Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

PAIEMENT

1re Civ., 9 mars 2022, n° 19-19.392, (B), FRH

Cassation partielle

Paiement par un tiers – Paiement avec subrogation – Effet – Action du créancier principal contre le débiteur – Irrecevabilité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 12 mars 2019), suivant offre acceptée du 3 février 2011, la Banque CIC Sud-Ouest (la banque) a consenti à M. et Mme [W] (les acquéreurs) un prêt, garanti par la société Crédit logement (la caution), destiné à l'acquisition d'un bien immobilier en l'état futur d'achèvement vendu par la société foncière la Vénétie (le vendeur), bénéficiant de la garantie d'achèvement de la Compagnie européenne de garanties et cautions (le garant).

2. Invoquant un non-respect des délais d'achèvement, les acquéreurs ont assigné le vendeur, la banque et le garant en résolution de la vente en l'état futur d'achèvement et du contrat de prêt.

Le vendeur ayant été placé en redressement, converti en liquidation judiciaire, son mandataire judiciaire, la SCP Dollet Collet, a été assigné en intervention forcée.

3. Par une décision devenue irrévocable, le premier juge a prononcé la résolution de la vente et du prêt.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à la banque la somme de 116 330,05 euros, outre intérêts au taux légal pour chaque règlement intervenu à compter de sa date jusqu'à parfait règlement, alors « que le paiement effectué par la caution libère le débiteur et entraîne, de plein droit, sa subrogation dans les droits du créancier à l'encontre de ce dernier, qu'elle a dès lors seule qualité pour exercer ; qu'en condamnant toutefois solidairement les acquéreurs à rembourser à la banque la somme de 116 330,05 euros outre les intérêts au taux légal, « nonobstant le remboursement effectué par la caution pour le compte des acquéreurs à la banque de la somme de 141 180,45 euros, tel que cela résulte de la quittance du 20 juillet 2015, à raison des échéances impayées à compter du 15 août 2013 et jusqu'au 15 décembre 2014, outre les pénalités de retard », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé, par refus d'application, l'article 122 du code de procédure civile, ensemble l'article 2306 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2306 du code civil et l'article 122 du code de procédure civile :

6. Selon le second de ces textes, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon le premier, la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur.

7. Il s'en déduit que la caution, qui a payé la banque, est subrogée à tous ses droits et que celle-ci n'a plus intérêt à solliciter de l'emprunteur la restitution du capital prêté par suite de la résolution du prêt affecté, en conséquence de celle du contrat de vente.

8. Pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les emprunteurs et condamner ceux-ci à payer à la banque la somme de 116 083,05 euros, l'arrêt retient que la résolution du contrat de crédit consécutive à la résolution de la vente emporte l'obligation pour les emprunteurs de rembourser à la banque le capital emprunté et relève que celle-ci justifie avoir versé cette somme auprès du vendeur à la suite des appels de fonds intervenus entre les 8 février 2011 et 29 mars 2012.

9. En statuant ainsi, après avoir constaté que la caution avait, selon quittance du 20 juillet 2015, payé à la banque la somme de 141 180,45 euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement M. et Mme [W] à rembourser à la société CIC du Sud-Ouest la somme de 116 330,05 euros, outre intérêts au taux légal pour chaque règlement intervenu à compter de sa date jusqu'à parfait règlement et déboute celle-ci de sa demande de compensation, l'arrêt rendu le 12 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Champ - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Caston ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article 2306 du code civil ; article 122 du code de procédure civile.

