Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

ASSOCIATION

1re Civ., 30 mars 2022, n° 21-13.970, (B), FS

Cassation partielle

Action en justice – Conditions – Association de défense des consommateurs – Association agréée – Recevabilité – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2021), l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels (AAMOI), qui a pour objet social la défense des intérêts des consommateurs en tant que maître d'ouvrage, vis-à-vis des constructeurs de maisons individuelles avec fourniture du plan, et le respect des normes dans le domaine de la construction de maisons individuelles, a été agréée par arrêté du 6 janvier 2006 du préfet de l'Essonne pour exercer l'action civile conformément aux dispositions du livre IV du code de la consommation.

2. Les 30 décembre 2016 et 3 et 9 janvier 2017, invoquant l'existence de pratiques illicites, elle a assigné, devant le tribunal de grande instance de Paris, la société Maisons Pierre, constructeur de maisons individuelles, et l'assureur de celle-ci, la société Axa France IARD, ainsi que la société Sogerep courtage, courtier, pour obtenir, sur le fondement des articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-7 du code de la consommation, la cessation de ces pratiques, des dommages-intérêts en réparation du préjudice collectif des consommateurs et la publication de la décision à intervenir.

3. A la suite de l'arrêté préfectoral du 24 avril 2018 portant retrait de son agrément, le premier juge a déclaré son action irrecevable, faute de qualité pour agir.

En appel, l'association a indiqué agir, à titre subsidiaire, sur le fondement du droit commun pour la défense de l'intérêt collectif entrant dans son objet social.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et sixième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches

Enoncé du moyen

5. L'AAMOI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables, faute de qualité pour agir, ses demandes principales formées à l'encontre de la société Sogerep Courtage, de la société Axa France IARD et de la société Maisons Pierre, alors :

« 2°/ que même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables faute de qualité les demandes présentées par l'AAMOI dans l'intérêt collectif des maîtres d'ouvrage consommateurs, qu'« une association de défense des intérêts des consommateurs ne peut agir en justice au titre de l'intérêt collectif des consommateurs et en réparation des préjudices directs et indirects occasionnés à celui-ci qu'en vertu d'un agrément administratif régulièrement accordé par l'autorité publique compétente dans le strict respect du cadre prévu par la loi et le règlement », en en subordonnant ainsi la défense de l'intérêt collectif entrant dans son objet social à une condition que la loi ne comporte pas, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile et 1er de la loi du 1er juillet 1901 ;

3°/ que l'existence du droit d'agir en justice s'apprécie à la date de la demande introductive d'instance et ne peut être remise en cause par l'effet de circonstances postérieures ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les prétentions formulées dans les assignations délivrées les 30 décembre 2016, 3 et 9 janvier 2017, que l'agrément avait été retiré à l'AAMOI par un arrêté préfectoral du 24 avril 2018, quand cet événement postérieur était sans incidence sur l'existence du droit d'agir au jour de l'introduction de l'instance, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile et L. 621-2 du code de la consommation ;

4°/ que le retrait de l'agrément d'une association de consommateurs, qui sanctionne la perte de conditions initialement réunies, n'est pas rétroactif ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les prétentions formulées dans les assignations délivrées les 30 décembre 2016, 3 et 9 janvier 2017, que « la décision administrative de retrait d'agrément du 24 avril 2018 » avait un « effet rétroactif à compter du 8 décembre 2015 », la cour d'appel, qui a méconnu le principe de sécurité juridique, a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile, L. 621-2 et R. 811-7 du code de la consommation ;

5°/ que, subsidiairement, faute d'avoir été annulée par le juge administratif ou déclarée illégale, les décisions administratives réglementaires ou individuelles ont un caractère exécutoire et doivent être appliquées par le juge judiciaire ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable, faute de qualité pour agir, l'ensemble des demandes principales de l'AAMOI, que « la décision administrative de retrait d'agrément du 24 avril 2018 » avait un « effet rétroactif à compter du 8 décembre 2015 », quand cet arrêté préfectoral énonce, en son article 1er, que « l'agrément départemental de l'association d'aide aux maîtres d'ouvrages individuels [?] est retiré à compter de la notification du présent arrêté à l'intéressé », soit à une date nécessairement postérieure à celle de son édiction, la cour d'appel a violé l'arrêté du 24 avril 2018. »

Réponse de la Cour

6. Les articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-7 du code de la consommation habilitent les associations agréées, d'une part, à exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs, d'autre part, à agir devant les juridictions civiles en cessation, interdiction, ou réparation de tout agissement illicite au regard des dispositions transposant les directives mentionnées à l'article 1er de la directive 2009/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 modifiée relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs.

