Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

ASSURANCE (règles générales)

3e Civ., 16 mars 2022, n° 18-23.954, (B), FS

Cassation partielle

Garantie – Conditions – Réclamation du tiers lésé – Réclamation relative à un fait dommageable engageant la responsabilité de l'assuré – Fait dommageable – Survenance – Date – Détermination – Portée

Dans les assurances « dégâts des eaux », l'assureur est tenu à garantie, dès lors que le sinistre est survenu pendant la période de validité du contrat d'assurance. Viole l'article L. 124-5, alinéa 1, du code des assurances la cour d'appel qui, pour écarter la garantie de l'assureur multirisques habitation, retient que l'origine des fuites sur le réseau constituant la cause génératrice du dommage, est antérieure à la date de prise d'effet de l'assurance.

Garantie – Exclusion – Exclusion formelle et limitée – Définition – Cas – Recherche nécessaire

Conformément aux articles L.113-1 et L. 112-4 du code des assurances, les clauses d'exclusion des contrats d'assurance doivent être formelles et limitées et ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents. En conséquence, ne donne pas de base légale à sa décision, une cour d'appel qui, pour écarter la garantie de l'assureur, retient que les conditions générales du contrat d'assurance ne couvrent pas les dommages provenant d'une canalisation enterrée chez l'assuré et qu'il s'agit d'une non-garantie n'ayant pas à répondre au formalisme édicté par l'article L.112-4 du code des assurances, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les exclusions de garantie mentionnaient expressément les dégâts des eaux provenant de conduites enterrées, à défaut de quoi ceux-ci faisaient l'objet d'une exclusion indirecte.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 septembre 2018), Mme [E] [Z] et M. [I] [Z] (les consorts [Z]) sont respectivement usufruitière et nu-propriétaire d'un pavillon qui constitue l'habitation principale de Mme [Z], assurée en multi-risques habitation auprès de la société Filia-Maif.

2. Le 26 janvier 2007, le pavillon voisin a été vendu par MM. [S] et [L] [G] et Mme [D] épouse [G] (les consorts [G]) à M. et Mme [F], assurés depuis le même jour auprès de la société Axa France IARD (la société Axa).

3. Le 3 mars 2007, Mme [Z] a déclaré à son assureur un sinistre dégâts des eaux dans son pavillon, puis a assigné, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage, M. et Mme [F], les consorts [G] et la société Axa en réalisation des travaux rendus nécessaires par les infiltrations et en paiement de dommages-intérêts.

4. M. et Mme [F] ont appelé en garantie les consorts [G] et la société Axa.

5. M. [Z] et la société Filia-Maif sont intervenus volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. M. et Mme [F] font grief à l'arrêt de les déclarer responsables, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage, des désordres affectant le pavillon de Mme [Z] dans la proportion de 60 % et de les condamner au paiement de diverses sommes, alors « que le vendeur est responsable du trouble anormal de voisinage causé par l'immeuble vendu avant la cession ; qu'en imputant aux seuls acquéreurs la responsabilité d'un trouble anormal de voisinage dont la cour d'appel relevait elle-même qu'il trouvait sa cause dans des conduites fuyardes dont les premiers désordres « remontaient à 1997 et 2005 », à une époque où les consorts [G] étaient propriétaires du bien en sorte qu'ils devaient nécessairement assumer une part du dommage ainsi causé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, a violé le principe en vertu duquel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage. »

Réponse de la Cour

8. L'action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extra-contractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l'immeuble à l'origine du trouble, responsable de plein droit.

9. Ayant constaté que le trouble subsistait alors que M. et Mme [F] étaient devenus propriétaires du fonds à l'origine des désordres, la cour d'appel en a exactement déduit que leur responsabilité devait être retenue, peu important qu'ils n'aient pas été propriétaires de ce fonds au moment où les infiltrations avaient commencé à se produire.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. M. et Mme [F] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre la société Axa, alors « que la garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres survenus entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration ; qu'en l'espèce, la cause génératrice du dommage résidait dans un événement continu puisqu'elle était constituée par des fuites d'eau intervenues depuis 1997 sur des canalisations enterrées de la propriété acquise par les assurés, fuites qui s'étaient poursuivies après la vente survenue en 2007 ; qu'en jugeant toutefois que « les désordres litigieux ne rentr(ai)ent (...) pas dans le champ temporel d'application du contrat d'assurance », pour être survenus en 1997 et 2005, quand il était constant que la cause génératrice du dommage s'était poursuivie après le mois de janvier 2007 et, partant, pendant la prise d'effet de l'assurance souscrite par les acquéreurs du bien considéré, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui découlaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 124-5 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 124-5, alinéa 1er, du code des assurances :

