Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

SECURITE SOCIALE, PRESTATIONS FAMILIALES

2e Civ., 18 mars 2021, n° 19-23.547, (P)

Rejet

Complément familial – Conditions – Plafond de ressources – Ressources prises en considération – Indémnités chômage

Pour l'application de l'article L. 522-2, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, et R. 532-3 du même code, il y a lieu d'inclure les indemnités de chômage perçues par l'allocataire dans les ressources prises en compte pour le calcul de la majoration du plafond de ressources qui détermine l'ouverture des droits au complément familial.

Faits et procédure

1. Selon le jugement arrêt attaqué(tribunal de grande instance de Nantes, 30 août 2019), rendu en dernier ressort, la caisse d'allocations familiales de Loire-Atlantique (la caisse) a refusé d'accorder à M. Q..., conjoint de Mme J... (l'allocataire), le bénéfice du complément familial pour l'année 2016, au motif que les ressources du couple pour l'année 2014 étaient supérieures au plafond.

2. L'allocataire a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief au jugement de dire que l'allocataire a droit au complément familial pour l'année 2016 et d'ordonner, en conséquence, le versement du complément familial dû pour cette même année, alors « que le complément familial est accordé en considération d'un plafond de ressources majoré lorsque chacun des membres du couple a retiré de son activité professionnelle pendant l'année de référence un revenu au moins égal à 13,6 % du plafond annuel de la sécurité sociale ; qu'en jugeant que ce revenu devait être déterminé en prenant en compte les allocations chômage, qui ne sont pas des revenus d'activité professionnelle, mais des revenus de remplacement, le tribunal de grande instance-Pôle social a violé les articles L. 522-1, L. 522-2, R 522-2 et R 532-2 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 522-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, applicable à l'ouverture des droits litigieux, le plafond de ressources déterminant le droit au complément familial varie selon le rang et le nombre des enfants à charge ; il est majoré lorsque chaque membre du couple dispose d'un revenu professionnel ou lorsque la charge des enfants est assumée soit par un couple dont chaque membre dispose d'un revenu professionnel, soit par une personne seule.

5. Selon l'article R. 532-3 du code de la sécurité sociale, auquel renvoie l'article R. 522-2, alinéa 3, du même code, pour l'attribution du complément familial, les ressources prises en considération pour la détermination de la majoration du plafond prévu par le texte précédent, s'entendent, sous réserve des exceptions qu'il prévoit et des dispositions des articles R. 532-4 à R. 532-8, du total des revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu d'après le barème des revenus taxés à un taux proportionnel ou soumis à un prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu, ainsi que les revenus perçus hors de France ou versés par une organisation internationale, à l'exclusion des revenus des enfants ayant fait l'objet d'une imposition commune.

6. Pour l'application de ces textes, il y a lieu d'inclure les indemnités de chômage perçues par l'allocataire dans les ressources prises en compte pour le calcul de la majoration du plafond de ressources qui détermine l'ouverture des droits au complément familial.

7. Pour condamner la caisse à verser l'allocation litigieuse, le jugement retient que l'allocataire a perçu au cours de l'année de référence des indemnités de chômage, lesquelles entrent dans la détermination des revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu tels que visés par l'article R 532-3 du code de la sécurité sociale. Il ajoute qu'en tenant compte de ces revenus, chacun des deux membres du foyer a reçu plus de 5 107 euros de revenus d'origine professionnelle, de sorte que la majoration du plafond de ressources pour l'attribution du complément familial s'appliquait à leur situation en 2016.

8. De ces constatations faisant ressortir que les revenus professionnels perçus par l'allocataire au cours de l'année de référence répondaient aux conditions fixées pour l'application du plafond majoré des ressources, le tribunal a exactement déduit que l'intéressé pouvait prétendre au bénéfice du complément familial pour l'année 2016.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Coutou - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Articles L. 522-2 et R. 532-3 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Soc., 20 juin 1991, pourvoi n° 89-16.211, Bull. 1991, V, n° 321 (cassation) ; Soc., 15 juin 2000, pourvoi n° 98-21.873.

2e Civ., 18 mars 2021, n° 19-23.294, (P)

Rejet

Prestations – Bénéficiaires – Enfant mineur étranger résidant en France – Conditions – Appartenance à la famille d'un réfugié

Il résulte de la combinaison des articles L. 512-2 et D. 512-2, 3°, du code de la sécurité sociale, qui instituent un mode de preuve qui revêt un caractère objectif, justifié par la nécessité dans un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants et qui ne portent pas une atteinte disproportionnée au principe de non-discrimination en raison de l'origine nationale et au droit de la protection de la vie familiale garantie par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant, que seul l'allocataire qui justifie avoir lui-même le statut de réfugié peut prétendre au bénéfice des allocations familiales, au titre de la garde d'un enfant membre de la famille d'un réfugié.

