Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

MAJEUR PROTEGE

1re Civ., 2 mars 2022, n° 20-19.767, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Procédure – Renforcement d'une mesure de protection judiciaire – Requête – Recevabilité – Conditions – Certificat médical circonstancié établi à cette fin

Selon l'article 442, alinéas 3 et 4, du code civil, si le juge peut, à tout moment, mettre fin à une mesure de protection, la modifier ou lui substituer une autre mesure, il ne peut renforcer le régime de protection que s'il est saisi d'une requête en ce sens, satisfaisant aux conditions fixées par l'article 431 du même code.

Il résulte de la combinaison des articles 431 du code civil, 1218 et 1228 du code de procédure civile que la demande est accompagnée, à peine d'irrecevabilité, d'un certificat circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République.

Viole ces textes la cour d'appel qui substitue à une curatelle simple une curatelle renforcée alors que la requête tendant au renforcement de la mesure de protection n'était pas recevable à défaut d'être accompagnée d'un certificat médical circonstancié établi à cette fin.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 juillet 2020), un jugement du 28 juin 2018 a placé Mme [J] sous le régime de la curatelle simple, Mme [L], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, étant désignée en qualité de curatrice.

2. Par lettres des 29 avril et 11 juillet 2019, M. [T] [U], fils de la majeure protégée, a demandé au juge des tutelles la modification de cette mesure en curatelle renforcée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [J] fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors :

« 1°/ que si le juge peut, à tout moment, substituer à la mesure de protection du majeur une autre mesure plus adaptée, il ne peut renforcer le régime de protection de l'intéressé qu'au vu d'une requête conforme aux articles 430 et 431 du code civil ; que la recevabilité de cette requête est subordonnée à la condition qu'elle soit accompagnée d'un certificat circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République ; qu'en retenant, pour en déduire que le juge des tutelles avait été régulièrement saisi et le confirmer en ce qu'il avait aggravé en curatelle renforcée la mesure de curatelle simple à laquelle Mme [U] était soumise, que les courriers de M. [T] [U] des 29 avril 2019 et 11 juillet 2019 constituaient des requêtes recevables dès lors qu'elles avaient été précédées de la réception d'un certificat médical établi par un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République même si ce certificat avait été établi dans le cadre d'une autre finalité, l'activation d'un mandat de protection future signé en avril 2018, quand il résultait de ses propres constatations que les courriers des 29 avril 2019 et 10 juillet 2019 n'étaient pas accompagnés d'un certificat médical établi par un médecin agréé, la cour d'appel a violé les articles 431 et 442 du code civil ;

2°/ que, en toute hypothèse, si le juge peut, à tout moment, substituer à la mesure de protection du majeur une autre mesure plus adaptée, il ne peut renforcer le régime de protection de l'intéressé qu'au vu d'une requête conforme aux articles 430 et 431 du code civil ; que la recevabilité de cette requête est subordonnée à la condition qu'elle soit accompagnée d'un certificat circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République ; qu'en retenant, pour en déduire que le juge des tutelles avait été régulièrement saisie et le confirmer en ce qu'il avait aggravé en curatelle renforcée la mesure de curatelle simple à laquelle Mme [U] était soumise, que les courriers de M. [T] [U] des 29 avril 2019 et 11 juillet 2019 constituaient des requêtes recevables dès lors qu'elles avaient été précédées de la réception d'un certificat médical établi par un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République quand ces lettres, qui n'étaient pas accompagnées d'un certificat médical, ne faisaient pas plus référence à un tel certificat, la cour d'appel a violé les articles 431 et 442 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 431 et 442, alinéas 3 et 4, du code civil et les articles 1218 et 1228 du code de procédure civile :

4. Selon le deuxième de ces textes, si le juge peut, à tout moment, mettre fin à une mesure de protection, la modifier ou lui substituer une autre mesure, il ne peut renforcer le régime de protection que s'il est saisi d'une requête en ce sens, satisfaisant aux conditions fixées par le premier.

5. Il résulte de la combinaison des autres que la demande est accompagnée, à peine d'irrecevabilité, d'un certificat circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République.

6. Pour modifier le régime de protection de Mme [J] en substituant à la curatelle simple une mesure de curatelle renforcée, l'arrêt retient que la requête de M. [T] [U] était précédée de la réception par le juge des tutelles d'un certificat médical établi par un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République, peu important que ce certificat ait été établi à une autre fin, à savoir l'activation d'un mandat de protection future.

7. En statuant ainsi, alors que la requête tendant au renforcement de la mesure de protection, faute d'être accompagnée d'un certificat médical circonstancié établi à cette fin, n'était pas recevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il infirme le jugement déféré en sa mention relative à l'impossibilité de mettre en oeuvre le mandat de protection future, l'arrêt rendu le 2 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Infirme le jugement déféré pour le surplus ;

Déclare irrecevables les demandes de M. [T] [U] tendant à l'aggravation de la mesure de protection de Mme [J].

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Fulchiron - Avocat général : Mme Caron-Déglise - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Articles 431 et 442, alinéas 3 et 4, du code civil ; articles 1218 et 1228 du code de procédure civile.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.