2e Civ., 24 mars 2022, n° 20-12.241, (B), FRH

Rejet

Paiement par virement bancaire – Caractère libératoire – Limites – Saisie-attribution

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 5 décembre 2019), la Société générale industrielle commerciale (la société) a fait pratiquer une saisie-attribution des comptes bancaires ouverts au nom de la société Vicalex auprès de la société Banque Delubac et Cie (la banque) puis a assigné cette dernière, devant un juge de l'exécution, en paiement des causes de la saisie.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société la somme de 14 354 euros, alors « que le virement ordonné au débit du compte bancaire du débiteur saisi antérieurement à la saisie-attribution constitue une opération de débit susceptible d'affecter le solde du compte au préjudice du saisissant ; qu'en condamnant la Banque Delubac à verser à la société GIC la somme de 14.354 euros à titre de dommages et intérêts, motif pris que « les virements au débit ne sont pas prévus dans la liste de l'article L. 162-1 du Code des procédures civiles d'exécution et qu'ils ne peuvent affecter le solde du compte saisi », cependant que les quatre ordres de virement transmis par courriel du 29 janvier 2016, d'un montant total de 14.354 euros, au débit du compte de la société Avas Transport, débiteur saisi, avaient été validés par la Banque Delubac entre 11h21 et 11h31, antérieurement à la saisie-attribution régularisée à 15h48, et constituaient ainsi, au même titre que des retraits, une opération de débit ayant pu affecter le solde du compte bancaire du débiteur saisi, la cour d'appel a violé l'article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution ».

Réponse de la Cour

3. Aux termes de l'article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution, lorsque la saisie est pratiquée entre les mains d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt, celui-ci est tenu de déclarer le solde du ou des comptes du débiteur au jour de la saisie. Dans le délai de quinze jours ouvrables qui suit la saisie et pendant lequel les sommes laissées au compte sont indisponibles, ce solde peut être affecté à l'avantage ou au préjudice du saisissant par les opérations suivantes dès lors qu'il est prouvé que leur date est antérieure à la saisie :

1° Au crédit : les remises faites antérieurement, en vue de leur encaissement, de chèques ou d'effets de commerce, non encore portées au compte ;

2° Au débit :

a) L'imputation des chèques remis à l'encaissement ou portés au crédit du compte antérieurement à la saisie et revenus impayés ;

b) Les retraits par billetterie effectués antérieurement à la saisie et les paiements par carte, dès lors que leurs bénéficiaires ont été effectivement crédités antérieurement à la saisie.

Par dérogation aux dispositions prévues au deuxième alinéa, les effets de commerce remis à l'escompte et non payés à leur présentation ou à leur échéance lorsqu'elle est postérieure à la saisie peuvent être contrepassés dans le délai d'un mois qui suit la saisie.

Le solde saisi attribué n'est diminué par ces éventuelles opérations de débit et de crédit que dans la mesure où leur résultat cumulé est négatif et supérieur aux sommes non frappées par la saisie au jour de leur règlement.

4. Il résulte de ces dispositions que les virements ordonnés par le débiteur titulaire du compte avant la saisie, qui ne sont pas au nombre des opérations limitativement énumérées à l'article L. 162-1, 2°, précité, ne peuvent affecter le solde saisi attribué au préjudice du saisissant.

5. Ayant, d'une part, relevé, par motifs propres et adoptés, que lors de la signification du procès-verbal de saisie-attribution, le 29 janvier 2016 à 15h48, la banque avait répondu sur-le-champ que le compte présentait un solde de 23 485,16 euros, que le 2 février 2016, la banque avait informé l'huissier de justice qu'à la suite de la comptabilisation d'opérations en cours de traitement au moment de la saisie, dont quatre virements ordonnés le jour même, entre 9h38 et 9h59, le solde du compte était désormais nul et, d'autre part, exactement retenu que les virements ne sont pas prévus dans la liste de l'article L. 162-1 précité et qu'ils ne peuvent, en conséquence, affecter le solde du compte saisi, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel en a déduit que la banque avait fait une déclaration inexacte en indiquant un solde de compte courant à zéro euro et l'a condamnée, après avoir retenu que la société était en droit de saisir les montants correspondant aux quatre virements, ce qui constituait son préjudice certain, à lui verser des dommages-intérêts à hauteur de cette somme.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SARL Ortscheidt ; SCP Gaschignard -

Textes visés :

Article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution.

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