12. Selon ce texte, la garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation.

13. Pour écarter la garantie d'Axa, l'arrêt retient que le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage, en l'espèce les fuites sur le réseau des canalisations enterrées de la propriété de M. et Mme [F], dont l'origine remonte à 1997 et 2005, soit antérieurement au 25 janvier 2007, date de prise d'effet de l'assurance multirisques habitation.

14. En statuant ainsi, alors que, dans les assurances « dégâts des eaux », l'assureur est tenu à garantie, dès lors que le sinistre est survenu pendant la période de validité du contrat d'assurance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

15. M. et Mme [F] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre la société Axa, alors « que, pour être valables, les clauses d'exclusion de garantie insérées dans une police d'assurance doivent être formelles et limitées ; qu'en l'espèce, d'une part, les conditions particulières du contrat d'assurance stipulaient que l'assureur garantissait la réparation pécuniaire des dommages causés par les « dégâts des eaux », tandis que les conditions générales ajoutaient, d'autre part, qu'étaient expressément garantis les dégâts des eaux provenant de « conduites non enterrées », tandis que, enfin, les exclusions ne mentionnaient pas expressément les dégâts des eaux provenant de conduites enterrées, de telle manière que ces dernières ne faisaient l'objet que d'une exclusion indirecte ; qu'en jugeant que l'absence de prise en charge des dégâts des eaux provenant de conduites enterrées ne faisaient pas l'objet d'une clause d'exclusion de garantie, la cour d'appel a violé l'article les articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances :

16. Selon le premier de ces textes, les clauses des polices édictant des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

17. Selon le second, les clauses d'exclusion de garantie doivent être formelles et limitées.

18. Pour exclure la garantie de la société Axa, l'arrêt retient que les conditions générales du contrat d'assurances ne couvrent pas les dommages provenant d'une canalisation enterrée chez l'assuré, qu'il s'agit d'une non-garantie qui n'a pas à répondre au formalisme édicté par l'article L. 112-4 du code des assurances.

19. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les exclusions de garantie mentionnaient expressément les dégâts des eaux provenant de conduites enterrées, à défaut de quoi ceux-ci faisaient l'objet d'une exclusion indirecte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Mise hors de cause

20. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause les consorts [Z] et la société Filia-Maif, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. et Mme [F] contre la société Axa France IARD, l'arrêt rendu le 5 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Met hors de cause Mme [E] [Z], M. [I] [Z] et la société Filia-Maif.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Maunand - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ; article L.124-5, alinéa 1, du code des assurances ; articles L.113-1 et L. 112-4 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 12 octobre 2017, pourvoi n° 16-19.657, Bull. 2017, III, n° 114 (cassation partielle), et l'arrêt cité. 2e Civ., 18 mars 2004, pourvoi n° 03-10.062, Bull. 2004, II, n° 129 (rejet), et les arrêts cités.

1re Civ., 16 mars 2022, n° 20-13.552, (B), FS

Cassation partielle

Garantie – Transaction – Transaction conclue entre l'assuré et la victime – Opposabilité à l'assureur – Exclusion – Cas

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2020), par contrat conclu le 8 février 2013 avec la Banque Centrale de la République Dominicaine (BCRD), la société [Z] [K] a été chargée d'imprimer 180 millions de billets de banque.

2. Des billets ont été volés pendant la réalisation du contrat, leur soustraction ayant été constatée les 12 et 25 juillet 2013.

3. Le 2 août 2013, la société [Z] [K] en a fait la déclaration à la société HDI Global SE (HDI), auprès de laquelle elle avait souscrit un contrat d'assurance responsabilité civile ayant pris effet le 1er décembre 2011.

4. Le 10 janvier 2014, la BCRD a assigné la société [Z] [K] en dommages-intérêts devant le tribunal de Saint-Domingue (République Dominicaine).

5. Le 12 février 2016, la société [Z] [K] et la société FCO2, filiale de celle-ci et aux droits de laquelle se trouve la société [K] Fiduciaire, ont assigné la société HDI devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir sa garantie à hauteur de 50 millions d'euros.

