Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

CONFLIT DE LOIS

1re Civ., 9 mars 2022, n° 20-22.444, (B), FS

Cassation

Action en justice – Mesure d'instruction – Association – Défense d'un intérêt collectif – Qualité pour agir – Applications diverses

Il résulte des articles 3 du code civil, 31 et 145 du code de procédure civile que la qualité à agir d'une association pour la défense d'un intérêt collectif en vue d'obtenir une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile s'apprécie, non au regard de la loi étrangère applicable à l'action au fond, mais selon la loi du for en ce qui concerne les conditions d'exercice de l'action et selon la loi du groupement en ce qui concerne les limites de l'objet social dans lesquelles celle-ci est exercée.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 septembre 2020), les associations de droit français Sherpa et Les Amis de la terre France ont assigné en référé la société Perenco devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un huissier de justice afin de procéder à des constatations au sein des locaux de cette société, situés en France, en vue d'établir la preuve de faits de nature à engager sa responsabilité en raison de dommages environnementaux survenus en République démocratique du Congo.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Les associations Sherpa et Les Amis de la terre France font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes, alors « que la qualité à agir d'une association de défense de l'environnement établie en France exerçant une action, fût-elle attitrée, aux fins de solliciter toutes mesures tendant à conserver ou établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un procès en vue d'engager la responsabilité d'une société dont le siège social est situé en France, pour des atteintes à l'environnement constatées à l'étranger, est déterminée selon la lex fori ; qu'en déclarant irrecevable la demande des associations de droit français Sherpa et Les Amis de la terre France tendant à solliciter une mesure d'instruction in futurum dans l'optique d'un procès en réparation de dommages causés à l'environnement en République démocratique du Congo par la société Perenco dont le siège social est situé en France, à raison de son « contrôle de fait » et de son « influence dominante » sur les sociétés du groupe opérant en RDC, après avoir constaté la compétence internationale des juridictions françaises pour connaître d'une telle action, puis considéré qu'il n'était pas justifié de ce que la loi Congolaise selon elle applicable en vertu de la règle de conflit conférait aux associations qualité à agir, la cour d'appel, qui a apprécié la qualité à agir par application de la lex causae et ainsi méconnu la règle de conflit, a violé les articles 3 du code civil, 31 et 145 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 3 du code civil, 31 et 145 du code de procédure civile :

4. Il résulte de ces textes que la qualité à agir d'une association pour la défense d'un intérêt collectif en vue d'obtenir une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile s'apprécie, non au regard de la loi étrangère applicable à l'action au fond, mais selon la loi du for en ce qui concerne les conditions d'exercice de l'action et selon la loi du groupement en ce qui concerne les limites de l'objet social dans lesquelles celle-ci est exercée.

5. Pour déclarer irrecevable la demande des associations, l'arrêt retient que celles-ci ne justifient pas, s'agissant d'une action attitrée, que la loi congolaise leur donnerait qualité pour agir au titre de dommages survenus en République démocratique du Congo.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Hascher - Avocat général : Mme Legohérel - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 3 du code civil ; articles 31 et 145 du code de procédure civile.

1re Civ., 23 mars 2022, n° 21-12.952, (B), FRH

Rejet

Statut personnel – Filiation – Reconnaissance – Contestation – Recevabilité de l'action – Conditions – Loi française applicable – Effet de la possession d'état – Application

Statut personnel – Filiation – Etablissement – Loi applicable – Loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Action en contestation de reconnaissance de paternité

Statut personnel – Filiation – Reconnaissance – Contestation – Recevabilité de l'action – Loi française applicable en application de l'article 311-17 du code civil – Résidence habituelle en France – Indifférence

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2020), le 5 novembre 2004, à Los Angeles, Mme [Y], de nationalité suédoise, a donné naissance à l'enfant [H].

2. Le 16 décembre 2006, à [Localité 5], elle a épousé M. [L], de nationalité française, qui, par acte du 23 décembre 2010 reçu par l'officier de l'état civil monégasque, a déclaré reconnaître [H].

3. Le divorce des époux a été prononcé le 6 février 2016 par la cour supérieure de l'Etat de Californie pour le comté de Los Angeles.

4. Le 19 mai 2017, Mme [Y] a assigné M. [L] en contestation de la reconnaissance de paternité.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, ci après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

6. Mme [Y] fait grief à l'arrêt de juger son action en contestation de paternité irrecevable comme prescrite, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article 311-15 du code civil que la possession d'état produit toutes les conséquences qui découlent selon la loi française à l'égard des seuls enfants résidant en France ou dont l'un des parents réside en France ; qu'en analysant la recevabilité de l'action en contestation de la reconnaissance de paternité au regard de l'article 333 du code civil et en retenant, pour la dire irrecevable, qu'il existait une possession d'état de plus de cinq années conforme au titre, nonobstant le fait que ni l'enfant, ni aucun de ses parents n'avait sa résidence habituelle en France, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 311-15 et 333 du code civil et, par refus d'application, l'article 321 du code civil ;

2°/ que l'article 311-15 du code civil s'applique à la détermination de la loi applicable tant à l'action en établissement de paternité régie par l'article 311-14 qu'à l'action en contestation d'une déclaration de paternité régie par l'article 311-17 du code civil ; qu'en décidant, pour déclarer l'action en contestation de la reconnaissance de paternité, que l'article 311-15 du code civil, venant après l'énoncé de la règle générale de l'article 311-14, écartait seulement, au profit de la loi française, les dispositions de la loi étrangère applicable en vertu de l'article 311-14 et que l'article 311-17 énonçait une règle spéciale de conflit de lois qui désigne les règles de fond applicable à la reconnaissance de paternité et à sa contestation, la cour d'appel a violé les articles 311-14, 311-15 et 311-17 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Après avoir rappelé qu'il résultait de l'article 311-17 du code civil que l'action en contestation d'une reconnaissance de paternité devait être possible tant au regard de la loi de l'auteur de celle-ci que de la loi de l'enfant, la cour d'appel en a déduit que, M. [L] étant de nationalité française, la recevabilité de l'action devait être examinée au regard de la loi française.

8. Elle a énoncé à bon droit que l'article 311-17 édictait une règle spéciale de conflit de lois prévalant sur la règle générale prévue par l'article 311-14 et qu'il n'y avait pas lieu de se référer aux conditions fixées par l'article 311-15 pour voir se produire les effets que la loi française attachait à l'existence ou à l'absence de possession d'état, ce texte n'ayant vocation à jouer que si, en vertu de l'article 311-14, la filiation était régie par une loi étrangère.

9. Ayant constaté que l'enfant avait bénéficié à l'égard de son père d'une possession d'état de plus de cinq ans depuis la reconnaissance, la cour d'appel en a exactement déduit que, par application de l'article 333 du code civil, l'action en contestation de paternité engagée par Mme [Y], en sa qualité de représentante légale de l'enfant, était irrecevable, nonobstant le fait que ni l'enfant ni aucun de ses parents n'avait sa résidence habituelle en France.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Fulchiron - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles 311-14, 311-15, 311-17 et 333 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 15 mai 2013, pourvoi n° 11-12.569, Bull. 2013, I, n° 93 (rejet) ; 1re Civ., 15 mai 2019, pourvoi n° 18-12.602, Bull., (cassation).

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