Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

CONVENTIONS INTERNATIONALES

1re Civ., 9 mars 2022, n° 20-21.572, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Accords et conventions divers – Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 – Compétence internationale – Article 5, § 3 – Matière délictuelle ou quasi délictuelle – Lieu où le fait dommageable s'est produit – Cas – Dommage matérialisés à bord d'un navire

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 10 septembre 2020), le 7 mars 2008, la société française Compagnie du Ponant a conclu avec la société italienne Fincantieri un contrat de construction navale contenant une clause compromissoire.

La société Fincantieri a confié la classification du navire à la société Bureau Veritas par une convention stipulant une clause compromissoire. Elle a commandé les générateurs diesel à la société finlandaise Wärtsilä Finland et le dispositif anti-incendie à la société finlandaise Marioff Corporation.

2. Le 18 novembre 2015, alors que le navire se trouvait au large des îles Falkland, un incendie s'est déclaré dans la salle des machines.

3. Le 18 novembre 2016, les sociétés Allianz Global Corporate & Speciality, Helvetia assurances, Axa Corporate solutions, Generali assurances Iard, Covea Risks, Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Swiss Re International et les syndicats des Lloyd's 3210 MIT, 2987 BRT, 1084 CSL, 1882 CHB, 2001 AML, 1183 TAL, 1036 COF, 780 ADV, 1967WRB, 2488 AG, 5151 MAL, Hiscox Syndicate 003 (les assureurs « corps et machine »), ainsi que la société Protection & Indemnité Club Steamship Mutual Underwriting Association, assureur de responsabilité civile, subrogés dans les droits du propriétaire du paquebot, ont engagé une action indemnitaire contre la société Fincantieri et contre différentes entités des groupes Marioff, Wärtsilä et Bureau Veritas devant le tribunal de commerce de Mata'Utu (Wallis-et-Futuna), port d'immatriculation du navire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le deuxième moyen, réunis

Enoncé des moyens

5. Par leur premier moyen, pris en sa première branche, les sociétés Allianz Global Corporate & Speciality, Helvetia assurances, Axa Corporate solutions, Generali assurances Iard, MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles venant aux droits de Covea Risks, Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Swiss Re International, les syndicats des Lloyd's 3210 MIT, 2987 BRT, 1084 CSL, 1882 CHB, 2001 AML, 1183 TAL, 1036 COF, 780 ADV, 1967 WRB, 2488 AG, 5151 MAL, Hiscox Syndicate 003 et la société Steamship Mutual Underwriting Association font grief à l'arrêt de dire que le caractère manifestement inapplicable de la clause compromissoire invoqué par les assureurs à l'encontre de la société Marioff n'est pas démontré, de déclarer bien fondée l'exception d'incompétence soulevée par la société Marioff et en conséquence de les renvoyer s'agissant de l'action dirigée à l'encontre de la société Marioff à mieux se pourvoir, alors « qu'en matière d'arbitrage international, les parties ont la faculté d'écarter l'application de l'effet négatif du principe compétence-compétence ; qu'en disant le tribunal de Mata'Utu incompétent pour connaître de l'action introduite par les assureurs à l'encontre de la société Marioff aux motifs que « la société Marioff corporation est intervenue dans l'exécution du contrat de construction navale en fournissant un élément de sécurité du navire et est désormais directement impliquée dans le litige né de l'avarie » et que « seul le tribunal arbitral pourra déterminer si la clause litigieuse, qui ne peut être tenue pour manifestement inapplicable au sens de l'article 1448 du code de procédure civile, doit être appliquée aux seules parties signataires du contrat de construction navale ou si la société Marioff corporation peut également en revendiquer le bénéfice », sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée par les conclusions d'appel, si, en convenant d'un arbitrage à Londres selon la loi de procédure arbitrale anglaise, les parties n'avaient pas entendu exclure l'application de l'effet négatif du principe compétence compétence, de sorte qu'il appartenait au tribunal saisi de se prononcer lui-même sur l'effet de la clause d'arbitrage à l'égard de la société Marioff, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1506 et 1448 du code de procédure civile. »