6. Le 17 juillet 2018, la BCRD et les sociétés [Z] [K] et [K] Fiduciaire ont conclu une transaction mettant fin à leur litige, en application de laquelle les secondes ont versé à la première la somme de 17 414 122,50 euros.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La société HDI fait grief à l'arrêt de dire que les billets volés étaient la propriété de la BCRD, de la condamner à garantir la société [K] à hauteur de 25 millions d'euros sous déduction de la franchise contractuelle et, en conséquence, à payer à l'assurée diverses sommes au titre de l'indemnité transactionnelle et des frais engagés par celle-ci pour sa défense dans ses procès contre la BCRD, alors « que le mécanisme de l'accession mobilière, même par spécification, n'a pas lieu d'être, lorsque les parties sont liées par un contrat d'entreprise ; qu'en ayant jugé que la BCRD était propriétaire des billets de banque litigieux, par le jeu de l'accession mobilière, quand elle était liée à la société [K] par un contrat d'entreprise, la cour d'appel a violé les articles 645, 646 et 1787 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 546, 565, 566 et 1787 du code civil :

8. Il résulte de ces textes que les règles de l'accession mobilière sont supplétives et n'ont pas vocation à s'appliquer lorsque le bien a été réalisé en exécution d'un contrat d'entreprise.

9. Pour décider que la BCRD était propriétaire des billets volés, l'arrêt retient qu'ils ont été imprimés en exécution d'un contrat d'entreprise conclu entre la BCRD et la société [Z] [K] et que les dispositions des articles 565 et 566 du code civil sont applicables, dès lors que la BCRD a fourni la partie principale de la chose mobilière.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

11. La société HDI fait grief à l'arrêt de déclarer que la transaction du 17 juillet 2018 lui est opposable et, en conséquence, de la condamner à verser diverses sommes à son assurée, alors « que la connaissance, par une compagnie d'assurances, de l'existence de négociations en vue d'une transaction entre son assurée et le tiers victime, jointe à sa volonté de ne pas y participer, ne peuvent valoir acceptation de cette transaction par l'assureur ; qu'en ayant jugé le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 ancien du code civil et L. 124-2 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 124-2 du code des assurances et 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

12. Selon le premier de ces textes, l'assureur peut stipuler qu'aucune transaction intervenue en dehors de lui ne lui est opposable et, aux termes du second, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

13. Pour déclarer la transaction opposable à la société HDI, après avoir constaté que l'article 8.8 de la police d'assurance prévoyait l'inopposabilité d'une transaction intervenue en dehors de l'assureur, l'arrêt retient que la société HDI a été clairement informée des modalités de la transaction et que, si elle a, par son attitude, exprimé la volonté de ne pas y participer, elle a néanmoins été associée au déroulement des négociations.

14. En statuant ainsi, alors qu'il ne résultait pas de ses constatations que la société HDI avait participé à la conclusion de la transaction, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur les moyens du pourvoi incident éventuel

15. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident éventuel ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il juge la société [Z] [K] recevable en son intervention volontaire et recevable à agir et en ce qu'il dit qu'il n'existe qu'un seul sinistre, l'arrêt rendu le 14 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Chevalier - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 546, 565, 566 et 1787 du code civil ; article L. 124-2 du code des assurances ; article 1134, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

2e Civ., 31 mars 2022, n° 20-23.284, (B), FRH

Rejet

Personnel – Agent général – Cessation des fonctions – Indemnité compensatrice – Clause issue d'accords d'entreprise conclus entre l'entreprise d'assurance et les syndicats professionnels de ses agents généraux – Manquement de l'agent général à ses obligations – Sanction – Pénalité ne pouvant excéder 30 % de l'indemnité compensatrice – Exclusion de la qualification de clause pénale

N'est pas une clause pénale au sens de l'article 1152 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, soumise au pouvoir de modération du juge, la stipulation de l'accord contractuel conclu entre une entreprise d'assurance et les syndicats professionnels de ses agents généraux qui, en cas de méconnaissance par un agent général de certaines des obligations de son mandat, prévoit à la charge de ce dernier un abattement, non forfaitaire et non déterminé à l'avance, ne pouvant excéder 30 % de la totalité de son indemnité de fin de mandat.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 30 septembre 2020), après avoir pris acte de la démission de M. [V] de son mandat d'agent général d'assurance, les sociétés Aviva assurances et Aviva vie (l'assureur) lui ont fait savoir que son indemnité de fin de mandat serait affectée d'un abattement de 30 % en raison de la découverte d'un déficit de caisse et de fautes de gestion, en application de l'annexe 3 des accords contractuels sur l'exercice du métier d'agent général qui avaient été conclus le 29 avril 1997 entre les sociétés Abeille assurances et Abeille vie, anciennes dénominations de l'assureur, et le syndicat professionnel des agents généraux d'assurance Abeille.

