Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 25 mars 2021, n° 19-21.401, (P)

Rejet

Contentieux spéciaux – Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail – Péremption d'instance – Suspension – Exclusion – Mesures d'instruction

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 18 juin 2019), par décision du 14 août 2014, la caisse primaire d'assurance maladie [...] (la caisse) a fixé le taux d'incapacité permanente partielle, dont était atteint M. L... salarié de la société Start people (l'employeur).

2. Contestant cette décision, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction du contentieux de l'incapacité, devant laquelle la société Al Babtain a été appelée dans la cause, et dont le jugement a été frappé d'appel par la caisse.

3. Devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, l'employeur et la société mise en cause ont soulevé une exception de péremption.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. La caisse fait grief à l'arrêt de constater la péremption de l'instance et de dire qu'en application des dispositions de l'article 390 du code de procédure civile la péremption en cause d'appel confère au jugement la force de chose jugée, alors :

« 1°/ que, lorsqu'un appel est formé devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents de travail (CNITAAT), en application des articles R. 143-24 et suivants du code de la sécurité sociale, la direction de la procédure échappe aux parties et incombe à la juridiction, qui communique les éléments de la procédure aux parties, dirige l'instruction, procède à des investigations tant qu'elle ne s'estime pas suffisamment informée et ordonne la clôture lorsqu'elle a recueilli les éléments utiles ; que n'étant tenues d'effectuer aucune diligence en vue faire avancer l'instance à compter de la saisine de la CNITAAT, les parties ne peuvent se voir opposer la péremption ; qu'en décidant le contraire, la CNITAAT a violé l'article 386 du code de procédure civile ;

2°/ que les articles R. 143-24 et suivants du code de la sécurité sociale confient la direction de la procédure à la juridiction, qui communique les éléments de la procédure aux parties, dirige l'instruction, procède à des investigations tant qu'elle ne s'estime pas suffisamment informée et ordonne la clôture lorsqu'elle a recueilli les éléments utiles ; que la circonstance que la CNITAAT indique avoir, au cas d'espèce, transmis à la CPAM les mémoires et les pièces de la société Al Babtain le 9 décembre 2016 et l'avoir invité à faire part de ses observations en réponse ne saurait conférer aux parties une maîtrise de la procédure ; qu'en se fondant sur une circonstance impropre à justifier que la péremption leur soit opposable, la CNITAAT a violé l'article 386 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, selon l'article R. 143-20-1 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur, la procédure devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail est régie par les dispositions du livre Ier du code de procédure civile, sous réserve des dispositions de la section 3 du chapitre 3 du titre 4 du livre I du code de la sécurité sociale.

Selon les articles R. 143-27 et R. 143-28 de ce dernier code, alors en vigueur, le président de section à laquelle l'affaire est confiée peut ordonner toute mesure d'instruction, et notamment désigner, à titre de consultation un ou plusieurs médecins experts chargés d'examiner le dossier médical soumis à la Cour.

7. Il ne résulte d'aucun de ces textes que la péremption d'instance devant la Cour nationale soit soumise à un régime spécial en vertu duquel elle ne s'appliquerait qu'à la condition que les parties se soient abstenues d'accomplir les diligences mises à leur charge par la juridiction. Ainsi, à défaut d'un texte spécial subordonnant l'application de l'article 386 du code de procédure civile à une injonction particulière du juge, la péremption est constatée lorsque les parties n'ont accompli aucune diligence dans un délai de deux ans, quand bien même le juge n'en aurait pas mis à leur charge.

8. En second lieu, les pouvoirs du président de la section, prévus à l'article R. 143-27 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur, de mettre en état l'affaire et le rôle du secrétaire général de la Cour nationale, prévu à l'article R. 143-25 du même code, alors en vigueur, qui assure la communication des mémoires et des pièces entre les parties, ne privent pas ces dernières de la faculté d'effectuer des diligences pour accélérer le cours de l'instance, et notamment de demander la fixation de l'affaire à une audience.

9. Le moyen, qui procède du postulat erroné que la direction de la procédure devant la Cour nationale échappe aux parties, n'est, dès lors, pas fondé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. La caisse fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que lorsqu'un appel est formé devant la CNITAAT, en application des articles R. 143-27 et R. 143-28 du code de la sécurité sociale, le président de la section en charge de l'affaire peut désigner, à titre de consultation, un médecin expert chargé d'examiner le dossier médical soumis à la CNITAAT ; que les parties n'ont aucune maîtrise de la procédure qui se déroule devant le médecin consultant, sachant qu'elles ne l'ont pas initiée, qu'elles n'y sont pas présentes, que l'expert se prononce exclusivement au vu du dossier constitué par la juridiction et que les parties ne sont pas directement destinataires de l'avis du médecin consultant ; que n'étant tenues d'effectuer aucune diligence en vue faire avancer l'instance à compter de la saisine du médecin consultant et jusqu'à la communication de son avis, les parties ne peuvent se voir opposer la péremption à raison de l'absence de telles diligences ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, quand elle constatait avoir commis un médecin consultant dont elle a examiné le rapport, la CNITAAT a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en s'abstenant de rechercher si, dès lors qu'en application des articles R. 143-27 et R. 143-28 du code de la sécurité sociale, les parties n'ont aucune maîtrise de la procédure qui se déroule devant le médecin consultant, sachant qu'elles ne l'ont pas initiée, qu'elles n'y sont pas présentes, que l'expert se prononce exclusivement au vu du dossier constitué par la juridiction et que les parties ne sont pas directement destinataires de l'avis du médecin consultant, la saisine du médecin expert ne suspendait pas le délai de péremption, ce dernier recommençant à courir à compter de la communication de son avis, la CNITAAT a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. les mesures d'instruction ordonnées en application de l'article R. 143-27 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur, ne privent pas les parties de la direction de la procédure, et de la faculté d'accomplir des diligences de nature à faire progresser l'instance, notamment de demander la fixation de l'audience, et n'ont pas pour effet de suspendre le délai de péremption.

12. Ayant constaté que la caisse n'avait pas effectué de diligences entre le 9 décembre 2016 et le 9 décembre 2018, date de ses conclusions et de sa demande de fixation à l'audience, la Cour nationale, qui n'était pas tenue de procéder aux recherches inopérantes invoquées par la seconde branche, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision de déclarer l'instance périmée.

13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article R. 143-27 du code de la sécurité sociale ; article 386 du code de procédure civile.

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