6. Par leur deuxième moyen, elles font grief à l'arrêt de dire que le caractère manifestement inapplicable de la clause compromissoire invoqué par les assureurs à l'encontre de la société Bureau Veritas n'est pas démontré, de déclarer bien fondée l'exception d'incompétence soulevée par la société Bureau Veritas et de les renvoyer en conséquence, s'agissant de l'action dirigée à l'encontre de la société Bureau Veritas, à mieux se pourvoir, alors « qu'en matière d'arbitrage international, les parties ont la faculté d'écarter l'application du principe compétence-compétence ; qu'en disant le tribunal de Mata'Utu incompétent pour connaître de l'action introduite par les assureurs à l'encontre de la société Bureau Veritas aux motifs que « les parties ignorent le principe compétence-compétence consacré par le code de procédure civile en opposant une précédente sentence du tribunal arbitral de Londres » et qu'« il n'appartient pas à cette cour de préjuger la solution des arbitres sur leur compétence en se livrant à une extrapolation », sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée par les conclusions d'appel, si, en convenant d'un arbitrage à Londres selon la loi de procédure arbitrale anglaise, les parties à la clause compromissoire n'avaient pas entendu exclure l'application de l'effet négatif du principe compétence-compétence, de sorte qu'il appartenait au tribunal saisi de se prononcer lui-même sur l'effet de la clause d'arbitrage invoquée par la société Bureau Veritas à l'égard des assureurs subrogés dans les droits de la société Compagnie du Ponant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1506 et 1448 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article 1506 du code de procédure civile qu'en matière d'arbitrage international, ont un caractère simplement supplétif les dispositions de l'article 1448 du même code aux termes desquelles, lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable.

8. La dérogation à ce principe doit être expresse et non équivoque.

9. Dès lors qu'il était soutenu devant elle que la renonciation aux dispositions de l'article 1448 du code de procédure civile résultait non pas d'une stipulation expresse mais de la seule désignation de Londres comme siège de l'arbitrage et du droit anglais comme loi de la procédure arbitrale, la cour d'appel, qui a écarté l'exception d'incompétence en constatant que la clause compromissoire n'était pas manifestement nulle ou manifestement inapplicable, a légalement justifié sa décision.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

10. Les sociétés Allianz Global Corporate & Speciality, Helvetia assurances, Axa Corporate solutions, Generali assurances Iard, MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles venant aux droits de la société Covea Risks, Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Swiss Re International, les syndicats des Lloyd's 3210 MIT, 2987 BRT, 1084 CSL, 1882 CHB, 2001 AML, 1183 TAL, 1036 COF, 780 ADV, 1967 WRB, 2488 AG, 5151 MAL, Hiscox syndicate 003 et la société Steamship Mutual Underwriting Association font grief à l'arrêt de déclarer le tribunal de première instance de Mata'Utu incompétent pour connaître de l'action dirigée contre la société Wärtsilä Finland Oy et de les renvoyer à mieux se pourvoir, alors « qu'au sens de l'article 5.3 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, le lieu où le fait dommageable s'est produit vise à la fois le lieu où le dommage est survenu et le lieu de l'événement causal ; que, s'agissant des dommages provoqués par un incendie qui se sont matérialisés sur un navire en mer, le lieu d'immatriculation du navire dans l'État du pavillon doit nécessairement être considéré comme le lieu où le dommage est survenu ; qu'en jugeant, en l'espèce, le tribunal de première instance de Mata'Utu, port d'immatriculation du navire Le Boréal, incompétent pour statuer sur la demande des assureurs du navire, subrogés dans les droits de son propriétaire, tendant à la réparation des préjudices matériel et financier résultant d'un incendie survenu en mer, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 5.3 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale :

11. Ce texte dispose :

« Le défendeur domicilié sur le territoire d'un État contractant peut être attrait, dans un autre État contractant : (...)

