Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 23 mars 2022, n° 20-15.370, (B), FS

Cassation partielle

Licenciement économique – Licenciement collectif – Plan de sauvegarde de l'emploi – Homologation par l'autorité administrative – Demande – Effets – Réorganisation de l'entreprise antérieure à la décision de l'autorité administrative – Possibilité – Conditions – Détermination – Portée

Si, en application de l'article L. 2323-31 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2016 au 1er janvier 2018, le comité d'entreprise doit être saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs, la réorganisation peut être mise en oeuvre par l'employeur avant la date d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi par l'autorité administrative.

Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de l'employeur pour manquement à son obligation de fournir un travail, retient que le document unilatéral établi par la société, portant projet de réorganisation et plan de sauvegarde de l'emploi, ne pouvait être mis en oeuvre avant son homologation par l'administration et qu'il en résultait que le salarié avait vocation à travailler sur le site dont la fermeture avait été décidée jusqu'à la mise en oeuvre du plan.

Résiliation judiciaire – Action intentée par le salarié – Manquements reprochés à l'employeur – Manquement grave – Défaut – Cas – Demande d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi – Réorganisation de l'entreprise antérieure à la décision de l'autorité administrative – Placement d'un salarié en dispense d'activité – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 février 2020) et les productions, M. [O] a été engagé à compter du 24 février 1997 en qualité de chauffeur livreur par la société Dachser France, entreprise de transport de messagerie et de logistique. Dans le cadre du projet de réorganisation par regroupement des agences de [Localité 6] et [Localité 7] sur le site des [Localité 4] (Var), sur lequel la société avait consulté le comité d'établissement concerné (le CER Sud) le 28 mai 2015 et le comité d'établissement le 30 juillet 2015, le salarié a été destinataire, le 7 août 2015, d'une proposition de mutation, à compter du 30 novembre 2015, du site de [Localité 5] ([Localité 6]-Alpes-Maritimes) où il exécutait sa prestation de travail, vers le site des [Localité 3], sur le fondement de l'article L. 1222-6 du code du travail.

2. Le 4 septembre 2015, le salarié a refusé cette proposition de modification de son contrat de travail.

Le 24 novembre 2015, la société l'a informé qu'il était mis à la disposition de Dachser France à son domicile à compter du 30 novembre 2015, avec maintien de sa rémunération.

3. Ayant entre-temps engagé la procédure de licenciement économique collectif par consultation du CER le 3 novembre 2015, la société a élaboré un plan de sauvegarde de l'emploi concernant les vingt salariés qui avaient refusé la proposition de modification de leur lieu de travail. Ce plan a été homologué le 12 mai 2016 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (la Direccte).

4. Le salarié a été licencié pour motif économique le 17 juin 2016 après avoir refusé toutes les propositions de reclassement.

5. Le 25 janvier 2016, le salarié avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Il est fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts exclusifs de la société et de la condamner à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel né de la rupture de son contrat de travail, alors « que l'employeur, qui n'est pas tenu d'engager une procédure de licenciement collectif et d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi avant de proposer à dix salariés ou plus une modification de leur contrat pour motif économique, peut, après avoir consulté le comité d'entreprise sur un projet de réorganisation entraînant uniquement des modifications de contrat et proposé ces modifications aux salariés concernés, mettre en oeuvre la réorganisation et, dans l'attente de l'achèvement de la procédure de licenciement, dispenser d'activité les salariés ayant refusé la modification de leur contrat, en maintenant leur rémunération ; qu'en l'espèce, il est constant qu'après avoir consulté le comité d'établissement sur le projet de regroupement des activités des agences de [Localité 6] et [Localité 7] au sein d'une nouvelle agence, située aux [Localité 3], et sur les mesures d'accompagnement à la mobilité offertes aux salariés, la société Dachser a proposé aux salariés de ces deux agences leur mutation au sein de cette nouvelle agence conformément aux dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail ; que vingt salariés ayant refusé cette modification de leur contrat, la société Dachser a engagé une procédure de licenciement collectif et placé les salariés concernés en dispense d'activité, à compter du transfert d'activité, pendant la durée de cette procédure, avant de prononcer le licenciement de ceux qu'elle n'a pu reclasser ; qu'en affirmant, pour juger cette dispense d'activité irrégulière, que la réorganisation ne pouvait être mise en oeuvre avant l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi la Direccte, de sorte que le salarié avait vocation à travailler sur le site de Nice jusqu'à la mise en oeuvre du plan, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-25, L. 2323-31 et L. 1233-30 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-25 du code du travail, l'article L. 1233-30 du code du travail dans sa version en vigueur du 1er juillet 2013 au 1er janvier 2016, et l'article L. 2323-31 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2016 au 1er janvier 2018 :

8. Selon le premier de ces textes, lorsqu'au moins dix salariés ont refusé la modification d'un élément essentiel de leur contrat de travail, proposée par leur employeur pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3 et que leur licenciement est envisagé, celui-ci est soumis aux dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique.