2. M. [V], contestant l'application de cet abattement, a assigné l'assureur en paiement de l'intégralité de l'indemnité de fin de contrat et de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [V] fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes et de le condamner à payer la somme de 1 514,33 euros à l'assureur, alors « qu'est une clause pénale la clause d'un accord d'entreprise conclu entre une entreprise d'assurance et le syndicat professionnel de ses agents généraux qui, à titre de sanction des obligations incombant à un agent sortant, stipule à la charge de celui-ci une pénalité sous la forme d'un abattement sur le montant de son indemnité de cessation de fonctions ; qu'au cas d'espèce, le traité de nomination du 29 avril 2003, par lequel M. [H] [V] a été désigné en qualité d'agent général des sociétés Aviva assurances et Aviva vie à [Localité 2], était soumis aux accords contractuels du 29 avril 1997 sur l'exercice du métier d'agent général conclus entre d'une part Aviva assurances et Aviva vie, anciennement dénommées Abeille assurances et Abeille vie, et d'autre part le syndicat professionnel des agents généraux d'Abeille ; qu'aux termes de l'article 5 de l'annexe 3 de ces accords, intitulé « Abattements sur indemnité », des abattements ne pouvant excéder 30 % s'appliqueront à la totalité de l'indemnité de fin de mandat en cas de déficit de caisse, de non-respect du préavis, sauf cas de force majeure, d'actes de gestion relevant de la faute professionnelle, de non-respect des règles d'exclusivité fixées au mandat, de révocation, de pratiques commerciales déloyales vis-à-vis du successeur, telles qu'un refus de lui présenter les clients les plus importants de l'agence ; que pour rejeter la demande de M. [V] tendant à obtenir une réduction du montant de l'abattement, égal à 30 % de son indemnité de fin de mandat, soit 96 117 euros, pratiqué par la société Aviva assurances sur le fondement de cette clause, la cour d'appel a considéré que l'abattement prévu par l'accord professionnel ne constituait pas une clause pénale prévoyant le montant de la sanction indemnitaire en cas d'inexécution de ses obligations par l'agent général mais était l'un des éléments de calcul de l'indemnité de fin de mandat dans les cas prévus, de telle sorte qu'il n'était pas soumis au pouvoir modérateur du juge ; qu'en statuant ainsi, alors que l'article 5 de l'annexe 3 des accords contractuels du 29 avril 1997, qui stipule à la charge de l'agent sortant une pénalité sous la forme d'un abattement sur le montant de son indemnité de cessation de fonctions en cas de violation par l'agent des obligations qu'il vise, constitue une clause pénale, la cour d'appel a violé l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

4. Constitue une clause pénale au sens de l'article 1152 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause, la clause d'un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée.

5. Par suite, n'est pas une clause pénale, soumise au pouvoir de modération du juge, la stipulation de l'accord contractuel conclu entre une entreprise d'assurance et les syndicats professionnels de ses agents généraux qui, en cas de méconnaissance par un agent général de certaines des obligations de son mandat, prévoit à la charge de ce dernier un abattement, non forfaitaire et non déterminé à l'avance, ne pouvant excéder 30 % de la totalité de son indemnité de fin de mandat.

6. C'est, dès lors, à bon droit que l'arrêt retient que la stipulation qui prévoit un tel abattement n'est pas une clause pénale mais constitue l'un des éléments de calcul de l'indemnité de fin de mandat, de telle sorte qu'il n'est pas soumis au pouvoir modérateur du juge.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Besson - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre -

Textes visés :

Article 1152 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 17 décembre 2015, pourvoi n° 14-18.378 (cassation partielle).

2e Civ., 31 mars 2022, n° 20-17.147, (B), FRH

Cassation partielle

Recours contre le tiers responsable – Subrogation légale – Conditions – Versement de l'indemnité – Paiement entre les mains de l'assuré (non)

L'article L. 121-12 du code des assurances, selon lequel l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui ont causé le dommage, n'exige pas que ce paiement ait été fait entre les mains de l'assuré lui-même.