3. en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit. »

12. Le lieu où le fait dommageable s'est produit s'entend, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, à la fois du lieu où le dommage est survenu et de celui de l'événement causal. Si ces lieux ne sont pas identiques, le défendeur peut être attrait devant le tribunal de l'un d'eux (CJCE, 30 novembre 1976, aff. 21/76). Lorsque les dommages se sont matérialisés à bord d'un navire, l'État du pavillon doit nécessairement être considéré comme le lieu où le fait dommageable a provoqué les préjudices (CJUE, 5 février 2004, aff. C-18/02, pt 44).

13. Pour dire que les juridictions françaises ne sont pas compétentes, l'arrêt retient que l'incendie s'est déclaré et a détruit le système de propulsion du paquebot dans les eaux territoriales des Iles Falkland (Royaume-Uni) et non dans le ressort du tribunal de Mata'Utu.

14. En statuant ainsi, alors que le dommage matérialisé à bord du navire était réputé s'être produit à Wallis-et-Futuna où celui-ci était immatriculé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

15. Comme suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. Le jugement ayant rejeté l'exception d'incompétence de la société Wärtsilä Finland Oy, la cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le tribunal de première instance de Mata'Utu incompétent pour connaître de l'action dirigée contre la société Wärtsilä Finland Oy et renvoie les sociétés Allianz Global Corporate & Speciality, Helvetia assurances, Axa Corporate solutions, Generali assurances Iard, MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles venant aux droits de la société Covea Risks, Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Swiss Re International, les syndicats des Lloyd's 3210 MIT, 2987 BRT, 1084 CSL, 1882 CHB, 2001 AML, 1183 TAL, 1036 COF, 780 ADV, 1967 WRB, 2488 AG, 5151 MAL, Hiscox syndicate 003 et la société Steamship Mutual Underwriting Association à se mieux pourvoir, l'arrêt rendu le 10 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Mata'Utu du 29 mars 2019 en ce qu'il rejette l'exception d'incompétence internationale soulevée par la société Wärtsilä Finland Oy.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Guihal - Avocat général : Mme Legohérel - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Foussard et Froger ; SARL Ortscheidt -

Textes visés :

Articles 1148 et 1506 du code de procédure civile ; article 5, § 3, de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968.

1re Civ., 30 mars 2022, n° 20-22.050, (B), FS

Cassation sans renvoi

Accords et conventions divers – Convention franco-tunisienne du 3 juin 1955 – Nationalité – Domaine d'application – Exclusion – Effet direct à l'égard des particuliers

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 septembre 2020), [L] [G], née le 3 septembre 1926 à [Localité 12] (Haute-Garonne), s'est mariée le 6 juillet 1946 à [Localité 13] avec M. [I], de nationalité tunisienne, et a acquis la nationalité de son époux par déclaration du 25 mai 1957.

2. Elle a assigné le ministère public pour voir juger qu'elle avait conservé la nationalité française. Après son décès, l'instance a été reprise par ses héritiers.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. Les consorts [I] font grief à l'arrêt de rejeter la demande tendant à faire juger que [L] [G] a conservé la nationalité française, alors :

« 1°/ que la Convention franco-tunisienne du 3 juin 1955 ne prévoyait pas la perte de la nationalité française par le ressortissant français qui avait acquis la nationalité tunisienne ; qu'en retenant, pour confirmer le jugement ayant débouté [L] [G], veuve [I], de son action déclaratoire de nationalité, que la perte de la nationalité française par celle-ci résultait des seules stipulations de la Convention francotunisienne du 3 juin 1955, la cour d'appel a violé les articles 7 et 8 de la Convention franco-tunisienne précitée ;

2°/ que sous l'empire du code de la nationalité française, les femmes françaises qui ont acquis la nationalité de leur époux tunisien ont perdu la nationalité française en application de l'article 87 de ce code ; qu'en retenant, pour confirmer le jugement ayant débouté [L] [G], veuve [I], de son action déclaratoire de nationalité, que la perte de la nationalité française par celle-ci résultait des seules stipulations de la Convention franco-tunisienne du 3 juin 1955, les articles 87 du code de la nationalité française issu de l'ordonnance du 19 octobre 1945 et 9 de la même ordonnance, issu de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954, étant inapplicables au litige, la cour d'appel a violé les textes précités. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 8, c, de la Convention générale entre la France et la Tunisie, conclue à Paris le 3 juin 1955 :

