Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

APPEL CIVIL

2e Civ., 24 mars 2022, n° 19-25.033, (B), FRH

Rejet

Acte d'appel – Signification – intimé défaillant – Effets – Qualification de la décision – Réputé contradictoire

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2019), Mme [X] a interjeté appel, le 30 mars 2017, d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à l'association Ker vie assistance (l'association).

2. La déclaration d'appel a été signifiée à l'association par acte d'huissier de justice du 11 mai 2017.

3. Par arrêt du 16 octobre 2018, une cour d'appel a partiellement infirmé le jugement et statuant à nouveau, a, pour l'essentiel condamné pécuniairement l'association au profit de Mme [X].

4. L'association a formé opposition à cet arrêt.

La cour d'appel a invité les parties à s'expliquer sur la recevabilité de l'opposition.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'association fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'opposition de l'association et de la condamner à payer à Mme [X] une certaine somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, alors « que pour que l'arrêt soit rendu non par défaut mais de manière contradictoire à l'égard d'un intimé non constitué, non seulement la déclaration d'appel doit avoir été signifiée à la personne de ce dernier mais également les conclusions comportant les moyens de fait et de droit ainsi que les pièces énumérées selon bordereau annexé ; qu'en retenant que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 octobre 2018 n'avait pas été rendu par défaut, en l'absence de constitution de l'intimé, dès lors que la seule déclaration d'appel valant citation était régulière et avait été signifiée à sa personne, la cour d'appel a méconnu les articles 473 alinéa 1er, 56 et 571 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l'article 473 du code de procédure civile, rendu applicable devant la cour d'appel par l'article 749 du même code, qu'un arrêt rendu par une cour d'appel n'est réputé contradictoire qu'à la seule condition que la déclaration d'appel ait été signifiée à la personne de l'intimé défaillant, les modalités de signification des premières conclusions d'appelant étant sans incidence sur la qualification de la décision.

7. Ayant constaté que la signification de la déclaration d'appel avait été délivrée à personne à l'association, et retenu, à bon droit, que les dispositions de l'article 56, alinéa 2, du code de procédure civile n'ayant pas vocation à s'appliquer à la déclaration d'appel, celle-ci valait à elle seule citation de l'intimé défaillant au sens de l'article 473 précité, la cour d'appel en a exactement déduit que, quelle que soit la qualification qui lui avait été donné, l'arrêt du 16 octobre 2018 n'avait pas été rendu par défaut et que l'opposition était irrecevable.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles 473 et 749 du code de procédure civile.

2e Civ., 3 mars 2022, n° 20-20.017, (B), FRH

Cassation

Appelant – Conclusions – Dispositif – Appelant n'indiquant pas les dispositions du jugement dont il sollicite l'infirmation – Portée

Selon l'alinéa 1er de l'article 954 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, applicable au litige, les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, avec l'indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Aux termes des alinéas 2 et 3, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Encourt la cassation une cour d'appel qui, pour confirmer le jugement entrepris, retient que le dispositif des conclusions de l'appelant n'indique pas les dispositions du jugement dont il est sollicité la réformation de sorte que la cour d'appel n'est pas saisie de demande d'infirmation par l'appelant principal, alors que ce dernier, dans le dispositif de ses conclusions, ne se bornait pas à demander à la cour d'appel de réformer la décision entreprise, mais formulait plusieurs prétentions, et qu' il n'était pas tenu de reprendre, dans le dispositif, les chefs de dispositif du jugement dont il demandait l'infirmation.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 mai 2020), la société Entreprise Bonnevie et fils a relevé appel, le 22 mars 2018, d'un jugement d'un tribunal de commerce, qui l'a notamment condamnée à paiement dans un litige l'opposant à la société Bardage étanchéité couverture isolation bâtiments et travaux publics (BECI BTP).

