Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2022

Partie I - Arrêts des chambres et ordonnances du Premier Président

ACCIDENT DE LA CIRCULATION

2e Civ., 10 mars 2022, n° 20-16.331, (B), FRH

Cassation partielle

Indemnisation – Elements pris en considération – Soins prodigués à la victime postérieurement à sa consolidation

L'aggravation du dommage initial causé par un accident peut découler de nouveaux préjudices résultant des soins qui ont été prodigués à la victime postérieurement à sa consolidation en vue d'améliorer son état séquellaire causé par cet accident.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble,14 janvier 2020), le 30 mai 2009, M. [P], alors qu'il était passager d'un scooter assuré par la société MACIF (la MACIF), a été victime d'un accident de la circulation.

2. La société chargée de l'entretien de la chaussée à l'endroit de l'accident, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), a accepté de prendre en charge les dommages résultant de cet accident.

3. À la suite d'une expertise amiable organisée à son initiative, la MACIF a conclu le 6 octobre 2010 avec M. [P] une première transaction, prévoyant le paiement à ce dernier d'une indemnité globale réparant certains postes de préjudice et réservant l'indemnisation de divers autres postes.

4. Le 19 janvier 2011, M. [P] et la MACIF ont conclu une seconde transaction, aux termes de laquelle l'assureur a versé à la victime des indemnités complémentaires au titre du déficit fonctionnel permanent, de l'incidence professionnelle et de la perte de gains.

5. Ayant subi plusieurs interventions chirurgicales entre le 20 février 2013 et le 23 mars 2015, et se prévalant d'une aggravation des blessures de M. [P] résultant de l'accident du 30 mai 2009, ce dernier et son épouse ont obtenu la désignation d'un expert médical en référé, puis ont assigné la MACIF, la société Axa ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse), aux fins d'annulation de la transaction conclue le 19 janvier 2011 et d'indemnisation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier et le deuxième moyens et le quatrième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal de M. et Mme [P], ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi principal, pris en leur deuxième branche, qui est identique

Enoncé du moyen

7. M. et Mme [P] font grief à l'arrêt de débouter M. [P] de ses demandes au titre de l'aggravation de son préjudice, de limiter à certaines sommes la condamnation de la MACIF au titre de la période ayant couru du 20 février 2013 au 26 avril 2015, et de déclarer irrecevable la demande formée par M. [P] au titre du poste de perte de gains professionnels futurs, alors « que l'aggravation du dommage peut résulter de nouveaux préjudices résultant des soins prodigués à la victime postérieurement à la consolidation, fût-ce pour améliorer son état séquellaire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1382, devenu 1240, du code civil, et L. 211-19 du code des assurances, ensemble le principe de la réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, l'article L. 211-19 du code des assurances, et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

8. Selon le premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

9. Selon le second, la victime peut, dans le délai prévu par l'article 2226 du code civil, demander réparation de l'aggravation du dommage qu'elle a subi à l'assureur qui a versé l'indemnité.

10. L'arrêt, pour décider que M. [P] n'a pas été victime d'une aggravation de son préjudice postérieurement à la transaction conclue au mois de janvier 2011, énonce que, lorsqu'à la suite de sa consolidation une victime qui a bénéficié d'une indemnisation se soumet à de nouveaux soins médicaux ou chirurgicaux qui ont pour but d'améliorer son état, les conséquences de ces nouveaux soins ou interventions ne peuvent être qualifiées d'aggravation de l'état initial.

11. En statuant ainsi, alors que l'aggravation du dommage initial causé par un accident peut découler de nouveaux préjudices résultant des soins qui ont été prodigués à la victime postérieurement à sa consolidation, en vue d'améliorer son état séquellaire résultant de cet accident, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisé.

Et sur le moyen du pourvoi incident de la société Axa

Enoncé du moyen

12. La société Axa fait grief à l'arrêt de fixer la créance globale de la caisse depuis la date de l'accident, jusqu'au 26 juin 2015, à la somme de 285 520,37 euros, alors :