9. Selon le troisième texte, le comité d'entreprise est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs. Il émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application dans les conditions et délais prévus à l'article L. 1233-30, lorsqu'elle est soumise à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi. Cet avis est transmis à l'autorité administrative.

10. Pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts exclusifs de la société et la condamner à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel né de la rupture de son contrat de travail, l'arrêt retient que l'article 3 du contrat de travail conclu avec la société Transports Graveleau, aux droits de laquelle vient la société Dachser, intitulé « Lieu et Modalités de travail », stipulait que « Le premier poste de travail sera situé à [Localité 5], mais quelle que soit la ville ou la région, le changement du lieu de travail ne pourra entraîner rupture du contrat de travail du fait de la Société », ce dont il résulte que cette clause de mobilité était nulle faute de définir de façon précise sa zone géographique d'application, raison pour laquelle l'employeur a fait le choix de mettre en avant le motif économique de la sauvegarde de la compétitivité et de proposer aux représentants du personnel un document unilatéral intitulé « Note technique sur le projet de réorganisation et plan de sauvegarde de l'emploi », homologué le 12 mai 2016 par la Direccte, concernant les vingt salariés travaillant sur les agences de [Localité 6] et [Localité 7] sur un effectif total de la société de trois mille deux salariés.

11. L'arrêt retient ensuite que ce document, dont la version finale était datée du 21 avril 2016, ne pouvait être mis en oeuvre avant son homologation le 12 mai 2016 par la Direccte, ce dont il résulte que le salarié avait vocation à travailler sur le site de [Localité 5] jusqu'à la mise en oeuvre du plan.

12. En statuant ainsi, alors que, si le comité d'entreprise doit être saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs, la réorganisation peut être mise en ?uvre avant la date d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi par l'autorité administrative, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation des chefs de dispositif prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts exclusifs de la société emporte cassation du chef de dispositif de l'arrêt disant que la société délivrera au salarié une attestation Pôle emploi conforme à l'arrêt.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [O] aux torts exclusifs de la société Dachser et la condamne à lui verser la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel né de la rupture de son contrat de travail, et dit que la société Dachser délivrera à M. [O] une attestation Pôle emploi conforme à l'arrêt, l'arrêt rendu le 27 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prache - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 1233-25, L. 1233-30, dans sa version en vigueur du 1er juillet 2013 au 1er janvier 2016 et L. 2323-31, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2016 au 1er janvier 2018 du code du travail.

Soc., 9 mars 2022, n° 20-17.005, (B), FRH

Cassation partielle

Licenciement – Formalités légales – Lettre de licenciement – Contenu – Mention des motifs de licenciement – Motifs non disciplinaires – Licenciement faisant suite au prononcé d'une sanction – Nature du licenciement – Détermination – Portée

C'est le motif de rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement, peu important la proposition faite par l'employeur d'une rétrogradation disciplinaire, impliquant une modification du contrat de travail refusée par le salarié.

Doit en conséquence être cassé l'arrêt qui, pour dire le licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle dénué de cause réelle et sérieuse, retient qu'il présente nécessairement un caractère disciplinaire puisqu'il a été précédé d'une proposition de rétrogradation disciplinaire refusée par le salarié.

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Appréciation – Motifs invoqués par l'employeur – Enonciation dans la lettre de licenciement – Effets – Fondement du licenciement – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 juin 2020), M. [P] a été engagé le 3 janvier 2000 par la société Ciffréo et [R] (la société) en qualité d'assistant responsable de ligne de produits avant d'être promu directeur d'exploitation générale.

2. Après avoir été convoqué, le 14 novembre 2016, à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, il s'est vu proposer, le 28 novembre 2016, un poste de directeur d'exploitation sectorielle avec une rémunération mensuelle réduite, ce qu'il a refusé le 8 décembre 2016.

4. Le 9 décembre 2016, il a été convoqué à un nouvel entretien préalable puis a été licencié le 27 décembre 2016 pour insuffisance professionnelle.