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. La société Bonnevie et fils fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris l'ayant condamnée à payer à la société BECI BTP la somme de 32 753,78 euros avec pénalités de retard calculées au taux d'intérêts appliqué par la banque centrale européenne pour son opération de refinancement la plus récente, augmentée de 10 points de pourcentage à compter du 13 décembre 2015 et l'ayant déboutée de sa demande reconventionnelle alors « que les conclusions d'appel comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions ; qu'il n'est pas exigé que l'énoncé des chefs de jugement critiqués soit mentionné dans le dispositif ; qu'en se fondant, pour déclarer les conclusions de l'appelante irrecevables et en déduire qu'elle n'était pas saisie régulièrement de l'appel de la société Bonnevie, sur l'absence, dans le dispositif des conclusions de l'appelante, des dispositions du jugement dont il est sollicité la réformation, cependant, d'une part, que les chefs de jugement critiqués étaient mentionnés dans lesdites conclusions et, d'autre part, que le dispositif de celles-ci sollicitait l'infirmation du jugement et récapitulait les prétentions de l'appelante, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 954, alinéas 1, 2 et 3 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 applicable au litige :

4. Selon l'alinéa 1er, les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

5. Aux termes des alinéas 2 et 3, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

6. Pour confirmer le jugement, l'arrêt, après avoir rappelé les dispositions de l'alinéa 1er de l'article 954, énonce en substance qu'elles imposent à la cour de ne statuer que sur les prétentions expresses, récapitulées dans le dispositif des conclusions et que l'absence dans le dispositif des conclusions d'une partie appelante de la demande expresse d'infirmation de dispositions du jugement clairement mentionnées ne la saisit pas de cette demande et ne l'autorise pas à infirmer le jugement.

7. Il ajoute qu' en l'absence d'infirmation préalable de ce qui a déjà été jugé, la cour ne peut pas statuer sur les prétentions figurant dans le dispositif des conclusions des appelants, auxquelles il a été déjà répondu par un jugement qui subsiste à défaut d'infirmation et que la circonstance que des prétentions claires, précises et motivées figurent dans le dispositif des conclusions n'est pas de nature à combler cette absence, dès lors que la cour ne peut y faire droit, ou les rejeter, que si dans le même temps elle infirme, ou confirme, le jugement critiqué sur des dispositions clairement visées.

8. Il relève que la société Bonnevie et fils, appelante principale, sollicite dans le dispositif de ses conclusions d'« infirmer la décision dont appel sur les chefs du dispositif critiqués » mais ce dispositif n'indique nullement les dispositions du jugement dont il est sollicité la réformation de sorte que la cour d'appel n'est pas saisie de demande d'infirmation par l'appelant principal.

9. En statuant ainsi, alors que l'appelante, dans le dispositif de ses conclusions, ne se bornait pas à demander à la cour de réformer la décision entreprise, mais formulait plusieurs prétentions, et qu'elle n'était pas tenue de reprendre, dans celui-ci, les chefs de dispositif du jugement dont elle demandait l'infirmation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 954, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; article 961 du code de procédure civile.

1re Civ., 30 mars 2022, n° 21-13.970, (B), FS

Cassation partielle

Demande nouvelle – Exclusion – Demande modifiant le fondement juridique – Cas

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2021), l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels (AAMOI), qui a pour objet social la défense des intérêts des consommateurs en tant que maître d'ouvrage, vis-à-vis des constructeurs de maisons individuelles avec fourniture du plan, et le respect des normes dans le domaine de la construction de maisons individuelles, a été agréée par arrêté du 6 janvier 2006 du préfet de l'Essonne pour exercer l'action civile conformément aux dispositions du livre IV du code de la consommation.

2. Les 30 décembre 2016 et 3 et 9 janvier 2017, invoquant l'existence de pratiques illicites, elle a assigné, devant le tribunal de grande instance de Paris, la société Maisons Pierre, constructeur de maisons individuelles, et l'assureur de celle-ci, la société Axa France IARD, ainsi que la société Sogerep courtage, courtier, pour obtenir, sur le fondement des articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-7 du code de la consommation, la cessation de ces pratiques, des dommages-intérêts en réparation du préjudice collectif des consommateurs et la publication de la décision à intervenir.