1°/ qu'en accueillant la demande de la CPAM de l'Isère qui avait chiffré ses débours à hauteur de 285 520,37 euros, au simple motif que la prise en charge de M. [P] par la CPAM remontait au jour de l'accident, sans répondre aux conclusions par lesquelles l'exposante avait fait valoir que la caisse avait déjà été remboursée de ses débours, au titre du préjudice initial subi par M. [P], dans le cadre de l'exécution du second protocole régularisé le 19 janvier 2011, ce qui était établi par les pièces n° 12 et 13 produites par la MACIF, de sorte qu'elle ne pouvait en être payée une seconde fois, ces frais déjà réglés étant pourtant repris, dans la déclaration de créance de la caisse du 18 juillet 2018, à hauteur de 83 481,84 euros, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en faisant droit à la demande de la CPAM de l'Isère qui avait chiffré ses débours à hauteur de 285 520,37 euros, au simple motif que la prise en charge de M. [P] par la CPAM remontait au jour de l'accident, sans répondre aux conclusions par lesquelles l'exposante faisait valoir que la CPAM de l'Isère ne pouvait prétendre, pour la période postérieure au 20 février 2013 (tous les frais antérieurs lui ayant déjà été réglés), qu'au remboursement des frais se trouvant en lien avec les séquelles initiales subies par M. [P], outre que l'exposante ne pouvait avoir à payer des arrérages de rente viagère qu'elle avait déjà réglées sous forme de capital dans le cade de l'exécution du protocole du 19 janvier 2011, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

13. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

14. L'arrêt, pour fixer la créance globale de la caisse depuis le 30 mai 2009, date de l'accident, jusqu'au 26 juin 2015, retient qu'au vu du décompte de créance, il s'agit des débours de la caisse depuis l'accident, que la société Axa déclare prendre en charge les frais que la caisse a supportés entre le 20 février 2013 et le 26 avril 2015, tout en ajoutant avoir déjà remboursé les débours de la caisse du 30 mai 2009 au 30 mai 2010, et que force est de constater que le point de départ de la prise en charge de M. [P] par la caisse remonte au jour de l'accident.

15. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Axa, qui soutenait que la caisse avait déjà été remboursée de ses débours au titre du préjudice initial subi par M. [P], en exécution du second protocole régularisé le 19 janvier 2011, et que la société Axa ne pouvait être tenue de payer des arrérages de rente viagère qu'elle avait déjà réglées sous forme de capital en exécution du même protocole, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Mise hors de cause

16. ll n'y a pas lieu, s'agissant de la cassation prononcée sur le pourvoi incident de la société Axa, de mettre hors de cause M. et Mme [P], qui seront présents devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [P] de ses demandes au titre de l'aggravation de son préjudice, déclare irrecevable sa demande au titre des perte de gains professionnels futurs, et condamne la société MACIF à lui payer, au titre de la période ayant couru du 20 février 2013 au 26 avril 2015, les sommes de 28 102,50 euros (tierce personne à titre temporaire), 13 739,05 euros (DFT), 9 669,49 euros (PGPA), 300 euros (préjudice esthétique temporaire), 10 000 euros (souffrances endurées), 700 euros (préjudice esthétique permanent)], et en ce qu'il fixe à la somme de 285 520,37 euros la créance globale de la caisse depuis la date de l'accident jusqu'au 26 juin (en réalité, avril) 2015, l'arrêt rendu le 14 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. et Mme [P] ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Besson - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

2e Civ., 31 mars 2022, n° 20-15.448, (B), FS

Cassation

Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Contrat de transport – Préjudice d'ordre exclusivement économique

Il résulte de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, tel qu'interprété par la jurisprudence, que cette loi instaure un régime d'indemnisation autonome et d'ordre public, excluant l'application du droit commun de la responsabilité, qu'elle soit contractuelle ou délictuelle, qui fait peser sur le conducteur du véhicule impliqué, soumis à une obligation d'assurance, la charge de cette indemnisation.

Cette loi, qui tend à assurer une meilleure protection des victimes d'accidents de la circulation par l'amélioration et l'accélération de leur indemnisation, dès lors qu'est impliqué un véhicule terrestre à moteur, n'a pas pour objet de régir l'indemnisation des propriétaires de marchandises endommagées à la suite d'un tel accident, survenu au cours de leur transport par le professionnel auquel elles ont été remises à cette fin, en exécution d'un contrat de transport. Les conditions et modalités de la réparation de tels préjudices, d'ordre exclusivement économique, sont déterminées par ce contrat et les dispositions du code de commerce qui lui sont applicables.

