Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

ELECTIONS PROFESSIONNELLES

Soc., 23 mars 2022, n° 20-20.047, (B), FS

Cassation

Comité d'entreprise et délégué du personnel – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Vote par voie électronique – Accès aux listes d'émargement – Mise à disposition du juge – Nécessité – Portée

Il résulte des articles R. 2314-8, R. 2314-16, alinéa 1, R. 2314-17 du code du travail et 5 de l'arrêté du 25 avril 2007 du ministre du travail pris en application du décret n° 2007-602 du 25 avril 2007 relatif aux conditions et aux modalités de vote par voie électronique pour l'élection des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d'entreprise et modifiant le code du travail, qu'après la clôture du scrutin, il appartient aux parties intéressées de demander au juge, en cas de contestation des élections, que les listes d'émargement soient tenues à sa disposition.

Comité d'entreprise et délégué du personnel – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Listes de candidatures – Vote par voie électronique – Inscription – Conditions – Date d'appréciation – Premier jour du scrutin – Portée

Il résulte des articles L. 2314-18 et L. 2314-19, alinéa 1, du code du travail qu'en cas de recours à un vote électronique se déroulant sur plusieurs jours, les conditions d'ancienneté dans l'entreprise pour être électeur et éligible s'apprécient à la date du premier jour du scrutin. Si un protocole préélectoral peut, par des dispositions plus favorables, déroger aux conditions d'ancienneté exigées par les articles L. 2314-18 et L. 2314-19 du code du travail, il ne peut modifier la date d'appréciation de ces conditions.

Comité d'entreprise et délégué du personnel – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Listes de candidatures – Eligibilité – Contestation – Délai – Détermination – Portée

Il résulte de l'article R. 2314-24 du code du travail que la contestation de l'éligibilité fondée sur le caractère injustifié de l'inscription sur une liste électorale est recevable si elle est faite dans les quinze jours suivant l'élection.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Versailles, 25 août 2020), un protocole d'accord préélectoral a été signé le 13 septembre 2019 entre la société Assystem Engineering and operation service (la société) et les organisations syndicales représentatives en vue de la mise en place d'un comité social et économique.

2. Il prévoit notamment l'usage du vote électronique, le premier tour se déroulant du 12 au 22 novembre 2019, le second tour, le cas échéant, du 27 novembre au 6 décembre 2019, l'appréciation des conditions d'électorat et d'éligibilité devant étant réalisée à la date de clôture du premier tour, soit le 22 novembre 2019.

3. Le syndicat Fédération communication conseil culture CFDT (le syndicat F3C CFDT), non signataire du protocole, a sollicité, le 26 novembre 2019, la communication des listes d'émargement.

La société a refusé de faire droit à cette demande.

4. Par lettre recommandée avec accusé réception du 4 décembre 2019, le syndicat F3C CFDT et M. [P] ont saisi le tribunal d'instance de Versailles pour obtenir l'annulation du premier tour des élections professionnelles dans les collèges techniciens et agents de maîtrise et ingénieurs et cadres.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. Le syndicat F3C CFDT et M. [P] font grief au jugement de les débouter de leur demande d'annulation du premier tour des élections professionnelles qui se sont déroulées du 12 au 22 novembre 2019, alors « que le droit d'accès à la liste d'émargement à la fin des opérations électorales par tout électeur, candidat et organisation syndicale ayant déposé une liste de candidatures participe de la sincérité des opérations électorales et constitue un principe général du droit électoral dont la méconnaissance entraîne l'annulation des élections ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations du tribunal que l'employeur a refusé l'accès à la liste d'émargement après les opérations électorales, privant ainsi les exposants de la possibilité de vérifier la régularité et la sincérité des opérations électorales ; qu'en déboutant néanmoins les exposants de leur demande d'annulation des élections, aux motifs que l'accès à la liste d'émargement en cas de vote électronique n'est pas prévu après la clôture des opérations de vote et scellement des fichiers supports et qu'aucun élément ne permettait de douter de la régularité des opérations de vote, le tribunal a violé, par fausse application, l'article R. 2314-16 du code du travail, ensemble les principes généraux du droit électoral. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article R. 2314-8 du code du travail, le système de vote électronique doit pouvoir être scellé à l'ouverture et à la clôture du scrutin.

7. Selon le premier alinéa de l'article R. 2314-16 du même code, la liste d'émargement n'est accessible qu'aux membres du bureau de vote et à des fins de contrôle de déroulement du scrutin.

8. Aux termes de l'article R. 2314-17 de ce code, l'employeur ou le prestataire qu'il a retenu conserve sous scellés, jusqu'à l'expiration du délai de recours et, lorsqu'une action contentieuse a été engagée, jusqu'à la décision juridictionnelle devenue définitive, les fichiers supports comprenant la copie des programmes sources et des programmes exécutables, les matériels de vote, les fichiers d'émargement, de résultats et de sauvegarde.

La procédure de décompte des votes doit, si nécessaire, pouvoir être exécutée de nouveau. A l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'une action contentieuse a été engagée, après l'intervention d'une décision juridictionnelle devenue définitive, l'employeur ou, le cas échéant, le prestataire procède à la destruction des fichiers supports.

9. Enfin, en application de l'article 5 de l'arrêté du 25 avril 2007 du ministre du travail pris en application du décret n° 2007-602 du 25 avril 2007 relatif aux conditions et aux modalités de vote par voie électronique pour l'élection des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d'entreprise et modifiant le code du travail, en cas de contestation des élections, les listes d'émargement sont tenues à la disposition du juge.

