Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE

3e Civ., 16 mars 2022, n° 21-10.032, (B), FS

Cassation partielle

Protection des occupants – Droit au relogement – Contestations – Renonciation claire et non équivoque – Caractérisation – Défaut – Portée

Viole l'article R. 423-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, une cour d'appel qui, pour évaluer uniquement en valeur libre le bien occupé par l'exproprié, retient qu'il a sollicité une évaluation en valeur libre et renonce donc à être relogé, sans avoir constaté une renonciation claire et non équivoque de celui-ci à bénéficier de son droit à être relogé.

Faits et procédure

1. L'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2019) fixe les indemnités revenant à M. [Y], par suite de l'expropriation, au profit de la société d'aménagement et de développement des villes et du département du Val-de-Marne (la SADEV 94), de plusieurs lots de copropriété lui appartenant.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La SADEV 94 fait grief à l'arrêt de fixer l'indemnité de dépossession due à M. [Y] seulement en valeur libre, alors « que le juge qui fixe l'indemnité d'expropriation doit prendre en considération l'exercice éventuel du droit de relogement dont dispose l'exproprié, et, tant que celui-ci n'a pas pris parti sur l'exercice de ce droit, fixer l'indemnité de façon alternative ; que la renonciation à un droit doit résulter d'actes non équivoques ; que le seul fait que M. [Y] ait demandé l'indemnisation en valeur libre, sans fournir aucune précision sur sa position sur le droit au relogement dont il bénéficiait, ne constituait pas une renonciation claire et non équivoque à bénéficier de ce droit ; qu'en refusant néanmoins de fixer l'indemnité de façon alternative, la cour d'appel a violé l'article R. 423-9 du code de l'expropriation. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

3. M. [Y] conteste la recevabilité du moyen, en raison de sa nouveauté.

4. Cependant, la SADEV 94 a fait valoir dans ses conclusions d'appel que l'indemnisation devait être fixée en valeur libre, sous réserve de la renonciation expresse de M. [Y] à être relogé.

5. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article R. 423-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :

6. Selon ce texte, il ne peut être offert un local de relogement à un propriétaire exproprié qui occupe tout ou partie de son immeuble que si cette offre a été acceptée par ce propriétaire avant la fixation des indemnités d'expropriation, afin de permettre au juge et, le cas échéant, à la cour d'appel, de tenir compte de ce relogement lors de la fixation des indemnités d'expropriation.

7. En outre, si la renonciation à un droit peut être tacite, les circonstances doivent établir, de façon non équivoque, la volonté de renoncer (1re Civ., 23 septembre 2015, pourvoi n° 14-20.168, Bull. 2015, I, n° 221).

8. Pour évaluer le bien exproprié uniquement en valeur libre d'occupation, l'arrêt retient qu'il est occupé par M. [Y], qui sollicite une évaluation en valeur libre et renonce donc à être relogé.

9. En statuant ainsi, sans avoir constaté une renonciation claire et non équivoque de l'exproprié à bénéficier de son droit à être relogé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe l'indemnité de dépossession due par la société d'aménagement et de développement des villes et du département du Val-de-Marne à M. [Y] uniquement en valeur libre, sans fixer d'indemnité alternative en valeur occupée, l'arrêt rendu le 12 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Djikpa - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Article R. 423-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 27 février 2013, pourvoi n° 12-11.995, Bull. 2013, III, n° 31 (cassation).

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