7. Dès lors, n'est pas recevable à agir sur le fondement de ces dispositions l'association qui ne justifie ni de l'existence d'une infraction ni de la méconnaissance d'une disposition issue de la transposition du droit de l'Union.

8. La cour d'appel a relevé que l'action en cessation engagée par l'association était fondée sur la méconnaissance alléguée de dispositions du code des assurances relatives à l'obligation des maîtres d'ouvrage, ayant la qualité de consommateurs, de souscrire une assurance de dommages-ouvrage.

9. Il en résulte que l'association, qui n'invoquait ni l'existence d'une infraction ni la méconnaissance d'une disposition issue de la transposition d'une directive du droit de l'Union, n'était pas recevable à agir sur le fondement de ces textes.

10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle déclare irrecevable l'action de l'AAMOI sur le fondement des dispositions susvisées du code de la consommation.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche, dont l'examen est préalable au deuxième moyen

Enoncé du moyen

11. L'AAMOI fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable à agir en appel sur le fondement du droit commun, les prétentions formulées sur ce fondement étant nouvelles, alors « que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes de l'AAMOI, que celles-ci étaient désormais fondées sur le droit commun, quand l'appelante était recevable à invoquer de nouveaux moyens de droit pour fonder ses prétentions, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 563 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 563, 564 et 565 du code de procédure civile :

12. Selon le premier texte, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

13. Aux termes du deuxième, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

14. Selon le troisième, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

15. Pour déclarer irrecevable comme nouvelle l'action de l'AAMOI en ce qu'elle est fondée sur le droit commun, l'arrêt retient que celle-ci est distincte de celle formée sur le fondement des dispositions du code de la consommation, que les deux actions protègent des catégories de personnes différentes et qu'elles n'ont ni le même fondement légal ni la même portée, ni la même finalité. Il ajoute que la qualité d'association de consommateurs dont s'est prévalue l'AAMOI en première instance ne saurait être confondue avec celle d'association oeuvrant dans l'intérêt spécifique d'une catégorie de la population, à savoir les maîtres d'ouvrage, au soutien de laquelle l'association prétend agir en appel, et que les prétentions formulées par une partie en une qualité différente de celle en laquelle elle avait procédé en première instance, avec une finalité différente de celle soumise au premier juge, caractérisent une prétention nouvelle.

16. En statuant ainsi, alors que l'AAMOI, qui agissait, en première instance comme en appel, pour la défense des intérêts collectifs définis par ses statuts, n'avait pas modifié, devant la cour d'appel, ses demandes en cessation d'actes illicites, en indemnisation et en publication de la décision, et s'était bornée à invoquer un moyen nouveau au soutien de ses prétentions, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier et le troisième par refus d'application et le deuxième par fausse application.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

17. L'AAMOI fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action sur le fondement du droit commun pour défaut d'intérêt à agir relativement à la restriction géographique de ses statuts, alors « que l'action est ouverte à l'association qui a un intérêt légitime au succès d'une prétention formée au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'en retenant, pour dénier à l'AAMOI la possibilité d'agir en dehors du département de l'Essonne, et sur tout le territoire français » et la déclarer irrecevable faute d'intérêt, que [le] silence [de ses statuts] ne pouva[it] s'interpréter comme permettant à l'association d'agir sur un territoire illimité », quand il en résultait au contraire qu'elle n'avait pas limité son objet social au seul département dans la préfecture duquel elle avait été déclarée, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile et 1er de la loi du 1er juillet 1901. »

Réponse de la Cour

Vu l'articles 31 du code de procédure civile :

18. Il résulte de ce texte qu'une association, même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social. Lorsqu'aucune stipulation des statuts ne prévoit une restriction du champ d'action géographique de l'association, l'action formée par elle peut être introduite devant toute juridiction territorialement compétente.

19. Pour déclarer l'AAMOI irrecevable en son action sur le fondement du droit commun pour défaut d'intérêt à agir « relativement à la restriction géographique de ses statuts », l'arrêt retient que le silence de ceux-ci ne peut s'interpréter comme permettant à l'association d'agir sur un territoire illimité.

20. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées par l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels sur le fondement du code de la consommation et rejette la demande en indemnisation formée par la société Maisons Pierre et la société Sogerep courtage au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Robin-Raschel - Avocat général : MM. Chaumont et Lavigne - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer ; SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-7 du code de la consommation.

1re Civ., 9 mars 2022, n° 20-22.444, (B), FS

Cassation

Action en justice – Qualité pour agir – Mesure d'instruction – Loi applicable – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 septembre 2020), les associations de droit français Sherpa et Les Amis de la terre France ont assigné en référé la société Perenco devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un huissier de justice afin de procéder à des constatations au sein des locaux de cette société, situés en France, en vue d'établir la preuve de faits de nature à engager sa responsabilité en raison de dommages environnementaux survenus en République démocratique du Congo.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Les associations Sherpa et Les Amis de la terre France font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes, alors « que la qualité à agir d'une association de défense de l'environnement établie en France exerçant une action, fût-elle attitrée, aux fins de solliciter toutes mesures tendant à conserver ou établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un procès en vue d'engager la responsabilité d'une société dont le siège social est situé en France, pour des atteintes à l'environnement constatées à l'étranger, est déterminée selon la lex fori ; qu'en déclarant irrecevable la demande des associations de droit français Sherpa et Les Amis de la terre France tendant à solliciter une mesure d'instruction in futurum dans l'optique d'un procès en réparation de dommages causés à l'environnement en République démocratique du Congo par la société Perenco dont le siège social est situé en France, à raison de son « contrôle de fait » et de son « influence dominante » sur les sociétés du groupe opérant en RDC, après avoir constaté la compétence internationale des juridictions françaises pour connaître d'une telle action, puis considéré qu'il n'était pas justifié de ce que la loi Congolaise selon elle applicable en vertu de la règle de conflit conférait aux associations qualité à agir, la cour d'appel, qui a apprécié la qualité à agir par application de la lex causae et ainsi méconnu la règle de conflit, a violé les articles 3 du code civil, 31 et 145 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 3 du code civil, 31 et 145 du code de procédure civile :

4. Il résulte de ces textes que la qualité à agir d'une association pour la défense d'un intérêt collectif en vue d'obtenir une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile s'apprécie, non au regard de la loi étrangère applicable à l'action au fond, mais selon la loi du for en ce qui concerne les conditions d'exercice de l'action et selon la loi du groupement en ce qui concerne les limites de l'objet social dans lesquelles celle-ci est exercée.

5. Pour déclarer irrecevable la demande des associations, l'arrêt retient que celles-ci ne justifient pas, s'agissant d'une action attitrée, que la loi congolaise leur donnerait qualité pour agir au titre de dommages survenus en République démocratique du Congo.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Hascher - Avocat général : Mme Legohérel - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 3 du code civil ; articles 31 et 145 du code de procédure civile.

Soc., 23 mars 2022, n° 20-16.781, (B), FS

Cassation partielle

Président – Pouvoirs – Pouvoir de direction – Etendue – Licenciement d'un salarié – Conditions – Détermination – Portée

Organe titulaire du pouvoir de licencier – Désignation – Procédure statutaire de désignation – Régularité – Contestation – Contestation par un salarié licencié – Possibilité (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 5 février 2020), Mme [U] a été embauchée, à compter du 1er juillet 1991, par l'association Marie Blaise en qualité de directrice d'une maison de retraite.

2. Licenciée pour faute grave, par lettre du 21 juillet 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre du paiement du salaire pendant la période de mise à pied et au titre des indemnités de congés payés sur rappel de salaire pendant la mise à pied, de préavis conventionnel, de congés payés sur préavis et de licenciement, de dire dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement, de le condamner à verser à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et d'ordonner le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement jusqu'au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités, alors :

« 1°/ qu'il entre dans les attributions du président d'une association, sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe, de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié ; qu'en jugeant, en l'espèce, que le président de l'association, signataire de la lettre de licenciement de la salariée, n'avait pas le pouvoir de licencier, quand il résultait de ses propres constatations que le président de l'association disposait, en vertu des statuts, du pouvoir de représenter celle-ci en justice et dans tous les actes de la vie civile et qu'aucune disposition statutaire n'attribuait le pouvoir de licencier à un autre organe, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ensemble la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