4. Ce texte stipule :

« Le Gouvernement français s'engage à ne pas revendiquer comme ses ressortissants les nationaux français résidant en Tunisie qui acquerront la nationalité tunisienne par voie de naturalisation individuelle. Si le candidat à la naturalisation tunisienne est un Français du sexe masculin qui n'a pas accompli son service militaire actif, il devra avoir été autorisé dans les formes prévues par la loi française du 9 avril 1954. »

5. Pour dire que [L] [G] a perdu la nationalité française du fait de son acquisition de la nationalité tunisienne par déclaration, l'arrêt retient que la perte de sa nationalité française résulte des seules dispositions de la Convention franco-tunisienne du 3 juin 1955, les articles 87 de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 et 9 de la même ordonnance, issu de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954, étant inapplicables au litige.

6. En statuant ainsi, alors que l'article 8, c, de la Convention franco-tunisienne régit exclusivement les relations entre les Etats parties et n'est pas d'effet direct à l'égard des particuliers, lesquels ne peuvent ni en revendiquer l'application ni se le voir opposer, la cour d'appel a violé le texte susvisé, par fausse application.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

9. Selon l'article 23-1°du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945, est Français l'enfant, légitime, né en France d'un père qui y est également né.

10. Selon l'article 87 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945, perd la nationalité française le Français majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère.

11. L'article 9 de cette même ordonnance, dans sa rédaction issue de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954, dispose :

« Jusqu'à une date qui sera fixée par décret, l'acquisition d'une nationalité étrangère par un Français du sexe masculin ne lui fait perdre la nationalité française qu'avec l'autorisation du Gouvernement français.

Cette autorisation est de droit lorsque le demandeur a acquis une nationalité étrangère après l'âge de cinquante ans.

Les Français du sexe masculin qui ont acquis une nationalité étrangère entre le 1er juin 1951 et la date d'entrée en vigueur de la présente loi, seront réputés n'avoir pas perdu la nationalité française nonobstant les termes de l'article 88 du code de la nationalité. Ils devront, s'ils désirent perdre la nationalité française, en demander l'autorisation au Gouvernement français, conformément aux dispositions de l'article 91 dudit code. Cette autorisation est de droit. »

12. Dans sa décision n° 2013-360 QPC du 9 janvier 2014, le Conseil constitutionnel a déclaré que l'article 87 du code de la nationalité française, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945, était conforme à la Constitution, mais qu'étaient contraires à celle-ci les mots « du sexe masculin », figurant à l'article 9 de cette même ordonnance, dans sa rédaction résultant de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954.

13. Il a précisé que cette inconstitutionnalité ne pouvait être invoquée que par les femmes qui avaient perdu la nationalité française par l'application des dispositions de l'article 87 du code de la nationalité française entre le 1er juin 1951 et l'entrée en vigueur de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973, ainsi que par leurs descendants (§ 12).

14. Le tribunal ayant relevé que [L] [G], née le 3 septembre 1926 à [Localité 12], était issue de l'union de [T] [G], né le 12 mars 1887, à [Localité 14], et d'[X] [S], mariés le 22 juin 1912, il en résulte qu'étant française par application de l'article 23-1° précité, elle n'a pas perdu cette nationalité en acquérant par déclaration, le 25 mai 1957, la nationalité tunisienne de son époux.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 23 août 2018 ;

Dit que [L] [G] a conservé la nationalité française.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Guihal - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 87 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945 ; article 9 de l'ordonnance du 19 octobre 1945, dans sa rédaction issue de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954 ; article 8, c), de la Convention générale entre la France et la Tunisie conclue à Paris le 3 juin 1955.