Dès lors, la cour d'appel qui ne recherche pas, comme il le lui est demandé, si le paiement d'une somme par l'assureur auprès d'un tiers, en l'occurrence un crédit-bailleur, n'avait pas été opéré, au titre de l'indemnisation d'assurance, sur ordre et pour le compte de l'assuré, prive sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

Recours contre le tiers responsable – Subrogation légale – Article L. 121-12 du code des assurances – Versement de l'indemnité – Conditions – Paiement entre les mains de l'assuré (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mars 2020), M. [P] a fait l'acquisition auprès de la société ACM-Chantier naval de Colombelles (ACM) d'un bateau de plaisance, qu'il a assuré, en vertu d'un contrat d'assurance de dommages, auprès de la société Axa France IARD (l'assureur).

La société CGI Finance, crédit-bailleresse, a financé cette acquisition.

2. A la suite d'un sinistre survenu le 21 août 2008 et au vu des conclusions d'une expertise judiciaire, l'assureur a assigné la société Helvetia assurances, en qualité d'assureur de la société ACM, devant un tribunal de commerce aux fins de condamnation à lui payer la somme de 207 843,57 euros qu'elle avait versée à titre d'indemnisation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. L'assureur fait grief à l'arrêt de condamner la société Helvetia assurances à lui régler la seule somme de 80 888,76 euros alors :

« 1°/ que le jeu de la subrogation légale n'exige pas que le paiement de l'indemnité d'assurance ait été opéré entre les mains de l'assuré lui-même, pourvu qu'il ait été fait pour son compte ; qu'en ayant jugé que l'assureur ne pouvait pas se prévaloir de la subrogation légale, concernant la somme de 126 954,81 euros qui était finalement revenue à la société CGI Finance, crédit-bailleresse du bateau assuré, sans rechercher si le paiement de la somme de 126 954,81 euros à la société CGI Finance n'avait pas, comme il résultait de la pièce n° 10 versée aux débats, été opéré par le conseil de l'assureur laquelle avait déposé l'indemnité dans son intégralité, en un seul chèque, sur le compte Carpa de son avocat), sur ordre de M. [P], assuré, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 121-12 du code des assurances ;

2°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant jugé que l'assureur ne pouvait se prévaloir de la subrogation légale, concernant la somme de 126 954,81 euros qui était finalement revenue à la société CGI Finance, propriétaire du bateau, sans répondre aux conclusions de l'exposante, ayant fait valoir que c'était sur ordre de M. [P], assuré, qu'elle avait réglé cette somme à la société CGI Finance qui s'était d'ailleurs manifestée auprès de l'assureur, en tant que crédit-bailleresse du bateau, pour faire opposition au paiement de l'entière indemnité entre les mains de l'assuré, ce dont il résultait que le paiement litigieux avait été opéré par l'assureur au nom et pour le compte de l'assuré, ce qui autorisait le jeu de la subrogation légale, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 121-12 du code des assurances :

4. Ce texte, selon lequel l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui ont causé le dommage, n'exige pas que ce paiement ait été fait entre les mains de l'assuré lui-même.

5. Pour limiter au montant de 80 888,76 euros la somme que la société Helvetia assurances doit à l'assureur au titre du recours subrogatoire formé, l'arrêt, après avoir constaté que ce dernier, bien qu'il ait versé une somme totale de 207 843,57 euros, limite sa demande à la somme de 205 308,37 euros, qui correspond à l'évaluation réalisée par l'expert judiciaire, énonce qu'il résulte des pièces produites par M. [P], l'assuré, qu'il a perçu de l'assureur la seule somme de 80 888,76 euros, une autre somme, de 126 954,81 euros, ayant été versée par l'assureur à la société CGI Finance, crédit-bailleresse.