3. A la suite de l'arrêté préfectoral du 24 avril 2018 portant retrait de son agrément, le premier juge a déclaré son action irrecevable, faute de qualité pour agir.

En appel, l'association a indiqué agir, à titre subsidiaire, sur le fondement du droit commun pour la défense de l'intérêt collectif entrant dans son objet social.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et sixième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches

Enoncé du moyen

5. L'AAMOI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables, faute de qualité pour agir, ses demandes principales formées à l'encontre de la société Sogerep Courtage, de la société Axa France IARD et de la société Maisons Pierre, alors :

« 2°/ que même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables faute de qualité les demandes présentées par l'AAMOI dans l'intérêt collectif des maîtres d'ouvrage consommateurs, qu'« une association de défense des intérêts des consommateurs ne peut agir en justice au titre de l'intérêt collectif des consommateurs et en réparation des préjudices directs et indirects occasionnés à celui-ci qu'en vertu d'un agrément administratif régulièrement accordé par l'autorité publique compétente dans le strict respect du cadre prévu par la loi et le règlement », en en subordonnant ainsi la défense de l'intérêt collectif entrant dans son objet social à une condition que la loi ne comporte pas, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile et 1er de la loi du 1er juillet 1901 ;

3°/ que l'existence du droit d'agir en justice s'apprécie à la date de la demande introductive d'instance et ne peut être remise en cause par l'effet de circonstances postérieures ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les prétentions formulées dans les assignations délivrées les 30 décembre 2016, 3 et 9 janvier 2017, que l'agrément avait été retiré à l'AAMOI par un arrêté préfectoral du 24 avril 2018, quand cet événement postérieur était sans incidence sur l'existence du droit d'agir au jour de l'introduction de l'instance, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile et L. 621-2 du code de la consommation ;

4°/ que le retrait de l'agrément d'une association de consommateurs, qui sanctionne la perte de conditions initialement réunies, n'est pas rétroactif ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les prétentions formulées dans les assignations délivrées les 30 décembre 2016, 3 et 9 janvier 2017, que « la décision administrative de retrait d'agrément du 24 avril 2018 » avait un « effet rétroactif à compter du 8 décembre 2015 », la cour d'appel, qui a méconnu le principe de sécurité juridique, a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile, L. 621-2 et R. 811-7 du code de la consommation ;

5°/ que, subsidiairement, faute d'avoir été annulée par le juge administratif ou déclarée illégale, les décisions administratives réglementaires ou individuelles ont un caractère exécutoire et doivent être appliquées par le juge judiciaire ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable, faute de qualité pour agir, l'ensemble des demandes principales de l'AAMOI, que « la décision administrative de retrait d'agrément du 24 avril 2018 » avait un « effet rétroactif à compter du 8 décembre 2015 », quand cet arrêté préfectoral énonce, en son article 1er, que « l'agrément départemental de l'association d'aide aux maîtres d'ouvrages individuels [?] est retiré à compter de la notification du présent arrêté à l'intéressé », soit à une date nécessairement postérieure à celle de son édiction, la cour d'appel a violé l'arrêté du 24 avril 2018. »

Réponse de la Cour

6. Les articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-7 du code de la consommation habilitent les associations agréées, d'une part, à exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs, d'autre part, à agir devant les juridictions civiles en cessation, interdiction, ou réparation de tout agissement illicite au regard des dispositions transposant les directives mentionnées à l'article 1er de la directive 2009/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 modifiée relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs.

7. Dès lors, n'est pas recevable à agir sur le fondement de ces dispositions l'association qui ne justifie ni de l'existence d'une infraction ni de la méconnaissance d'une disposition issue de la transposition du droit de l'Union.

8. La cour d'appel a relevé que l'action en cessation engagée par l'association était fondée sur la méconnaissance alléguée de dispositions du code des assurances relatives à l'obligation des maîtres d'ouvrage, ayant la qualité de consommateurs, de souscrire une assurance de dommages-ouvrage.