Par suite, c'est à bon droit qu'une cour d'appel, qui a constaté que le mineur pour lequel il était demandé le bénéfice des prestations familiales n'était qu'un collatéral du mineur ayant obtenu le statut de réfugié, et était placé sous l'autorité de sa mère qui ne bénéficiait pas de ce statut, en a déduit qu'il n'avait pas la qualité de membre de la famille d'un réfugié au sens des articles L. 512-2 et D. 512-2, 3°, du code de la sécurité sociale, et qu'il ne pouvait prétendre au bénéfice des allocations litigieuses.

Prestations – Bénéficiaires – Allocataire justifiant du statut de réfugié – Article L. 512-2 du code de la sécurité sociale – Conditions – Garde d'un mineur étranger membre de la famille d'un réfugié

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 15 novembre 2018), Mme N... (l'allocataire), qui avait rejoint sur le territoire national sa fille Q..., mineure, bénéficiant du statut de réfugiée, a obtenu le 6 juin 2011 une carte de résident en sa qualité de membre de la famille d'un réfugié.

2. Elle a sollicité le bénéfice des allocations familiales pour son fils B..., né le [...].

3. La caisse d'allocations familiales de la Mayenne ayant rejeté sa demande, l'allocataire a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur les trois moyens réunis

Enoncé des moyens

4. L'allocataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors :

« 1°/ qu' en l'absence de disposition contraire figurant dans le code de la sécurité sociale, il convient de retenir qu'un lien de parenté existe entre demi-soeur et demi-frère, sans qu'il y ait lieu de se référer aux dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en décidant le contraire, au cas d'espèce, pour retenir que l'enfant B... n'est pas membre de la famille d'un réfugié, quand sa demi-soeur a le statut de réfugié, les juges du fond violé l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que, en toute hypothèse, en l'état actuel, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile décide que le droit à la réunification familiale s'étend à tout enfant mineur accompagnant l'ascendant direct au premier degré de l'enfant ayant la qualité de réfugié ; qu'aussi bien, le cercle familial au sens de ce code inclut-il désormais les frères et soeurs, ainsi que les demi-frères et demi-soeurs ; que dans le silence des textes du droit de la sécurité sociale, cette solution doit être retenue s'agissant d'apprécier la qualité de membre de la famille d'un réfugié, peu important que la modification du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile soit postérieure à la demande ; qu'en l'espèce, l'enfant B... pouvait donc se prévaloir de la qualité de membre de la famille de sa demi-soeur réfugiée ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale ;

3°/ que le droit à une vie familiale normale, tel que consacré par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que consacré par l'article 3 de la Convention de New-York relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, commandent, au regard du droit de la sécurité sociale, et s'agissant des prestations familiales, que l'enfant, du chef duquel les prestations sont sollicitées, puisse se réclamer de la qualité de réfugié de son demi-frère ou de sa demi-soeur ; qu'en décidant le contraire, au cas d'espèce, les juges du fond ont violé l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la Convention de New-York relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France, bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, dans des conditions précisées par décret, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l'une des situations qu'il énumère limitativement, et notamment de leur qualité de membre de la famille d'un réfugié.

6. Selon l'article D. 512-2, 3° du même code, la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production, notamment, du livret de famille délivré par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, d'un acte de naissance établi, le cas échéant, par cet office, lorsque l'enfant est membre de famille d'un réfugié, d'un apatride ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire. Lorsque l'enfant n'est pas l'enfant du réfugié, de l'apatride ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire, cet acte de naissance est accompagné d'un jugement confiant la tutelle de cet enfant à l'étranger qui demande à bénéficier des prestations familiales.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes, qui instituent un mode de preuve qui revêt un caractère objectif, justifié par la nécessité dans un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants et qui ne portent pas une atteinte disproportionnée au principe de non-discrimination en raison de l'origine nationale et au droit de la protection de la vie familiale garantie par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnaissent les dispositions de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant, que seul l'allocataire qui justifie avoir lui même le statut de réfugié peut prétendre au bénéfice des allocations familiales, au titre de la garde d'un enfant membre de la famille d'un réfugié.

8. Ayant constaté que B..., qui était placé sous l'autorité de sa mère, n'était qu'un collatéral du mineur ayant obtenu le statut de réfugié, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'il n'avait pas la qualité de membre de la famille d'un réfugié au sens des articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Coutou - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 512-2 et D. 512-2, 3°, du code de la sécurité sociale.

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