10. Il en résulte qu'après la clôture du scrutin, il appartient aux parties intéressées de demander au juge, en cas de contestation des élections, que les listes d'émargement soient tenues à sa disposition.

11. Dès lors, le tribunal, qui n'était saisi d'aucune demande de vérification des listes d'émargement et qui a relevé que le refus opposé par l'employeur à la demande d'accès à la liste d'émargement formée à son encontre par le syndicat F3C CFDT et le salarié était justifié au regard des conditions réglementées d'accès à cette liste en matière de vote électronique, a légalement justifié sa décision de rejeter la demande d'annulation des élections.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. Le syndicat F3C CFDT et M. [P] font le même grief au jugement, alors « que la contestation de l'éligibilité d'un candidat, qui porte sur la régularité de l'élection, est soumise au délai de forclusion de 15 jours ; qu'en déboutant les exposants de leur demande d'annulation au motif que la liste électorale n'a pas été contestée dans les trois jours suivant sa publication, le tribunal a violé, par fausse application, l'article R. 2314-24 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 2314-24 du code du travail :

13. Il résulte de ce texte que la contestation de l'éligibilité fondée sur le caractère injustifié de l'inscription sur une liste électorale est recevable si elle est faite dans les quinze jours suivant l'élection.

14. Pour rejeter la demande d'annulation du premier tour des élections reposant sur l'absence d'éligibilité de Mme [G] [C], faute pour cette salariée de remplir la condition requise d'ancienneté dans l'entreprise, le jugement retient que le syndicat F3C CFDT n'a pas contesté la liste électorale dans le délai de trois jours suivant la publication de la liste imparti par l'alinéa 2 de l'article R. 2314-24 du code du travail.

15. En statuant ainsi, le tribunal judiciaire a violé le texte susvisé.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

16. Le syndicat F3C CFDT et M. [P] font le même grief au jugement, alors « que l'ancienneté d'un an conditionnant l'éligibilité au comité social et économique doit être appréciée à la date du premier tour du scrutin, sans qu'un protocole d'accord préélectoral ne puisse modifier cette date ; qu'en présence d'un scrutin se déroulant sur plusieurs jours, la condition d'ancienneté doit être réunie dès le premier jour du scrutin où le candidat est susceptible de recueillir des voix sur son nom ; qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que Mme [G] [C] ne disposait pas d'une ancienneté d'une année au premier jour du scrutin ; qu'en déboutant néanmoins les exposants de leur demande d'annulation, aux motifs que l'appréciation de l'ancienneté pouvait intervenir par accord le dernier jour du scrutin et que Mme [G] [C] disposera, en toute hypothèse, de l'ancienneté suffisante si des élections devaient être réorganisées après annulation, le tribunal a violé l'article L. 2314-19 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2314-18 et L. 2314-19, premier alinéa, du code du travail :

17. Aux termes du premier de ces textes, maintenu en vigueur jusqu'au 31 octobre 2022 par la décision n° 2021-947 QPC du 19 novembre 2021 du Conseil constitutionnel, sont électeurs les salariés des deux sexes, âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l'entreprise et n'ayant fait l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques.

18. Aux termes du second de ces textes, sont éligibles les électeurs âgés de dix-huit ans révolus, et travaillant dans l'entreprise depuis un an au moins, à l'exception des conjoint, partenaire d'un pacte civil de solidarité, concubin, ascendants, descendants, frères, s ?urs et alliés au même degré de l'employeur.

19. Il résulte de ces textes qu'en cas de recours à un vote électronique se déroulant sur plusieurs jours, les conditions d'ancienneté dans l'entreprise pour être électeur et éligible s'apprécient à la date du premier jour du scrutin. Si un protocole préélectoral peut, par des dispositions plus favorables, déroger aux conditions d'ancienneté exigées par les articles L. 2314-18 et L. 2314-19 du code du travail, il ne peut modifier la date d'appréciation de ces conditions.

20. Pour dire que Mme [G] [C] était éligible et que le premier tour des élections était valide, le jugement retient que le protocole d'accord préélectoral a pu valablement prévoir que la date d'appréciation de l'ancienneté est la date de clôture du premier tour des élections.

21. En statuant ainsi, le tribunal judiciaire a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

22. La cassation prononcée sur le chef du dispositif visé au deuxième moyen entraîne la cassation du chef du dispositif visé au premier moyen qui s'y rattache par voie de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 25 août 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Lanoue - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles R. 2314-8, R. 2314-16, alinéa 1, et R. 2314-17 du code du travail ; article 5 de l'arrêté du 25 avril 2007 du ministre du travail, pris en application du décret n° 2007-602 du 25 avril 2007 ; articles L. 2314-18 et L. 2314-19 du code du travail ; article R. 2314-24 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la date d'appréciation des conditions d'électorat et d'éligibilité pour un vote électronique, dans le même sens que : Soc., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-25.420, Bull. 2012, V, n° 238 (rejet), et l'arrêt cité. Sur le délai applicable à la contestation de l'éligibilité fondée sur le caractère injustifié de l'inscription sur une liste électorale, dans le même sens que : Soc., 21 mai 2003, pourvoi n° 02-60.396, Bull. 2003, V, n° 167 (2) (cassation), et l'arrêt cité.

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