6. La décision ajoute que, pour bénéficier de la subrogation légale de plein droit, l'assureur doit justifier qu'il a effectivement payé l'indemnité d'assurance et que le paiement est intervenu en exécution de l'obligation de garantie qu'il avait souscrite par contrat et qu' il n'est pas démontré que le paiement serait intervenu en exécution d'un contrat d'assurance, puisque le seul contrat d'assurance dont justifie l'assureur est celui qu'il a signé avec M. [P], aucune pièce du dossier ne permettant de considérer que la société CGI Finance ait eu la qualité d'assurée et le seul fait qu'elle ait été propriétaire du bateau, au jour du sinistre, ne suffit pas à justifier qu'elle ait bénéficié de partie de l'indemnité d'assurance ce dont elle déduit que, faute pour l'assureur de démontrer qu'il bénéficie de la subrogation légale s'agissant de la somme versée à la société CGI Finance, et en l'absence de quittance subrogative, sa demande en paiement de la somme de 126 954,81 euros ne saurait prospérer.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le paiement de cette somme n'avait pas été opéré, au titre de l'indemnisation d'assurance, sur ordre et pour le compte de l'assuré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Helvetia assurances à payer à la société Axa France IARD la somme de 80 888,76 euros et dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2013 et que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, l'arrêt rendu le 19 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bouvier - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L.121-12 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 6 janvier 1981, pourvoi n° 79-13.573, Bull. 1981, I, n° 2 (rejet).

2e Civ., 10 mars 2022, n° 20-16.237, (B), FS

Rejet

Responsabilité de l'assureur – Obligation de conseil – Manquement – Dommage – Réalisation – Moment – Détermination – Portée

Prescription – Article L. 110-4 du code de commerce – Point de départ – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 12 février 2020), la société Moulin d'Andrieux a acquis des plants de pruniers auprès de la société Pépinières [K] et a constaté une croissance anormalement faible de son verger.

2. Après avoir obtenu en référé la désignation d'un expert, elle a assigné en indemnisation M. [K] et la société Pépinières [K], lesquels ont appelé en garantie leur assureur, la société AGF devenue Allianz IARD (l'assureur).

3. Par arrêt du 7 mai 2012, la cour d'appel d'Agen a condamné M. [K] et la société Pépinières [K] à payer certaines sommes à la société Moulin d'Andrieux en réparation de ses préjudices et a mis hors de cause l'assureur.

4. Le 30 décembre 2014 et le 7 janvier 2015, M. [K] et la société Pépinières [K] ont assigné en indemnisation M. [M], agent général de l'assureur, ainsi que l'assureur de ce dernier, la société CGPA, pour manquement à son devoir de conseil lors du renouvellement, en 2006, des contrats souscrits en 1989 et 1993.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. [K] et la société Pépinières [K] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur action diligentée contre M. [M] et la société CGPA, alors « que le délai de prescription de l'action en responsabilité exercée contre l'agent général d'assurances pour manquement à son devoir de conseil court à compter du dommage subi par l'assuré consacré par la décision en force de chose jugée condamnant ce dernier à réparation ; qu'en jugeant que le délai de prescription commençait à courir du jour du refus de garantie invoqué par l'assureur en 2008 quand, à cette date, M. [K] et la société Pépinières [K] n'étaient pas en mesure de connaître le dommage résultant du manquement de l'agent général et que seule la décision de condamnation de la cour d'appel d'Agen du 7 mai 2012 lui conférait un caractère certain, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce que les actions personnelles ou mobilières entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

8. Le dommage né d'un manquement aux obligations d'information et de conseil dues à l'assuré sur l'adéquation de la garantie souscrite à ses besoins se réalise au moment du refus de garantie opposé par l'assureur.

9. Il s'ensuit que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité engagée par l'assuré contre le débiteur de ces obligations se situe au jour où il a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance du refus de garantie.

10. Après avoir énoncé à bon droit que le délai de prescription de l'action en responsabilité contre l'agent général d'assurance pour manquement à son obligation de conseil vis-à-vis de l'assuré court à compter de la notification par l'assureur du refus de garantie à l'assuré, qui est alors en capacité de prendre conscience des conséquences de cette décision et d'apprécier la suite à y donner, la cour d'appel a souverainement retenu que M. [K] et la société Pépinières [K] avaient su dès 2008 que l'assureur ne couvrait plus le sinistre déclaré, faute pour eux d'avoir souscrit en 2006 un contrat garantissant l'activité professionnelle de pépiniériste, et que l'agent général avait pu vendre un contrat inadapté. Elle en a exactement déduit que le point de départ de la prescription de l'action exercée contre ce dernier devait être fixé à cette date, et non pas à celle de la condamnation de l'assuré par l'arrêt du 7 mai 2012.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer ; SCP Nicolaý, de Lanouvelle -

Textes visés :

Article 2224 du code civil ; article L. 110-4 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Pour une application de l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, à rapprocher : 2e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.754, Bull. 2017, II, n° 102 (cassation partielle).

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