Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

TRANSPORTS EN COMMUN

Soc., 17 mars 2021, n° 19-23.042, (P)

Rejet

Régie autonome des transports parisiens (RATP) – Personnel – Statut du personnel – Cessation des fonctions – Révocation – Cause – Cause réelle et sérieuse – Défaut – Cas – Agent de sécurité soumis à une autorisation de port d'arme – Annulation de la décision d'abrogation de l'autorisation de port d'arme – Portée

Une cour d'appel ayant constaté que la révocation d'un salarié, agent de sécurité à la régie autonome des transports parisiens (RATP), avait été prononcée aux motifs, d'une part, de l'abrogation par le préfet de police, de l'autorisation de port d'arme, d'autre part, de la motivation de la décision d'abrogation selon laquelle le comportement du salarié est de nature à laisser craindre une utilisation dangereuse pour autrui des armes qui lui sont confiées pour assurer ses missions, en a déduit à bon droit que la décision de révocation du salarié n'avait pas été prise par l'employeur en raison de ses convictions religieuses et de ses opinions politiques, mais en raison d'un risque d'atteinte aux personnes, qui est étranger à toute discrimination en raison des convictions religieuses et des opinions politiques, de sorte que si la révocation du salarié était sans cause réelle et sérieuse du fait de l'annulation par la juridiction administrative de l'arrêté retirant l'habilitation du salarié au port d'une arme, la demande de nullité de cette révocation et de réintégration devait être rejetée.

Régie autonome des transports parisiens (RATP) – Personnel – Statut du personnel – Cessation des fonctions – Révocation – Nullité – Exclusion – Conditions – Cas – Agent de sécurité soumis à une autorisation de port d'arme – Annulation de la décision d'abrogation de l'autorisation de port d'arme – Révocation fondée sur un risque d'atteinte aux personnes – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2019), M. I... a été engagé par la Régie autonome des transports parisiens (RATP) le 29 décembre 1999 en qualité d'agent de sécurité.

2. Par décision du 19 octobre 2015, le préfet de police a abrogé l'autorisation de port d'arme du salarié, qu'il avait renouvelée la dernière fois le 25 septembre précédent.

3. Le 20 octobre 2015, la direction de la RATP a informé le salarié de la décision du préfet de police et l'a suspendu de ses fonctions.

Le 17 décembre 2015, le directeur général de la RATP a prononcé la révocation du salarié avec effet le même jour.

4. Sur le recours du salarié, le tribunal administratif a, par jugement du 24 mai 2018, annulé la décision du préfet du 19 octobre 2015 pour erreur manifeste d'appréciation.

5. Le 1er février 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour que soit jugée nulle sa révocation et obtenir sa réintégration.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en nullité de sa révocation et de réintégration, alors :

« 1° / que les actes administratifs annulés pour excès de pouvoir sont réputés n'être jamais intervenus ; qu'en rejetant la demande de nullité de la révocation de l'exposant, fondée sur la décision d'abrogation de l'autorisation de port d'arme du 19 octobre 2015, tandis qu'elle avait par ailleurs constaté que cette décision d'abrogation avait été annulée par un jugement du tribunal administratif d'Amiens du 24 mai 2018, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation du principe selon lequel l'annulation d'un acte administratif implique que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ;

2°/ que résulte de l'article L. 1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire fondée sur ses convictions religieuses et ses opinions politiques ; qu'en se limitant aux seuls motifs de l'arrêté du 19 octobre 2015, selon lesquels il ressortait des informations communiquées que le comportement du salarié laissait à craindre une utilisation dangereuse pour autrui des armes qui lui étaient confiées pour assurer ses missions, pour apprécier l'existence d'une discrimination, sans tenir compte de ceux du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 24 mai 2018 ayant annulé ledit arrêté et dont il résultait que le préfet s'était fondé sur une analyse inexacte des convictions religieuses et opinions politique du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ;

3°/ que l'autorité de chose jugée qui s'attache aux décisions d'annulation rendues par le juge administratif est une autorité absolue qui s'attache tant au dispositif qu'aux motifs qui en sont le soutien nécessaire ; qu'en se limitant aux seuls motifs de l'arrêté du 19 octobre 2015, selon lesquels il ressortait des informations communiquées que le comportement du salarié laissait à craindre une utilisation dangereuse pour autrui des armes qui lui étaient confiées pour assurer ses missions, pour apprécier l'existence d'une discrimination, sans tenir compte de ceux du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 24 mai 2018 ayant annulé ledit arrêté et dont il résultait que le préfet s'était fondé sur une analyse inexacte des convictions religieuses et opinions politiques du salarié, la cour d'appel a violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif des décisions d'annulation rendues par le juge administratif. »

Réponse de la Cour

7. En premier lieu le principe selon lequel les actes administratifs annulés pour excès de pouvoir sont réputés n'être jamais intervenus n'entraîne pas en lui-même la nullité d'une mesure prise par l'employeur en considération de la décision administrative annulée.

8. En revanche, selon une jurisprudence établie de la Cour de cassation (Soc., 25 mars 2009, pourvoi n° 07-45.686, Bull. 2009, V, n° 86 ; Soc., 4 mai 2011, pourvoi n° 08-44.431 ; Soc., 2 mars 2011, pourvoi n° 09-67.990), en raison de l'effet rétroactif s'attachant à l'annulation de la décision préfectorale, le salarié est réputé n'avoir jamais perdu l'agrément administratif nécessaire à l'exercice de ses fonctions, en sorte que le licenciement prononcé pour ce seul motif est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

9. En second lieu, la cour d'appel a constaté que la révocation du salarié a été prononcée par la RATP, par la décision du 17 décembre 2015, aux motifs, d'une part de l'abrogation par le préfet de police de l'autorisation de port d'arme, d'autre part de la motivation de la décision d'abrogation selon laquelle le comportement du salarié est de nature à laisser craindre une utilisation dangereuse pour autrui des armes qui lui sont confiées pour assurer ses missions.

10. Elle en a déduit à bon droit que la décision de révocation du salarié n'avait pas été prise par l'employeur en raison de ses convictions religieuses et de ses opinions politiques, mais en raison d'un risque d'atteinte aux personnes qui, s'il s'est révélé ultérieurement infondé, est étranger à toute discrimination en raison des convictions religieuses et des opinions politiques, de sorte que si la révocation du salarié était sans cause réelle et sérieuse du fait de l'annulation par la juridiction administrative de l'arrêté du préfet de police retirant l'habilitation du salarié au port d'une arme, la demande de nullité de cette révocation et de réintégration devait être rejetée.

11. Il en résulte que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Joly - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Lesourd ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Rapprochement(s) :

Sur le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement d'un salarié dont le retrait d'agrément est annulé par la juridiction administrative, à rapprocher : Soc., 25 mars 2009, pourvoi n° 07-45.686, Bull. 2009, V, n° 86 (rejet).

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