5. Il a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts capitalisés, et à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à l'intéressé du jour de son licenciement au jour de l'arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage, alors « que c'est le motif mentionné dans la lettre de licenciement qui doit être examiné pour rechercher si la cause du licenciement est réelle et sérieuse ; que, dans cette lettre, l'employeur peut se prévaloir de l'insuffisance professionnelle du salarié licencié, peu important le fait qu'il ait engagé antérieurement une procédure disciplinaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le licenciement de M. [P] était dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu'antérieurement à la lettre de licenciement invoquant l'insuffisance professionnelle du salarié, l'employeur avait engagé une procédure de rétrogradation disciplinaire ; qu'en statuant ainsi, la cour a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ».

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1232-6 du code du travail :

7. Il résulte de ce texte que c'est le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement, peu important la proposition faite par l'employeur d'une rétrogradation disciplinaire, impliquant une modification du contrat de travail refusée par le salarié.

8. Pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la rétrogradation a été proposée au salarié à la suite d'un entretien préalable en vue du prononcé d'une sanction disciplinaire et a été présentée comme telle dans la lettre du 28 novembre 2016, alors que la lettre de licenciement mentionne que le licenciement est prononcé pour insuffisance professionnelle. Il en déduit que l'employeur n'ayant pas souhaité demeurer sur le terrain disciplinaire, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, alors « que la cassation du chef du dispositif l'ayant condamnée à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse entraînera par voie de conséquence la cassation du chef du dispositif l'ayant condamnée à payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, ces chefs étant liés par un lien de dépendance nécessaire, ce en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

11. La cassation du chef de dispositif critiqué par le premier moyen emporte, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur à verser au salarié des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour rupture vexatoire, n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Ciffréo et [R] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Ciffréo et [R] à verser à M. [P] les sommes de 224 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, outre intérêts capitalisés, et à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à l'intéressé du jour de son licenciement au jour de l'arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage, l'arrêt rendu le 25 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Seguy - Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 1232-6 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'indépendance entre les mesures disciplinaires prononcées antérieurement et le caractère disciplinaire ou non du licenciement, à rapprocher : Soc., 3 février 2010, pourvoi n° 07-44.491, Bull. 2010, V, n° 32 (rejet).

Soc., 23 mars 2022, n° 20-16.781, (B), FS

Cassation partielle

Licenciement – Formalités légales – Lettre de licenciement – Signature – Qualité du signataire – Président d'une association – Conditions – Détermination – Portée

Il entre dans les attributions du président d'une association, sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe, de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié.

Licenciement – Formalités légales – Lettre de licenciement – Signature – Qualité du signataire – Action en contestation du pouvoir de la personne signataire – Cas – Contestation par le salarié d'une association – Moyens pouvant être invoqués – Détermination – Portée

Il résulte de l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et de l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que, si le salarié peut se prévaloir des statuts ou du règlement intérieur d'une association pour justifier du défaut de pouvoir de la personne signataire de la lettre de licenciement, il ne peut en revanche invoquer, sur le fondement de ces mêmes statuts, l'irrégularité de la désignation de l'organe titulaire du pouvoir de licencier pour contester son pouvoir.

Licenciement – Formalités légales – Lettre de licenciement – Signature – Qualité du signataire – Action en contestation du pouvoir de la personne signataire – Cas – Contestation par le salarié d'une association – Moyens pouvant être invoqués – Moyen tiré de l'irrégularité de la désignation de l'organe titulaire du pouvoir de licencier – Possibilité (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 5 février 2020), Mme [U] a été embauchée, à compter du 1er juillet 1991, par l'association Marie Blaise en qualité de directrice d'une maison de retraite.

2. Licenciée pour faute grave, par lettre du 21 juillet 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre du paiement du salaire pendant la période de mise à pied et au titre des indemnités de congés payés sur rappel de salaire pendant la mise à pied, de préavis conventionnel, de congés payés sur préavis et de licenciement, de dire dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement, de le condamner à verser à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et d'ordonner le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement jusqu'au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités, alors :

« 1°/ qu'il entre dans les attributions du président d'une association, sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe, de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié ; qu'en jugeant, en l'espèce, que le président de l'association, signataire de la lettre de licenciement de la salariée, n'avait pas le pouvoir de licencier, quand il résultait de ses propres constatations que le président de l'association disposait, en vertu des statuts, du pouvoir de représenter celle-ci en justice et dans tous les actes de la vie civile et qu'aucune disposition statutaire n'attribuait le pouvoir de licencier à un autre organe, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ensemble la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