Encourt la cassation l'arrêt qui, après avoir constaté que les dommages matériels dont il était demandé réparation avaient été occasionnés à la marchandise transportée, une grue-pelle, lors des opérations de déchargement de celle-ci alors qu'elle roulait sur la rampe de descente de la remorque sur laquelle elle se trouvait, effectuées en exécution du contrat de transport liant les parties au litige, dont la qualité de commerçant n'était pas contestée, retient que l'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions d'ordre public de la loi du 5 juillet 1985 et en déduit que, peu important l'existence d'un contrat de transport liant les parties, le tribunal de grande instance est compétent en application des dispositions de l'article R. 212-8 du code de l'organisation judiciaire.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 11 février 2020), par un ordre d'affrètement du 4 avril 2016, la société Colas rail, assurée auprès de la société Generali, a confié à la société T2L le transport d'une grue-pelle « rail-route » lui appartenant. Parvenu sur le lieu de livraison, alors que le chauffeur de la société T2L, aux commandes de la grue-pelle, la conduisait pour la faire descendre de la remorque ayant servi à son transport, l'engin a basculé et chuté au sol.

2. Après avoir indemnisé la société Colas rail, la société Generali et son assurée ont, sur le fondement de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, assigné devant un tribunal de grande instance la société T2L et ses assureurs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, afin d'obtenir leur condamnation à leur payer, à la première, le montant de l'indemnité versée, à la seconde, celui de la franchise restée à charge et des frais d'expertise.

3. La société T2L et ses assureurs ont soulevé devant le juge de la mise en état l'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal de commerce.

4. Le juge de la mise en état a rejeté cette exception et retenu la compétence du tribunal de grande instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société T2L et ses assureurs font grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal de commerce, alors que « la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation ne s'applique pas dans les rapports entre le transporteur et le propriétaire d'une marchandise endommagée lors du déchargement, liés par un contrat de transport ; qu'en retenant dès lors, pour écarter l'exception d'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal de commerce, que la grue-pelle de la société Colas rail transportée par la société T2L et endommagée lors du déchargement était impliquée dans un accident de la circulation, la cour d'appel a violé les articles L. 132-8 et suivants du code du commerce par refus d'application et les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et les articles L. 110-1,5°, L. 132-8 et L. 721-3, 1°, du code de commerce :

6. Il résulte du premier de ces textes, tel qu'interprété par la jurisprudence, que la loi du 5 juillet 1985 instaure un régime autonome et d'ordre public d'indemnisation, excluant l'application du droit commun de la responsabilité, qu'elle soit contractuelle ou délictuelle, qui fait peser sur le conducteur du véhicule impliqué, soumis à une obligation d'assurance, la charge de cette indemnisation.

7. Cette loi, qui tend à assurer une meilleure protection des victimes d'accidents de la circulation par l'amélioration et l'accélération de leur indemnisation, dès lors qu'est impliqué un véhicule terrestre à moteur, n'a pas pour objet de régir l'indemnisation des propriétaires de marchandises endommagées à la suite d'un tel accident, survenu au cours de leur transport par le professionnel auquel elles ont été remises à cette fin, en exécution d'un contrat de transport.

Les conditions et modalités de la réparation de tels préjudices, d'ordre exclusivement économique, sont déterminées par ce contrat et les dispositions du code de commerce qui lui sont applicables.

8. Aux termes du second de ces textes, la loi répute acte de commerce toute entreprise de transport par terre ou par eau.

Selon le troisième, la lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur, le voiturier et le destinataire.

Aux termes du quatrième, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants.

9. Pour confirmer l'ordonnance déférée, l'arrêt énonce que la grue-pelle, dont la nature de véhicule terrestre à moteur n'est pas contestée par les parties, a été endommagée alors qu'elle était en mouvement, conduite par le chauffeur de la société T2L, pour être déchargée.

10. Il ajoute, par motifs adoptés, que la chute de la grue-pelle a eu lieu alors qu'elle roulait sur la rampe de déchargement de la remorque et relève que c'est la manoeuvre de l'engin pour le descendre de cette dernière qui a eu pour effet de le déséquilibrer et de le faire chuter.

11. Il retient enfin que l'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions d'ordre public de la loi du 5 juillet 1985 et en déduit que, peu important l'existence d'un contrat de transport liant les sociétés T2L et Colas rail, le tribunal de grande instance est compétent, en application des dispositions de l'article R. 212-8 du code de l'organisation judiciaire.

12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les dommages matériels occasionnés à la marchandise transportée, dont il était demandé réparation, étaient survenus lors des opérations de déchargement de celle-ci, effectuées en exécution du contrat de transport liant les parties au litige, dont la qualité de commerçant n'était pas contestée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Martin - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SARL Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ; article R. 212-8 du code de l'organisation judiciaire.