9. Il en résulte que l'association, qui n'invoquait ni l'existence d'une infraction ni la méconnaissance d'une disposition issue de la transposition d'une directive du droit de l'Union, n'était pas recevable à agir sur le fondement de ces textes.

10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle déclare irrecevable l'action de l'AAMOI sur le fondement des dispositions susvisées du code de la consommation.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche, dont l'examen est préalable au deuxième moyen

Enoncé du moyen

11. L'AAMOI fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable à agir en appel sur le fondement du droit commun, les prétentions formulées sur ce fondement étant nouvelles, alors « que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes de l'AAMOI, que celles-ci étaient désormais fondées sur le droit commun, quand l'appelante était recevable à invoquer de nouveaux moyens de droit pour fonder ses prétentions, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 563 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 563, 564 et 565 du code de procédure civile :

12. Selon le premier texte, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

13. Aux termes du deuxième, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

14. Selon le troisième, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

15. Pour déclarer irrecevable comme nouvelle l'action de l'AAMOI en ce qu'elle est fondée sur le droit commun, l'arrêt retient que celle-ci est distincte de celle formée sur le fondement des dispositions du code de la consommation, que les deux actions protègent des catégories de personnes différentes et qu'elles n'ont ni le même fondement légal ni la même portée, ni la même finalité. Il ajoute que la qualité d'association de consommateurs dont s'est prévalue l'AAMOI en première instance ne saurait être confondue avec celle d'association oeuvrant dans l'intérêt spécifique d'une catégorie de la population, à savoir les maîtres d'ouvrage, au soutien de laquelle l'association prétend agir en appel, et que les prétentions formulées par une partie en une qualité différente de celle en laquelle elle avait procédé en première instance, avec une finalité différente de celle soumise au premier juge, caractérisent une prétention nouvelle.

16. En statuant ainsi, alors que l'AAMOI, qui agissait, en première instance comme en appel, pour la défense des intérêts collectifs définis par ses statuts, n'avait pas modifié, devant la cour d'appel, ses demandes en cessation d'actes illicites, en indemnisation et en publication de la décision, et s'était bornée à invoquer un moyen nouveau au soutien de ses prétentions, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier et le troisième par refus d'application et le deuxième par fausse application.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

17. L'AAMOI fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action sur le fondement du droit commun pour défaut d'intérêt à agir relativement à la restriction géographique de ses statuts, alors « que l'action est ouverte à l'association qui a un intérêt légitime au succès d'une prétention formée au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'en retenant, pour dénier à l'AAMOI la possibilité d'agir en dehors du département de l'Essonne, et sur tout le territoire français » et la déclarer irrecevable faute d'intérêt, que [le] silence [de ses statuts] ne pouva[it] s'interpréter comme permettant à l'association d'agir sur un territoire illimité », quand il en résultait au contraire qu'elle n'avait pas limité son objet social au seul département dans la préfecture duquel elle avait été déclarée, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile et 1er de la loi du 1er juillet 1901. »

Réponse de la Cour

Vu l'articles 31 du code de procédure civile :

18. Il résulte de ce texte qu'une association, même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social. Lorsqu'aucune stipulation des statuts ne prévoit une restriction du champ d'action géographique de l'association, l'action formée par elle peut être introduite devant toute juridiction territorialement compétente.

19. Pour déclarer l'AAMOI irrecevable en son action sur le fondement du droit commun pour défaut d'intérêt à agir « relativement à la restriction géographique de ses statuts », l'arrêt retient que le silence de ceux-ci ne peut s'interpréter comme permettant à l'association d'agir sur un territoire illimité.

20. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées par l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels sur le fondement du code de la consommation et rejette la demande en indemnisation formée par la société Maisons Pierre et la société Sogerep courtage au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Robin-Raschel - Avocat général : MM. Chaumont et Lavigne - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer ; SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-7 du code de la consommation.