2°/ que les pouvoirs respectifs des organes d'une association sont fixés par les dispositions statutaires ; qu'en l'espèce, pour dire que le président de l'association, signataire de la lettre de rupture de la salariée ne disposait pas du pouvoir de licencier, la cour d'appel a relevé que le conseil d'administration avait le 29 juin 2015 donné pouvoir aux membres du bureau de prendre une décision de sanction à l'égard de la salariée et que le président de l'association ne justifiait d'aucune délégation du bureau ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que le président de l'association tenait des dispositions statutaires le pouvoir de licencier et n'avait donc à justifier d'aucune délégation de pouvoir émanant d'une autre instance, peu important la décision du conseil d'administration, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ensemble la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. »

Réponse de la Cour

4. Vu l'article L. 1232-6 du code du travail, l'article 1134 devenu 1103 du code civil et la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association :

5. Il résulte de ces textes qu'il entre dans les attributions du président d'une association, sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe, de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié.

6. La cour d'appel a d'abord constaté que l'article 16 des statuts de l'association attribue à son président le pouvoir de la représenter en justice et dans tous les actes de la vie civile, avec possibilité d'établir une délégation à un personnel de direction ou à un membre du conseil d'administration. Pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle a ensuite retenu que le conseil d'administration avait spécifiquement désigné les membres du bureau pour prendre une décision de sanction, pouvant aller jusqu'au licenciement, à l'encontre de la salariée et que le président ne justifiait d'aucune délégation du bureau lui permettant de mener la procédure de licenciement.

7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le président disposait du pouvoir de licencier, en application des statuts que le conseil d'administration ne pouvait pas modifier, de sorte qu'il n'avait pas besoin de délégation pour mener la procédure de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que le salarié d'une association, tiers au contrat fondateur, ne peut invoquer l'irrégularité de la désignation du président de l'association au regard des statuts pour contester son pouvoir de le licencier ; qu'en retenant, pour dire le licenciement de la salariée dénuée de cause réelle et sérieuse, que le procès-verbal de l'assemblée générale de l'association au cours duquel le président avait été élu révélerait diverses irrégularités tenant à l'auteur de la convocation, à son ordre du jour, aux modalités de constitution de l'assemblée, à la composition du conseil d'administration ou encore à celle du bureau désigné de sorte qu'il n'était pas établi que le président signataire de la lettre de licenciement disposait du pouvoir de licencier, quand la salariée, tiers au contrat d'association, ne pouvait invoquer les statuts de cette association pour critiquer la régularité de la désignation de son président en vue de contester son pouvoir de licencier, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article 1165 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 5 de la loi du 1er juillet 1901. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

9. Il résulte de ces dispositions que, si le salarié peut se prévaloir des statuts ou du règlement intérieur d'une association pour justifier du défaut de pouvoir de la personne signataire de la lettre de licenciement, il ne peut en revanche invoquer, sur le fondement de ces mêmes statuts, l'irrégularité de la désignation de l'organe titulaire du pouvoir de licencier au regard de ces statuts pour contester son pouvoir.

10. Pour dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les modalités statutaires de constitution de l'assemblée générale extraordinaire, au cours de laquelle le président a été désigné, n'ont pas été respectées et que la composition du conseil d'administration comme du bureau, ayant reconduit son mandat, est irrégulière, de sorte que l'employeur ne justifie pas, compte tenu des irrégularités relevées, que le signataire de la lettre de licenciement disposait du pouvoir de licencier.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne l'association Marie Blaise à verser à Mme [U] la somme de 3 437 euros au titre du paiement du compte épargne temps et déboute Mme [U] de sa demande au titre des congés payés afférents au solde de monétisation du compte épargne temps, l'arrêt rendu le 5 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Barincou - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand ; Me Occhipinti -

Textes visés :

Article L. 1232-6 du code du travail ; article 1134, devenu 1103, du code civil ; loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ; article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ; article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

Sur les attributions du président d'une association en matière de licenciement, à rapprocher : Soc., 4 avril 2006, pourvoi n° 04-47.677, Bull. 2006, V, n° 134 (rejet), et les arrêts cités. Sur l'impossibilité pour un tiers d'invoquer, sur le fondement des statuts d'une personne morale, l'irrégularité de la nomination de son représentant, à rapprocher : Soc., 20 avril 2017, pourvoi n° 16-60.119, Bull. 2017, V, n° 65 (1) (rejet), et l'arrêt cité ; 1re Civ., 20 septembre 2017, pourvoi n° 16-18.442, Bull. 2017, I, n° 194 (2) (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 9 mars 2022, n° 20-20.872, (B), FRH

