Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

IMPOTS ET TAXES

Com., 9 mars 2022, n° 20-11.951, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Contributions directes – Recouvrement – Contestation sur le montant et l'exigibilité de la dette – Compétence de la juridiction administrative

Il résulte des articles L. 281 et L. 199 du livre des procédures fiscales que les contestations relatives au recouvrement qui portent sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée relèvent, en matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, de la compétence du juge administratif.

Dès lors, excède ses pouvoirs et viole ces dispositions la cour d'appel qui statue sur de telles contestations.

Taxe sur la valeur ajoutée – Recouvrement – Contestation sur le montant et l'exigibilité de la dette – Compétence de la juridiction administrative

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 7 novembre 2019), par acte du 28 février 2018, le comptable du service des impôts des entreprises de Grenoble Belledonne Vercors, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de la Haute-Savoie et du directeur général des finances publiques, a émis un avis de mise en recouvrement contre M. [N], associé de la société en participation La Cloche (la SEP), au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, de la contribution à l'audiovisuel public, de la cotisation foncière des entreprises, de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux et de pénalités dues par la SEP.

Le comptable public a, le 10 avril 2018, mis en demeure M. [N], en sa qualité d'associé de la SEP, de payer ces impositions et pénalités.

2. Après rejet de son opposition à poursuite, M. [N] a assigné le directeur départemental des finances publiques de la Haute-Savoie devant un tribunal judiciaire en annulation de la mise en demeure.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 76 du code de procédure civile et les articles L. 281 et L. 199 du livre des procédures fiscales :

5. Il résulte des deux derniers textes que les contestations relatives au recouvrement qui portent sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée relèvent, en matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, de la compétence du juge administratif.

Selon le premier texte, l'incompétence de la juridiction judiciaire peut être relevée d'office par la Cour de cassation si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction administrative.

6. Pour rejeter les moyens d'annulation de la mise en demeure pris de ce que M. [N] n'a jamais entendu agir au nom de la SEP en qualité d'associé au vu et au su des tiers, de ce qu'il n'est pas justifié de sa participation à l'activité sociale et de ce que l'administration se devait de lui signifier la dette de la SEP et justifier de tentatives préalables de recouvrement auprès de cette dernière, restées infructueuses, l'arrêt, après avoir constaté que l'administration fiscale réclamait à la SEP des sommes au titre de la contribution à l'audiovisuel public, de la taxe sur la valeur ajoutée, de la cotisation foncière des entreprises et de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux, retient que M. [N] a, dans sa déclaration de revenus pour l'année 2017, déclaré des déficits au titre de l'exploitation de la SEP, qu'il a ainsi entendu se présenter aux yeux de l'administration fiscale comme étant associé de la SEP et que cette administration est, en conséquence, en droit de lui réclamer l'ensemble des créances détenues par elle sur la SEP.

7. En statuant ainsi, alors que la contestation par M. [N] de son obligation au paiement des impositions dues par la SEP relève de la compétence du juge de l'impôt qui, s'agissant des impositions en cause, est le juge administratif, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée implique, en effet, qu'il ne peut être statué au fond par le juge judiciaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les moyens d'annulation de la mise en demeure du 10 avril 2018 pris de ce que M. [N] n'a jamais entendu agir au nom de la société en participation La Cloche en qualité d'associé au vu et au su des tiers, de ce qu'il n'est pas justifié de sa participation à l'activité sociale et de ce que l'administration fiscale se devait de lui signifier la dette de cette société et justifier de tentatives préalables de recouvrement auprès de cette dernière, restées infructueuses, l'arrêt rendu le 7 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître des moyens d'annulation de la mise en demeure du 10 avril 2018 qui portent sur la contestation de l'obligation de M. [N] au paiement ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ducloz - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles L. 281 et L. 199 du livre des procédures fiscales.

Rapprochement(s) :

Sur la compétence de la juridiction administrative en matière de contestations relatives au recouvrement qui portent sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de l'impôt, à rapprocher : Com., 3 décembre 2002, pourvoi n° 00-21.850, Bull. 2002, IV, n° 185 (cassation).

2e Civ., 17 mars 2022, n° 20-17.903, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Recouvrement (règles communes) – Pénalités et sanctions – Loi plus douce – Rétroactivité – Champ d'application – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 décembre 2019), la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de la Côte d'Azur, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), a notifié à M. [T] (le cotisant) plusieurs mises en demeure pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard dues pour la période comprise entre le mois d'octobre 2014 et le deuxième trimestre 2017.

2. Le cotisant a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. Le cotisant fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement le condamnant au paiement d'une somme de 2 000 euros à titre d'amende civile, alors « que l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale ayant été abrogé au 1er janvier 2019 par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, la cour d'appel ne pouvait confirmer le jugement entrepris, fût-il antérieur à l'abrogation, en tant qu'il avait condamné le cotisant au paiement d'une amende sur le fondement de ce texte ; qu'à cet égard, l'arrêt doit être censuré pour violation de l'article 11 du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. L'URSSAF conteste la recevabilité du moyen au motif qu'il est nouveau et incompatible avec la thèse soutenue par le cotisant devant la cour d'appel.

6. Cependant, le moyen ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par la cour d'appel, est de pur droit et peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.

7. En outre, il n'est pas incompatible avec la thèse antérieurement soutenue par le cotisant.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 2 du code civil et 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 :

9. Les dispositions du second de ces textes abrogeant l'article R. 144-10, alinéa 5, du code de la sécurité sociale, selon lequel une amende civile peut être prononcée lorsque la procédure est jugée dilatoire ou abusive, sont d'application immédiate aux instances en cours.

10. L'arrêt confirme le jugement ayant condamné le cotisant au paiement d'une amende civile, tout en relevant que l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale, sur lequel se fonde l'URSSAF pour réclamer cette condamnation, a été abrogé.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un texte abrogé, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

14. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 9 et 10 que l'URSSAF doit être déboutée de sa demande en condamnation du cotisant au paiement d'une amende civile.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant condamné le cotisant au paiement d'une amende civile, l'arrêt rendu le 13 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉBOUTE l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur de sa demande en condamnation du cotisant au paiement d'une amende civile.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Leblanc - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 abrogeant l'article R. 144-10, alinéa 5, du code de la sécurité sociale ; article 2 du code civil.

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