Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

TRAVAIL REGLEMENTATION

Soc., 24 mars 2021, n° 19-16.418, (P)

Rejet

Durée du travail – Travail à temps partiel – Clause interdisant toute autre activité professionnelle – Validité – Conditions

La clause par laquelle un salarié à temps partiel se voit interdire toute autre activité professionnelle, soit pour son compte, soit pour le compte d'un tiers, porte atteinte au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et n'est dès lors valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

Si la nullité d'une telle clause n'a pas pour effet d'entraîner la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, elle permet toutefois au salarié d'obtenir réparation du préjudice ayant résulté pour lui de cette clause illicite.

Doit en conséquence être approuvé l'arrêt rejetant la demande du salarié qui ne formulait pas de demande de dommages-intérêts mais réclamait, au titre de la nullité de clause d'exclusivité contenue dans son contrat de travail à temps partiel, la requalification en un contrat à temps plein et un rappel de salaire et d'indemnité de congés payés afférente.

Durée du travail – Travail à temps partiel – Clause interdisant toute autre activité professionnelle – Nullité – Effets

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 janvier 2018), M. O... a été engagé par contrats de travail à durée déterminée successifs du 17 mai 2014 au 31 mars 2015, par la société Agi sécurité en qualité d'agent de sécurité.

2. Le contrat conclu le 1er juin 2014 stipulait que le salarié s'obligeait à réserver à l'entreprise l'exclusivité de ses services, l'exercice de toute autre activité professionnelle, soit pour son compte, soit pour le compte d'un tiers, lui étant formellement interdit.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification du contrat de travail à durée déterminée à temps partiel conclu le 1er juin 2014 en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein et le paiement de diverses sommes à titre d'indemnités et de rappels de salaires.

4. Par jugement du 6 juin 2017, la liquidation judiciaire de l'employeur a été prononcée, la société BR et associés, prise en la personne de M. X... étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à voir requalifier le contrat de travail à durée déterminée à temps partiel du 1er juin 2014 en contrat de travail à temps complet et fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Agi sécurité à diverses sommes à titre de rappel de salaire, d'indemnité compensatrice de congés payés afférents et d'indemnité de précarité, alors « que la nullité de la clause d'un contrat de travail par laquelle un salarié s'engage à travailler pour un employeur à titre exclusif et à temps partiel lui permet d'obtenir la requalification de ce contrat de travail en contrat de travail à temps complet et par partant, de bénéficier des conséquences financières d'une telle requalification ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que la nullité de la clause d'exclusivité insérée dans le contrat de travail à temps partiel du 1er juin 2014 ''ne pouvait avoir pour effet d'entraîner la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet'', quand cette nullité emportait la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et permettait à M. O... de bénéficier de toutes les conséquences financières découlant de cette requalification, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1243-8, L. 1245-1, L. 1245-2 et L. 3123-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. La clause par laquelle un salarié à temps partiel se voit interdire toute autre activité professionnelle, soit pour son compte, soit pour le compte d'un tiers, porte atteinte au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et n'est dès lors valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

8. Si la nullité d'une telle clause n'a pas pour effet d'entraîner la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, elle permet toutefois au salarié d'obtenir réparation du préjudice ayant résulté pour lui de cette clause illicite.

9. Ayant constaté qu'elle était saisie d'une demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet au motif que le contrat comportait une clause d'exclusivité illicite, sans que le salarié ne formule de demande de dommages-intérêts, la cour d'appel a exactement énoncé que la nullité d'une telle clause ne pouvait avoir pour effet d'entraîner la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, en sorte que la demande de rappel de salaire et d'indemnité de congés payés afférente devait être rejetée.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Mariette - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Ortscheidt -

Textes visés :

Principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de validité de la clause contractuelle limitant la liberté fondamentale de libre exercice d'une activité professionnelle et les effets de la nullité d'une telle clause, à rapprocher : Soc., 25 février 2004, pourvoi n° 01-43.392, Bull. 2004, V, n° 64 (1 et 2) (cassation partielle), et les arrêts cités.

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