2e Civ., 31 mars 2022, n° 20-22.594, (B), FRH

Rejet

Véhicule à moteur – Garde – Transfert – Conditions – Connaissance du vice de la chose

Si un accident de la circulation trouve sa cause dans un défaut du véhicule, remis à un tiers lors de l'accident, la qualité de gardien peut, sauf si ce dernier avait été averti de ce vice, demeurer au propriétaire, en tant qu'il a la garde de la structure du véhicule impliqué.

Ayant constaté qu'un tracteur, confié par son propriétaire à un garagiste, avait roulé sur ce dernier lorsqu'à sa demande, le propriétaire avait actionné la clef de contact tout en restant debout près de l'engin, et relevé que la cause de l'accident résidait dans la défaillance de la sécurité du démarrage dont il n'était pas établi que le garagiste avait été averti, une cour d'appel a pu décider que le propriétaire avait conservé la garde de son véhicule et était tenu, en cette qualité, d'indemniser la victime en application de la loi du 5 juillet 1985.

Victime – Victime autre que le conducteur – Gardien – Définition – Exclusion – Défaut de connaissance du vice du véhicule

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 8 septembre 2020), M. [J] a confié son tracteur, assuré auprès de la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Grand Est (la société Groupama), au garage exploité par la société Cheval afin de rechercher l'origine d'une fuite d'huile. Alors que M. [P], salarié du garage, s'était glissé sous le tracteur, il a demandé à M. [J] d'actionner le démarreur du véhicule. Celui-ci s'est alors mis en mouvement et a roulé sur M. [P], le blessant gravement.

2. Afin d'obtenir réparation des préjudices non couverts par la législation applicable en matière d'accident de travail, M. [P] a assigné M. [J] et son assureur, la société Cheval et son assureur, la société MMA Iard, M. [V] en qualité d'agent d'assurances, ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie devant un tribunal de grande instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [J] et la société Groupama font grief à l'arrêt de déclarer M. [J] entièrement responsable du préjudice subi par M. [P] et de les condamner in solidum à lui payer différentes sommes à titre de dommages-intérêts, alors « que le propriétaire d'un véhicule confié à un garagiste pour réparation en perd la qualité de gardien ; que le fait, pour ce propriétaire, de mettre en marche le moteur dudit véhicule en actionnant le contact, à la demande expresse du professionnel de la réparation, ne lui fait pas reprendre la garde de son véhicule puisqu'il n'a aucun pouvoir de direction ou de contrôle sur celui-ci, dès lors qu'il ne peut pas l'utiliser à sa guise de manière autonome ; qu'en retenant que M. [J] était demeuré gardien de son tracteur confié pour réparation à la société Cheval, au motif inopérant qu'il n'était pas établi que M. [J] ait averti M. [P] de l'absence de sécurité que présentait son tracteur lors de la mise en route, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, devenu l'article 1242, alinéa 1er, du code civil, ensemble les articles 1er et 6 de la loi du 5 juillet 1985. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt relève que si le propriétaire d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation en est présumé gardien, il peut apporter la preuve qu'il en avait confié la garde à une autre personne et que, si l'accident trouve sa cause dans un défaut du véhicule, remis à un tiers lors de l'accident, la qualité de gardien peut, sauf si ce dernier avait été averti de ce vice, demeurer au propriétaire, en tant qu'il a la garde de la structure du véhicule impliqué. Il ajoute qu'il résulte des opérations d'expertise que le tracteur de M. [J], qui a roulé sur le corps de M. [P] et lui a occasionné des blessures, était un véhicule dangereux en ce que la sécurité de démarrage, vitesse engagée, n'était plus fonctionnelle et que selon un témoin, lorsque M. [J], à la demande de M. [P], a actionné la clef de contact tout en restant debout près du tracteur, celui-ci a démarré, a avancé et est passé sur le corps de M. [P].

5. L'arrêt retient ensuite que le tracteur ne se serait pas déplacé si une vitesse n'était pas restée enclenchée, que la cause de l'accident réside dans la défaillance du système de sécurité et que la preuve n'étant pas rapportée de ce que M. [J] avait averti M. [P] de cette absence de sécurité, il y a lieu de considérer qu'il était resté gardien de la structure de son véhicule.

6. En l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu décider que M. [J] avait conservé la garde de son véhicule, de sorte qu'il était tenu, en cette qualité, d'indemniser la victime en application de la loi du 5 juillet 1985.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Brouzes - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Ohl et Vexliard ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation.

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