2e Civ., 3 mars 2022, n° 20-16.809, (B), FRH

Irrecevabilité

Ouverture – Conditions – Décision entachée d'excès de pouvoir – Excès de pouvoir – Définition – Exclusion – Violation du principe de la contradiction

Recevabilité du pourvoi, examinée d'office

1. Selon l'article 170 du code de procédure civile, les décisions relatives à l'exécution d'une mesure d'instruction ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'en même temps que le jugement sur le fond.

2. Il n'est dérogé à cette règle qu'en cas d'excès de pouvoir.

3. Les sociétés Iho Beteiligungs GmbH, Iho Holding GmbH & Co. KG, Ina-Holding Schaeffler GmbH & Co. KG et Schaeffler AG (les sociétés) se sont pourvues en cassation contre un arrêt rendu par la cour d'appel d'Amiens le 25 février 2020 en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel interjeté contre une ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises ayant relevé de la caducité les parties auxquelles incombait le paiement de la consignation mise à leur charge par un juge de la mise en état, lequel avait ordonné l'expertise.

4. Si, en premier lieu, il est de jurisprudence constante qu'aucun texte n'autorise le juge chargé du contrôle des expertises à statuer sur la demande de relevé de caducité présentée, sur le fondement de l'article 271 du code de procédure civile, par l'une des parties, sans provoquer les explications de l'autre, la violation du principe de la contradiction ne constitue pas un excès de pouvoir.

5. En second lieu, le juge chargé du contrôle des expertises, désigné par l'ordonnance du juge de la mise en état pour surveiller la mesure d'instruction, conformément aux articles 155, alinéa 3, et 155-1 du code de procédure civile, statue sur une requête en relevé de caducité sans excéder ses pouvoirs, alors même que le juge de la mise en état aurait accordé un renvoi pour conclure sur la demande en relevé de caducité.

6. Le pourvoi, dont le moyen ne caractérise pas un excès de pouvoir, n'est, dès lors, pas recevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Marc Lévis ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Article 170 du code de procédure civile.

2e Civ., 3 mars 2022, n° 20-18.768, (B), FRH

Rejet

Procédure sans représentation obligatoire – Audience – Absence des parties – Conditions – Cas – Surendettement

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 30 janvier 2020), Mme [D] a bénéficié d'une procédure de rétablissement personnel au profit de la [21] (la banque).

2. Cette dernière a interjeté appel du jugement ayant arrêté les créances et ordonné la liquidation judiciaire du patrimoine de cette dernière à fin de voir admettre sa créance, laquelle ne figurait pas dans celles admises.

3. Par arrêt du 23 mai 2019, la cour d'appel a constaté le défaut de comparution de la banque et déclaré caduque sa déclaration d'appel.

4. La banque a, par requête du 29 mai 2019, saisi la cour d'appel d'une demande de rapport de la décision de caducité de son appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La banque fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à rapport de la déclaration de caducité prononcée par un arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 23 mai 2019, alors « qu'en application de l'article 931 du code de procédure civile et de l'article R. 713-7 du code de la consommation, les procédures de surendettement sont soumises aux règles relatives à l'assistance ou à la représentation des parties applicables devant la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel ; qu'à défaut de disposition contraire, l'article R. 713-4 du code de la consommation qui donne la faculté aux parties à une procédure de traitement des situations de surendettement d'exposer leurs moyens par lettre adressée au juge, sans avoir à requérir de ce dernier une dispense de se présenter à l'audience, est donc applicable à la procédure diligentée en appel contre le jugement prononcé dans la procédure en cause ; qu'en retenant que l'article R. 743-13 du code de la consommation relatif aux compétences du tribunal d'instance n'était pas applicable à la procédure d'appel « en l'absence de disposition similaire envisageant une dispense de comparution devant la cour d'appel », la cour d'appel a violé l'article 931 du code de procédure civile et l'article R. 713-7 du code de la consommation, par fausse application, et l'article R. 713-4 du code de la consommation, par refus d'application. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des articles R. 713-7 du code de la consommation et 946 du code de procédure civile qu'en matière de surendettement des particuliers, la procédure d'appel est orale, et que la cour ou le magistrat chargé d'instruire l'affaire peut dispenser une partie comparante qui en fait la demande de se présenter à une audience, et l'autoriser à formuler ses prétentions et moyens par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par notification entre avocats sous réserve d'en justifier dans le délai imparti.

