Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

URBANISME

3e Civ., 4 mars 2021, n° 19-22.987, (P)

Cassation

Zone d'aménagement concerté – Cession de terrains – Suppression de la zone – Cahier des charges – Caducité – Effets – Obligation contractuelle à la charge des acquéreurs – Volonté des parties – Caractérisation – Portée

La caducité du cahier des charges de cession de terrains situés à l'intérieur d'une zone d'aménagement concerté qui a été supprimée ne fait pas obstacle à ce que les stipulations de ces cahiers des charges continuent de régir, en raison de leur caractère contractuel, les rapports entre les propriétaires qui y ont consenti.

Dès lors, ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui retient que le cahier des charges, caduc par l'effet de la loi en raison de la suppression de la zone, ne peut avoir créé aucune obligation de nature contractuelle à la charge des acquéreurs d'un terrain situé dans la zone supprimée, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la reproduction, dans l'acte de vente, des stipulations du cahier des charges ne caractérisait pas la volonté des parties de conférer, par une stipulation pour autrui, un caractère contractuel aux obligations qu'il prévoyait.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 27 juin 2019), rendu en référé, par acte notarié du 1er juillet 2014, M. et Mme T... ont acquis une parcelle qui était située dans la zone d'aménagement concertée de Maumarin (ZAC), créée le 30 mai 2005 et supprimée le 17 décembre 2013.

2. Durant l'été 2014, ils ont fait construire par la société Serthal une piscine, ainsi qu'un local technique de 4 m² implanté en limite de propriété.

3. Mme J... et M. O..., propriétaires de la parcelle voisine, invoquant le non-respect du cahier des charges de la zone, ainsi que la violation du plan local d'urbanisme, ont assigné en référé M. et Mme T... et la société Serthal sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile pour obtenir la démolition du local technique.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. Mme J... et M. O... font grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de démolition de l'abri de piscine et de rejeter toute autre demande, alors « que l'acte de propriété de M. et Mme T... comportait un « rappel des clauses et conditions du cahier des charges de cession des terrains », lesquelles étaient littéralement reproduites ; que ces dispositions incluses dans l'acte de vente du 1er juillet 2014, alors même que la ZAC était devenue caduque, leur conféraient nécessairement un caractère contractuel ; qu'en énonçant néanmoins que « le seul rappel par leur acte notarié de certaines clauses et conditions dudit cahier des charges, caduc par l'effet de la loi, (...) ne crée pas à la charge de M. et Mme T... une obligation de nature contractuelle dont Mme J... et M. O... seraient susceptibles de se prévaloir pour poursuivre, au motif du trouble manifestement illicite résultant de la méconnaissance des prescriptions dudit cahier des charges, la démolition d'un abri technique de piscine contrevenant à celles-ci », la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et L. 311-6, alinéa 3, du code de l'urbanisme, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 novembre 2018 :

6. Aux termes du premier texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

7. Si, en vertu du second, les cahiers des charges de cession de terrains situés à l'intérieur d'une zone d'aménagement concerté signés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 deviennent caducs à la date de la suppression de la zone, cette caducité ne fait pas obstacle à ce que les stipulations de ces cahiers des charges continuent de régir, en raison de leur caractère contractuel, les rapports entre les propriétaires qui y ont consenti.

8. Pour rejeter la demande de Mme J... et M. O..., l'arrêt retient, que, selon l'article L 311-6 du code de l'urbanisme dans sa version applicable à l'espèce, le cahier des charges des zones d'aménagement concerté, qui peut fixer des prescriptions techniques, urbanistiques et architecturales imposées pour la durée de la réalisation de la zone, devient caduc à la date de sa suppression.

9. Il ajoute qu'il est constant en l'espèce que la ZAC a été supprimée par délibération du conseil municipal du 17 décembre 2013, soit avant la date d'acquisition de leur bien par M. et Mme T..., et que le seul rappel par leur acte notarié de certaines clauses et conditions dudit cahier des charges, caduc par l'effet de la loi, et au titre desquelles il n'est fait aucune référence à l'article 3-6 des prescriptions architecturales dont l'acte de Mme J... et M. O... précise qu'elles étaient annexées audit cahier des charges, ne crée pas à la charge de M. et Mme T... une obligation de nature contractuelle dont Mme J... et M. O... seraient susceptibles de se prévaloir pour poursuivre, au motif du trouble manifestement illicite résultant de la méconnaissance des prescriptions de ce cahier des charges, la démolition d'un abri technique de piscine contrevenant à celles-ci.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la reproduction, dans l'acte de vente, des stipulations du cahier des charges, qui prévoyaient que tant les règles de droit privé s'ajoutant aux dispositions contenues dans le plan local d'urbanisme que les conditions générales des ventes consenties par l'aménageur devraient être reprises dans tous les actes de revente et s'imposeraient dans les rapports des propriétaires successifs entre eux et que le cahier des charges serait opposable à quiconque détiendrait tout ou partie du territoire de la ZAC, ne caractérisait pas la volonté des parties de conférer à ces obligations, par une stipulation pour autrui, un caractère contractuel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Mise hors de cause

11. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Serthal, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Serthal.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Leduc et Vigand ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article 1134, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article L. 311-6, alinéa 3, du code de l'urbanisme, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018.

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