2°/ que les pouvoirs respectifs des organes d'une association sont fixés par les dispositions statutaires ; qu'en l'espèce, pour dire que le président de l'association, signataire de la lettre de rupture de la salariée ne disposait pas du pouvoir de licencier, la cour d'appel a relevé que le conseil d'administration avait le 29 juin 2015 donné pouvoir aux membres du bureau de prendre une décision de sanction à l'égard de la salariée et que le président de l'association ne justifiait d'aucune délégation du bureau ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que le président de l'association tenait des dispositions statutaires le pouvoir de licencier et n'avait donc à justifier d'aucune délégation de pouvoir émanant d'une autre instance, peu important la décision du conseil d'administration, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ensemble la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. »

Réponse de la Cour

4. Vu l'article L. 1232-6 du code du travail, l'article 1134 devenu 1103 du code civil et la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association :

5. Il résulte de ces textes qu'il entre dans les attributions du président d'une association, sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe, de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié.

6. La cour d'appel a d'abord constaté que l'article 16 des statuts de l'association attribue à son président le pouvoir de la représenter en justice et dans tous les actes de la vie civile, avec possibilité d'établir une délégation à un personnel de direction ou à un membre du conseil d'administration. Pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle a ensuite retenu que le conseil d'administration avait spécifiquement désigné les membres du bureau pour prendre une décision de sanction, pouvant aller jusqu'au licenciement, à l'encontre de la salariée et que le président ne justifiait d'aucune délégation du bureau lui permettant de mener la procédure de licenciement.

7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le président disposait du pouvoir de licencier, en application des statuts que le conseil d'administration ne pouvait pas modifier, de sorte qu'il n'avait pas besoin de délégation pour mener la procédure de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que le salarié d'une association, tiers au contrat fondateur, ne peut invoquer l'irrégularité de la désignation du président de l'association au regard des statuts pour contester son pouvoir de le licencier ; qu'en retenant, pour dire le licenciement de la salariée dénuée de cause réelle et sérieuse, que le procès-verbal de l'assemblée générale de l'association au cours duquel le président avait été élu révélerait diverses irrégularités tenant à l'auteur de la convocation, à son ordre du jour, aux modalités de constitution de l'assemblée, à la composition du conseil d'administration ou encore à celle du bureau désigné de sorte qu'il n'était pas établi que le président signataire de la lettre de licenciement disposait du pouvoir de licencier, quand la salariée, tiers au contrat d'association, ne pouvait invoquer les statuts de cette association pour critiquer la régularité de la désignation de son président en vue de contester son pouvoir de licencier, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article 1165 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 5 de la loi du 1er juillet 1901. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

9. Il résulte de ces dispositions que, si le salarié peut se prévaloir des statuts ou du règlement intérieur d'une association pour justifier du défaut de pouvoir de la personne signataire de la lettre de licenciement, il ne peut en revanche invoquer, sur le fondement de ces mêmes statuts, l'irrégularité de la désignation de l'organe titulaire du pouvoir de licencier au regard de ces statuts pour contester son pouvoir.

10. Pour dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les modalités statutaires de constitution de l'assemblée générale extraordinaire, au cours de laquelle le président a été désigné, n'ont pas été respectées et que la composition du conseil d'administration comme du bureau, ayant reconduit son mandat, est irrégulière, de sorte que l'employeur ne justifie pas, compte tenu des irrégularités relevées, que le signataire de la lettre de licenciement disposait du pouvoir de licencier.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne l'association Marie Blaise à verser à Mme [U] la somme de 3 437 euros au titre du paiement du compte épargne temps et déboute Mme [U] de sa demande au titre des congés payés afférents au solde de monétisation du compte épargne temps, l'arrêt rendu le 5 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Barincou - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand ; Me Occhipinti -

Textes visés :

Article L. 1232-6 du code du travail ; article 1134, devenu 1103, du code civil ; loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ; article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ; article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

Sur les attributions du président d'une association en matière de licenciement, à rapprocher : Soc., 4 avril 2006, pourvoi n° 04-47.677, Bull. 2006, V, n° 134 (rejet), et les arrêts cités. Sur l'impossibilité pour un tiers d'invoquer, sur le fondement des statuts d'une personne morale, l'irrégularité de la nomination de son représentant, à rapprocher : Soc., 20 avril 2017, pourvoi n° 16-60.119, Bull. 2017, V, n° 65 (1) (rejet), et l'arrêt cité ; 1re Civ., 20 septembre 2017, pourvoi n° 16-18.442, Bull. 2017, I, n° 194 (2) (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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