7. Si, en première instance les parties ont la faculté, en vertu de l'article R 713-4 du code de la consommation, d'exposer leurs moyens par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ces dispositions relatives à la dispense de comparution ne s'appliquent pas devant la cour d'appel, l'article 931, alinéa 2, du code de procédure civile ne renvoyant, pour les règles applicables devant la Cour d'appel, qu'à celles relatives à l'assistance ou la représentation.

8. Ayant constaté qu'aucune autorisation de dispense n'avait été sollicitée auprès du juge sur le fondement de l'article 446-1 du code de procédure civile et exactement retenu qu'en l'absence de disposition similaire envisageant une dispense de comparution devant la cour d'appel, la banque ne pouvait valablement se prévaloir de l'article R. 713-4 précité, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté la demande de rapport de la décision de caducité de l'appel formé par la banque.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Latreille - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Articles R. 713-4 et R. 713-7 du code de la consommation ; article 946 du code de procédure civile.

2e Civ., 3 mars 2022, n° 20-23.329, (B), FRH

Cassation

Recevabilité – Conditions – Acquittement du droit de timbre dû par les parties à l'instance d'appel – Défaut – Portée

Viole les articles 963 du code de procédure civile et 1635 P bis du code général des impôts, la cour d'appel qui ne relève pas d'office l'irrecevabilité de l'appel tirée de ce que les parties ne se sont pas acquittées du paiement de la contribution prévue au second de ces textes.

Recevabilité – Moyen d'irrecevabilité – Moyen soulevé d'office – Défaut d'acquittement du droit de timbre dû par les parties

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 19 novembre 2020), Mme [T] a acquis un véhicule d'occasion de M. [W].

2. Se plaignant d'une délivrance non conforme, elle a obtenu devant un tribunal de grande instance la résolution de la vente et des dommages-intérêts.

3. M. [W] a interjeté appel de ce jugement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [T] fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en résolution de la vente du 16 mars 2017 du véhicule Peugeot 308 et tendant à condamner M. [W] à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que l'appelant doit justifier, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office par le magistrat ou la formation compétents à l'exclusion des parties, de l'acquittement du droit prévu par l'article 1635 bis P du code général des impôts ; que M. [W] n'a pas justifié de l'acquittement de ce droit, raison pour laquelle Mme [T] n'a pas poursuivi sa demande d'expertise judiciaire devant le conseiller de la mise en état ; qu'en s'abstenant de constater d'office l'irrecevabilité de l'appel de M. [W], la cour d'appel a violé l'article 963 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 963 du code de procédure civile et l'article 1635 bis P du code général des impôts :

5. Selon le premier de ces textes, lorsque l'appel entre dans le champ d'application du second, les parties justifient, à peine d'irrecevabilité de l'appel ou des défenses, selon le cas, de l'acquittement du droit prévu à cet article.

L'irrecevabilité est constatée d'office par le magistrat ou la formation compétents.

Les parties n'ont pas qualité pour soulever cette irrecevabilité.

6. L'arrêt infirme le jugement et déboute Mme [T] de ses demandes.

7. Il résulte du dossier de la procédure que l'appelant ne s'est pas acquitté du droit prévu par l'article 1635 bis P du code général des impôts avant que la cour d'appel ne statue.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas relevé d'office l'irrecevabilité de l'appel tirée de ce que les parties ne s'étaient pas acquittées du paiement de la contribution prévue à l'article 1635 bis P du code général des impôts, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Delbano - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Ghestin -

Textes visés :

Article 963 du code de procédure civile ; article 1635 P bis du code général des impôts.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.