Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

ASSURANCE DE PERSONNES

2e Civ., 10 mars 2022, n° 20-20.898, (B), FRH

Rejet

Assurance de groupe – Assurance de groupe souscrite par l'employeur au profit du salarié – Garantie collective – Garantie collective complémentaire de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale – Bénéficiaires – Salariés, anciens salariés et leurs ayants droit – Cessation de la relation de travail – Effets – Maintien des garanties à titre gratuit – Liquidation judiciaire postérieure de l'employeur – Portée – Limite

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 juillet 2020), la société Sevenday (la société) a conclu avec l'institution Arpège prévoyance (l'institution de prévoyance) un contrat de mutuelle santé et prévoyance au profit de ses salariés.

2. Par jugement du 3 novembre 2015, un tribunal de grande instance a arrêté un plan de cession de l'une des activités de la société et a autorisé le licenciement pour motif économique de 38 salariés.

3. Par jugement du 16 février 2016, la liquidation judiciaire a été prononcée et la société [I] & associés, prise en la personne de M. [I] (le liquidateur), a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

4. L'institution de prévoyance a résilié le contrat de prévoyance avec effets au 29 février 2016 et a formulé une proposition de « prolongation onéreuse du contrat » à compter du 1er mars 2016.

Le liquidateur lui a adressé à ce titre, le 18 mars suivant, une somme de 35 120,18 euros afin de maintenir, pour un an, les garanties précédemment souscrites pour les salariés licenciés.

5. Le liquidateur es qualités a assigné l'institution de prévoyance en remboursement de la somme ainsi versée, selon lui indûment, et en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le liquidateur, es qualités, fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de remboursement de la somme de 35 120,18 euros et en dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que la portabilité de l'assurance couverture santé et prévoyance joue, même en cas de liquidation judiciaire de l'employeur, sans condition de l'existence d'un dispositif assurant le financement du maintien de ces couvertures ; qu'en considérant néanmoins qu'à compter de la résiliation en date du 29 février 2016, les garanties ouvertes par l'institution de prévoyance ont pris fin pour n'être plus en vigueur dans l'entreprise, leur maintien devant être financé par l'employeur et le salariés encore actifs dans l'entreprise, ce qui était devenu impossible, pour en déduire que le paiement volontairement opéré par le mandataire liquidateur, en ce qu'il porte sur des cotisations dues au-delà du 29 février 2016, ne peut être assimilé à un paiement indu, celui-ci ayant librement choisi d'assurer le maintien des couvertures mutuelle et prévoyance dont bénéficiaient les anciens salariés de la société licenciés fin 2015, quand aucun dispositif assurant le financement n'était requis, la cour d'appel a violé l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1302-1 du code civil ;

2°/ que la portabilité de l'assurance couverture santé et prévoyance joue, même en cas de liquidation judiciaire de l'employeur, sans condition de l'existence d'un dispositif assurant le financement du maintien de ces couvertures ; qu'il est indifférent que le mandataire liquidateur ait pu croire, à tort, qu'il était nécessaire qu'il s'acquitte du financement pour assurer le maintien des couvertures ; qu'en considérant que le paiement volontaire effectué par le liquidateur, en ce qu'il porte sur des cotisations dues au-delà du 29 février 2016, ne peut être assimilé à un paiement indu, celui-ci ayant librement choisi d'assurer le maintien des couvertures mutuelle et prévoyance dont bénéficiaient les anciens salariés de la société licenciés fin 2015, quand aucun dispositif assurant le financement n'était requis, la cour d'appel a violé l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1302-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. L'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du même code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance chômage, selon les conditions qu'il détermine.

8. Ces dispositions d'ordre public sont applicables aux anciens salariés licenciés d'un employeur placé en liquidation judiciaire qui remplissent les conditions fixées par ce texte.

9. Toutefois, le maintien des droits implique que le contrat ou l'adhésion liant l'employeur à l'organisme assureur ne soit pas résilié.

10. L'arrêt relève que l'institution de prévoyance a résilié le contrat le 29 février 2016, soit dans le délai de trois mois prévu par l'article L. 932-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à la cause, et qu'à compter de la prise d'effet de cette résiliation prévue par la loi, les garanties ouvertes ont pris fin pour n'être plus en vigueur dans l'entreprise. Il ajoute que le liquidateur a toutefois librement choisi d'assurer le maintien des couvertures mutuelle et prévoyance dont bénéficiaient les anciens salariés de la société licenciés fin 2015.

11. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que le paiement volontairement opéré par le liquidateur, en ce qu'il portait sur des cotisations dues au-delà du 29 février 2016, ne pouvait être assimilé à un paiement indu.

12. Le moyen, inopérant en sa première branche qui s'attaque à des motifs surabondants, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Articles L. 911-1, L. 911-8 et 932-10 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Avis de la Cour de cassation, 6 novembre 2017, n° 17-70.011 et suivants, Bull. 2017, Avis, n° 11 et suivants ; 2e Civ., 5 novembre 2020, pourvoi n° 19-17.164 (rejet).

2e Civ., 10 mars 2022, n° 20-19.655, (B), FRH

Rejet

Assurance-vie – Bénéficiaires – Modification ou substitution – Modification par voie testamentaire – Portée

La désignation ou la substitution du bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie, que l'assuré peut, selon l'article L. 132-8 du code des assurances dans sa rédaction applicable au litige, opérer jusqu'à son décès n'a pas lieu, pour sa validité, d'être portée à la connaissance de l'assureur lorsqu'elle est réalisée par voie testamentaire.

Assurance-vie – Bénéficiaires – Modification ou substitution – Modalités

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er juillet 2020), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 13 juin 2019, pourvoi n° 18-14.954), lors de son adhésion à la garantie décès d'un contrat d'assurance sur la vie souscrit auprès de la société Gan vie (l'assureur), [Z] [N] avait désigné son fils, M. [D] [N] ou, à défaut, son épouse, Mme [K] [N]-[V], comme bénéficiaire des sommes garanties. Il avait ensuite fait part à l'assureur, dans une lettre du 20 juin 1982, de la modification de la clause bénéficiaire en faveur de son épouse.

2. À la suite du décès de son époux survenu le 1er septembre 1990, Mme [N]-[V] a obtenu de l'assureur le règlement du capital garanti, qui lui a été versé le 17 octobre 1991.

3. M. [N], se prévalant de l'intention de son père de le désigner en définitive comme unique bénéficiaire du contrat d'assurance, a assigné Mme [N]-[V] en restitution de ce capital.

Examen du moyen

Sur le moyen pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme [N]-[V] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [N] la somme de 132 379,41 euros, alors « qu'en matière d'assurances sur la vie, l'assuré peut modifier jusqu'à son décès le nom du bénéficiaire dès lors que la volonté du stipulant est exprimée d'une manière certaine et non équivoque et que l'assureur en a eu connaissance ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [Z] [N] était décédé le 1er septembre 1990, soit avant le 18 octobre 1991, date à laquelle Maître [M] avait adressé au Gan la lettre datée du 29 juillet 1987 par laquelle M. [N] avait demandé d'effectuer les démarches afin que le capital-décès des assurances soit bloqué sur le compte de son fils ; qu'il résultait de ces constatations que l'assureur n'avait pas eu connaissance, avant le décès du stipulant, de la volonté de celui-ci de modifier le nom du bénéficiaire, ce qui faisait obstacle à toute modification ultérieure ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 132-8 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

6. La désignation ou la substitution du bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie, que l'assuré peut, selon l'article L. 132-8 du code des assurances dans sa rédaction applicable au litige, opérer jusqu'à son décès n'a pas lieu, pour sa validité, d'être portée à la connaissance de l'assureur lorsqu'elle est réalisée par voie testamentaire.

7. Par suite, c'est à bon droit que l'arrêt, retenant que [Z] [N] avait indiqué dans un écrit du 29 juillet 1987, s'analysant en un testament olographe, que le capital décès de son assurance-vie devait revenir à son fils, décide que ce dernier soutient à juste titre que la substitution de bénéficiaire peut être effectuée par voie testamentaire, cette modalité étant expressément prévue par l'article L.132-8 précité, peu important que l'assureur n'en ait pas été avisé.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Besson - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 132-8 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de modification du bénéficiaire d'une assurance-vie, à rapprocher : 2e Civ., 13 septembre 2007, pourvoi n° 06-18.199, Bull. 2007, II, n° 215 (cassation), et les arrêts cités.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.