Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

JUGEMENTS ET ARRETS

2e Civ., 3 mars 2022, n° 20-17.419, (B), FRH

Cassation

Qualification inexacte – Effets – Jugement statuant sur la compétence – Appel – Délais

Notification – Signification à partie – Mentions – Voies de recours – Qualification inexacte du jugement – Voie de recours mentionnée effectivement ouverte – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mai 2020), la SAS D&P PME IV gestion, en sa qualité de liquidateur amiable de la société Développement & partenariat PME et de la société D&P PME IV, a interjeté appel d'une ordonnance d'un juge de la mise en état ayant rejeté une exception de nullité de l'assignation qu'elle avait faite délivrer à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines et MM. [N] et [O] et ayant déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent.

2. Un conseiller de la mise en état a rejeté la demande des intimés tendant à prononcer la caducité de la déclaration d'appel sur le fondement de l'article 84 du code de procédure civile, par une ordonnance du 7 octobre 2019 que les intimés ont déférée à la cour d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société D&P PME IV gestion, en qualité de liquidateur amiable de la société Développement & partenariat PME et de la société D&P PME IV, fait grief à l'arrêt de réformer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 7 octobre et de déclarer caduque la déclaration d'appel formée par la société D&P PME IV Gestion en qualité de liquidateur amiable des sociétés Développement & partenariat PME et D&P PME IV, alors « que le délai de recours ne court pas lorsque le jugement entrepris comporte une mention erronée sur sa qualification, à moins que l'acte de notification de ce jugement n'ait indiqué la voie de recours qui était effectivement ouverte ; qu'au soutien du moyen pris de ce que le délai d'appel n'avait pas couru à l'encontre de l'ordonnance entreprise mentionnant dans son dispositif qu'elle était « susceptible de recours dans les conditions prévues à l'article 776 du code de procédure civile », la société D&P PME IV gestion faisait valoir devant la cour d'appel que « le greffe n'avait jamais accompagné l'ordonnance d'un acte de notification » ; qu'en retenant, pour écarter ce moyen, que la règle figurant à l'article 680 du code de procédure civile ne concerne que l'irrégularité contenue dans l'acte de notification d'un jugement, et non dans le jugement lui-même, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si un acte régulier de notification du jugement avait fait courir le délai d'appel, a privé sa décision de base légale au regard des articles 536 et 680 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 83, 84, alinéa 2, 536 et 680 du code de procédure civile :

5. Selon le premier de ces textes, lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel.

6. Selon le deuxième, en cas d'appel, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire.

7. En application des deux derniers textes, le délai de recours ne court pas lorsque le jugement critiqué porte une mention erronée sur sa qualification, à moins que l'acte de notification de cette décision n'ait indiqué la voie de recours qui était effectivement ouverte.

8. Il en résulte que le délai d'appel, dans lequel l'appelant doit saisir le premier président en vue d'être autorisé à assigner à jour fixe, ne court pas lorsque le jugement critiqué porte une mention erronée sur sa qualification, à moins que l'acte de notification de cette décision n'ait indiqué la voie de recours qui était effectivement ouverte.

9. Après avoir énoncé, à bon droit, que l'ordonnance du juge de la mise en état était susceptible d'appel dans les conditions prévues aux articles 83 et 84 du code de procédure civile et pour constater la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt retient, en substance, que, s'agissant de l'erreur invoquée dans l'ordonnance frappée d'appel, l'article 680 du code de procédure civile prévoit que l'acte de notification doit indiquer de manière très apparente le délai d'appel et que cette règle ne concerne que l'irrégularité contenue dans l'acte de notification d'un jugement, et non dans le jugement lui-même et qu'en l'espèce, l'erreur concerne la décision mais non sa notification.

10. Il relève que les dispositions des articles 83 et 84 s'imposent et que l'appelant ne justifiant pas avoir saisi le premier président d'une requête tendant à être autorisé à assigner les intimés à jour fixe, la déclaration d'appel doit être déclarée caduque.

11. En se déterminant ainsi, alors que l'ordonnance frappée d'appel comportait la mention d'une voie de recours erronée et qu'il lui appartenait de rechercher si un acte de notification mentionnant la voie de recours ouverte par l'article 84 du code de procédure civile avait été effectué, à défaut duquel le délai d'appel ne pouvait commencer à courir, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 83 et 84, alinéa 2, du code de procédure civile ; articles 536 et 680 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 3 juin 1999, pourvoi n° 97-15.511, Bull. 1999, I, n° 108 (cassation).

2e Civ., 24 mars 2022, n° 20-22.216, (B), FRH

Cassation

Rectification – Décision rectificative – Composition de la juridiction – Jugement rendu par une formation collégiale – Portée

Les erreurs et omissions matérielles affectant un jugement rendu par une formation collégiale ne peuvent être rectifiées que par une juridiction statuant en formation collégiale.

Rectification – Conditions – Jugement rendu par une formation collégiale – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue en dernier ressort, (tribunal de commerce de Dijon, 3 août 2020), un tribunal de commerce a, par jugement du 21 novembre 2019, retenu que certains lots de bouchons en liège fournis par la société Établissements Obrecht à la société LLA gestion et participations étaient affectés d'un vice caché et a condamné cette société à réparer les préjudices en découlant.

2. Saisi par la société Établissements Obrecht d'une requête en rectification d'erreur matérielle, le tribunal de commerce a rectifié, au visa de l'article 462 du code de procédure civile, le jugement rendu le 21 novembre 2019 en jugeant qu'il serait mentionné, dans le dispositif du jugement, la condamnation de la société MMA IARD à garantir la société Etablissements Obrecht des condamnations prononcées à son encontre.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société MMA IARD fait grief à l'ordonnance de faire droit à la requête en rectification d'erreur matérielle de la société Etablissements Obrecht et de dire qu'il serait mentionné en marge de la minute du jugement du 21 novembre 2019, « condamne la société MMA à garantir la société Obrecht de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre », alors « que les erreurs matérielles et les omissions de statuer affectant un jugement ne peuvent être corrigées que par la juridiction qui l'a prononcé ou par une juridiction statuant sur un recours contre celui-ci ; qu'en l'espèce, le jugement du 21 novembre 2019 a été rendu par le tribunal de commerce, régulièrement composé de trois magistrats statuant collégialement ; qu'ayant été instruite et prononcée par un juge unique, M. [V], sans que mention soit faite de noms des autres juges composant la formation collégiale du tribunal de commerce de Dijon, pourtant seul compétent pour examiner la requête en rectification de la société Obrecht à l'exclusion de toute autre formation et juridiction du tribunal, l'ordonnance du 3 août 2020 a violé les articles 462 et 463 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 462 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, si les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées, elles ne peuvent l'être que par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.

5. Un juge d'un tribunal de commerce a fait droit à la requête en rectification d'erreur matérielle affectant le jugement rendu par une formation collégiale de ce même tribunal.

6. En statuant ainsi, alors que les erreurs et omissions matérielles d'un jugement rendu par une formation collégiale ne peuvent être rectifiées que par une juridiction statuant en formation collégiale, le tribunal a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

7. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Saint-Cricq embouteillages et la société AXA France IARD, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 3 août 2020, entre les parties, par le tribunal de commerce de Dijon ;

Met hors de cause la société Saint-Cricq embouteillages et la société AXA France IARD ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le tribunal de commerce de Dijon autrement composé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Ohl et Vexliard ; SCP Piwnica et Molinié -

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