteur de la mention manuscrite figurant dans le corps de l'acte sans pour autant en rapporter la preuve qui lui incombe.

6. En statuant ainsi, sans procéder à la vérification de l'écriture désavouée de l'acte dont elle a tenu compte, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Gallet - Avocat général : Mme Morel-Coujard - Avocat(s) : SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Article 1324, devenu 1373, du code civil ; articles 287 et 288 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 9 mars 2005, pourvoi n° 03-14.686, Bull. 2005, III, n° 64 (cassation partielle), et les arrêts cités ; 1re Civ., 29 février 2012, pourvoi n° 10-27.332, Bull. 2012, I, n° 45 (cassation), et l'arrêt cité ; 1re Civ., 28 novembre 2012, pourvoi n° 10-28.372, Bull. 2012, I, n° 251 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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