Rejet

Licenciement – Licenciement disciplinaire – Faute du salarié – Engagement de la procédure – Conditions – Gravité de la faute – Ecoulement d'un délai – Absence d'influence – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 26 mars 2020), Mme [S] a été engagée, en 1982, par le cabinet d'assurance [J] devenu le cabinet [R] [N], en qualité d'employée commerciale puis a été promue cadre en 2008.

2. A compter du 31 mai 2013, la salariée a été placée en arrêt de travail.

3. Par lettre du 14 novembre 2014, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable au licenciement, lui reprochant des faits remontant à 2011 et 2012.

La salariée a été licenciée pour faute grave par lettre du 12 décembre 2014.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première à septième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa huitième branche

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de confirmer en toutes ses dispositions le jugement ayant dit que son licenciement reposait sur une faute grave et l'ayant déboutée de l'ensemble de ses demandes, alors « que la faute grave, étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits reprochés ; qu'en l'espèce, la salariée faisait valoir que l'employeur avait tardé à engager la procédure disciplinaire et ne pouvait plus invoquer la faute grave ; qu'il résulte des propres motifs de l'arrêt attaqué que l'employeur, qui a eu une connaissance des faits reprochés à la salariée au plus tard le 17 octobre 2014, a attendu le 14 novembre suivant, soit quatre semaines, pour convoquer la salariée à un entretien préalable ; que dès lors, en jugeant le licenciement pour faute grave de la salariée justifié, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le délai de quatre semaines mis par l'employeur pour engager la procédure de licenciement après sa connaissance des faits reprochés, n'était pas de nature à exclure la faute grave de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. Ayant estimé que l'employeur avait acquis une connaissance exacte des faits le 17 octobre 2014 et relevé qu'il avait convoqué la salariée à un entretien préalable au licenciement pour faute grave le 14 novembre 2014, la cour d'appel, qui a constaté que la salariée, dont le contrat de travail était suspendu depuis le 31 mai 2013, était absente de l'entreprise, ce dont il résultait que l'écoulement de ce délai ne pouvait avoir pour effet de retirer à la faute son caractère de gravité, n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. La salariée fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à rappel de paiement d'indemnités kilométriques, alors :

« 1°/ que constituent un complément de rémunération les primes qui ne correspondent pas à des frais réellement exposés par le salarié ; qu'en l'espèce, la salariée faisait valoir et offrait de prouver qu'elle avait tous les mois perçu l'indemnité kilométrique d'un montant forfaitaire de 500 euros et ce indépendamment de ses périodes d'absence pour congés ou maladie ; que la cour d'appel a constaté que l'indemnité kilométrique avait été fixée forfaitairement et versée pendant les périodes d'absence de la salariée en août et septembre 2010, février et mars 2012 et de juin à décembre 2013 ; qu'en affirmant que cette indemnité avait pour objet d'indemniser les frais de déplacement de la salariée et de compenser le surcoût des frais engagés pour l'exercice de ses fonctions d'attachée d'agence, et constituait nonobstant son caractère forfaitaire et le fait que son versement ne soit soumis à la production d'aucun justificatif, un remboursement de frais et non un complément de salaire, sans à aucun moment faire ressortir que cette indemnité correspondait réellement à un remboursement de frais exposés par la salariée, ce qui était contesté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103 et 1104, du code civil ;

2°/ que l'employeur ne peut modifier le contrat de travail sans l'accord du salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'article 3 « frais de déplacement » de l'avenant au contrat de travail de la salariée du 1er janvier 2008 indiquait qu' « au titre des frais de déplacement engagé dans le cadre de ses fonctions, Mme [S] percevra :