1re Civ., 2 mars 2022, n° 20-21.068, (B), FS

Cassation

Convention de Washington du 26 octobre 1973 portant loi uniforme sur la forme d'un testament international – Dispositions des articles 3, § 3, et 4, § 1 – Acte rédigé dans une langue inconnue du testateur – Exclusion – Cas

S'il résulte des articles 3, § 3, et 4, § 1, de la loi uniforme sur la forme d'un testament international annexée à la convention de Washington du 26 octobre 1973 qu'un testament international peut être écrit en une langue quelconque afin de faciliter l'expression de la volonté de son auteur, celui-ci ne peut l'être en une langue que le testateur ne comprend pas, même avec l'aide d'un interprète.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 16 juin 2020), [I] [V], de nationalité italienne, est décédée le 28 février 2015, en laissant pour lui succéder ses quatre enfants, [W], [N], [H] et [T], ainsi que son petit-fils, M. [X] [A], venant par représentation de sa mère, pré-décédée, et en l'état d'un testament reçu, en français, le 17 novembre 2002, par M. [C], notaire (le notaire), en présence de deux témoins et avec le concours d'une interprète de langue italienne, et instituant ses trois filles légataires de la quotité disponible.

2. M. [A] a assigné ses tantes (les consorts [D]) en nullité du testament.

3. Celles-ci ont appelé en intervention forcée le notaire et la société civile professionnelle [C]-Menin-[J], aux droits de laquelle vient la société office notarial du Gapençais.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. M. [A] fait grief à l'arrêt de valider le testament du 17 avril 2002 comme testament international et, en conséquence, de rejeter ses demandes, alors « que l'annulation d'un testament authentique pour non-respect des dispositions des articles 971 à 975 du code civil ne fait pas obstacle à la validité de l'acte en tant que testament international dès lors que les formalités prescrites par la Convention de Washington du 26 octobre 1973 ont été accomplies ; qu'en ce que l'article 3 de loi uniforme dispose que le testament peut être écrit en une langue quelconque, il exclut le recours à un interprète ; qu'en toute hypothèse, en validant le testament reçu le 17 avril 2002 par M. [C] en son étude de la part de [I] [V] comme testament international au visa des dispositions de la Convention de Washington en date du 26 octobre 1973 portant loi uniforme, en tant que ce testament respectait l'exacte volonté de son auteur, dès lors qu'il avait été reçu en français avec l'aide d'un interprète, la testatrice ne s'exprimant qu'en italien, tandis que le notaire et les deux témoins ne maîtrisaient que la langue française, quand le recours à un interprète était exclu, la cour d'appel a violé les articles 1er, 3 et 4 de la loi uniforme sur la forme d'un testament international annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 3, § 3, et 4, § 1, de la loi uniforme sur la forme d'un testament international annexée à la convention de Washington du 26 octobre 1973 :

5. Selon le premier de ces textes, le testament international peut être écrit en une langue quelconque à la main ou par un autre procédé.

6. Aux termes du second, le testateur déclare en présence de deux témoins et d'une personne habilitée à instrumenter à cet effet que le document est son testament et qu'il en connaît le contenu.

7. S'il résulte de ces textes qu'un testament international peut être écrit en une langue quelconque afin de faciliter l'expression de la volonté de son auteur, celui-ci ne peut l'être en une langue que le testateur ne comprend pas, même avec l'aide d'un interprète.

8. Pour valider en tant que testament international le testament du 17 avril 2002, après avoir constaté que [I] [V] ne s'exprimait pas en langue française, l'arrêt retient que, si l'acte ne porte pas mention exacte que le document est le testament de [I] [V] et qu'elle en connaît son contenu, il précise qu'il a été écrit en entier de la main du notaire, tel qu'il lui a été dicté par la testatrice et l'interprète, puis que le notaire l'a lu à ceux-ci, lesquels ont déclaré le bien comprendre et reconnaître qu'il exprime les volontés de la testatrice, le tout en présence simultanée et non interrompue des témoins, ce qui permet de s'assurer que [I] [V] en connaissait le contenu et qu'il portait mention de ses dernières volontés.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Fulchiron - Avocat général : Mme Caron-Déglise - Avocat(s) : SCP Caston ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés -

Textes visés :

Articles 3, § 3, et 4, § 1, de la Convention de Washington du 26 octobre 1973.

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