- le remboursement des frais réels sur justificatifs,

- une indemnité kilométrique payée mensuellement sur une base de 0,35 €/km limitée à un montant total annuel de 6 500 euros » et que l'avenant du 2 janvier 2011 précisait que « suite à notre entretien, je vous confirme que les frais professionnels quels qu'ils soient ne pourront en aucun cas être inférieurs à 500 euros mensuels » ; qu'en se fondant à l'appui de sa décision sur le fait que M. [N] avait pris le soin d'indiquer par courrier du 24 décembre 2013 à la salariée qu'il cessait le versement de l'indemnité kilométrique à compter du 1er janvier 2014, sans à aucun moment constater l'accord de la salariée à la suppression de cette indemnité contractuelle, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134, devenu 1103 et 1104, du code civil. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a constaté que l'article 3 « Frais de déplacement » de l'avenant du 1er janvier 2008 stipulait qu' « au titre des frais de déplacement engagés dans le cadre de ses fonctions, la salariée percevra le remboursement des frais réels sur justificatifs et une indemnité kilométrique payée mensuellement sur une base de 0,35 €/km limitée à un montant total annuel de 6 500 euros », et que l'avenant conclu le 2 janvier 2011 indiquait que « suite à notre entretien, je vous confirme que les frais professionnels quels qu'ils soient ne pourront en aucun cas être inférieurs à 500 euros mensuels ».

10. Elle en a exactement déduit que cette indemnité, qui avait pour objet d'indemniser les frais de déplacement de la salariée et de compenser le surcoût des frais engagés pour l'exercice de ses fonctions d'attachée d'agence, constituait, nonobstant son caractère forfaitaire et le fait que son versement ne soit soumis à la production d'aucun justificatif, un remboursement de frais et non un complément de salaire et que l'employeur, sans modifier le contrat de travail, tirant les conséquences de la nature de cette indemnité, était bien fondé à en cesser le versement durant les périodes de suspension du contrat de travail.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Barincou - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'appréciation par les juges du fond d'un délai restreint entre la connaissance des faits et l'engagement de la procédure de licenciement, indépendamment du délai de prescription de deux mois, à rapprocher : Soc., 6 octobre 2010, pourvoi n° 09-41.294, Bull. 2010, V, n° 214 (cassation), et les arrêts cités.

Soc., 2 mars 2022, n° 20-14.099, (B), FS

Cassation partielle

Résiliation judiciaire – Action intentée par le salarié – Poursuite du travail par le salarié – Licenciement postérieur à la demande de résiliation judiciaire – Manquements reprochés à l'employeur – Manquement grave – Appréciation – Moment – Détermination – Portée

Il résulte des articles L. 1221-1 du code du travail, et 1184 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et qu'il est licencié ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée. Pour apprécier si les manquements de l'employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu'à la date du licenciement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 29 janvier 2020), M. [Y] a été engagé en qualité d'agent d'entretien par la société Miroiterie d'Armor le 2 septembre 1998 et exerçait en dernier lieu les fonctions de conducteur de travaux.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale le 13 avril 2016 d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, au motif notamment du non paiement d'heures supplémentaires.

3. Il a été licencié pour faute grave le 18 octobre 2016.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail et de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, alors « que le non-paiement des heures supplémentaires durant quatre années constitue un manquement grave de l'employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail ; que la « régularisation » intervenue après le prononcé du licenciement, « en fin de contrat » n'a pu rendre possible la poursuite du contrat de travail ; qu'en écartant dès lors le manquement de l'employeur au paiement des heures supplémentaires bien qu'il n'ait été régularisé qu'après la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1221-1 du code du travail, et 1184 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

6. Il résulte de ces textes que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et qu'il est licencié ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée. Pour apprécier si les manquements de l'employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu'à la date du licenciement.

7. Pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes de paiement de diverses sommes au titre de la rupture, l'arrêt retient que le manquement tenant au défaut de paiement d'heures supplémentaires doit être écarté, compte tenu notamment de la démarche de régularisation effectuée par l'employeur avant même que le conseil ne statue, de sorte qu'un éventuel contentieux résiduel sur ce point n'empêchait pas la poursuite du contrat de travail.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait régularisé le paiement des heures supplémentaires postérieurement à la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation prononcée sur le deuxième moyen n'atteint pas le chef de dispositif visé par ce même moyen déboutant le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [Y] de sa demande en paiement d'un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et de sa demande au titre de l'indemnité de travail dissimulé, l'arrêt rendu le 29 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Valéry - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article L. 1221-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'office du juge en cas de licenciement du salarié postérieur à sa demande de résiliation judiciaire, à rapprocher : Soc., 15 mai 2007, pourvoi n° 04-43.663, Bull. 2007, V, n° 76 (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités ; Soc., 14 décembre 2011, pourvoi n° 10-13.542, Bull. 2011, V, n° 297 (rejet).

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